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Libye: «les soupçons de contrebande de pétrole libyen vers l’étranger ne sont un secret pour personne»

Feb 08, 20254 minTranscript available on Metacast
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Rétabli dans ses fonctions en mai 2024 après avoir été suspendu durant deux mois, le ministre libyen du Pétrole et du Gaz, Mohamed Aoun, peine toujours à imposer sa légitimité. Son sous-secrétaire, Khalifa Abdel-Sadek, avait été immédiatement nommé à sa place en mars 2024 par le Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah « pour gérer les affaires courantes » du ministère. Cela fait à présent près de neuf mois que des décisions judiciaires en sa faveur n’ont pas été mises en œuvre, affirme Mohamed Aoun, qui exige du chef du gouvernement qu’il réaffirme son autorité ou qu’il le limoge.

RFI : Quelle est votre situation actuelle ? Le Premier ministre libyen, Abdul Hamid Dbaibah, refuse-t-il toujours de vous réintégrer à votre poste après la décision de la Cour suprême en votre faveur ?

Mohamed Aoun : Malheureusement, son excellence le Premier ministre n'a pas appliqué trois décisions judiciaires, en plus de la décision du président de l'Autorité de contrôle administratif, rendue en mai 2024. Ces décisions n’ont pas été mises en œuvre depuis environ neuf mois. C’est un précédent qui ne s'est jamais produit dans l'État libyen. Jamais les lois et la législation n’ont été violées, et bafouées. Jamais les décisions judiciaires n’ont été méprisées à ce point. 

Allez-vous à nouveau recourir à la justice pour vous rétablir dans votre poste ?

Oui, je suivrai toutes les procédures légales garanties par la loi libyenne, et j'en avertis le ministre actuellement en charge de mon poste de ministre du Pétrole et du Gaz, ainsi que le Premier ministre. Tôt ou tard, les répercussions de ces violations des lois, seront désastreuses pour eux.

Je voudrais, à cette occasion, alerter les responsables des institutions étrangères partenaires de la National Oil Corporation (NOC) - Compagnie National du pétrole, qu'ils doivent prêter attention aux décisions judiciaires. Traiter actuellement avec le ministre désigné est illégal. Ces sociétés étrangères subiront les conséquences de leurs relations avec un ministre du pétrole illégitime.

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Après avoir été acquitté par la justice et par l'Autorité de contrôle administratif suite aux accusations de corruption, il est apparu clairement que votre exclusion du gouvernement de Tripoli était due à des désaccords entre vous et le Premier ministre Abdul Hamid Dbeibah concernant des contrats d’exploration de pétrole notamment à Ghadamès ? C’est-ce qui s'est réellement passé ?

La question est très claire. L'investissement dans le secteur pétrolier et gazier nécessite l'autorisation du ministère du Pétrole et du Gaz. 

La loi pétrolière n°25 de l'année 1955 a donné des pouvoirs très étendus au ministre du Pétrole et du Gaz. La loi n° 24 de 1970 portant à la création de la NOC déterminait également les pouvoirs du ministre du Pétrole et du Gaz.

L'article 17 de la loi pétrolière stipule que le ministère du Pétrole est celui qui impose ses conditions lors de la concession et de l'attribution des contrats afin de préserver l'intérêt public de l'État libyen. Ce texte est en vigueur depuis 1955. Cela fait maintenant plus de soixante-dix ans. 

C'est là le fondement du litige. Ces contrats devraient être discutés avec le ministre... L'article deux de la loi pétrolière dit que le ministre du Pétrole présente tout amendement et toute modification des contrats au gouvernement pour approbation, et cela n’a pas été fait dans les règles.

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Pourquoi vous êtes-vous personnellement opposé à l’attribution de l’exploration de l’un des plus grands champs pétroliers de Ghadamès à une société émiratie ? Est-ce en raison d’une violation des conditions ?

Nous ne sommes pas contre les entreprises étrangères ou contre les investissements étrangers. Nous ne sommes contre aucune entreprise étrangère à condition qu’elle soit juste, avec des procédures justes qui ne violent pas les lois et la législation en vigueur dans l’état Libyen.

Qui serait derrière le trafic illégitime du pétrole libyen ? On accuse de hauts responsables de l'Est et de l'Ouest d'être impliqués dans les opérations de contrebande ?

Personnellement, je ne peux accuser personne tant qu’il n’y a pas de preuves concluantes. Mais les soupçons de contrebande de pétrole et de carburant libyens vers l’étranger ne sont un secret pour personne. La question a été abordée dans de nombreux rapports, que ce soit par le Comité technique des sanctions des Nations unies ou par certains pays. Elle a même été abordée à la Chambre des communes britanniques et a été couverte par des journaux internationaux. Je ne pense pas qu’ils auraient traité le sujet s’ils n’avaient pas eu de preuves. 

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La NOC fait actuellement l’objet d’une série d’audits sur les dépenses des deux dernières années. Pourquoi est-il difficile d’assurer la transparence dans le travail de celle-ci et dans les dépenses des revenus pétroliers ?

Depuis que nous avons occupé le ministère du Pétrole et du Gaz en 2021, ce ministère a été empêché de remplir son rôle. Qu’il s’agisse de l'ancien président illégitime de la NOC, Mustapha Sonaallah ou de celui qui lui a succédé, Farhat Bengdara, je le dis en toute franchise : cela s’est fait, malheureusement, avec le soutien du Premier ministre à Tripoli.

Par conséquent, lorsque nous leur demandons des rapports et des informations, ils ne les fournissent pas au ministère. Ils sont réticents et s’obstinent à retenir les informations demandées par notre ministère. Si la gérance avait été laissée au ministère du Pétrole et du Gaz pour qu’elle joue pleinement son rôle, cette inconséquence et cette corruption n’auraient pas pu avoir lieu.

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La Libye parviendra-t-elle à atteindre les deux millions de barils par jour d'ici à 2027 comme on l’annonce ? 

Si l'État ne prend pas en compte les décisions et la législation en vigueur et ne désigne pas ceux qui ont l'expertise, l'expérience, la compétence, le mérite et la capacité de gérer la NOC et les autres compagnies pétrolières, personnellement, avec cette mentalité, je ne crois pas qu’ils atteindront les chiffres qu'ils font circuler.

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