Présidentielle au Ghana: «L'avantage pourrait aller à l'ancien président Mahama» - podcast episode cover

Présidentielle au Ghana: «L'avantage pourrait aller à l'ancien président Mahama»

Nov 27, 20248 minTranscript available on Metacast
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Mahamudu Bawumia contre John Dramani Mahama, c'est le duel qui se profile pour la présidentielle du 7 décembre prochain au Ghana. Après deux mandats à la tête du pays, Nana Akufo-Addo se retire conformément à la Constitution. Et la bataille s'annonce serrée entre son dauphin et son prédécesseur. Qui va gagner ? Francis Kpatindé a été haut fonctionnaire de l'ONU au Ghana pendant quatre ans. Aujourd'hui, il enseigne à Sciences Po Paris et répond aux questions de RFI. 

RFI : D'un côté, il y a le vice-président Mahamudu Bawumia pour le parti au pouvoir NPP (Nouveau parti patriotique) ; de l'autre, il y a l'ancien président John Dramani Mahama pour le parti d'opposition NDC (Congrès démocratique national). Est-ce que le duel s'annonce serré ? 

Francis Kpatindé : Je pense que oui. Il y a donc Mahamudu Bawumia, l'actuel vice-président de la République du Ghana, et John Dramani Mahama, qui a été président de 2012 à 2017. Les deux hommes ont plusieurs points en commun. Ils sont tous les deux sexagénaires, tous les deux originaires du nord du Ghana et ils sont expérimentés. Mahamudu Bawumia et John Dramani Mahama sont connus pour leur pondération. Ce sont des gens qui ont la tête sur les épaules. L'avantage pourrait cependant aller à l'ancien président Mahama, notamment à cause de la gravité de la crise économique et de l'inflation qui est imputée à l'équipe sortante. 

Depuis l'an dernier, le Ghana est passé derrière la Côte d'Ivoire en termes de PIB et de performance économique. Est-ce que ce bilan en demi-teinte risque de coûter des voix au candidat du parti au pouvoir, NPP ? 

À l'évidence, oui, parce que, depuis 2022, la situation économique au Ghana est grave. Aujourd'hui, l'inflation est très, très grave, même si elle a baissé ces dernières années. Parce qu'en 2022, je vous fais remarquer, l’inflation était de 54%, ce qui est considérable. Sans compter le chômage... Donc, la situation économique est très, très morose au Ghana. 

Depuis l'an 2000, le Ghana a connu trois alternances pacifiques. Dans ce pays, il n'y a plus de coup d'État alors qu’il y en a toujours au Burkina Faso, il n'y a pas de troisième mandat comme en Côte d'Ivoire, il n'y a pas de cinquième mandat comme au Togo. Comment expliquez-vous cette différence entre le Ghana et ses trois voisins immédiats ? 

Alors, première chose, c'est l'action réformatrice et vigoureuse — pour ne pas dire brutale — du capitaine Jerry Rawlings à la tête de l'État. Surtout entre 1981 et 2001. Il a été l’homme et l’initiateur du renouveau ghanéen. Le second argument, c'est le caractère remarquable de l'alternance en 2001 qui a permis au libéral John Kufuor de prendre en douceur le relais du socialiste Rawlings. Par ailleurs, les Ghanéens — qui sont passés par une multitude de coups d'État et de crises économiques et financières depuis leur indépendance en 1957 - semblent aujourd'hui beaucoup plus mesurés, plus civiques, que beaucoup de leurs voisins ouest-africains. Comme j'ai pu moi-même le constater au cours des années passées sur place pour le compte des Nations unies. Par ailleurs, si la question ethnique peut se poser lors des élections locales, elle est généralement absente de la campagne présidentielle. Les candidats se livrent certes à des empoignades, ils s'étripent, mais évitent soigneusement de glisser sur le terrain miné de l'ethnicisme. Il existe par ailleurs au Ghaa quelque chose d'inédit, c'est une structure informelle où le président en exercice et ses prédécesseurs se retrouvent pour échanger sur les questions d'intérêt national. Donc, vous voyez, tous ces éléments concourent à conforter la démocratie ghanéenne et à en faire une exception. 

Comment expliquez-vous qu'il n'y ait pas, dans l'histoire récente du Ghana, un phénomène d'exclusion ethnique comme on l'a vu dans les deux pays voisins que sont la Côte d'Ivoire et le Togo ? 

J’ai travaillé quatre ans au Ghana et je n'ai pratiquement jamais entendu parler d'ethnie, c'est-à-dire que les différences ne se font pas à ce niveau. Elles se font à un autre niveau, qui est politique, idéologique, qui est lié aussi au système de royauté... Mais pas vraiment en termes d'ethnies. Ce n'est pas un critère de sélection. La sélection se passe au niveau politique. La preuve en est que nous avons deux candidats aujourd'hui qui ne proviennent pas du vivier naturel des anciens présidents de la République. Ils ne sont pas Ashantis, ils ne sont pas de la Volta Region, ils ne sont pas Ewe, par exemple. Et pourtant, il y a des chances que l'un d'entre eux devienne le prochain président du Ghana. 

En juillet 2009, Barack Obama est venu faire un discours au Ghana pour inviter ses hôtes à suivre l'exemple de la démocratie américaine, mais est-ce que la démocratie ghanéenne n'est pas en meilleure santé aujourd'hui ? 

Il n'y a pas de doute sur ce point. Vous savez, depuis l'assaut du Capitole, avec les élections qui sont contestées ou encore la presse qui est quasiment méprisée, nous devons maintenant réviser nos classiques, parce qu’on nous avait présenté les États-Unis comme la plus grande puissance démocratique au monde, mais aujourd'hui, ce pays a foulé du pied — en tout cas au moins l’un des candidats — les principes mêmes de base de la démocratie américaine.