Les acteurs du développement sont sous le choc, après la décision de Donald Trump de supprimer l'agence états-unienne USAID. Ce mercredi, les 529 banques publiques de développement que l'on compte dans le monde se retrouvent au Cap, en Afrique du Sud, à l'occasion du sommet « Finance en commun », que préside le Français Rémy Rioux, directeur général de l'AFD, l'Agence française de développement. « Oui, la décision américaine est un choc, mais c'est aussi le signe qu'il faut changer de politique », affirme Rémy Rioux. En ligne du Cap, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : ce mercredi, vous présidez au Cap, en Afrique du Sud, le sommet annuel de « Finances en commun » qui réunit les 529 banques publiques de développement du monde entier. Mais vous savez que l'aide au développement n'a pas toujours bonne presse. Comment rapprocher vos banques de développement des citoyens ?
Rémi Rioux : Alors oui, je suis très honoré qu'on réunisse 2500 personnes aujourd'hui au Cap pendant trois jours. 350 invités de haut rang qui viennent intervenir et parler effectivement de la transformation en cours du monde du financement du développement. On a lancé cette initiative au cœur du COVID en 2020 et ça marche très très bien. L'idée est très simple en fait, c'est rassembler toutes les banques publiques de développement du monde. Effectivement, vous avez raison, il y en a plus de 500, ce n'est pas seulement l'AFD ou la Banque Mondiale, les banques internationales, c'est surtout aller chercher les banques nationales, celles qui font la transformation de leur propre pays. On est tous là parce que, oui, la France a une belle grande ambition internationale de coopération pour le climat, pour l'égalité entre les femmes et les hommes, pour la croissance verte. Et ça produit beaucoup de résultats. Ce sont des centaines et des centaines d'institutions financières qui font des prêts, des investissements, voilà tous ceux qui ne veulent pas laisser tomber la coopération internationale dans ce monde dangereux où nous sommes.
Alors comme vous le dites, les temps sont durs, la suppression de l'USAID par Donald Trump, la nette diminution de l'aide publique de la France par François Bayrou est ce que c'est le signe que la solidarité internationale est en crise.
Alors, je crois que tout le discours de l'aide, en fait, est maintenant en train de s'effacer. Je crois et c'est très précisément ce que nous faisons ici à FiCS, à « Finances en commun » que nous sommes en train de passer dans un discours d'investissement, d'investissement solidaire et durable. C'est le mot même du président de la République Emmanuel Macron depuis des années. Et ça veut dire quelque chose, évidemment, un investissement, ça veut dire qu'on croît dans les pays dans lesquels on intervient au point d'y investir. Et puis, investissement, ça veut dire qu'on en attend bien sûr un retour. Donc oui, vous avez raison. Je crois que ce qui se passe aux États-Unis d'Amérique, c'est un choc, évidemment, et c'est aussi un signe que tout ce monde du financement du développement est en train de se transformer, avec le changement du monde et les attentes de nos populations. Je crois que nous l'avons capté. Nous l'avons depuis cinq ans même, mis en forme, nous l’organisons avec ce sommet ici au Cap.
Du côté des États-Unis, l'USAID représentait quelque 40% de l'aide au développement mondial. Alors du coup, est-ce que l'aide mondiale va diminuer de 40% ou est-ce que le vide va être comblé par notamment l'Union européenne et la Chine ?
Non, je me permets de vous corriger, Christophe Boisbouvier, l'aide américaine, c'est 60 milliards. L'aide publique au développement total telle que déclarée à l'OCDE, c'était 225 milliards l'année dernière. Donc, voyez, on n'est pas du tout sur 40%, et il y avait en vérité entre les États-Unis et l'Europe une sorte de deal, c'est-à-dire les États-Unis faisaient 40%, mais des dépenses de défense et des dépenses humanitaires qui ne sont qu'une fraction de ce qu'on appelle l'aide au développement.
Et les 40% que les Américains apportaient dans l'aide humanitaire mondiale, comment ce vide va-t-il être comblé alors ?
Alors ça, c'est une question qu'il faut poser bien sûr aux gouvernements d'abord de tous les pays du monde. Donc, c'est d'ailleurs pour cela que nous sommes ici avec le G 20. Il est un petit peu tôt pour répondre, mais je tiens à dire quand même que la place de l'Europe, dans ce monde du financement du développement, c'est quelque chose dont nous devons être fiers.
Du côté de la France, l'APD, l'aide publique au développement va baisser cette année de 15% à l'heure où les pays européens doivent doubler leur budget militaire, hein, pour faire face à la nouvelle alliance Trump-Poutine, est-ce que l'aide publique au développement ne risque pas de disparaître tout simplement d'ici à 2030 ?
Il faut plus de moyens pour l'action internationale. Vous avez raison, c'est vrai, dans le domaine de la défense, la guerre est en Ukraine évidemment, mais il faut marcher sur ses deux jambes. Et je crois qu'il faut aussi garder une capacité significative pour se lier positivement avec nos partenaires, ceux qui veulent coopérer avec la France. Et les deux sont d'ailleurs liés puisque vous savez, l'AFD, par exemple, a un mandat en Ukraine pour appuyer les municipalités ukrainiennes pour faire face aux disruptions qu’entraîne la guerre sur leurs territoires. Donc il ne faut pas opposer les 2. Puis sur les financements de la France, je vous renvoie simplement aux propos du Premier ministre François Bayrou qui, dans son discours de politique générale, a indiqué bien sûr que toutes les politiques publiques devraient contribuer au rétablissement des comptes publics, mais qu'il examinerait à partir de 2025, comment reprendre une trajectoire positive pour le financement du développement.
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