Des pays comme le Maroc, le Kenya ou le Sénégal avancent à grandes enjambées sur la structuration des écosystèmes d'intelligence artificielle (IA) en misant sur les talents locaux. Les principaux défis du continent restent les financements d'infrastructures et de moyens pour collecter les données qui feront l'IA africaine.
Pour faire de l'intelligence artificielle, il faut des data centers (centres de données) qui permettent de stocker d'immenses masses d'informations. Il faut des supercalculateurs, sorte d'ordinateurs à très haute performance. Ce sont des infrastructures qui nécessitent des investissements lourds. Il faut également collecter de la donnée africaine, explique Paulin Melatagia, enseignant et chercheur en informatique à l'université de Yaoundé I :
« L'IA est bâtie sur la donnée. Si on a une donnée qui représente une certaine réalité, l'IA rendra compte de cette réalité-là. Il faut donc, pour rendre compte de la réalité africaine, disposer de données africaines. La collecte de données demande énormément de moyens. Il faut déjà des experts, il faut des ressources matérielles, il faut des financements pour aller sur le terrain, pour déployer les outils qui vont permettre cette collecte-là. »
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L'Afrique, pourvoyeuse de talentsPour le chercheur, les ingénieurs africains doivent être des concepteurs capables de proposer de nouveaux algorithmes, et non plus seulement des consommateurs d'interfaces créées par les grands groupes comme OpenAI. « On a une jeunesse dynamique qui apprend très vite l'intelligence artificielle. Et à travers le monde, il y a une tension énorme sur les talents de l'IA. Donc, l'Afrique peut jouer un rôle de pool de talents de l'IA pour le monde entier », s'enthousiasme Ghita Mezzour, l'ancienne ministre de la Transformation numérique du Maroc aujourd'hui consultante en intelligence artificielle.
Le Maroc compte notamment sur sa prestigieuse université Mohammed-VI-Polytechnique pour attirer de nombreux talents africains. La difficulté, pour ces ingénieurs et entrepreneurs, reste de trouver des financements pour tenir le rythme de la course effrénée à l'IA.
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Éthique et protection des données« Les jeunes sont là, les idées sont là, les technologies sont là, poursuit Ghita Mezzour. Maintenant, c'est vrai que les start-up africaines ont besoin de plus d'accompagnement, de plus de visibilité, de plus de financement pour arriver au monde entier à l'échelle globale. »
Pour encadrer cette révolution de l'IA, faut-il un cadre réglementaire strict édicté pays par pays ? « Pas nécessairement », assure Sonia Cissé, avocate spécialisée en protection des données. « La gouvernance de l'intelligence artificielle, c'est plutôt, encore une fois, un cadre éthique. Une volonté de protéger les données, une volonté de mettre en place les mesures de sécurité nécessaires, sans nécessairement que ce soit gravé dans un marbre réglementaire ou législatif », poursuit-elle. Le Nigeria a récemment franchi une étape importante en adoptant un cadre national. Des pays comme le Ghana, le Cameroun et la Côte d'Ivoire avancent aussi rapidement sur ces questions de gouvernance de l'IA.
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