À Rome, en parallèle du rendez-vous annuel du Fonds international de développement agricole (Fida), s’est tenu la semaine dernière le Forum des peuples autochtones. Si les deux évènements s’inscrivent ensemble, c’est que le Fida est persuadé du rôle à jouer de ces populations dans la lutte contre la malnutrition. Cependant, leurs connaissances et pratiques sont mises en péril. Pour les aider, l’accès à la finance internationale et notamment à la finance climatique devrait être un levier important.
Les peuples autochtones évaluent que 1 % seulement de la finance climatique leur revient directement. « Souvent, les structures multilatérales et bilatérales ne sont pas suffisamment flexibles pour donner un accès direct aux organisations des peuples autochtones », souligne Ilaria Firmian, analyste senior sur ces questions au sein du Fida. Elles préfèrent donner aux « grandes ONG internationales » sans doute, entre autres, par « manque de confiance envers les organisations des peuples autochtones ».
Un diagnostic partagé par le Congolais Albert Barume, rapporteur spécial des Nations unies sur les peuples autochtones. « Il y a toute cette discussion de financer les organisations autochtones, par intermédiaire, de penser qu’ils ne sont pas capables de gérer, de tenir des comptabilités », rappelle-t-il. « Il y a toutes ces perceptions qui font préjudices et qui sont stockées dans nos subconscients, analyse cet expert. Tous ces outils que l’on met en place finissent par discriminer certaines personnes. »
Pour lui, pas de secret, il faut permettre un accès plus direct aux financements à ces populations. « S’il n’y a pas diminution, allégement ou simplification de ces procédures, je ne pense pas que ces mécanismes de financement seront justes », estime le rapporteur spécial. Un défi qui reste quasi entièrement à relever selon lui : « On est dans ce paradigme de penser que pour accéder à un financement, il faut être en mesure de remplir tel formulaire, de tenir une certaine sorte de comptabilité, de suivre certaines règles, d’avoir un minimum de connaissances. Donc, on continue à nourrir les mêmes cibles et on ignore une grande masse qui n’a pas ces capacités. »
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L'Ipaf, un mécanisme pour financer des projets des peuples autochtones aux moyens insuffisantsPour lutter contre ce phénomène, le Fida a mis en place, il y a quelques années, le mécanisme d’assistance pour les peuples autochtones (Ipaf). C’est « un mécanisme dans lequel on donne des petits dons directement à des projets qui sont formulés et mis en œuvre par des communautés autochtones elles-mêmes, détaille Ilaria Firmian. Et on reçoit un nombre incroyable de demandes ! »
Cependant, difficile de trouver les financements qui permettent de combler les besoins. « C’est un mécanisme qui est reconnu pour bien fonctionner. Mais, par exemple, pour le dernier cycle, nous avons reçu quelque chose comme 650 propositions et on a été en mesure d’en financer 53 », regrette-t-elle. Le Fida finance, par exemple, en Éthiopie, un projet axé sur la préservation de l’Ensete, une sorte de banane locale dont les racines sont consommées, très résistante, mais menacée notamment par les nouveaux types d’agriculture.
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