Le « Mining Indaba », l’incontournable rendez-vous des acteurs miniers, vient de se tenir au Cap, en Afrique du Sud. Sujet de taille cette année : la nouvelle donne dans les pays de l’AES. Les États de l’Alliance du Sahel se sont lancés dans un bras de fer, parfois brutal, avec les compagnies minières, afin de tirer davantage de revenus de l’exploitation des ressources du pays. Une situation qui questionne la continuité des activités en cours, et l’avenir des investissements.
De notre envoyée spéciale au Cap,
Au Mali, après la révision du Code minier, en 2023, Assimi Goïta entend « faire briller l’or », selon son expression, en employant la méthode forte. Trois cadres de la société australienne Resolute Mining, dont le PDG, ont été détenus puis relâchés, en novembre, sur fond de désaccord fiscal. Quatre employés du groupe canadien Barrick Gold sont, eux, toujours incarcérés, et l’entreprise a suspendu ses activités au niveau de sa très grande mine de Loulo Gounkoto, après la saisie de trois tonnes d’or.
Le canadien s’est lancé dans une procédure d’arbitrage suite à l’échec de négociations. Pour son PDG, lui aussi sous le coup d’un mandat d’arrêt, Bamako prend le risque de faire fuir les investisseurs miniers. « Aucun des pays très bien dotés en minerais n’a reçu de gros investissements dans son économie sur les dix dernières années. Et pourtant ils continuent de vouloir augmenter les redevances », souligne Mark Bristow.
Agenda nationaliste et prix de l'or au plus hautLe Mali n’est pas le seul à mener ce combat : le Burkina Faso menace de retirer aux multinationales leurs permis, une étape déjà franchie par le Niger qui a privé, l’année dernière, le groupe français Orano de son autorisation pour exploiter le site d’Imouraren. « On peut observer beaucoup de similarités entre le Mali, le Burkina et le Niger, et la tendance va au-delà du simple rééquilibrage des relations commerciales entre un État et des entreprises, décrypte Mamadou Coulibaly, du cabinet Satis Partners sur la scène du Mining Indaba. Dans ces trois pays, on a de gros défis sécuritaires, ce qui demande beaucoup de fonds pour y répondre, dans un contexte où l’aide de donneurs occidentaux s’est tarie. Et au-delà de tout cela, il y a la place que prend l’idéologie et les ambitions nationalistes que l’on peut observer chez ces dirigeants de transition. »
D’autres sociétés parviennent, elles, à trouver un terrain d’entente avec ces régimes, à l’image de B2Gold. Grâce à un accord avec la junte malienne et un paiement de 30 millions de dollars, la compagnie canadienne continue à développer son site de Fekola, qui répond aux règles de l’ancien code minier. « Tout le monde fait face à des situations différentes, avec des projets aux passés divers, qui correspondent à différents codes miniers. Pour notre part, nous avons pu conclure cet accord très important avec le gouvernement en septembre. Donc, je dirais que les relations sont très bonnes. Le gouvernement veut la même chose que nous : soutenir une production réussie à Fekola, et permettre l’expansion de la mine », explique le PDG de B2Gold, Clive Johnson.
Il faut dire que le prix de l’or est actuellement au plus haut, ce qui encourage les entreprises minières à continuer leur exploitation. Mais face à ces nouvelles contraintes, se pose la question de l’appétit pour des projets futurs et des dépenses d’exploration.