"Dans leur lit"
Vous �coutez D�ferlante,
podcast provocateur... de plaisir.
***
Pendant les vacances de Toussaint,
elle avait rendu visite � sa m�re.
Quelque jours seulement.
Mais depuis son retour, quelque chose �tait diff�rent.
D�j�, en ouvrant la porte d'entr�e,
la clef s'�tait coinc�e dans la serrure.
Une fois � l'int�rieur de la maison, elle avait eu ce sentiment �trange
qu'elle s'�tait tromp�e d'endroit,
qu'elle n'�tait pas vraiment chez elle.
Une fois � la cuisine,
son coeur fut travers� par une sorte de couteau,
tellement vite et tellement fort
qu'elle crut b�tement � une insuffisance cardiaque.
Mais tout s'�tait pass� si vite,
un �clair � peine, qu'� la fin...
elle s'�tait m�me demand�e
si elle ne l'avait pas r�v�,
ce couteau transper�ant.
Elle d�cida de se faire un th�,
mais bizarrement, la bo�te � th�
n'�tait plus � sa place.
Elle avait d� la chercher, avant de la retrouver,
rang�e dans une autre armoire.
Tiens, �tait-ce sa place habituelle
ou l'avait-elle r�v�e aussi?
Pour finir, elle se laissa tomber dans le canap� au salon.
Elle ferma les yeux un moment,
en se disant... "je suis fatigu�e, moi".
Apr�s un soupir, elle se vit dans le reflet de la tv.
On aurait dit le n�gatif d'une pellicule argentique.
Elle se reconnaissait, �videmment.
Mais c'�tait l'ombre d'elle-m�me,
une silhouette en noir et blanc,
sans relief, sans couleurs, sans vie... presque.
Depuis que les enfants avaient quitt� la maison,
pour vivre leur vie d'adulte,
tout �tait cosy, bien rang�, bien � sa place.
Son mari avait enfin compris le principe du bac � linge.
Plus rien ne trainait par terre,
ni dans la chambre � coucher,
ni dans la salle de bain.
Elle avait m�me plaisant�:
"- Tu vois que les miracles arrivent"?
Alors, il avait �clat� de rire et ce soir-l�,
il l'avait invit�e au restaurant,
pour f�ter leur 2e jeunesse, comme il avait dit.
- "Nous revoil� enfin seuls, ma belle, dans cette grande maison,
et l�! on va pouvoir faire des folies".
Elle avait ador� l'id�e.
Le lendemain matin, elle s'en alla acheter des trucs � froufrous,
et des bas noirs � dentelle,
et un rouge � l�vres tr�s rouge.
C'�tait bien, c'�tait joyeux, c'�tait l�ger.
Ils avaient eu de fous-rires, parce que... bon, � 50 ans et des poussi�res,
on n'a plus la mobilit�, ni la r�sistance de la 1re jeunesse.
Mais... on a la sagesse!
Et ce nouvel �lan leur faisait du bien, tout de m�me.
C'�tait un petit coup de fouet, romantique et lubrique.
Ils avaient repris pas mal d'activit�s ensemble.
Par exemple, les grasses matin�es du samedi matin...
Ahh, il apportait le petit-d�jeuner au lit,
et elle... elle faisait semblant d'�tre surprise � chaque fois.
Malgr� la routine, elle aimait bien cette petite attention.
Mieux encore, tr�s souvent le petit-d�jeuner se terminait
par une partie de jambes en l'air.
Oh, rien d'exceptionnel, vous savez, mais assez renversant
pour un vieux couple, qui partage le m�me lit depuis 30 ans.
Le samedi apr�s-midi, ils faisaient leur vie s�par�ment,
elle voyait les copines en ville,
et lui, il partait � v�lo avec les copains.
Avant de se retrouver le soir, pour diner ensemble,
soit en ville, soit chez des amis.
Ses copines lui trouvaient une mine splendide, rajeunie.
On l'avait taquin�e sur la chirurgie esth�tique.
Elle avait r�pondu, taquine: "je suis aim�e, voil� le secret!"
C'est vrai, elle se sentait chanceuse.
Et aussi fi�re de ce qu'ils avaient pu construire ensemble.
Alors, le dimanche matin t�t, ils allaient le long du canal.
Voir la brocante. Fl�ner, main dans la main.
Nombre de jolies choses qu'ils avaient d�nich�es l�-bas.
Par exemple, une longue vue en �b�ne, avec des anneaux dor�s,
un tr�s bel objet, devenu le pr�texte d'une soir�e
o� lui, il �tait Pirate et elle... elle �tait la Princesse
qui devait �tre sauv�e.
Ils avaient ri comme des gamins,
et franchement, oui! il �tait un peu ridicule
debout sur le lit, en �quilibre, � poil, queue dress�e
juste v�tu d'un cache-oeil de Pirate,
en train de la chercher amoureusement
au bout de sa longue... vue.
Une autre fois, ils avaient trouv�
une toile encadr�e, toute petite et simple:
juste un bouquet de tulipes rouge fonc�,
pos� sur un coin de table.
On ne pouvait pas savoir depuis combien de temps,
mais certaines p�tales �taient fan�es.
Alors, quelque jours plus tard, en descendant � la cuisine,
elle avait eu le plaisir de trouver un bouquet de tulipes rouge fonc�,
pos�es sur le coin de la table.
C'�tait beau, simple, vrai.
Elle l'avait embrass� de tout coeur
et ce baiser-l�, avait eu le go�t
de leur premier baiser, 30 ans auparavant.
Elle �tait heureuse, euh, oui.
Le reflet de l'�cran tv �tait immobile.
Elle finit par se dire:
"tiens! ce serait con que je meure trop vite".
Elle nota dans un coin de son esprit:
"prendre rdv avec le cardiologue".
Elle but enfin son th� ti�de et pensa:
"la vie est fragile, tout de m�me".
Puis, doucement... tout rentra dans l'ordre.
Ils �taient contents de se retrouver le soir,
de cuisiner et manger ensemble, de parler de tout et de rien,
se regarder dans les yeux, se d�sirer,
se blottir l'un l'autre dans les bras
et regarder un vieux film en noir et blanc avec Sophia Loren.
Quelque jours plus tard,
elle d�cida de changer les draps.
Mais l�, pench�e sur le lit,
le coup de couteau revint dans son coeur.
Tout aussi fort et rapide, comme un �clair.
Coinc� entre les deux matelas,
il y avait quelque chose: un truc satin� rose.
Du bout des doigts, elle tira dessus.
3 ficelles et un triangle de tissu...
insuffisant, pour appeler cela une culotte.
D'un rose Barbie vomitif,
typique des trentenaires � seins fermes,
qui n'ont pas encore allait�.
Catatonique, elle observait seulement
les r�actions dans son corps
et les pens�es dans sa t�te.
Elle savait d�j� que l'autre �tait vulgaire.
bruyante, en spectacle permanent
pour amuser la galerie.
Une sorte de grenouille � grande bouche,
juste parfaite pour avaler des bites.
Et soudain, l'envie de vomir!
Son mari avait amen� cette pute dans leur lit!
L� o� ils avaient con�u leurs enfants.
L� o� elle avait perdu les eaux,
avant de partir dare-dare � la maternit�.
L� o� les enfants, petits, d�barquaient � l'aube
avec leurs doudous et leurs t�tines.
L� o� il avait �t� convalescent apr�s son op�ration,
et elle avait tellement pris soin de lui.
L� o� ils avaient chuchot� ensemble sur l'oreiller
leurs r�ves, leurs craintes, leurs sentiments.
L� o� ils s'�taient endormis
coll�s l'un � l'autre, apr�s avoir fait l'amour.
Dans ce m�me foutu lit
o� il avait �t� son foutu Pirate
� peine 10 jours auparavant.
Mais comment �tait-ce possible, bordel!?
Son cerveau ne comprenait pas.
Son coeur refusait de l'admettre.
Et pour finir, un haut-le-coeur eut raison du reste.
Sur ce m�me lit, elle finit par vomir ses tripes.
Litt�ralement.
En s'essuyant la bouche avec ce triangle rose-satin�,
elle se posa la question:
"mais quelle pute infinie peut accepter
de venir se faire baiser
dans le lit d'une autre femme?"
Une trentenaire idiote,
une pute � ficelles rose Barbie!
Quand elle eut expuls� toute son amertume,
et toute sa d�ception,
hmm... elle se sentit bizarrement l�g�re.
Etrangement sereine.
Sa d�cision �tait prise, naturellement.
La seule d�cision possible,
pour ne pas perdre la t�te.
Alors, comme pr�vu, elle finit par changer les draps.
Elle mit les draps souill�s � la poubelle.
Et ensuite, elle prit longuement une douche,
elle se fit belle, frous frous et bas � dentelle
sous une robe noire tr�s �l�gante.
Sans culotte.
Rouge � l�vres tr�s rouge.
Escarpins en velours noir, lis�r� dor�.
Manteau l�ger et carr� de soie,
joliment nou� autour du cou.
Et elle s'en alla, sans regrets.
Quand il rentra en d�but de soir�e,
dans la maison silencieuse et tr�s bien rang�e,
il trouva sur la table de la cuisine impeccablement propre,
une alliance en or, grav�e d'une date p�rim�e,
ainsi que 3 ficelles roses et un triangle satin�...
le tout pos� d�licatement sur un mot, �l�gamment manuscrit:
- Quand je reviendrai demain, tu seras parti.
Pour toujours."
Apr�s avoir lu ce petit mot,
chancelant, il eut besoin de s'asseoir.
Ses jambes �taient en coton.
Son coeur semblait transperc� par un couteau vif.
Tel un �clair... la douleur.
Il resta l�, assis... un long moment.
Le regard absent, la t�te vide.
Une heure plus tard,
au moment o� il allait enfin quitter la maison
il vit que la poubelle avait �t�
myst�rieusement plac�e
dans le vestibule, juste devant la porte d'entr�e.
m'enfin?
Dedans, il y avait des draps de lit,
roul�s en boule, avec une odeur de vomi.
Et dessus, �taient pos�es...
la petite toile � tulipes rouge fonc�
et la longue vue en �b�ne � anneaux dor�s.
Machinalement, il les emporta, sans r�fl�chir,
juste pour remplir ce vide, d�sormais bien trop grand.
Et comme il ne savait pas o� aller, une fois sur le trottoir...
il se dit que ce serait une bonne id�e, tiens!
d'aller rendre la jolie culotte rose � sa propri�taire.
***
Vous avez �cout� D�ferlante
le podcast du d�sir.
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