L’Afrique est-elle en train de se déchirer ?
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Cela fait maintenant plusieurs années que les géologues scrutent avec fascination un phénomène spectaculaire en Afrique de l’Est. On y observe en effet la lente ouverture du Rift est-africain, une immense fracture qui s’étire sur plus de 3000 kilomètres, du nord de l’Éthiopie jusqu’au sud du Malawi. À la surface, cela ressemble à une série de vallées, de failles, de volcans, de lacs allongés. Mais en réalité, ce que nous voyons n’est que la manifestation visible d’un gigantesque processus en profondeur.
Comment expliquer ce phénomène ? A cause de la remontée de roches brûlantes venues du manteau terrestre, à plusieurs centaines de kilomètres sous nos pieds. Ce que les géologues appellent un panache mantellique. Cette colonne de roche partiellement fondue, plus chaude et plus légère que son environnement, pousse vers la surface, fragilisant la croûte terrestre.
Grâce à l’imagerie sismique — une technique qui permet de "voir" l’intérieur de la Terre en analysant la propagation des ondes sismiques — les chercheurs ont mis en évidence cette anomalie thermique sous la région. Une étude parue en 2023 dans la revue Nature Geoscience a confirmé que le panache mantellique sous l’Afrique de l’Est était à l’origine de l’amincissement progressif de la croûte.
Conséquence directe : la croûte terrestre se fissure, s’étire. En Éthiopie, au niveau de l’Afar, des failles béantes de plusieurs mètres de large sont apparues en quelques jours, suite à des épisodes de volcanisme et de séismes. En 2005, une fracture de 8 mètres de large s’était ainsi ouverte en quelques heures près du volcan Dabbahu.
Mais ce processus est-il en train de casser le continent en deux ? À très long terme, oui. Le Rift est-africain est considéré comme une zone de rifting actif. Si le processus se poursuit pendant des millions d’années, il pourrait aboutir à la formation d’un nouvel océan. L’Afrique de l’Est se détacherait alors du reste du continent, comme cela s’est produit pour la mer Rouge.
Pour l’instant, nous en sommes aux premiers stades de cette rupture tectonique. Le taux d’ouverture du Rift est de l’ordre de quelques millimètres par an. C’est lent à l’échelle humaine, mais rapide à l’échelle géologique.
Ce phénomène nous rappelle que les continents sont loin d’être immobiles. Sous nos pieds, la Terre est en perpétuel mouvement, poussée par des forces colossales que nous commençons à peine à comprendre. L’Afrique de l’Est, quant à elle, nous offre un laboratoire naturel exceptionnel pour observer ce processus en direct.
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