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RDC-Rwanda: «L'Afrique du Sud, qui avait participé à la défaite du M23 en 2012, voudrait en finir»

Feb 05, 20259 minTranscript available on Metacast
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Les troupes sud-africaines vont-elles rester en République démocratique du Congo ? C'est l'une des grandes questions avant le sommet sur la RDC prévu samedi en Tanzanie. Le Rwandais Paul Kagamé veut que ces troupes s'en aillent, mais pour l'instant le Sud-Africain Cyril Ramaphosa ne cède pas. Et la nouvelle position de fermeté de la Chine à l'égard du Rwanda n'est certainement pas pour déplaire à l'Afrique du Sud. Paul-Simon Handy est le directeur du bureau Union africaine et Afrique de l'Est de l'ISS, l'Institut d'Études de Sécurité.

RFI : Si les présidents Paul Kagame et Félix Tshisekedi se rendent bien samedi prochain au sommet de Dar Es Salaam, est-ce qu'il pourra en sortir quelque chose de positif ?

Paul-Simon Handy : Je pense qu’au point où on en est, il faudrait déjà considérer que le fait que les 2 présidents se retrouvent dans la même salle serait une victoire diplomatique. C'est le genre d'optimisme auquel on est parvenu après l'escalade des dernières semaines. Je pense que, du point de vue diplomatique, la mise en œuvre d'un cessez-le-feu, au moins humanitaire, serait un grand pas en avant.

Alors justement, le M23 a annoncé hier un cessez-le-feu unilatéral à caractère humanitaire, mais les autorités congolaises y voient de la poudre aux yeux. Que faut-il en penser à votre avis ?

Alors, je pense que, pour le M23, il y a là déjà une posture politique. Mais je crois que le M23 est aussi sous pression, parce que le M23 perçoit bien que le ton monte au Conseil de sécurité des Nations unies, on voit que des pays comme la Chine nomment maintenant le Rwanda comme faisant partie du problème. Donc, je pense que le M23 est aussi sous pression.

Alors samedi prochain, le sommet extraordinaire réunira 2 organisations sous-régionales qui sont en profond désaccord. D'un côté, la Communauté d'Afrique de l'Est qui soutient le Rwanda et qui réclame un dialogue direct entre le gouvernement congolais et le M23. De l'autre côté, la SADC, la Communauté de développement d'Afrique australe, qui soutient le Congo et qui exige le retrait des troupes rwandaises de RDC. Est ce qu'on ne va pas vers un échec ?

Je pense que ces divergences ne peuvent s'aplanir que si chaque camp fait des concessions. Et pour le moment, on a très peu vu de concessions de la part de la RDC et du Rwanda. Tous les deux ont misé sur une option militaire à l'Est de la RDC.

Le ton est en train de monter également entre le Rwanda et l'Afrique du Sud. Paul Kagame exige le retrait des troupes sud-africaines de la région. Cyril Ramaphosa répond que, si le Rwanda continue de tuer des soldats sud-africains, eh bien ce sera une déclaration de guerre. Jusqu'où peut aller une telle escalade ?

Alors, je pense que cette escalade rajoute tout simplement de l'huile sur le feu. Le Président Ramaphosa est acculé en Afrique du Sud par un Parlement que l'ANC ne contrôle plus et par des voix qui demandent le retour de ces troupes. Mais de l'autre côté, il y a une longue histoire de désaccord entre le Rwanda et l'Afrique du Sud qui fait que l'Afrique du Sud, qui avait déjà participé à la défaite militaire du M23 en 2012, voudrait véritablement en finir avec ce groupe rebelle à l'Est de la RDC. Et cette escalade va aussi de pair avec une escalade qui oppose le Burundi au Rwanda et qui aussi a connu des tournants dramatiques ces derniers jours. Je pense qu'à la veille du sommet de l'Union africaine, le 15 février prochain, il y a véritablement lieu de faire taire les armes pour laisser la place à la diplomatie.

Et peut-on dire que l'un des rares pays africains qui peut faire pression sur le Rwanda aujourd'hui, c'est l'Afrique du Sud ?

Oui, véritablement. L'Afrique du Sud est certainement le pays africain qui a pris le moins de gants pour nommer le Rwanda comme l'un des soutiens du M23. Certainement de ce côté, l'Afrique du Sud prend des positions qui détonnent avec la tendance des pays africains à ne pas antagoniser l'un de leurs membres. Même s'il se trouve en violation flagrante de la charte de l'Union africaine qui, naturellement, comme on le sait, proscrit les violations de l'intégrité territoriale des États membres.

Et c'est pour ça que le Rwandais Paul Kagamé devient menaçant à l'égard de l'Afrique du Sud, peut être non ?

Oui, certainement. L'Afrique du Sud est une démocratie où chaque soldat mort attire des critiques véhémentes de l'opposition au Parlement et met le gouvernement sous pression.

Et c'est sans doute là-dessus que compte le Rwanda ?

Oui, il est clair que le gouvernement du Rwanda n'a pas les mêmes comptes à rendre à sa population, à l'opposition, au Parlement dans cette crise.

La nouvelle position de fermeté de la Chine à l'égard du Rwanda, est-ce à cause de l'Afrique du Sud ?

Alors je pense qu'il y a plusieurs facteurs. On pourrait voir la proximité de la Chine avec l'Afrique du Sud dans le cadre des Brics. Mais on pourrait voir aussi que de nombreuses sociétés chinoises sont déployées à l'Est de la RDC, notamment dans les mines. Et que l'aggravation de la guerre n'est certainement pas bonne pour les affaires, surtout si on veut faire des affaires légalement et ne pas participer au commerce illicite des matières premières qui sont abondantes dans cette région.

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