¶ Intro / Opening
Zélie et sa sœur Sidonie sont très proches. Elles font tout ensemble et ne se lâchent pas d'une semelle. Alors quand Zélie tombe enceinte, elle en est certaine. Sa sœur sera la tente parfaite pour l'enfant à venir. Jusqu'à ce que la peur s'installe. L'histoire de Zélie est la deuxième partie d'une histoire en deux parties. N'oubliez pas d'écouter le premier épisode raconté du point de vue de Sidonie. Vous écoutez Transfert. Ce témoignage a été recueilli par Laura Tauchanov.
¶ Rencontre et Évolution d'une Relation
On est en 2015, c'est le mois d'août. Le lendemain, j'ai mon dernier jour de stage et je pars trois semaines en Italie après. C'est les vacances, c'est la fin de l'année, je suis dans un super bon mood et je vais dans un bar. Là, il y a un... Un homme qui m'aborde en me disant « Hey, mais on était en colonie de vacances ensemble, tu te souviens ? » Alors qu'on n'était pas du tout en colonie de vacances ensemble, mais je rentre dans son jeu et...
Après, je pars en vacances. On continue de s'envoyer des messages pendant un mois. Et puis, à la rentrée, on se revoit et on tombe très amoureux. On emménage ensemble au bout de trois mois de relation. Les années se passent, notre relation se passe super bien, on est toujours très amoureux. Au bout d'un moment, ça fait 6-7 ans qu'on est ensemble, on a un petit down parce qu'on a 10 ans d'écart. Quand je l'ai rencontré, j'avais 19 ans et lui, il avait 29 ans.
¶ Désir d'Enfant et Vie Séparée
Lui, il commence vraiment à avoir envie d'avoir des enfants. Moi, ce n'est pas du tout ma priorité pour l'instant. Donc, on commence un peu à avoir des petits différents. Moi, je n'ai pas vécu très longtemps seule avant de le rencontrer. Et donc, je lui propose qu'on habite dans deux appartements différents, mais qu'on reste ensemble. Lui, il réagit pas super bien au début. Il est super déstabilisé.
Pour lui, ça veut dire séparation. Ce n'est pas normal de vivre avec sa copine pendant des années, puis de ne plus vivre ensemble. Je finis un peu par le convaincre et moi je prends un appartement, un petit studio à Paris. On sort beaucoup tous les deux, donc au lieu de se voir à la maison un peu le soir quand on est fatigué à regarder un film et juste de prendre le petit déj ensemble, là on décide vraiment des moments où on se voit.
Donc moi, je suis chez moi. Lui, il a gardé notre ancien appartement. Et en fait, quand on se voit, c'est beaucoup mieux parce que c'est des moments choisis. Donc on se redate, on va au resto, il vient chez moi, on se fait des repas, on boit des verres. C'est vraiment trop cool.
¶ Retrouvailles et Décision de Grossesse
J'aime trop ce petit studio, même s'il est petit. Je trouve ça super bien. Mais bon, j'ai un canapéli qui n'est pas du tout confortable. Donc au début, on va beaucoup chez moi. Et puis après, on commence petit à petit à revenir dans notre ancien appartement. Ça nous fait vraiment revivre.
un deuxième début de relation, on retombe super amoureux. Pour moi, ça se passe assez bien au travail. J'ai une promotion, on me donne un petit peu plus de responsabilité, j'ai une augmentation et en fait, je me projette dans les deux années à venir.
Pour la première fois de ma vie, je me sens vraiment très stable, en tout cas et personnellement et professionnellement. Et je sais pas pourquoi, mais un jour, je vais chez la gynéco pour un rendez-vous de suivi, de routine. Et quand j'en sors, je me dis, je crois que j'ai envie d'avoir un enfant. C'est le moment.
Donc je téléphone à Damien et je lui dis « je crois que je suis prête, je crois que c'est le moment, let's go ». On est en décembre 2022 et je décide d'arrêter la pilule. Au début, je suis un peu obsédée. Je fais des tests de grossesse avant même d'avoir mes règles. Je me pose même la question si je ne dois pas arrêter de boire de l'alcool au cas où. Pendant deux mois, je deviens un peu obsessionnelle.
Assez vite je me dis mais de toute façon c'est horrible, je vais pas rester comme ça, c'est l'enfer, j'ai pas du tout envie de devenir quelqu'un qui est obsédé par le fait de faire un enfant, je suis jeune, j'ai le temps. Donc je me raisonne et j'arrive à ne plus y penser.
¶ Découverte de la Grossesse
Ça fait quelques mois à peine qu'on essaie, ça fait pas très longtemps. Au printemps, au début de l'été, moi j'ai l'enterrement de vie de jeune fille de ma meilleure amie, qui est prévue dans le sud-ouest, un week-end de fin juin. Et c'est vraiment trop cool. Je fais la fête. Évidemment, je bois des coups, je profite. Je mange de la charcuterie, de la mayo, tous les aliments interdits quand tu es enceinte. Ce week-end-là se déroule dans le sud-ouest et moi, ma grand-mère, vit là-bas.
À la fin du week-end, je me dis qu'au lieu de repartir le dimanche comme tout le monde, je vais aller passer la nuit chez ma grand-mère et je repartirai le lundi matin. Comme ça, je peux passer un petit peu de temps avec elle. Le soir, on discute ensemble. J'ai un peu mal au ventre.
Je pense que je vais avoir mes règles, mais je ne suis pas très contente. » Et elle me dit « Tu sais, ma chérie, il ne faut pas être trop pressée. Ça viendra quand ça viendra. » Et je lui dis « Oui, tu as raison. » Et donc, le lundi matin, je repars. Lundi soir, je retrouve ma soeur pour dîner. On va dîner dans un restaurant qu'on aime beaucoup. On habite à 15 minutes à pied. Ça, c'est vraiment trop chouette. On boit une petite bière.
Et je ne sais pas pourquoi, à ce moment-là, je me dirais que j'ai l'impression que c'est potentiellement ma dernière bière. Cette pensée fugace me traverse alors que je ne pense vraiment pas du tout être enceinte. Trois jours plus tard, je n'ai toujours pas mes règles. Je suis à la maison.
¶ Confirmation et Annonce à la Famille
avec mon compagnon dans notre ancien appartement, je fais le test. Et en fait, le test, quand il est censé être positif, il y a deux bandes qui doivent apparaître sur le test. Moi, il y en a une et une autre qui est vraiment très très pâle. Il est content, il me raisonne, il me dit « mais si, c'est bon, t'es enceinte, c'est sûr ». Moi je me dis « non, je pense pas, je suis pas sûre ». Donc ce que je fais, c'est que j'appelle ma sœur en FaceTime pour lui montrer le test de grossesse.
Elle me dit, comme mon compagnon, « Bah si, je pense que t'es enceinte. Pour être sûre, je pars faire une prise de sang. Je vais au travail et j'attends d'avoir les résultats. » Quand je vois que je reçois le mail, je sors de mon bureau, je vais dans la rue pour le regarder parce que je suis un peu toute tremblante. Je pense qu'au fond de moi, je sais que c'est positif.
Et donc j'ouvre le document et en fait le taux d'hormones qu'on est censé avoir quand on est enceinte est beaucoup plus important. Donc c'est que je suis bien enceinte. Donc là je suis toute tremblante.
La première personne que je veux prévenir, évidemment, c'est Damien. Donc, j'essaie de l'appeler une première fois. Il ne répond pas. Donc, je l'appelle une deuxième fois, une troisième fois, une quatrième fois. Il ne répond toujours pas et j'ai trop envie de le dire à quelqu'un parce que j'ai un peu du mal à garder les choses pour moi.
Mais voilà, il faut quand même que ce soit le premier qui l'apprenne. Donc je l'appelle en continu jusqu'à ce qu'il décroche. Et au bout de six appels, il finit par décrocher et je lui annonce la nouvelle. Il le savait déjà, mais il est trop content. Et la deuxième personne que j'appelle tout de suite après ce coup de fil avec Damien, c'est ma sœur. Elle aussi, elle le savait déjà, mais elle est super contente aussi.
¶ La Relation Unique avec Ma Sœur
Avec ma sœur, on n'a qu'un an d'écart. On a aussi un petit frère, dont on est très proche aussi aujourd'hui, mais c'est vrai que d'avoir... Qu'une année d'écart avec ma sœur, ça nous rend très très proches. On a toujours passé beaucoup de temps ensemble. On a parfois partagé les mêmes amis. Pour moi, c'est vraiment ma meilleure amie. Ma sœur, je lui dis tout. On s'appelle tous les jours.
On rigole beaucoup ensemble, en fait on passe vraiment des heures à parler de tout et de rien. Ça arrive qu'on s'appelle le matin, quand on se prépare, donc on va discuter, ensuite on va juste poser le téléphone et on parle pas.
Donc moi je vais me brosser les dents et je vois ma sœur en FaceTime, ou alors on n'est pas en FaceTime, mais je sais que ma sœur est là au téléphone, et puis de temps en temps, après notre brossage de dents, on va se dire « Ah au fait, t'as vu le post Insta de telle personne ? » On est vraiment assez connectés. Autant moi, je ne me voyais pas du tout avoir des enfants avant 30 ans. Je n'étais même pas 100% sûre d'en vouloir. Autant ma sœur...
Elle veut des enfants depuis des années. Je pense que c'est la raison pour laquelle elle est d'autant plus contente quand je lui annonce ma grossesse, parce que ça la rapproche un peu de cette maternité qu'elle attend. Donc je suis super contente de partager ça avec elle.
¶ Début de Grossesse et Fatigue Partagée
On est en juillet 2023. Le début de ma grossesse, j'ai quelques symptômes. Je suis super fatiguée. J'ai la nausée tous les matins à 11h du matin. C'est très précis. Il faut que je mange quelque chose, sinon j'ai l'impression que je vais vomir. Je n'ai pas d'énergie pour faire quoi que ce soit et il fait très chaud à Paris. Je suis encore dans mon studio dans le 18e arrondissement.
Chaque fois, au moment de sortir, je me démotive parce que je suis fatiguée. Et donc, je suis beaucoup avec ma sœur qui est aussi à Paris en train de travailler au mois de juillet. Et on se retrouve les week-ends allongés sur mon lit, à rien faire parce qu'on n'a pas d'énergie, on est fatigués toutes les deux.
Bon ok, moi je suis enceinte, mais on a 26 et 27 ans, on est vraiment des mamies. Les gens de notre âge, ils sortent, ils font la fête pendant deux jours d'affilée, et nous on est là, fatigués, on n'a même pas l'énergie pour aller faire une expo. Assez tôt dans ma grossesse, j'arrête le sport parce qu'on dit qu'il ne faut pas trop sauter ou courir, qu'il ne faut pas trop qu'il y ait d'impact. Puis de toute façon, je suis trop fatiguée, donc je n'ai plus du tout l'énergie pour faire du sport.
Ma sœur continue de faire du sport et c'est vrai qu'elle n'avait pas spécialement besoin de perdre du poids, mais elle s'affine énormément et tout le monde autour d'elle lui fait remarquer. C'est dingue, elle ne fait pas attention à ça en alimentation, elle fait du sport 3-4 fois par semaine, et pourtant elle perd quand même pas mal de poids. Ma grossesse avance, et pour l'instant je reste dans mon appartement, mais plus ça avance...
Plus je retourne dans notre ancien appartement avec mon compagnon, déjà parce qu'il est plus grand. Et je n'ai plus du tout envie de mon espace. Je n'ai qu'une envie, c'est d'être avec Damien. C'est vraiment un projet qu'on veut mener à deux. Par contre, on a envie de changer d'appartement. Il est situé au cinquième étage, sans ascenseur, donc avec le ventre qui s'arrondit, ça devient fatigant.
Et surtout, je ne me vois pas du tout élever un bébé au cinquième étage sans l'ascenseur, donc on commence à chercher un nouvel appartement pour nous deux. Il faut que je vende des meubles sur le bon coin. Et je me dis, ça va être facile, je vais faire mon déménagement en Uber de temps en temps. Donc une fois par week-end, je prends quelques affaires, quelques cartons, et je les ramène dans un Uber dans l'autre appartement. En fait, ce n'est pas du tout une bonne idée parce que...
J'ai beaucoup plus d'affaires que ce que je pensais. J'ai quand même pas mal de vêtements. En fait, ça prend 50 minutes à chaque fois parce que c'est bouché. C'est pas très malin, mais je me dis, je vais faire ça toute seule comme une grande. Je ramène mes affaires petit à petit.
¶ Défis Logistiques et Vacances Fatigantes
On a beaucoup de mal à trouver un appartement, puisqu'il y a une crise du logement à Paris. À chaque fois, c'est des visites groupées avec 45 personnes. À chaque fois, je dis que je suis enceinte pour que ça passe mieux. Mais on n'a pas d'appartement, donc on se dit qu'on va rester. Dans l'ancien appartement qu'on partageait, on n'a pas trop le choix. On prend des vacances et on se retrouve une semaine dans la maison de notre père dans le sud-ouest, avec ma sœur, son compagnon et mon compagnon.
C'est trop chouette. On est contents d'être ensemble. Mais je continue d'être fatiguée. Ma sœur aussi continue d'être fatiguée. Nos deux copains ont envie d'aller à la plage. Et la plage, ça se situe à 30 minutes en voiture.
Et ma sœur et moi, on n'a pas du tout l'énergie. Donc, ils se retrouvent à y aller tous les deux. Et c'est marrant parce que c'est la première fois qu'ils font une sortie tous les deux. Et au final, ils se rapprochent. Ça se passe trop bien. Ils sont super contents. Mais nous, pendant ce temps, on est...
dans le canapé, allongé comme des loques. Et on se dit que c'est dingue d'être aussi fatigué et qu'on est quand même un peu dégoûté parce que ça nous empêche quand même un peu de profiter de nos vacances. J'ai un cap puisque je sais qu'au bout de...
¶ Amélioration de la Grossesse
Trois mois de grossesse, une fois que le premier trimestre est passé, ça va mieux. Et ça fera trois mois à la rentrée de septembre. Effectivement, on arrive en septembre. Et d'un coup, je me sens beaucoup mieux. Je récupère toute mon énergie, j'arrête d'être fatiguée. J'arrive dans une phase vraiment géniale où ma grossesse, à part le fait que je ne peux pas boire d'alcool et pas manger de charcuterie, honnêtement, je la vis super bien.
¶ Inquiétude pour la Santé de Sidonie
On fait la première échographie, tout va bien. Et puis, un soir de septembre, on va au resto avec mon père et ma sœur. Et ma sœur nous dit « Bon, faut que je vous dise, j'ai quand même... » Une boule dans le cou. J'ai une espèce de grosseur dans le cou qui passe pas. Je touche la boule et là, j'ai un mauvais pressentiment. J'ai jamais ressenti ça avant. Je me dis tout de suite qu'il y a quelque chose qui va pas.
Et que potentiellement, c'est grave. On lui dit tout de suite, écoute, il faut que t'ailles consulter. C'est pas normal. Donc, elle nous dit, oui, mais les ORL... Tous ceux qui sont disponibles dans pas très longtemps, ça coûte super cher, ils ne sont pas conventionnés. Ma sœur part aux toilettes et je dis à mon père « Est-ce que s'il te plaît, tu peux lui faire un virement ? Parce que sinon, elle n'ira pas. » Donc mon père s'exécute.
On termine notre repas, on passe à autre chose et en partant du restaurant, on lui dit « Bon, écoute, prends rendez-vous avec un ORL, un premier qui est disponible. Papa, t'as fait un virement. » Elle s'énerve. Vous vous inquiétez pour rien, mais ok, ça marche.
¶ Examens Médicaux et Suspicion
Vu qu'on lui a donné des sous pour, elle ne peut pas trop dire non. Elle va avoir cette ORL qui lui dit « Ah, mademoiselle, effectivement, ce n'est pas normal, il faut que vous fassiez une radio. » Donc, elle va faire une radio. Quelques jours plus tard, à peine, je suis au travail quand elle fait sa radio. C'est la fin de matinée, elle m'appelle, donc je décroche et en fait, elle est en train de pleurer.
parce que la radio a vu qu'il y avait un nombre vraiment anormal de ganglions et ils descendent dans le cou. Donc ce qu'il faut faire, c'est qu'il faut faire un scanner et une biopsie. Et moi, je ne suis pas très sereine parce que je sais que ça n'a pas l'air très positif. Je me doutais un peu qu'il y avait quelque chose, mais effectivement, ça me confirme qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
J'essaie de soutenir ma sœur et puis ensuite je raccroche, j'appelle Damien, je lui dis que ma sœur a sûrement quelque chose ou que ça m'inquiète, je suis pas bien, je pars du travail, je pars la rejoindre. Et on passe l'après-midi ensemble. On va boire un café dans un coffee shop. On va s'acheter des petits trucs. Enfin, on passe l'après-midi ensemble et j'essaie un peu de lui faire penser à autre chose. On est vendredi.
Ma sœur appelle son copain qui habite à Londres. Il prend des billets tout de suite pour venir à Paris. Ça, c'est vraiment chouette. Il est super réactif. Moi, c'est quelqu'un avec qui je m'entends très bien. On passe un bon moment, mais bon, ma sœur est quand même préoccupée. On ne sait pas très bien comment il faut se comporter. On a un peu peur de la laisser seule. On va au resto assez tôt, donc vers 21h30, on termine de manger.
On lui dit est-ce que ça va aller de rentrer chez toi ou est-ce que tu veux venir chez nous attendre Louis, son copain qui arrive à 23h et elle dit non ça va aller, je vais rentrer chez moi et je vais l'attendre. On est vraiment assuré de savoir qu'elle est avec lui. Et le lundi, son scanner est prévu. Moi, le matin, j'ai rendez-vous chez la sage-femme. Ce qui fait que je ne peux pas accompagner ma sœur. Et je suis...
Super stressée, la sage-femme prend ma tension et j'ai une tension qui est anormalement élevée, donc elle me dit « c'est bizarre, je vais retenter, il doit y avoir un problème ». Je lui dis « non, non, je pense que c'est normal, c'est parce que je suis très stressée aujourd'hui ».
Je lui explique ce que j'ai compris, tout simplement. Ce que je comprends, c'est qu'il y a une suspicion de cancer chez ma sœur, que je suis un peu sous le choc parce que ma sœur a 26 ans, donc ce n'est pas du tout un âge auquel on s'attend à avoir un cancer.
Donc je lui explique ça, elle est évidemment désolée pour moi. Je reprends un peu mes esprits, je respire, donc elle reprend ma tension qui est toujours un peu élevée, mais ça va un peu mieux. Pour moi, tout va bien, ma grossesse se passe toujours bien. Je demande quand même à ma sage-femme si ça peut avoir un impact sur ma grossesse.
Si le cancer de ma sœur est avéré, je vais sûrement vivre des moments qui vont être assez stressants. Et je me pose la question de savoir si ça va impacter mon bébé. Et là, la sage-femme me rassure beaucoup en me disant que...
Une grossesse, ça fait partie de la vie, donc on traverse des moments de vie, des hauts et des bas qui sont tout à fait normaux et qu'a priori ça n'impactera pas mon bébé, donc je suis quand même assez rassurée. Et surtout, c'est le moment où je me dis, là je vais pouvoir me concentrer. sur le combat de ma sœur, c'est une chance que ma grossesse se passe bien. Je vais pouvoir un peu mettre ça de côté, ne pas trop y penser, et puis me concentrer sur ma sœur.
Je sors du rendez-vous de suivi et je me précipite pour rejoindre ma sœur, ma mère et son compagnon qui se sont installés dans un restaurant pour déjeuner juste après le scanner de ma sœur. Ma sœur est en pleurs parce qu'on voit que les ganglions descendent vraiment très bas dans tout l'abdomen, qu'il y en a vraiment beaucoup, ce qui n'est pas bon. Une biopsie a été faite, mais on n'aura les résultats que dans deux semaines. Mais il y a une suspicion de lymphome.
Le lymphome, c'est un cancer du système immunitaire. C'est encore un déjeuner un peu compliqué parce qu'elle est totalement sous le choc aussi. Moi, je ne suis pas super bien parce que j'ai vraiment une boule au ventre de me dire que c'est vrai que ce n'est pas normal qu'il y ait autant de ganglions qui descendent partout dans le thorax.
Ma soeur m'explique que les radiologues ont dit qu'il fallait quand même vraiment attendre les résultats de la biopsie, même si c'était long. Il faut être patient. Et là, on se dit que les deux prochaines semaines vont quand même être assez longues. Le compagnon de ma soeur, en fait, est portugais.
Et il propose à ma sœur de partir quelques jours dans sa famille au Portugal, dans laquelle ils vont très souvent, pour lui changer les idées, penser un peu à autre chose. Il est quand même aussi très très déstabilisé, il est extrêmement stressé.
¶ Déni et La Confirmation du Cancer
Le premier jour, je suis super inquiète, ma sœur aussi, et bizarrement, toutes les deux, on rentre dans un déni. Donc on passe deux semaines en se disant, en fait, je crois que ça va aller. Et moi, plus les jours passent, plus je me dis, non, mais en fait...
On s'est un peu emballé, en fait. Ça va le faire, quoi. La veille du résultat de la biopsie, j'appelle mon père. Je lui disais, comment ça va ? Bon, moi, j'ai l'impression que ça va aller, quoi. Je le sens plutôt bien pour le résultat de demain. Et en fait, mon père... Ça fait quelques années qu'il est marié à une femme dont absolument toute la famille est médecin.
Dès qu'il se passe quelque chose au niveau médical, toute la famille de ma belle-mère est appelée parce que c'est assez pratique et ils vont tous donner un avis médical. Sa mère est pneumologue, son père dirigeait l'Institut Pasteur, son frère est chef réanimateur. Il est surpris que je pense que ça va aller. Il me dit, tu sais, ma chérie...
Malheureusement, je crois qu'elle a un cancer. Je pense qu'on ne peut pas trop se faire d'illusions. J'en ai parlé à la famille de Carole. Je leur ai montré les résultats des radios, des scanners. Je crois qu'il n'y a pas trop de suspense. Et moi, je suis totalement déstabilisée. Je suis choquée. C'est quelqu'un en qui je fais confiance pour les problèmes de la vie en général. Son avis est assez important pour moi.
Donc je le crois, je raccroche et je me mets à pleurer parce que je réalise en fait que ça va vraiment se passer et que j'étais dans le déni depuis deux semaines. Je me lève le matin et...
¶ Le Jour du Diagnostic
C'est vraiment une journée nulle. Il fait super moche, il pleut des cordes. Je retrouve ma sœur et Louis. On est tous les trois très très stressés, on a vraiment la boule au ventre. Et on attend que l'ORL appelle ma sœur et on ne sait pas trop à ce moment-là si on peut rentrer avec elle ou pas. On est un peu perdu, surtout Louis et moi. Et l'ORL arrive en retard, donc on l'attend un peu et c'est vraiment très très long.
Et l'ORL, il est très décontracté. Il a des vans de surfeurs, il est décoiffé. Il fait un peu mec à la cool, détendu. Ça contraste totalement avec l'ambiance. Il appelle ma sœur et là, on lui demande si elle veut qu'on l'accompagne et elle nous dit de l'attendre. Donc là, c'est les dix minutes les plus longues de ma vie, je pense, avec Louis, son compagnon, qui s'effondre totalement.
Louis, c'est une personne qui garde pas mal ses émotions pour lui. Il parle pas énormément. Je l'ai jamais vu pleurer, par exemple. Ça fait quelques années que je le connais. Il est assez discret et là, il s'effondre totalement. Il est en pleurs, il est extrêmement stressé. Donc je lui fais un câlin. Et puis à un moment, c'est ma sœur qui sort du bureau.
et qui nous fait signe de venir et on voit quelle ampleur, donc on y est, c'est pas bon. On rentre dans le bureau de l'ORL qui nous explique qu'effectivement c'est bien un cancer du système immunitaire et que malheureusement il est assez avancé, donc il va pas falloir traîner. C'est bizarre, mais je pense qu'il y a un truc que Louis ne parle pas français. On est dans le bureau d'un ORL. ... ... ... ... ...
Je pense qu'il ne veut pas non plus que ça dure plus longtemps. On a un peu envie de sortir, prendre l'air. Donc on sort de là. Dans le couloir, on tombe sur mon père. Ma sœur tombe dans ses bras. On sort de l'hôpital, on va au café à côté. Il n'y a personne dans le café parce qu'on est à une porte de Paris. Il est 9h du matin. Enfin, on est un peu seul et on est tous un peu sous le choc. Mais bizarrement, l'ambiance, elle n'est pas si lourde que ça. On processe, quoi.
Mon père se met en état de marche, en mode chef d'entreprise. Il appelle sa femme, sa femme appelle son père. Il se met à passer 48 coups de fil. Moi, je rentre chez moi. Je commence à travailler sur mon ordinateur portable personnel et je le fais tomber. Donc je casse mon ordi. Il est vraiment cassé. L'écran est cassé. Il ne fonctionne plus. Rien ne va.
Ça fait deux, trois heures à peine qu'on a eu le verdict. Et ma sœur, pareil, elle est déjà dans l'action. Je vois qu'elle est assez décidée à ne pas se laisser abattre. Et je suis assez impressionnée de sa façon de gérer les choses.
¶ Grossesse et Combat Contre la Maladie
Je suis à 4 mois de grossesse. Je sais que ça va être dur. Elle est partie pour quelques mois de traitement. Je me dis que je vais quand même beaucoup me concentrer sur ma sœur, être présente pour elle. Je ne pense plus trop à ma grossesse, en fait.
Évidemment, j'ai des rendez-vous de suivi tous les mois. Comme je ne suis pas immunisée à la toxoplasmose, je dois aussi faire des prises de sang tous les mois pour voir si je n'ai pas eu la toxoplasmose. Mais je ne parle pas tellement à mes sages-femmes de ce qui se passe. Je me sens bien physiquement, donc c'est vrai qu'à part les rendez-vous, il n'y a pas beaucoup de choses qui me rappellent cette grossesse.
L'échographie du deuxième trimestre est le jour de mon anniversaire. Et avec Damien, on va faire cette échographie. Et là, le jour de mon anniversaire, j'apprends que j'attends un petit garçon. Donc, je suis trop contente. Ça rend quand même les choses assez réelles. Je me projette un peu. Mais voilà, pas plus que ça pour l'instant. Un soir avec ma sœur.
¶ Destins Croisés et Projet Photo
Avant le début des traitements, on retourne dans notre petit resto qu'on aimait bien, là où j'ai bu ma dernière bière avant ma grossesse. On discute un peu de ce qui nous arrive et on se dit que c'est quand même dingue cette histoire parce que moi je suis enceinte, elle a un cancer, ça nous arrive en même temps. La fin des traitements de ma sœur correspond au terme de ma grossesse. Puisque sa dernière chimio, elle est prévue pour le 11 mars. Et moi, le terme de ma grossesse, c'est le 8.
J'ai les cheveux très longs, ils sont fortifiés je pense par la grossesse. J'ai des beaux cheveux, j'ai un ventre qui grossit de plus en plus. Il n'est pas encore énorme parce que là ça fait 4-5 mois. Mais je vais avoir le ventre qui va vraiment grossir dans les prochains mois. Et ma sœur, on comprend la raison de sa perte de poids. On comprend que ce n'était pas du tout le sport.
qui l'avait affiné, mais que c'était le cancer, qui gagnait du terrain en fait, et qui lui prenait énormément d'énergie. Donc on fait le lien entre tout ça, on comprend pourquoi on était fatigué en même temps. On comprend que son cancer a commencé à peu près au même moment que ma grossesse a débuté. Donc on est dans ce resto et on se dit que ces prochains mois, nos corps vont vraiment suivre une évolution croisée. On lui a dit qu'elle allait perdre ses cheveux.
Elle a déjà perdu beaucoup de poids, elle va probablement continuer d'en perdre. Faut faire quelque chose de ça, faut quand même qu'on garde une trace, parce que c'est quand même dingue que cette histoire arrive en même temps, et que ça nous affecte physiquement toutes les deux.
Je pense que ça pourrait être intéressant de documenter ça en photo. J'avais déjà eu cette idée dans la journée avant de venir et j'appréhendais un tout petit peu d'en parler à ma sœur. Je ne savais pas du tout comment elle allait réagir. À ma grande surprise, elle réagit super bien. Elle se dit « mais oui, il faut absolument faire ça, c'est une super bonne idée ». Et donc moi, je lui dis que je vais en parler à une de mes meilleures amies qui fait de la photo.
Le soir, j'appelle cette amie, elle est emballée par le projet et elle nous dit carrément « let's go ». On se dit qu'on va faire une séance une fois par mois pour documenter l'évolution de nos corps. On fait une première séance photo. On décide de s'habiller pareil, donc on se met un petit crop top blanc qui arrive exprès au-dessus du ventre et on se met un jean toutes les deux. On se ressemblait beaucoup plus quand on était plus jeune, mais on se ressemble de moins en moins.
On n'est pas super à l'aise. On ne sait pas du tout faire. On ne sait pas du tout poser. Donc évidemment, on est super crispé. Au fur et à mesure, on se décrispe un peu et on regarde les photos. Et c'est trop chouette d'avoir ce souvenir-là.
¶ Préparatifs Médicaux et Rasage
Avant que les traitements commencent, comme ma sœur est jeune, on lui propose de faire une préservation de fertilité puisqu'elle n'a jamais eu d'enfant. Donc ça veut dire congeler ses ovocytes. Pour ça, il faut aller à la maternité. Et donc, je décide de l'accompagner, faire les rendez-vous. Donc, on se retrouve devant la maternité. C'est surréaliste, quoi. On est dans une maternité, chez un gynéco qui fait une échographie à ma sœur qui a un cancer.
Et moi, je suis enceinte à côté avec un vrai bébé à l'intérieur. Les gens qui sont là, c'est vraiment des gens qui ont un désir d'enfant très fort, puisqu'un processus de PMA, c'est très compliqué. On est là pour ma sœur qui n'a pas du tout envie de penser à ça à ce moment-là.
Et moi, j'ai un peu ce que tout le monde voudrait avoir là, à l'endroit où je me trouve. Je me sens presque un peu gênée d'être enceinte dans cet endroit parce que moi, c'était facile pour moi. En plus, je suis hétéro. Je n'ai pas eu de problème à tomber enceinte. J'ai l'impression que je ne devrais pas être là. Moi, je lui propose tout de suite de lui faire ses piqûres. Ce n'est pas du tout un truc qui me dérange. Donc on se retrouve chez elle, on prend tout ce qu'il faut à la pharmacie.
Là, je me prends vraiment pour une infirmière. J'ai l'impression d'avoir changé de métier, mais j'y prends plutôt goût. Mais c'est pareil, il y a un truc un peu étonnant de se mettre à faire des piqûres à ma sœur pour stimuler ses ovaires à produire des ovocytes alors que les traitements commencent au plus vite pour guérir son cancer.
Un dimanche fin d'après, il fait beau et on est sur les quais dans le cinquième et on s'assoit. C'est un peu le dernier moment, je pense, qu'on a à deux avant que toute cette aventure commence. Et on parle de sa perte de cheveux. Elle est très mal à cette idée. Et puis, les traitements commencent. Les cheveux ne tombent pas tout de suite. Donc, on continue quelques séances photos où elle a encore ses cheveux. Et un jour, elle m'appelle et elle me dit...
Ça y est, c'est parti. Ça commence à tomber. Je ne sais pas quoi faire. Et je lui dis, écoute, si tu veux, moi, je peux te les tondre. On a une tondeuse parce que Damien, mon compagnon, il se rase la tête. Elle arrive, elle a une conjonctivite, elle a les cheveux qui commencent à tomber, et là elle se dit « mais je vais ressembler à rien du tout, c'est la cata ». Et moi je suis super stressée.
Ça va être sûrement la chose la plus difficile que je vais faire, bizarrement, de raser les cheveux de ma sœur. Ça me paraît une épreuve vraiment difficile. Je sors la tondeuse, on met de la musique, on appelle mon père en FaceTime. On se fait des blagues et finalement, ça se passe super bien. Comme je ne suis pas du tout expert de la tondeuse, c'est Damien qui finit par faire les finitions. Et en fait, ça se passe bien. Elle est détendue, on se fait des blagues et c'est vraiment cool.
On se rend compte que ça lui va hyper bien. Et on la regarde avec Damien et on se dit « mais c'est incroyable, ton visage est révélé ». Vraiment, t'es super belle. Tu pourras te faire cette coupe après quand tes cheveux vont repousser, mais ça te va très bien. Je l'accompagne à beaucoup de rendez-vous médicaux. On oublie un peu ma grossesse et même elle oublie un peu ma grossesse et elle me le fait remarquer à un moment. Elle me dit...
Je n'avais même plus capté que tu étais enceinte. Je ne te traite même pas comme une femme enceinte, je suis désolée. Et moi, je lui dis « Non, t'inquiète, je suis là pour toi. » Moi-même, j'ai un peu oublié que je vis une grossesse. Je suis heureuse d'être là pour ma sœur, c'est très important pour moi. Les mois passent, ma grossesse avance, les traitements de ma sœur se poursuivent. C'est très difficile pour elle. Physiquement, mentalement, elle n'est vraiment pas bien du tout.
avec Damien. Je ne suis pas ravie à l'idée de revenir dans cet ancien appartement parce que j'ai un peu l'impression d'un retour en arrière. Je déteste prendre deux fois le même chemin si je vais... d'un point A à un point B. Il faut que je revienne par un chemin différent. J'ai tout le temps besoin de nouveautés. Donc, revenir dans cet ancien appartement, ça me fait vraiment une sensation de retour. Mais c'est tellement difficile de trouver un appartement que je...
Je prends mon mal en patience et je me dis que c'est la vie, ce n'est pas très grave. On a quand même de la chance d'être dans cet appartement. Et si mon fils n'a pas de chambre pendant la première année, ce ne sera pas grave, on fera avec.
Les cinq étages sans ascenseur, ça devient de plus en plus compliqué parce que j'ai quand même un gros ventre. Au lieu de mettre deux minutes à monter les escaliers, je mets dix minutes. Ça me paraît interminable. Je finis par m'y habituer et par me faire une raison. Et puis c'est bientôt le moment de mon départ en congé maternité. Ma soeur, elle a passé pas mal de chimio, elle en a 16 en tout, il lui en reste encore quelques-unes, mais...
Ça y est, elle a l'habitude des traitements, elle est lancée là-dedans, elle sait ce qui l'attend, elle sait ce qui lui reste. C'est de plus en plus ma mère qui l'accompagne à ses chimios, rendez-vous aussi, parce que ma mère est déjà passée par là, parce qu'elle a déjà eu un cancer, donc elle sait ce que c'est.
¶ Passation de Relais et Préparation Finale
Et c'est un peu le moment où je me dis que je suis à 7 mois et demi de grossesse, je passe un peu le relais, j'ai envie de profiter de ces derniers moments pour me reconnecter à moi-même et à ce que je suis en train de vivre. Et j'ai aussi envie de préparer l'arrivée de mon enfant. J'ai un tout petit peu peur qu'il sente que je l'ai laissé de côté. Je me dis qu'il faut quand même que je lui montre que j'ai envie qu'il arrive, que j'ai hâte et que je ne l'oublie pas totalement.
Et j'arrête de venir à tous les rendez-vous. Je commence aussi à avoir des cours de préparation à l'accouchement. On commence à acheter la poussette, la table à manger. On achète un petit berceau. Je m'achète quelques livres autour de la maternité. Je commence à un peu me renseigner autour de ça. C'est le dernier moment de ma vie où j'aurai du temps pour moi. Et là, j'ai vraiment un mois et demi devant moi où je ne travaille pas.
Évidemment, je passe du temps avec ma sœur, mais je prends beaucoup de temps pour moi et ça me fait du bien. Je vais voir des expos, je lis, je vais au resto toute seule. On conseille beaucoup d'aller au cinéma parce que c'est un truc qu'on ne peut plus faire avec des enfants en bas âge.
Je prends même le temps de repasser les vêtements de mon bébé en sachant que c'est la seule fois de ma vie que je le ferai. Je veux qu'il arrive dans de bonnes conditions, qu'il sente qu'il est bien accueilli. Je prends le temps de faire ça. J'ai beaucoup de chance parce que ma grossesse se passe très bien. Pas de douleur. Je marche moins vite et je suis essoufflée dans les escaliers, mais ça, c'est normal. Et je pense que mon bébé...
a senti quelque part que j'avais beaucoup de choses à gérer, que j'avais beaucoup de choses sur lesquelles je devais me concentrer. C'est vrai qu'il me laisse assez tranquille. Sous-titrage ST' 501
¶ L'Arrivée du Bébé
Mon terme, il est prévu le 8 mars. Dans la maternité dans laquelle je suis, il propose aux femmes de les déclencher le jour du terme, si le bébé n'est pas arrivé. Quand on me propose ça, je ne sais pas trop ce que je vais faire. Et puis, le terme approche et j'ai vraiment un très gros ventre. Et surtout, je ne sais pas pourquoi, mais je sens que ce bébé, il ne va jamais sortir. Franchement, j'en ai marre d'être enceinte. J'ai l'impression que ça fait 40 ans que je suis enceinte.
Pour mettre un pantalon, c'est galère. Pour mettre des chaussettes, c'est galère. Puis j'ai envie de voir mon fit. Comme je marche énormément et que je monte tous les jours cinq étages, tout le monde me dit « c'est génial, ça va te déclencher ton accouchement ». Et pas du tout, il vient pas du tout. Et donc le 8 mars, je me dis que je vais accepter le déclenchement, donc j'appelle la maternité.
On fait nos valises avec Damien, on fait la valise du bébé qui était déjà prête et on prend un taxi et on part à la maternité, exactement comme si on partait en vacances. Je n'ai pas du tout l'impression que je vais accoucher. Je suis vraiment en pleine forme. J'ai pas mal. Mon bébé, il tourne dans tous les sens. Il fait des bons dans mon ventre. Il s'amuse, quoi.
On arrive et le déclenchement commence. On n'a pas le droit de sortir de la maternité puisque le déclenchement a commencé. Je dois tout simplement attendre d'avoir des contractions et attendre que le col de l'utérus s'ouvre. Ce qui prend beaucoup de temps pour moi. En fait, c'est bien d'avoir ce moment parce que c'est 48 heures où on sait que dans pas très longtemps, notre vie va changer complètement.
Mais en attendant, on est dans cette espèce de bulle de la maternité, un peu hors du temps. Moi, c'est un endroit dans lequel je me sens super bien. C'est bizarre, mais ces derniers mois, j'ai passé beaucoup de temps dans les hôpitaux. J'ai eu beaucoup de contacts avec le monde médical alors que ça ne m'était jamais arrivé. Et en fait, je me sens bien dans cet univers. Il n'y a plus de notion du temps. On ne sait jamais très bien quand il fait nuit, quand il fait jour.
On va chercher des petits trucs à manger, parce que les plateaux de l'hôpital, c'est pas terrible. Il peut dormir avec moi le soir, donc on a vraiment ce moment de transition, et c'est génial d'avoir ça. Toute l'attention est sur moi. Après tous ces mois, être vraiment concentré sur autre chose, ça me fait beaucoup de bien qu'on s'occupe de moi. Damien, il est complètement aux petits soins. Il me fait des massages tout le temps. Je pense que j'en avais vraiment besoin et je profite.
énormément de toute cette attention qui est accordée à mon bien-être. C'est un établissement hospitalier, mais ce n'est pas du tout la même ambiance que les hôpitaux dans lesquels je me suis rendue pour ma sœur. où tout le monde porte des masques, où il y a une ambiance qui peut être un peu mortifère. C'est une maternité qui est à taille humaine. Les sages-femmes sont trop sympas. Et là, je sais que c'est un moment où si je ne réponds pas à quelqu'un pendant une semaine, ce n'est pas grave.
J'aime bien l'idée de savoir que je peux me mettre en retrait du monde. Ma sœur, elle, elle attend sa dernière chimio. On est toutes les deux dans une sorte de clôture d'un gros, gros chapitre de nos vies. C'est une fin pour ma sœur et c'est un début pour moi. Les contractions finissent par arriver, le samedi dans la nuit. C'est parti. Donc on descend en salle de naissance le dimanche matin.
On me pose la péridurale tout de suite. Je la demande parce que je n'ai pas du tout envie d'avoir mal. J'ai très peur de souffrir. Et à partir de ce moment-là, je suis un peu shootée. Et en fait, il faut attendre. Et en fin de journée, tout s'accélère, puisque le cœur du bébé ralentit aux contractions. On vient me voir et on me dit, en fait, là, il va falloir le faire sortir tout de suite et très vite. Damien est super stressé. Moi, pas du tout. Je pense que je suis bien shootée.
Et puis, il y a une sage-femme qui rentre dans la pièce, une deuxième, une troisième. La gynéco, bon, ça devient un peu sérieux. Il y a du monde qui rentre parce qu'il ne faut pas perdre de temps. On me demande de pousser, donc je commence à pousser. C'est très déstabilisant de pousser sous péridurale parce qu'on ne sent rien. Donc je ne sais pas si je pousse suffisamment fort ou pas. Je donne tout, enfin j'essaie. Je suis détendue.
Et je sais que ça va bien se passer. Je donne tout, donc j'ai l'impression de courir un marathon. Après chaque poussée, je demande de l'eau à Damien. Je lui crie pour qu'il me donne de l'eau parce que... Vraiment, j'ai l'impression d'avoir fait trois sprints à 30 km heure. C'est super physique. Et 20 minutes après, mon bébé sort.
Il reste à peu près 4 secondes top chrono sur mon ventre parce qu'il faut qu'il aille voir le pédiatre. Donc Damien part avec lui voir le pédiatre et il part de la chambre. Et moi, j'explose en larmes, je sors tout. J'ai pas pleuré aux échographies, j'ai pas pleuré quand j'ai su que j'étais enceinte. J'ai beaucoup contenu ces derniers mois, et là, je pense qu'absolument tout sort.
Et ça me fait du bien. Et les sages-femmes me disent « Mais vous savez, ça a été, vous avez été super. » Et moi, je leur dis « Non, non, je... »
¶ Accueil et Regard Retrouvé
Tout va bien, l'accouchement, je l'ai bien vécu. Je suis juste en train de réaliser que j'ai un enfant. Et puis mon bébé revient et on me le pose. Et là, on reste deux heures avec lui contre moi. C'est incroyable comme moment. Il est trop mignon. Je trouve ça fou. J'ai un petit bébé sur moi. Il était dans mon ventre quelques minutes avant. Et là, il est là, tout formé. Il a des petits ongles, des petits cils. C'est vraiment magique.
Je préviens ma famille, je leur envoie des messages, on leur envoie des photos. Le lendemain de la naissance de mon fils, ma sœur me dit qu'elle lui a écrit une lettre. Je ne sais pas très bien si je dois la lire, si elle veut que j'attende plus tard, si elle veut que je la lise à mon fils ou si je la garde pendant des années. Elle me dit, je ne sais pas. Fais comme tu veux, mais en tout cas, j'ai écrit une lettre pour ton enfant.
Mon père, ma sœur et mon frère viennent rencontrer mon enfant. Ma sœur est tout de suite super à l'aise, elle le prend dans ses bras, elle est trop contente, ça paraît super naturel. Elle a un foulard pour masquer sa chute de cheveux. Et bizarrement, je trouve ça super naturel de voir ma sœur avec mon fils. C'est la première personne en dehors de son père et moi à le tenir dans ses bras. Mais je trouve qu'elle fait ça super bien. Je suis super émue de voir ma sœur tenir mon fils dans ses bras.
Et je regarde les photos juste après qu'il soit parti et je vois vraiment qu'il y a quelque chose qui a changé dans le regard de ma sœur. Son regard pétit, son regard à retrouver de la vie alors que ces derniers mois, c'était vraiment éteinte. C'est aussi la fin des traitements. Son cancer évolue dans le bon sens. On est très émus. Quelques semaines plus tard, on se dit que ce serait bien de faire une dernière séance photo avec mon fils.
Mon ami arrive avec son mec, son fils, son tout petit bébé. Il y a Damien, il y a ma sœur, il y a le copain de ma sœur. On est tous réunis chez moi. On fait une dernière séance photo avec mon bébé qui a trois semaines. Et c'est hyper joyeux. Ma soeur, ses cheveux, ils ont commencé déjà à repousser un tout petit peu. On est tous très contents. C'est un peu la fête. C'est une super belle après-midi.
C'était inconscient, mais à chaque séance photo, ma sœur était plutôt devant et moi un petit peu en retrait. Et lors de cette dernière séance photo, c'est moi qui suis devant avec mon fils dans mes bras, symboliquement. C'est un peu la fin d'un truc où ça y est, j'ai accompagné ma sœur et maintenant je me lance dans cette vie en tant que maman. Quelques semaines plus tard, je suis avec mon bébé sur moi et je vois la lettre de ma sœur et je me dis que je vais l'ouvrir et que je vais la lire.
C'est une lettre qui est courte, qui en quelques lignes... donne la bienvenue à mon fils dans ce monde et qui dit qu'il a beaucoup de chance d'avoir les parents qu'il a. Ça va droit au but, mais c'est quelques phrases qui sont très belles et c'est vraiment lui faire une place dans cette famille.
¶ Réflexions et Une Belle Conclusion
Quand mon bébé a un mois, on part avec Damien et lui quelques jours dans le sud-ouest et dans le train, mon fils dort, donc j'ai un moment pour penser. Et je me dis que je vais envoyer un message à ma sœur parce que... J'étais un peu prise dans le chamboulement de cette nouvelle vie, mais je me rends compte que je n'ai jamais pris le temps de lui adresser des mots pour conclure un peu cette histoire qui nous est arrivée. En fait, je lui écris pour lui dire que je l'admire beaucoup.
pour lui dire qu'elle m'a vraiment impressionnée pendant toute cette période, qu'elle a été très courageuse. Je ne connaissais pas ses qualités chez ma sœur. C'est important pour moi d'adresser ces mots, et je pense que c'est une sorte de conclusion.
Elle me répond qu'elle me remercie d'avoir été là pour elle, qu'elle trouve que ça fait que quelques semaines, mais que je gère super bien mon rôle de mère, ça me fait super plaisir. Et aujourd'hui, mon fils a un an. Il grandit, ça se passe bien, il connaît sa tante. qu'il aime très fort. L'amour de ma sœur pour mon fils, il grandit de jour en jour. Elle a vraiment mené ce combat de front et je trouve que je m'occupe plutôt bien de mon fils.
On a réussi à traverser ces épreuves pour elle et cette nouvelle aventure pour moi. C'est une belle conclusion pour nous deux. Vous venez d'écouter Transfer. Ce témoignage a été recueilli par Laura Taouchanov. Transfer est produit par Slate Podcast. Direction et production éditoriale Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours.
Chargée de production Astrid Verdun. Chargée de post-production Mona Delahaye. Musique originale Sable blanc. L'introduction est écrite par Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Elle est lue par Aurélie Rodriguez. Retrouvez Transfert tous les jeudis sur slate.fr et sur votre application d'écoute préférée. Découvrez aussi Transfer Club, l'offre premium de transfert. Trois fois par mois.
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