Une lumière dans la nuit - podcast episode cover

Une lumière dans la nuit

Dec 21, 202324 minSeason 8Ep. 295
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Summary

Hana raconte son premier Noël en 1997 à Alger, en pleine guerre civile. Malgré le danger constant des attentats et la peur ambiante, ses parents décident de célébrer secrètement cette fête inhabituelle pour créer un espace de joie et de normalité. Cette expérience marquante, symbole de résilience et d'espoir, ancre profondément son lien avec sa ville natale et l'importance de cette tradition familiale.

Episode description

Chaque année en décembre, c'est la même effervescence, celle de la magie de Noël. À chaque famille ses habitudes, dont on ne connaît pas vraiment l'origine. Car qui se souvient vraiment de son tout premier Noël?

Son premier Noël, Hana l'a fêté en 1997, en Algérie. Le pays est alors en proie à un cycle de violences consécutif à l'annulation des élections législatives par le gouvernement, inquiet d'une victoire du Front islamique du salut. Ainsi, entre 1991 et 2001, le pays vit ce qu'on appelle la décennie noire, ou la guerre civile algérienne.

Avec ses yeux d'enfants, Hana ne comprend pas vraiment ce qu'il se passe. Elle sent un danger, à la fois proche et lointain. Mais, alors que les attentats et les massacres se multiplient, que les groupes islamistes armés et le gouvernement se livrent une guerre sans pitié, une lumière luit pour elle dans la nuit.

L'histoire d'Hana a été recueillie par Auriane Guerithault.

Transfert est produit et réalisé par Slate Podcasts.

Direction éditoriale: Christophe Carron
Direction de la production: Sarah Koskievic
Direction artistique et habillage musical: Benjamin Saeptem Hours
Production éditoriale: Sarah Koskievic et Benjamin Saeptem Hours
Chargée de pré-production: Astrid Verdun
Prise de son: Johanna Lalonde
Montage et habillage musical: Victor Benhamou
Musique: «Calm, Let Us Adore Him» - Casimir Stanley Giedroyc Bowyer et Louise Carmen Spencer

L'introduction a été écrite par Sarah Koskievic et Benjamin Saeptem Hours. Elle est lue par Aurélie Rodrigues.

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Transcript

Le Contexte de la Décennie Noire

Chaque année en décembre, c'est la même effervescence, celle de la magie de Noël. A chaque famille, ses habitudes dont on ne connaît pas vraiment l'origine. Car qui se souvient vraiment de son tout premier Noël ? Son premier Noël, Anna l'a fêté en 1997 en Algérie. Le pays est alors en proie à un cycle de violence consécutif à l'annulation des élections par le gouvernement, inquiet d'une victoire du Front islamique du salut. Ainsi, entre 1991 et 2001,

Le pays vit ce qu'on appelle la décennie noire ou la guerre civile algérienne. Avec ses yeux d'enfant, Anna ne comprend pas vraiment ce qu'il se passe. Elle sent un danger, à la fois proche et lointain. Mais alors que les attentats et les massacres se multiplient, que les groupes islamiques armés et le gouvernement se livrent une guerre sans pitié, une lumière lui pour elle dans la nuit. Vous écoutez Transfer, épisode 295, un témoignage recueilli par Oriane Guérito.

Une Enfance sous Tension

Je suis née en 1990 à Alger, comme tous les membres de ma famille, à part mon père. En 1990, pour tous les Algériens, ou en tout cas en grande partie, c'est un peu le début des emmerdes. Alger, pour moi... Je la connais avec une atmosphère assez chaotique, dès le départ. Mes parents sont plutôt laïcs, libéraux, même s'il y a une grande divergence d'opinion politique.

Mon père est plutôt capitaliste, assez libéral, assez à l'américaine. La famille d'abord, avec les affaires. Ma mère, c'est plutôt le tiers-mondisme des années 70. Une période qu'il a beaucoup marquée. En 1990, les élections législatives ont failli porter un parti islamiste au pouvoir. Et l'arrêt des élections a...

signé le début d'une guerre civile qui a bouleversé la société. C'est le début du terrorisme au quotidien. Alger n'est pas épargné, même si c'est la capitale. Il y a le bruit des bombes assez quotidiennement. Comme je suis petite, je les entends sans me dire que c'est un danger réel pour moi ou pour ma famille, parce que c'est assez finalement quotidien. Au bout d'un moment, on normalise un peu le bruit des bombes.

Je suis très petite et mes sœurs et moi allons dormir chez ma grand-mère. Mes parents partent au Maroc pour les vacances, le soir de leur voyage. Le premier attentat qui atteint vraiment les civils fait exploser une partie de l'aéroport d'Alger, dans la partie internationale. Ça fait paniquer mes tantes, ma grand-mère et mes sœurs. Je suis trop petite pour m'en rendre compte.

Mes tantes imaginent déjà comment répartir les enfants. Qui va s'occuper des enfants ? Qui va s'occuper des filles ? Qui va s'occuper de leur éducation ? Et le travail de deuil commence quasiment. Alors que mes parents sont arrivés à Agadir. Comme il n'y a pas de téléphone, mes parents arrivent à l'hôtel d'Agadir. Ma mère monte dans la chambre d'hôtel. Mon père va au bar prendre un verre comme à son habitude.

Le serveur dit « Mais vous êtes arrivés ? » Et mon père ne comprend pas. « Mais oui, pourquoi ? On n'est pas les bienvenus. » Et en fait, on leur dit « Mais il y a eu un attentat à Alger. » Et là, au même moment... Ma mère apprend la nouvelle dans les infos. Elle descend au bar et lui monte, ils se rencontrent et ils se rendent compte qu'il y a eu un énorme attentat à Alger.

et qu'en fait, l'avion a décollé au moment même où la bombe a explosé. Et c'est un choc pour eux, parce que les terroristes ont l'habitude d'atteindre plutôt les policiers, les militaires. Ils commencent à atteindre aussi les instituteurs ou les fonctionnaires, mais les civils, ça c'est une première. Et en fait, c'est la première fois que ma famille est proche du danger, à ce point. Socialement.

On comprend que toute personne est susceptible d'être atteinte à un attentat ou à un meurtre, en fait. Toute la société civile est touchée. Dans notre famille, mon père est plutôt... ouvert d'esprit, mais surtout il le dit. Il est connu dans le quartier que c'est un démocrate, que toute théocratie pour lui lui paraît insupportable. C'est un consommeur d'alcool. L'alcool a toujours été présent à la maison parce que...

Mes parents sont plutôt fêtards, ils aiment beaucoup recevoir, en particulier mon père. Il a un côté un peu mondain, finalement. Il aime les amis, il aime la musique, il aime la bonne chair, le bon vin, le bon verre et la joie de vivre. Dans les quartiers urbains, les touristes prennent l'habitude de couper l'électricité. Ça leur permet de rentrer dans les maisons et de commettre certains massacres.

C'est une angoisse qui commence à prendre au fur et à mesure. Même si on est plutôt épargné, parce que mes parents souhaitent nous protéger. De toute angoisse, on ressent malgré tout à travers la réaction des parents quand l'électricité est soudainement coupée. Et je vois ma mère pleurer.

Je vois en revanche une de mes sœurs pleurer aussi. Moi, je me moque de ma sœur parce que je considère que c'est une chochotte et je ne comprends pas pourquoi. Même si au fond de moi, en réalité, je suis au courant. Je sais.

Un Refuge et la Peur Extérieure

Quel est le danger ? Et je sais qu'on peut effectivement rentrer dans la maison et tous nous tuer, quelle que soit la raison. Au sein de la maison, en fait, on essaye de créer un cocon. Ma sœur, qui est de plus en plus séduite, par la culture métal, la culture gothique, commence à construire un univers dans notre chambre, qui est pourtant peinte entièrement en rose. Les posteurs sont remplis.

C'est des posters de Michael Jackson. Et puis, un jour, elle comprend que Michael Jackson, c'est pas assez rock'n'roll. Du coup, elle les enlève et elle les remplace par Metallica et encore C'est assez gentil. Elle est remplace encore par Slayer ou Sepultura ou Pantera, donc des groupes un peu plus trash. Et un jour, je rentre de l'école. Je rentre dans la chambre, je pose mon cartable, je lève les yeux et je vois ma soeur.

avec un marqueur des débiles noirs, et elle s'en sert à ce moment-là pour dessiner des lettres gothiques. Et je lui dis « mais maman va te tuer ». Et elle me dit « mais c'est pas grave ». Ma mère rentre, elle voit ma sœur, et je me rappelle. Pas très bien de sa réaction. Je sais juste qu'elle finit par l'accepter et même à aimer, en fait, cet univers. Cette culture commence à s'y imprégner. C'est aussi l'époque des paraboles. On voit de beaucoup, beaucoup, beaucoup de films.

que ce soit américain en particulier, mais aussi français ou autre. Cette ouverture au monde, elle est très présente parce qu'à l'extérieur, c'est quasiment impossible. Ce qui est bien dommage, c'est que dans notre famille, on aime beaucoup le cinéma. On regarde énormément de films.

Et il est impossible à l'époque de partir dans une salle de cinéma parce que c'est très dangereux. Et qu'on peut aussi être victime d'un attentat. Parce que les attentats marquent partout. Une voiture piégée peut exploser à côté d'une école, à côté d'un arrêt de bus. Et c'est l'angoisse de ma mère quand elle va nous chercher à l'école. Et son angoisse, à elle, ce n'est pas forcément de mourir, c'est de nous laisser seules. Mais c'est quelque chose qui n'est pas...

Au final, c'est traumatisant parce qu'on l'a intégré. Et on le vit au quotidien. Et ce n'est pas grave. Dans ma tête, d'ailleurs, je ne suis pas consciente que c'est une guerre. Pas du tout. Je me dis que dans d'autres pays, c'est comme ça aussi. Même si nos parents nous protègent, il y a quand même des informations qui nous parviennent. Et les massacres nous touchent particulièrement.

Un jour, dans un salon de coiffure, je vois les journaux sur la table et j'entends les femmes parler d'un massacre qu'il y a eu la veille. Et je vois sur la couverture du journal... Ben Talha. Ben Talha, c'est pas très loin. Et il y a eu un énorme, énorme massacre qui a provoqué des centaines de morts. Et... Et là, on se dit que c'est quand même pas loin. Et des images nous parviennent. Des récits atroces avec des égorgements, des femmes ventrées ou des bébés jetés contre le mur.

C'est très paradoxal parce qu'on se sent protégé. On a l'impression que c'est quelque chose qui ne pourrait pas nous atteindre parce que nos parents ont construit une forteresse à la maison, mais à l'intérieur. On se dit, ça peut, effectivement, nous arriver. Et en fait, il y a une certaine fatalité qui commence à s'instaurer. Et en fait, cette fatalité nous conduit aussi à se dire dans notre tête, si ça m'arrive...

Préparatifs Secrets pour Noël

Je préférais me faire tuer par balle qu'être égorgée. Quelques semaines avant Noël, mes parents décident de nous faire ce plaisir et de célébrer cette fête qui nous paraît assez exotique. On voit cette fête dans les films américains. Ça nous amuse de les voir décorer un sapin, faire un grand repas. Tout est un bon prétexte pour fêter la vie. Mes parents décident de célébrer Noël.

tous les clichés possibles. Donc, le sapin, la déco, la musique. Alors, cependant, il y a tout un stratagème à faire. La célébration de Noël est quand même assez dangereuse dans ce climat. On va dire la mission la plus importante, ou je dirais la plus risquée, c'est le fameux sapin. Un contact de mon père lui dit qu'il y aurait une possibilité d'en trouver un.

Et c'est le cas. Donc il trouve un sapin, il l'emmène quelques jours avant Noël, il le met dans le coffre d'une voiture, discrètement, devant la boutique de ma mère, et il l'enroule d'un tapis. et le mets dans le local de ma mère. Le soir, ils le remettent dans la voiture pour le mettre devant la maison. Ils gardent la voiture devant l'immeuble et ils attendent vraiment le couvre-feu pour le faire monter, afin qu'aucun voisin ne puisse voir le fameux sapin.

Donc mes parents décident de descendre à ce moment-là en se disant « bon allez, c'est pas grave, on est juste en face de l'immeuble, de la porte de l'immeuble, on fait monter le sapin ». sur la pointe des pieds, un peu comme Cléopâtre dans son sapi, cette fois c'est le sapin. On fait rentrer dans la maison, on le déroule et c'est la joie. C'est vraiment la joie parce que c'est un moment exceptionnel et exotique. On a un sapin à la maison.

Fêter Noël Malgré le Danger

On peut décorer et faire en sorte de fêter Noël. Mes parents, ce qui est très amusant, c'est qu'ils trouvent assez facilement les décorations, les boules, les guirlandes. Mais c'est un kitschisme assez phénoménal parce que vraiment, le salon brille de mille feux. les boules avec des perles, un velours entouré de velours. Enfin, ce n'est pas du tout dans la sobriété. Ce qui pousse mes parents à donner quelques jours de congé à la femme de ménage parce qu'on ne sait jamais.

Donc j'ai un peu suspicion, on ne peut faire confiance à personne. Pas forcément elle, d'ailleurs. Elle peut juste le dire à sa voisine, à une amie, et peut-être que cette amie a des contacts qu'il ne faut pas, et du coup, révéler l'information. Et on peut se retrouver à six pieds sous terre. On invite juste quelques amis extrêmement proches, dont nos voisins de palier, avec qui on est très liés. Les portes sont toujours ouvertes, je vais toujours jouer avec leur fils après l'école.

Quelques jours avant, c'est aussi l'anniversaire de nos voisins. Du coup, on peut avoir le prétexte de dire « c'est juste son anniversaire, donc tout va bien, on ne commet aucun blasphème ». Moi, je suis contente parce que je joue un peu à l'américaine, encore une fois, et je porte une robe de velours rouge avec des couettes.

On a des jouets, une montagne de cadeaux, mais c'est des jouets en revanche qui sont assez genrés, parce qu'on n'est quand même que des filles. Du coup, c'est quand même pas mal de Barbie. Alors Barbie dans tous les coins, Barbie rose, Barbie blonde, Barbie la vaisselle.

fait la vaisselle, Barbie fait la cuisine, Barbie fait sa lessive, Barbie dans l'avion, Barbie dans l'espace. Et là, on sent que nos parents veulent vraiment nous faire plaisir. Ce n'est pas du tout une fête pour les adultes, c'est vraiment une fête pour les enfants. Alors, mon père est extrêmement... joyeux, ma mère est très contente de nous voir heureux, mais plutôt heureuse, parce qu'il y a aussi d'autres enfants, les autres enfants sont aussi gâtés.

La musique, le verre de scotch à la table, le rire, c'est quand même un moment extrêmement joyeux. C'est vraiment très cliché. C'est une fête dans tous les clichés possibles. Après l'euphorie de la fête, on est très contents. On n'a pas de problème. Le voisinage semble calme. On range la décoration et on se dit, mais qu'est-ce qu'on va faire de ce sapin, du coup ?

Le faire monter, d'accord, mais est-ce qu'on le fait encore à la Cléopathe dans le tapis ? Bon, on se dit, il y a peut-être une autre solution. Un peu comme dans les récits, dans les faits divers, un peu atroces, on le découpe en morceaux. Et on l'éparpille complètement dans les sacs poubelle. On le descend petit à petit, mais en faisant extrêmement attention à ce qu'aucune branche ne dépasse, on va dire, du sac poubelle. On le jette discrètement.

avec un sentiment à la fois de rire, même si on est un peu angoissé, parce qu'on se dit « faites tout ». Tout peut être possible, finalement. On peut ouvrir la benne, on voit des branches de chapin et surtout, il est quand même assez immense et on comprendrait très vite qu'il y a un sapin qui a traîné dans l'immeuble. Donc, ça reste toujours risqué.

L'Exil et la Perte

L'épisode de Noël ouvre une autre époque où on sent toujours une tension quand même socialement. J'entends mes parents décider d'un potentiel départ. On ne sait pas où. Il considère que ce n'est plus vivable, que d'autres problématiques pourraient aussi nous perturber. Et il décide de partir du jour au lendemain, quasiment. Et un jour, mes parents nous disent « c'est décidé, on part en France ».

pour l'instant, dans l'option de partir ensuite au Canada. On part, en laissant une grande partie de nos affaires derrière nous, et on s'installe en France. La première année, elle est... Elle est plutôt amusante de mon côté, puisque c'est une nouvelle aventure, une nouvelle école. Une école d'ailleurs catholique. D'ailleurs, c'est très amusant de passer des sciences islamiques au catéchisme. Ça me paraît vraiment drôle.

Et je me rends compte que je ne reverrai plus jamais ma maison. Et je sens que c'est un énorme gouffre qui s'ouvre en moi. Parce que je me dis, mes amis, je n'ai pas dit au revoir à mes amis. Et mes cousines, je ne vais plus les voir tous les week-ends. Et ma soeur va de plus en plus mal d'ailleurs. Elle supplie presque ma mère et mes parents plutôt d'aller vivre chez...

chez ma grand-mère, de rentrer à Alger. Pour mes parents, et surtout mon père, c'est très très difficile. Ils ne supportent pas l'exil, ils montent une affaire, mais... Il sait très bien qu'il n'est plus dans son environnement. Il a quitté ses parents, sa mère, sa famille, son environnement, ses amis. Alger est une ville particulière parce qu'on a un grand attache pour les quartiers.

Quand on appartient à un quartier, on appartient à une communauté. Et il a cette impression qu'il a quitté sa communauté. Pendant des années, il a vécu dans le même quartier. Et maintenant, c'est un nouveau quartier, c'est un nouveau pays. Et il a l'impression... de ne pas avoir de repères. Et c'est le cas pour moi aussi et pour nous tous. Quelques années plus tard, mon père lâche prise et il décède d'ailleurs très peu de temps après.

Retour et Lien Durable

C'est une période compliquée autour du décès de mon père, mais je sais que Calgé, c'est toujours en moi, c'est toujours une partie de ma vie. C'est pas patriotisme, parce que c'est... Pas quelque chose qui me touche particulièrement, mais c'est la ville qui m'habite beaucoup. C'est sa lumière qui me manque beaucoup, et notamment les gens. Il y a une ambiance...

qui est différente. C'est l'appartenance à un environnement, à une communauté. C'est très collectif par rapport aux villes du Nord. Et j'ai un besoin très vite. Très vite, au fil de mon adolescence, d'y retourner, mais assez régulièrement. J'y suis toujours retournée. À partir de l'âge adulte, je me dis...

Mais je ne veux pas juste partir pour les vacances, pour le loisir. Alger fait partie de moi et elle fait partie de ma vie. Et c'est quelque chose qui me rattache aussi à mon père. C'est à partir de mes 25 ans où j'y vais. Très régulièrement, pendant des mois. Et c'est le cas aussi de ma soeur aînée qui est retournée, qui a pris la première occasion pour reconstruire sa vie là-bas. Et elle a fondé sa famille et il y habite.

Et elle ne veut pour rien au monde quitter cette ville. De mon côté, je suis obligée d'avoir ma vie à Paris pour mon travail et pour mes études. Mais Alger, c'est... impossible de couper. Du coup, je considère que c'est pas du tout une ville où j'y vais pour les vacances, mais il y a une sorte de revanche un peu en moi, surtout vis-à-vis de mes parents, de mon père, ou de me dire non, je veux pas...

En fait, qu'on nous pousse vers l'extérieur, on fait partie d'elle. J'ai fini par construire une partie de ma vie là-bas. 2019 a été une année importante. Le mouvement du Hirak a... J'ai l'impression que c'est un mouvement qui a un peu racconcilié les gens. Parce qu'après la guerre, durant les années 2000, on sent malgré tout que...

Que dans la société, il y a beaucoup de colère. Et surtout, ils sont en colère entre eux. Mais au fil du temps, et particulièrement en 2019, il y a beaucoup plus de paix, mais entre nous. C'est-à-dire que les gens se sont réconciliés. Et je le sens aujourd'hui. Bien sûr, Alger, ce n'est pas tout le pays. Ce n'est pas toute la société. Ce n'est pas 44 millions d'habitants. Je suis bien consciente que c'est une ville juste elle-même. Et on s'accepte, malgré les différences opposées.

De mentalité, ça reste une ville conservatrice, une société conservatrice, mais j'ai l'impression qu'on finit par s'accepter finalement. En 2021, mon neveu est né au mois de décembre. On fait les courses avec ma sœur, et surtout les fameux cadeaux d'anniversaire. On remplit nos sacs, et il est vrai que les cadeaux sont enveloppés avec un papier cadeau qui font référence à Noël finalement, avec les petits sapins, les petites guirlandes ou les petites boules.

On va à une supérette pour faire des courses avec ma sœur. On dépose les fameux sacs devant, chez le gérant. Et il nous fait un grand sourire et il nous dit « Ah, mais ça sent le 24, ça ! » Et en fait, on a eu une même réflexion, soudain, avec ma sœur. On s'est dit, il y a 20 ans, on n'aurait jamais entendu ce type de propos. Parce que, en fait, Noël, c'était un blasphème. Et on sent que ça a complètement changé.

qu'aujourd'hui, Noël, c'est rentré dans les mœurs, et que c'est complètement normal. Et c'est vrai que ça me rappelle aussi quand on décore, on fête toujours Noël aujourd'hui, et quand on décore le sapin chez ma sœur, à Alger. Le sapin est posé à côté d'une fenêtre. Je me rends compte que je tire le rideau parce que je n'ai pas envie de le montrer à l'extérieur, par réflexe, par peur, alors que je sais qu'en fait, il ne peut rien nous arriver maintenant.

C'est un réflexe que j'ai à ce moment-là. Et en fait, quand j'entends le commentaire des papiers cadeaux, des sacs, et je me dis mais tu n'as plus aujourd'hui... à te préoccuper. Tu peux vivre ta vie et tu peux fêter Noël si tu en as envie ou faire autre chose. Et je peux laisser le rideau ouvert parce que maintenant, on ne risque rien dehors. Noël, ça fait référence à mon père et surtout à mes parents qui ont eu la détermination de fêter malgré la contrainte et chaque année.

Je veux fêter Noël. Et du coup, je mobilise toute ma famille en me disant, du coup, maintenant, on fait quoi pour Noël ? Et il y a des années où ma famille ne veut pas. Je me dis, c'est bon, allez, on a la flemme. C'est bon, on va juste faire un rôti. Non. Et moi, je dis non. Non, c'est hors de question. Noël, c'est pour moi une fête familiale importante. C'est l'incontournable de l'année.

Parmi les incontournables, pas seulement ça, mais l'incontournable du mois de décembre, il est hors de question de ne pas fêter Noël. Et ne serait-ce que jusqu'à ce que m'ait vraiment saoulé ma famille pour le faire et mobiliser vraiment toute l'organisation. Je suis toujours contente parce que je me dis, c'est l'occasion de ressortir les décorations qui sont finalement restées dans le placard. Et on les ressort à chaque fois et on les montre à mon neveu et on lui dit...

Tu sais, ça, c'était notre premier Noël. Et maintenant, on le décore avec lui. Et ça l'amuse de voir ses perles vraiment avec du velours. Et il l'accroche au sapin. C'est aujourd'hui une fête familiale, plus que civilisationnelle, et ça nous fait toujours plaisir. Vous venez d'écouter Transfer, épisode 295, un témoignage recueilli par Oriane Guérito. Cet épisode a été produit par Slate Podcast. Direction éditoriale, Christophe Caron.

Direction de la production, Sarah Koskiewicz. Direction artistique, Benjamin Septemours. Production éditoriale, Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Chargée de pré-production, L'introduction a été écrite par Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Elle est lue par Aurélie Rodriguez. Retrouvez Transfert tous les jeudis sur Slate.fr et sur votre application d'écoute préférée. Découvrez aussi Transfert Club, l'offre premium de transfert.

Deux fois par mois, Transfer Club donne accès à du contenu exclusif, des histoires inédites et les coulisses de vos épisodes préférés. Pour vous abonner, rendez-vous sur slate.fr slash transferclub. Pour proposer une histoire,

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