¶ Introduction et Pause Transfert
Chères auditrices et auditeurs, Transfer fait une pause avant de revenir le 4 juillet 2024. En attendant, nous vous proposons d'écouter cet épisode qui vous a fait tant réagir lors de sa première diffusion. C'est un de vos préférés, et pour tout vous dire, c'est aussi l'un des nôtres. Bonne écoute.
Il est de ces journées qui commencent comme celles de la veille, mais après lesquelles rien ne sera plus jamais comme avant, à cause d'un instant, parfois imperceptible, où tout bascule. Sur le moment, on n'y prête pas forcément attention.
parce que le signal est trop faible ou parce qu'on refuse consciemment ou non de le voir et puis quand on ne peut plus ni reculer ni refuser la situation on l'embrasse tant bien que mal muriel a tout fait pour que la normalité persiste dans sa vie Et dans sa famille, elle s'est battue pour vivre, danser, chanter, sans jamais douter de l'issue de son combat.
Attention, cet épisode aborde des sujets qui peuvent heurter la sensibilité. Pour plus de détails sur le contenu, reportez-vous au texte de description de l'épisode.
¶ Une Vie Ordinaire Interrompue
Ma vie en 2016, elle est tout à fait ordinaire. Je vis en couple, on a 40 ans, on a deux enfants. Une fille de 8 ans et demi et un petit garçon de 3 ans. On vit au Lila, en banlieue parisienne. On a un grand appartement, chacun sa chambre. On aime bien le week-end inviter nos amis, faire la fête. Il y a de la vie, il y a de la joie. La vie est normale, simple. Héloïse, c'est une petite fille qui est...
pleine de vie, qui est très joyeuse. Elle aime bien inviter ses copines à la maison. Elle écoute de la musique dans sa chambre à fond avec les copines. Elles aiment bien raconter des blagues, faire les fofolles. C'est une petite fille qui est plutôt extravertie et très chouette. Notre été 2016... se passe dans le sud de la France, un petit village qui s'appelle Carcérane, où ma mère habite. Donc on passe notre été là-bas avec mon mari, les enfants, et j'ai le souvenir de...
Mathias et Héloïse, tous les deux. Mathias est sur une planche de bodyboard et Héloïse le tire avec le leash. Ce qui fait que lui glisse sur les petites vaguelettes du bord. Je les entends rire et recommencer, et rire et recommencer. C'est un moment qui est très beau, très fort. À la rentrée, je remarque qu'il y a quelque chose d'inhabituel chez Héloïse. Elle qui a une écriture très très belle, très régulière. Je remarque qu'il y a une sorte de petit tremblement dans l'écriture.
Et je me pose la question de savoir si elle est stressée, elle rentre en CM1. Et je me demande si elle n'est pas un peu stressée par l'école. Elle qui habituellement, ça roule plutôt bien à l'école. Le week-end du 12 novembre, on est invité chez des amis à Nantes. On arrive en fin d'après-midi. Le soir, les enfants jouent ensemble. Nous, on se prépare le dîner en buvant un apéro.
et Loïse, je la vois à un moment donné assise sur le canapé, elle lit une BD. Je vois qu'elle décrypte les bulles en rapprochant la BD de son visage. Ça me questionne un peu parce qu'on avait fait un rendez-vous ophtalmo deux semaines avant. qui était tout à fait normale, elle avait 10 sur 10 aux yeux, donc je lui pose la question, je lui demande, mais tu vois trouble, tu vois flou, qu'est-ce qui se passe ?
Puis elle me répond un peu à côté, oui, oui, mais ça va, c'est parce que je lis mieux comme ça. Bon, à ce moment-là, je lui dis, on retournera voir l'ophtalmo parce que c'est pas normal. Le soir, on se couche, donc les enfants se couchent un peu plus tôt que nous. Et au petit matin, très tôt, vers 6h, Héloïse se réveille, elle a mal au cœur et elle va aux toilettes.
vomir. Le papa comprend que ça doit être la gastro. Donc il reste auprès d'elle et puis il remarque qu'elle parle bizarrement par syllabes et que c'est pas cohérent. Il vient me chercher et elle me répond de façon complètement incohérente avec un mélange de syllabes.
¶ Urgence et Premières Nouvelles
On a en ligne un médecin du SAMU. Il m'explique qu'il faut venir aux urgences et qu'il prévient les urgences de l'hôpital de Nantes qu'on va arriver. Et là, je comprends qu'il se passe quelque chose... vraiment pas normal et de grave. Je sais que ça touche les fonctions neurologiques, parce que je travaille à l'hôpital et j'ai un peu des notions. Donc ça me semble grave, mais en même temps, je me rassure en me disant que non, ça ne va pas être si grave que ça.
On va vite la traiter et puis ça va passer. J'arrive aux urgences. Le papa et Héloïse sont dans un box des urgences et Héloïse est allongée sur un brancard. Elle a passé une IRM juste avant, donc on attend les résultats. Je lui demande si ça va, et là, elle me répond, oui, oui, ça va, je suis un peu fatiguée. Déjà, je sens qu'elle va mieux parce qu'elle arrive à s'exprimer. Le médecin des urgences vient nous chercher en nous demandant de sortir du box et de la suivre dans une pièce à côté.
Donc on sort du box et là on se rend compte qu'elle n'est pas toute seule, qu'elle est accompagnée de l'interne, d'une infirmière et d'un autre médecin. Et on arrive dans une autre pièce où sont installées deux chaises côte à côte, où là, on nous demande de nous asseoir. On s'installe, on nous propose un verre d'eau. Donc là, ça me conforte dans l'idée qu'il se passe vraiment quelque chose de pas normal.
Et la médecin des urgences nous annonce qu'à l'IRM, ils ont vu qu'il y avait une lésion au cerveau. Et elle n'en dit pas plus. Donc on est surpris, choqués, on ne comprend pas bien qu'est-ce que c'est une lésion, mais elle ne peut pas nous en dire plus, donc elle nous annonce qu'Héloïse va être transférée. à Paris, là où elle habite, à l'hôpital Necker, dans le service de neurochirurgie. Et que soit elle sera transférée en ambulance, soit en hélicoptère.
Louise passe la nuit en réanimation, je reste avec elle. Elle parle normalement, elle regarde les dessins animés, elle a mangé. Donc ça me rassure beaucoup. Je la laisse tranquille et puis au bout d'un moment, j'avais besoin de fumer une cigarette, donc je sors de l'immeuble et j'appelle l'ami chez qui on était logé à Nantes. Et puis d'un seul coup, je me mets à pleurer. J'ai une peur panique qui m'envahit et je lui dis, je ne pourrai pas vivre sans elle.
¶ Attente du Diagnostic Réel
On arrive donc à l'hôpital, elle est installée dans une chambre seule. L'hôpital est assez grand, je ne le connaissais pas cet hôpital, il est plein de couleurs, c'est un bâtiment assez récent. L'infirmière vient nous voir en nous expliquant qu'elle doit passer une autre IRM parce que l'IRM qu'elle a passé à Nantes, les médecins n'arrivent pas à bien lire les images, donc il faut qu'elle refasse une IRM. le lendemain.
Elle passe l'IRM et on attend que le médecin vienne nous voir dans sa chambre pour nous dire ce qu'il en est. Les heures passent et nous, l'angoisse commence à monter et je finis par... Je décide d'aller voir le médecin qui est dans le couloir en train de faire la visite du soir dans les chambres.
Je l'intercepte entre deux chambres et je lui dis qu'il faut absolument qu'il vienne nous voir et qu'il nous explique ce qui se passe parce que nous, ça fait 48 heures qu'on attend de savoir ce que notre fille a. Et je le sens assez mal à l'aise, alors il me répond que oui, oui, il passera, mais il finit sa visite et puis à ce moment-là, soit il passe après, mais c'est pas sûr, mais en tout cas demain matin, sûr, il passe.
Et moi, je m'énerve et je lui dis non, ça ne sera pas demain matin, ça sera après votre visite parce que nous, on ne peut plus attendre. Donc, il me répond d'accord. Et on retourne dans la chambre et on attend. Et là, au bout de deux heures, une infirmière vient nous voir en nous disant « le médecin vous attend dans son bureau ». Donc enfin, on se dirige avec le papa.
Donc dans un long couloir qui nous mène sur un autre bâtiment. Et là, ce n'est plus tout à fait le même bâtiment parce qu'on passe par une petite passerelle. Une architecture moderne, un mélange de métal, de peinture un peu noire. C'est assez sinistre. Moi, j'ai le souvenir de couleurs très sombres.
¶ Le Diagnostic Tombe : Tumeur
On toque au bureau du médecin, on rentre, il nous fait asseoir. Il a son écran d'ordinateur allumé avec les images IRM d'Héloïse. Et là, il nous tourne l'écran. Il fait le contour avec son doigt d'une espèce de forme. Et il nous dit, Héloïse a une tumeur. au cerveau. Moi, je m'écroule intérieurement. On ne s'attendait pas à ça, en fait. Pour nous, une lésion, c'était peut-être un peu une hémorragie, quelque chose, un kyste, je ne sais pas.
Tout sauf une tumeur, le mot tumeur. Et le médecin tout de suite enchaîne en nous expliquant qu'elle est peut-être bénigne. Elle est peut-être maligne et que pour le savoir, il faut qu'il l'opère et qu'il fasse une biopsie de cette tumeur pour savoir quel traitement adapter à son cas. Le papa pose la question, quel est le pourcentage de chance, que ce soit bénin, malin ?
Et là, il part dans des considérations statistiques, au moins, qui m'échappent. En fait, je n'entends plus rien. Je suis complètement sidérée. En gros, ce que j'entends, c'est de toute façon, quoi qu'il arrive, que ce soit bénin ou malin, elle aura de la radiothérapie et de la chimiothérapie. Et le mot radiothérapie et chimiothérapie me...
¶ Réaction, Espoir et Soutien
me choque encore plus. J'explose en larmes et je dis au médecin mais c'est pas possible, elle a que 8 ans. Et là je vois dans son regard qu'il est très triste et... qu'il ne sait pas quoi me répondre. Mais il me répond du juste, oui, je sais. C'est comme si on était deux fantômes. On sait que la vie ne sera plus jamais comme avant. Il y a une fissure qui s'est vraiment...
creuser à ce moment-là. On fait les choses machinalement, c'est-à-dire mécaniquement, on sort du bureau, et là, il n'y a qu'une chose auquel moi je me raccroche, c'est Héloïse nous attend dans sa chambre. Et je pense que c'est ça qui me sauve. Parce qu'elle est là, parce qu'elle nous attend et que c'est elle en fait qui est le plus important dans l'histoire. Donc c'est ce qu'on fait, on retourne dans la chambre, on discute un peu avec elle, on lui dit qu'on a vu le médecin.
et qu'effectivement le médecin a trouvé qu'elle avait une boule dans la tête. On ne peut pas prononcer le mot « tumeur », c'est trop dur pour nous. Et on lui explique que la boule, on va être obligé d'aller en enlever un petit morceau pour voir si c'est une boule qui est « gentille », un peu méchante ou très méchante. Elle nous fait totalement confiance.
Donc si pour nous on accepte cette intervention-là, elle l'accepte. Je demande à une amie à moi dont la sœur connaît bien une chanteuse qu'Éloïse adore, c'est sa chanteuse préférée. c'est Louane. Et je demande à mon ami de demander à sa sœur si c'est possible d'avoir un petit message de Louane pour Héloïse, pour lui donner du courage. À peine, je dirais, une heure après.
On a un message de Louane sur mon téléphone qui s'est pris en photo, en selfie, et qui met un petit mot sous la photo en disant « Bon courage, ma petite Héloïse. » Je te fais plein de bisous et je sais que tu es une petite fille très courageuse. Et Héloïse découvre ce message et elle est hyper heureuse.
Louane, elle n'y croit pas, sa chanteuse préférée. En plus, on a été la voir en concert 15 jours avant, lui envoie ce message-là, rien qu'à elle, et avec beaucoup de sincérité. Donc elle est hyper contente. Et ce message-là, on va l'imprimer en format A4, qu'on va plastifier et qu'on va mettre dans sa chambre pour donner du courage à Héloïse. Je suis super heureuse parce que...
¶ Chirurgie et Conséquences
J'ai envie de faire tout ce que je peux, tout ce qui est en mon pouvoir pour voir ma fille sourire, pour qu'elle soit heureuse. On arrive au moment de l'intervention. Héloïse a son doudou avec elle. et on l'accompagne devant les portes du bloc opératoire. L'infirmière nous explique que l'intervention va durer bien 4 heures.
Donc elle nous conseille d'aller faire un tour et d'aller manger un bout dehors, de sortir de l'hôpital et d'en profiter pour aller se balader et pas attendre à l'hôpital, ça sert à rien. Donc c'est ce qu'on fait. On mange un bout et puis on essaye de penser à autre chose, on parle d'autre chose. Et on attend que le temps passe. Donc au bout de 4 heures, enfin je dirais 3 heures et demie, on repart à l'hôpital et puis on décide d'attendre dans le hall.
du service, il y a des sièges, une machine à café, quatre heures passent, on commence un petit peu à... à s'inquiéter. Mais bon, on lui dit, voilà, c'est normal. Au bout de cinq heures, on va voir la secrétaire hospitalière, puis on lui demande des nouvelles. On lui dit, bon, là, ça fait quand même plus de quatre heures. Elle nous explique que c'est normal, qu'il ne faut pas s'inquiéter, il faut attendre, le médecin ne va pas tarder, donc on continue à attendre dans le couloir.
Et là, à un moment donné, je me lève et je vois au loin le médecin, le chirurgien habillé en blouse blanche. Donc, je comprends qu'il est sorti du bloc opératoire. Je le vois rentrer tout de suite dans un bureau, suivi de la neurologue, de la cadre infirmière, et je les vois fermer la porte tout de suite derrière eux. Et là, je panique.
Je me dis qu'ils se sont enfermés dans le bureau parce qu'il faut qu'ils en parlent et qu'ils ne savent pas comment ils vont nous dire qu'il s'est passé quelque chose de grave. Elle est morte sur le billard, donc j'attends devant le bureau. On attend, on attend, on attend. Le médecin finit par sortir du bureau et il nous voit. Et là, il nous explique très naturellement...
qu'il est content, qu'il a fait ce qu'il avait à faire, que ça s'est bien passé. Nous qui nous étions imaginés le pire juste avant, on est soulagés. Elle est vivante, elle nous attend en salle de réveil. on est pressé d'aller la retrouver. Pour rentrer dans le service de Réa, il y a des codes à faire, il faut s'habiller avec des habits...
Il faut stériliser, il faut mettre une charlotte, il faut mettre des chaussons aux pieds, il faut se désinfecter les mains je ne sais pas combien de fois. Les chambres, en fait, ce sont que des chambres vitrées. Et au milieu, il y a un îlot où se trouvent les infirmières avec les ordinateurs et les médecins qui surveillent les constances des patients qui sont dans ces boxes-là. Et c'est bien sûr que des enfants.
On retrouve Héloïse dans un de ses box tout vitrés. Et là, elle a un énorme pansement sur la tête qui ne lui recouvre pas les yeux. On voit ses yeux. Par contre, elle est intubée de partout. Elle dort. Bon, elle est en vie, on entend les bip-bip, on est rassuré, et puis surtout on voit Doudou qui est à côté d'elle, et c'est elle, c'est Héloïse, avec son bandeau autour de la tête, avec toutes ses...
ses machines autour d'elle et ses tubes, mais elle est avec doudou, donc tout va bien. Elle reste en réa 48 heures. Et après, elle est transférée dans le service de neurochirurgie dans une chambre seule, donc une chambre à nouveau classique, il n'y a plus tous les tubes autour d'elle. Et le médecin lui demande de se lever. Et là, elle pose les deux pieds par terre et en fait, elle perd l'équilibre puisque sa jambe droite ne la tient pas. Et son bras droit tombe et ne réagit pas.
Donc on la porte, on l'aide un peu à se déplacer et puis après on la repose dans le lit et là on constate qu'effectivement il y a un problème, elle est paralysée. Le médecin nous explique que ça va se remettre en place parce que c'est l'hématome de la tumeur qui fait qu'elle est beaucoup plus grosse et qu'elle touche des zones moteurs.
pas plus inquiets que ça. On est choqués quand même de voir notre fille qui ne tient plus sur ses deux jambes. Mais comme le médecin nous dit que ça va se résorber, on fait confiance au médecin et on n'est plus à ça près, en fait. Avant qu'elle se fasse opérer, elle t'était deux doigts, les deux doigts de la main droite. Et d'ailleurs, c'était un peu un sujet litigieux entre nous parce qu'à 8 ans et demi, 9 ans, il était temps qu'elle arrête de mettre ses doigts dans la bouche.
Après cette première intervention, comme elle a été paralysée du bras droit, elle n'a plus jamais tété ses doigts. Et ça, c'est quelque chose qui m'a beaucoup marquée. Il y avait une partie d'Héloïse qui n'était plus là.
¶ La Gravité Confirmée par Biopsie
Sept jours après, on nous annonce les résultats de la biopsie. Le médecin nous convoque dans une petite pièce, accompagnée d'une infirmière. Et là, le chirurgien nous annonce qu'Héloïse a une tumeur de haut grade, la plus agressive qui soit. On est choqués, en fait, on n'a pas de mots, on subit.
On sent qu'on s'écroule intérieurement, mais je dirais, oui, il y a une sorte de protection psychique qui se met en place pour pas qu'on s'écroule totalement. Et toujours, la question qui arrive derrière, c'est « ok ». Elle a la tumeur la plus agressive qui soit, mais elle va être traitée. Donc on va trouver un traitement, on va la guérir. Donc à chaque fois, on rebondit et on garde espoir parce que c'est notre fille et qu'elle va s'en sortir. Donc on attend la suite.
¶ Accepter l'Incurable
Donc on arrive à l'hôpital Curie pour suivre les soins d'Héloïse et il y a un étage légué pour les enfants où... D'un seul coup, on entend des bruits d'enfants, on entend des jeux, on voit des enfants avec des petites bicyclettes en train de rouler dans ce long couloir, leurs têtes toutes dégarnies où ils n'ont plus de cheveux.
mais on entreaperçoit de la joie de la vie. Le médecin qui s'occupe d'Héloïse nous convoque dans son bureau pour nous expliquer la suite. Il y a plusieurs médecins. Il y a une autre médecin qui est l'assistante clinique. Il y a la secrétaire médicale, une infirmière, et je crois que c'est tout. Mais encore une fois, il y a du monde. Donc à chaque fois, on commence à avoir l'habitude. Quand on voit du monde, c'est qu'on va nous annoncer...
Des nouvelles encore difficiles et là le médecin nous dit on va débuter par de la radiothérapie pour essayer de freiner la progression de la tumeur d'Héloïse. Et là, moi, je suis extrêmement choquée puisque j'entends freiner l'évolution, la progression de la tumeur. Mais en fait, ce n'est pas ça que j'ai envie d'entendre. J'ai envie d'entendre pour réduire.
et faire disparaître la tumeur de ma fille. Je lui dis, mais on ne va pas la guérir Héloïse ? On ne va pas la réduire la tumeur ? Et elle me dit, ben non, ce n'est pas possible. Je sens à l'intérieur de moi une espèce de colère qui monte, mais de la rage en fait, de la rage. Et je réponds à ce médecin, mais en fait, pourquoi on lui fait faire de la radiothérapie ?
Elle me répond, c'est vous qui voyez, c'est vous qui décidez. Du coup, je ne sais plus quoi lui répondre. Je lui pose la question sur le pronostic vital de ma fille, pour combien de temps elle en a. Et là, elle me répond... 6, 9, voire 12 mois maximum. À ce moment-là, j'ai envie de partir, j'ai envie de disparaître. Je ne peux pas supporter ça. Je ne peux pas supporter d'entendre que ma fille est condamnée à mourir.
¶ Vivre Chaque Instant
et qu'elle en a pour 12 mois maximum de vie. Tous les espoirs qu'on avait quand même maintenus, qu'on avait gardés, en fait, tout s'écroule. Il n'y a plus d'espoir. La seule chose qui me tient à ce moment-là, c'est de retrouver ma fille. Il n'y a que ça qui compte. Parce qu'elle est vivante et qu'elle a besoin de nous et qu'elle n'a rien demandé et elle ne mérite pas d'être abandonnée. Donc de toute façon, il n'y a pas le choix. Il faut être avec elle. Et il n'y a que ça.
à ce moment-là, moi, qui me fais du bien, c'est d'être à ses côtés. Alors, quand je la retrouve, c'est toujours une bulle réconfortante. En fait, c'est une bulle d'amour. C'est mon bébé. Je l'aime tellement fort que l'amour prend tout le dessus et il n'y a que ça qui compte. C'est quand on est à ses côtés et continuer à être ses parents, à être à ses côtés.
Et à ce moment-là, on ne se pose pas de questions sur la suite, on profite du moment présent, on n'a même pas besoin d'y mettre de l'intention, ça se fait vraiment automatiquement. Il faut savoir qu'on a arrêté de travailler tous les deux et qu'on a bénéficié de jours de congé enfant malade, ce qui nous permet de passer nos journées avec Héloïse. Avec le papa, on alterne une nuit, c'est lui qui dort avec elle, une autre nuit, c'est moi.
Quand le papa dort avec Héloïse, je rentre à la maison et j'ai tout un trajet en métro à faire avec un changement. Et quand je sors du bâtiment, le chemin pour aller au métro... Je veux disparaître, je ne veux plus supporter ce cauchemar. J'ai envie de me fondre dans le bitume. Je regarde par terre, je vois le goudron. J'ai juste envie de me fondre.
dans ce goudron. Je monte dans la rame du métro, je m'assois et j'écoute de la musique électronique qui est assez minimaliste. C'est des sons assez tristes et des voix très belles. Je me mets dans ma bulle et là, les larmes coulent en fait. On ne me voit pas pleurer. J'essuie mes larmes, mais je pleure, je pleure, je pleure. Et voilà, j'avance comme si j'étais le fantôme de moi-même jusqu'à ce que j'arrive à la porte de chez moi, que je vous la porte et que je retrouve mon...
mon garçon. Et là, à ce moment-là, je redeviens moi-même et je suis à nouveau la maman de Mathias et la maman d'Héloïse.
¶ Traitement et Retour Maison
L'étape qui suit, c'est le traitement par radiothérapie. Il a fallu fabriquer un masque à Héloïse. pour pouvoir faire passer les rayons à l'intérieur de ce masque. Il y a une très grande précision là-dedans. On lui pose le masque sur le visage, elle est allongée sur le dos et on lui clipse. le masque contre la table pour ne pas qu'elle bouge la tête. Il ne faut surtout pas bouger pour que les rayons visent un endroit très précis.
Et nous, ce qu'on nous a permis d'apporter, c'est de la musique, parce qu'Éloïse adore la musique et qu'elle a une compile que son papa lui a faite. Du coup, ça compile sur une petite clé USB et on mettait de la musique d'Héloïse dans la pièce pendant la radiothérapie. Il y avait Coldplay, Luan. Cyndi Lauper, les Kids United, ça lui donnait du courage. Et elle avait toujours, évidemment, Doudou avec elle. Ça fait plus d'un mois qu'elle est hospitalisée, donc elle a vraiment hâte de retrouver...
sa chambre, sa maison, son frère. Donc on arrive mi-décembre, juste avant les fêtes de Noël. Donc ça aussi, c'est une bonne surprise. Et on continue. tout de même d'aller tous les jours en radiothérapie avec Héloïse, mais on fait l'aller-retour en ambulance, et le soir, on est à la maison, tous les quatre, donc on est très contents d'être ensemble. On est le 21 décembre.
¶ Lumières de Joie Partagées
Une dame sonne à la porte. On était dans le salon, donc Héloïse, son papa, son frère et moi. On ouvre la porte et une dame arrive avec une petite caisse. Et là, elle dépose la caisse dans le salon. Elle ouvre la caisse. Et là, un chat sort de la caisse. Et Héloïse n'en croit pas ses yeux. Elle regarde son papa, elle regarde sa maman. Et on voit le questionnement, mais il est à qui ce chat ? Et donc on lui répond, c'est ton chat, c'est notre chat, on adopte ce chat.
Et là, elle est heureuse. On voit dans ses yeux une gratitude. Enfin, son père est d'accord pour avoir un chat, mais c'est fabuleux. Elle nous regarde avec des yeux d'amour. Elle est tellement heureuse. Et il est très câlin, il est très mignon, il est très calme, il dort tout le temps. Et il adore être à côté d'Héloïse, surtout quand elle est dans sa chambre, dans son lit.
Il se met à ses pieds et il roupille comme ça pendant des heures et des heures et des heures. Le jour de l'an, ça se passe avec des amis. C'est une soirée très festive. On s'est tous bien habillés. Louise, je l'ai bien coiffée. Je lui ai mis une jolie robe. Elle est en fauteuil avec une de mes amies en cuisinant.
On se sert des coupes de champagne, on met la musique à fond, on rigole et on raconte plein de bêtises pour faire rire Héloïse. Donc on fait un peu les clowns et je la vois rire aux éclats et puis me regarder. en levant les yeux au ciel, se disant « Ma mère, elle est complètement folle. » Et ça, c'est des moments que j'adore. À un moment donné dans la soirée, il y a Mathias qui s'est déguisé en chevalier avec le bouclier et puis l'épée.
Et il y a une autre épée que tient un de mes amis. Et il se met à faire des combats de chevalier avec mon fils. Et Loïse, elle a une couverture sur elle parce qu'elle avait un peu froid. Une couverture en... de la peau d'ours. Donc on dirait une reine sur son trône, sur son fauteuil. Et elle les observe et elle rit de les voir combattre.
Et là, à ce moment-là, me vient l'idée de mettre le générique de Games of Thrones et de les filmer. Et du coup, ça fait une scène qui est tellement drôle et que je garde en souvenir des bons moments qu'on a passés. Ce soir-là, on avait fait un super jour de l'an. C'est des moments magiques. Après Noël, on vit une période assez calme. On est à la maison.
¶ La Maladie Gagne Terrain
Héloïse va bien. Avec la kiné, elle commence à remarcher un peu dans l'appartement. On sent qu'elle est très fière d'elle. et que ça lui donne l'espoir de retrouver son corps d'avant. Et nous, on l'encourage aussi là-dedans, parce qu'on espère aussi qu'elle puisse retrouver ses facultés d'avant. Mais petit à petit, l'effet de la radiothérapie finit par s'estomper. Et à ce moment-là, la maladie progresse. Et on a commencé à le ressentir fin mars.
Elle a un traitement qui est assez lourd, elle a un traitement à base de corticoïdes, d'antiépileptiques et elle prend beaucoup de poids à cause des corticoïdes parce qu'elle prend une dose qui est énorme et elle gonfle. Et ça, elle supporte pas d'ailleurs de voir son image dans la glace. Et on sent une légère fatigue dans tout son corps et dans sa tête. Elle sent que son corps ne suit pas et que peut-être la boule est en train de grossir. Et effectivement, on constate que la tumeur a progressé.
Mais pour l'instant, les médecins ne prévoient pas de traitement, on continue comme on a l'habitude de faire, donc ça suit son cours. On cherche à tout prix à concentrer...
¶ Le Mariage : Célébrer Vie
tout ce qu'on peut faire de beaux et de bons moments à partager avec nos enfants, de tout faire le plus rapidement possible. On sent qu'il y a une sorte d'urgence. Et avec le papa, on décide de se marier. On choisit la date du 14 avril car Héloïse a 9 ans et demi le 14 avril. Elle est née un 14 octobre donc le 14 avril c'est parfait. Et donc on réserve un petit resto où on a l'habitude. d'aller qu'on aime bien dans notre quartier.
On prévoit buffet, fromage, charcuterie, vin, champagne, de la musique. Et on prévient les copains un peu à la dernière minute. Et donc la famille aussi est bien sûr invitée, mais c'est un petit comité. Le 14 avril, Héloïse est en fauteuil. Elle est belle, elle est habillée d'une belle robe. On a été chez le coiffeur qui lui a fait des anglaises. Elle a un bandeau autour de la tête. Mathias, il est déguisé en Spider-Man, donc ça c'est plutôt drôle.
Le papa est super bien habillé, le marié un beau costume, trois pièces. Et puis moi, j'ai une robe assez simple en dentelle près du corps. rose poudrée, avec un perfecto, donc un peu rock'n'roll. Et puis tous les copains, pareil, sont habillés. Ce n'est pas du tout conventionnel, chacun est habillé comme il aime être habillé. Donc c'est très simple et à la fois, c'est plein de joie. Et les enfants, donc Héloïse et Mathias, c'est eux qui nous apportent les bagues.
Donc c'est un moment assez émouvant et très fort, je pense, pour tout le monde. Et puis, suite à cette cérémonie à la mairie, on part tous au resto. Et là, on va faire la fête toute la nuit. Il y a de la musique à fond. On rit, on boit, on mange. Et c'est un moment qui est beau, qui est léger. Il y a énormément d'amour. Et on a envie de vivre les choses.
à fond, de façon très intense. Et tout le monde est dans cet état-là. Il y a une sorte d'euphorie. C'est tellement particulier, c'est tellement dans un contexte tragique, douloureux, qu'en fait, on transcende ça. En célébrant la vie, on fait sauter les verrous. On se lâche. Il y a un lâcher-prise vraiment total. Et j'ai une amie à moi notamment qui m'a dit que ça a été le plus beau mariage de ma vie. Je ne me suis jamais autant marrée à un mariage que le tien. Et ça, pour moi, c'est...
C'est super d'avoir pu faire partager aussi ça à mes amis, à mes proches et qu'ils en garderont un souvenir inoubliable.
¶ Déclin Final et Hospitalisation
Après le mariage, son état se dégrade, elle se fait opérer deux fois et les interventions la fatiguent énormément. On sent qu'il y a un mal qui la ronge à l'intérieur. qu'il épuise et qu'elle n'a plus envie. Elle n'a plus envie de se battre par moments. Et ça, c'est extrêmement difficile pour moi en tant que mère de ressentir ça.
C'est tellement dur pour une maman de voir son enfant souffrir. Souffrir physiquement, c'est déjà très très dur. Mais alors de voir son enfant souffrir psychologiquement, je crois que c'est ce qu'il y a de pire. C'est insupportable. Au mois de juin, je décide d'aller me faire tatouer le prénom d'Héloïse sur le bras parce que je sens qu'il y a une urgence et que je veux qu'elle le voit.
Je récupère un cahier où elle a écrit son prénom et je vais le montrer à la tatoueuse. Et donc la tatoueuse a reproduit exactement avec son écriture son prénom en y rajoutant quelques symboles. Il y a une note de musique. parce que Héloïse adore la musique, il y a un poisson, c'est son élément, l'eau, et une petite étoile, parce que c'est ma petite star. Quand je rentre de chez la tatoueuse,
J'arrive à la maison et elle m'attend avec ma meilleure amie qui était restée avec elle. Et je lui montre le tatouage et je lui dis, voilà, comme ça, t'es toujours avec moi. C'est pour lui montrer à quel point je suis fière d'elle, que je la trouve extrêmement courageuse, parce qu'au final c'est elle qui subit les traitements, nous on est juste spectateurs, et elle se plaint jamais.
Au-delà de l'amour que je lui porte, je trouve que c'est un être extraordinaire. Et je lui dis, voilà, t'es mon idole. J'ai fait tatouer ton prénom sur mon poignet. Et là, je me rappelle de son regard. Elle ne parlait pas trop à l'époque. Et je vois beaucoup de fierté. Je la sens très heureuse. Dès que je vois son petit œil pétillé...
Dès que je sens de la joie dans son regard, je suis la plus heureuse des mamans. Son état se dégrade de jour en jour et avec le papa, on s'inquiète de plus en plus. parce qu'on ne veut pas la garder à la maison si vraiment son état empire. Donc on décide à un moment donné d'appeler le médecin et de lui demander à la faire hospitaliser. ce qu'elle accepte tout de suite. Ils envoient le SAMU pour aller la chercher à la maison. C'est son papa qui décide de partir avec elle. Le SAMU arrive.
Les ambulanciers viennent la chercher, ils la descendent en fauteuil. Au moment où elle rentre dans l'ambulance, moi je suis à la fenêtre et là je sais que c'est la dernière fois. Elle ne reviendra plus à la maison. Et son père, au même moment, pense exactement la même chose. Les journées passent et se ressemblent.
¶ Les Derniers Jours à Curie
On vit à l'Institut Curie avec elle et on passe beaucoup de temps tous les trois dans la chambre. On a de moins en moins de visites puisqu'au final, on préfère être seul avec Héloïse. On ne voudrait pas louper le moment où elle partira. Et les journées défilent, elles ont un rythme. Donc le matin, on se lève, on prend le petit-déj.
On va prendre notre douche dans le service. Il y a des douches communes pour les parents. Moi, je vais fumer mes clopes en bas de l'immeuble. Héloïse a son bain tous les jours. Donc, c'est toute une logistique pour la porter. qu'elle est dans un état comateux. Donc elle est transportée dans une grande baignoire. On met la radio préférée d'Héloïse qui est Radio Voltage. Et il y a toutes ces musiques qu'elle aime qui passent.
Je lui donne son bain, je la lave, même si elle a les yeux fermés, même si elle est dans un état comateux, je sais qu'elle entend, je sais qu'elle sent tout, elle est bien dans l'eau, elle flotte, son corps n'a plus de poids. C'est un moment pour elle qui est très agréable. Après, nous, avec le papa, on se fait plein de parties de baby-foot.
Des parties assez endiablées. On fait beaucoup de bruit. Ça fait rire beaucoup les médecins qui passent. Et puis après, on retourne dans la chambre d'Héloïse. Je lis beaucoup et je dors. Je fais beaucoup de siestes. Je pense que je récupère de toute la fatigue cumulée pendant les derniers mois. Et le papa, pareil, bouquine, se repose. Et généralement, la journée passe comme ça. Et le soir, on se couche assez tôt.
¶ L'Adieu Repoussé
Le 27 juin, quelques temps après son arrivée à l'Institut Curie, elle commence à tomber dans un coma profond avec plusieurs crises d'épilepsie. qui inquiète les médecins et qui, du coup, leur font envisager que là, elle va partir certainement très vite. Je ne veux pas la laisser partir toute seule, donc je suis à ses côtés. Et à un moment donné, elle est assez apaisée, et il y a le psychologue qui nous demande si tout va bien, et je lui dis à ce moment-là, j'ai besoin de vous voir.
Je lui dis Héloïse va mourir là aujourd'hui et c'est mon anniversaire. Et c'est pour moi intolérable. Et là, je pleure, je pleure, ce que je ne m'autorise pas à faire quand je suis auprès d'Héloïse dans sa chambre. Donc après, je repars dans la chambre d'Héloïse et je reste auprès d'elle. Et les heures passent, et les heures passent, et elle est toujours là.
Et puis à minuit deux, je la prends dans mes bras et je lui dis merci. Merci, t'es pas partie et c'est le plus beau cadeau que t'aies pu me faire. Et je l'ai serré très fort dans mes bras. Je lui ai fait plein de bisous. Je me suis allongée à côté d'elle. Et voilà, c'était très beau. C'était un beau cadeau. Et après, Héloïse, en fait...
Elle a eu à nouveau un regain. Elle était à nouveau consciente. Elle arrivait à nouveau à ouvrir les yeux. Elle ne pouvait plus parler, mais elle pouvait nous regarder, elle pouvait nous entendre. Et on a pu profiter encore de moments comme ça avec elle. Jusqu'à un jour où Héloïse montre des signes de détresse respiratoire et le médecin...
nous explique que ce sont des signes comme quoi là, on arrive sur la fin. On reste du coup toute la journée dans la chambre avec Héloïse et on lui met une musique douce. Et puis les heures passent. Héloïse est toujours là. Cette nuit-là, je lui raconte une histoire. Héloïse m'a toujours dit, même avant qu'elle soit malade, je me réincarnerais en panthère des neiges. Je lui raconte une histoire de panthère.
pas panthère des neiges, mais de panthère dans la savane, d'animaux amis vivants dans la savane. Je lui décris la chaleur, le paysage, le sable. Et on s'endort toutes les deux sur cette histoire. Le jour se lève et c'est une journée comme celle de la veille. Et Louise a des pauses respiratoires, mais sa respiration reste régulière et elle est toujours là.
À un moment donné, le médecin vient nous voir et nous dit « ça serait bien que vous alliez faire un petit tour pour souffler un peu ». On s'occupe d'Héloïse, on laisse la porte ouverte, on est là, il y a une infirmière qui est spécialement dédiée à elle, donc elle vérifiera toutes les dix minutes si Héloïse va bien. Donc on décide à ce moment-là avec le papa effectivement de sortir un peu, d'aller mettre le nez dehors. Et on va se promener au jardin du Luxembourg.
On est au mois de juin, il fait beau, il fait chaud, il y a du monde dans le jardin, on entend des bruits d'enfants. On s'assoit sur un banc avec le papa. On finit par s'avouer quelque chose d'assez inavouable, assez difficile à dire, mais on se dit qu'en fait on n'en peut plus, qu'il faut que ça s'arrête et qu'il est temps qu'Éloïse parte en fait. C'est hyper dur, c'est épuisant, on ne supporte plus.
Cette attente, parce qu'on sait que ça va arriver, que le tsunami se rapproche de plus en plus, qu'il est là de plus en plus près de nous, et qu'il va taper fort, qu'il va taper, mais il faut qu'il tape une bonne fois. pour toutes parce que l'attente est trop dure. On sort du parc, on se dirige vers un petit café, on se dit qu'on va aller se boire un petit café avant de retourner dans la chambre.
Et puis au final, on se commande une bière, un demi, comme si on avait besoin un peu de légèreté à ce moment-là, quelques minutes après. Le médecin nous appelle pour nous dire que là, il faut venir parce qu'Héloïse, à nouveau, fait des grosses pauses respiratoires et que ça sent la fin. Donc on rejoint la chambre, on se met à côté d'Héloïse, moi je lui prends la main, et puis je vois qu'effectivement elle fait des pauses respiratoires de plus en plus longues, et que là la fin s'annonce.
On attend, on la regarde, et puis à un moment donné, moi je sens qu'elle part. Je m'écroule sur elle, je lâche tout. Et le médecin n'est pas encore sûr qu'elle soit vraiment partie. Puis plus les minutes passent et plus il comprend qu'en fait, effectivement, ça y est, elle est partie. Et moi, je suis contre elle, sur son petit torse.
Et je pleure et je pleure et je pleure. Et les minutes passent, les minutes passent. Et là, à un moment donné, je vois son torse bouger et elle reprend une respiration. Et là, son cœur se remet à partir. Et là, on n'y croit pas. On se dit que ce n'est pas possible. C'est un miracle. Et moi, je ris en même temps que je pleure et je lui dis merci. Je la prends dans mes bras et je l'embrasse. Et je lui dis merci, mais t'es revenu. C'est indescriptible comme moment.
Elle repart dans son corps, elle retourne dans son corps et c'est juste incroyable. Donc moi je repipe le médecin et le médecin re-rentre dans la chambre et là effectivement il constate qu'elle re-respire. Il est assez surpris et il nous laisse un moment avec elle dans la chambre. Et là, elle est repartie pour un tour. On reste auprès d'elle pendant la soirée. Moi, je suis à côté d'elle pendant la nuit. Je dors avec elle. Je ne la lâche plus. Je l'ai contre moi.
¶ Le Départ, Deuil, Résilience
La nuit passe et au petit matin, il y a une infirmière qui arrive et qui me tapote sur l'épaule et qui me dit « Réveillez-vous ». Je crois que ça y est, là, Héloïse, elle va vraiment partir. Et là, j'ouvre les yeux et je vois Héloïse effectivement le teint. Très très blanc et les lèvres très très violacées. Et je sens qu'elle est en train de quitter son corps. Et elle fait deux respirations et là, elle part. C'était la fin pour nous aussi.
la fin d'un combat, la fin d'une vie. Et c'était ça le plus important, c'était de l'accompagner jusqu'au bout. Et quelques minutes après, j'ai vu un sourire sur son visage. Comme si son corps la lâchait et qu'elle était à nouveau bien. Et ça, ça m'a vachement apaisée. Il y a un soulagement. Parce qu'elle ne souffre plus. Mais moi, je sens un vide immense. Je suis comme dans une sorte de coma psychique.
C'est comme si, jusque-là, il fallait que je porte ma fille et que, à partir du moment où elle n'était plus là, il n'y avait plus rien en moi qui me portait. J'ai mon grand frère de Singapour qui est arrivé tout de suite dans la foulée. Il a pris le premier avion et ça m'a fait du bien parce que je crois qu'il m'a reconnectée.
à la vie, en prenant soin de nous, en nous aidant à organiser la suite. Et puis il fallait qu'on récupère notre fils à la gare, puisque c'était son autre oncle qui l'avait gardé. pendant les trois semaines où on était à l'hôpital avec Héloïse. Et là, je me rappelle être sur le quai de la gare et d'être toujours complètement anesthésiée.
ailleurs quoi, j'étais vraiment, j'étais plus là et je vois mon petit bout, mon petit garçon qui descend du train, qui se met à courir et qui se jette dans mes bras. Et là, je le serre contre moi, très très fort, et je sens son cœur qui bat contre le mien. Et là, ça a été comme une espèce de décharge. électrique, une décharge de vie, comme si on me faisait un électrochoc et qu'on me réanimait. Et de sentir son cœur battre, j'ai senti le mien battre, et à ce moment-là, la vie repartait.
On décide de faire la cérémonie au funérarium du père Lachaise. C'est une salle qui est absolument magnifique avec des vitraux. Tous nos proches viennent, des amis d'Héloïse sont là, il y a énormément de monde. Moi j'ai écrit un texte pour Héloïse, son papa aussi, mon grand frère aussi. Donc on décide de lire nos textes et entre chaque texte, on passe une musique qu'Héloïse adorait. On sent qu'il y a beaucoup d'émotion dans la salle, une force...
d'union de toutes ces personnes-là qui sont réunies pour Héloïse. Il y a quelque chose d'extrêmement fort. Et puis, je lui dis que c'est mon idole. et que ça restera mon idole, que je l'aime à l'infini, et que je l'aimerais à l'infini toute ma vie, et que son petit frère a besoin de nous, et que lui aussi on l'aime à l'infini, et qu'on va continuer notre route. Et qu'elle sera toujours, toujours là avec nous. Aujourd'hui, on vit à Bordeaux, près de l'océan.
On a une vie plutôt confortable, on a de la verdure, on a de l'espace, on a un appartement qui est très lumineux. Mathias s'est très vite adapté à cette nouvelle vie, il a plein de copains, il s'épanouit, c'est un petit garçon qui a aujourd'hui 7 ans et qui va vraiment très très bien. Il parle facilement de sa sœur. Ce n'est pas un sujet tabou pour nous. Bien au contraire, on aime bien en parler. On en parle assez librement. J'ai arrêté de travailler.
Lorsqu'on s'est installé à Bordeaux, j'en ai profité pour me poser, pour m'occuper de moi. Et ça m'a fait réfléchir sur ma vie, ce que j'allais en faire. J'ai fait une formation pendant un an sur le deuil et le travail de deuil parce que j'avais besoin d'avoir une vision plus élargie de la mort sur tout ce qui est questions éthiques, philosophiques, psychologiques.
pour peut-être un peu mieux l'apprivoiser, pour m'aider aussi sur mon chemin du deuil, et puis pour en faire quelque chose après, m'investir là-dedans pour d'autres parents. Donc j'ai des projets qui sont en cours. Héloïse, je la sens toujours avec moi. Elle est juste de l'autre côté d'un rideau. Elle a une autre vie ailleurs. Je sais qu'elle est heureuse. Et elle m'aide à trouver du sens à ma vie aujourd'hui. Je suis beaucoup plus à l'écoute de ce que je suis grâce à elle.
J'ai plus de projection, j'ai juste à essayer d'être dans le moment présent, d'être à l'écoute de ce qui se passe et de me laisser guider par des chemins et y aller, tout simplement, aller là où je me sens guidée.
Il y a des choses qui ont profondément changé en nous, mais en revanche, ce qui n'a pas changé, c'est C'est notre joie de vivre, c'est de célébrer la vie, de faire la fête, de voir les amis, de passer des vacances avec les amis, d'inviter des petits copains à la maison pour mon fils, garder toujours son humour. même dans les situations les plus tragiques. Tourner les choses en dérision, ça fait un bien fou. L'humour est un bon échappatoire à la tristesse. Sous la direction de Christophe Caron.
Benjamin Septemours et Sarah Koskiewicz avec Aurélie Rodriguez. La musique a été composée par Arnaud Denzler. Retrouvez tous les épisodes de transfert sur Slate.fr ou sur votre application de podcast préférée.