Un rêve impossible - podcast episode cover

Un rêve impossible

Apr 04, 202434 minSeason 8Ep. 318
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Summary

Edith, rendue paraplégique à 15 ans par un accident, refusait l'idée qu'on ne puisse pas vivre pleinement avec un handicap. Animée par un besoin viscéral de liberté, elle s'est mis en tête de passer son permis moto, un rêve jugé impossible par l'administration et la société. Elle raconte son long combat pour obtenir cette autorisation et maîtriser l'engin, défiant les attentes et prouvant que la volonté peut déplacer des montagnes, même en fauteuil.

Episode description

Est-ce que, vraiment, quand on veut, on peut? Ceux qui ne réussissent pas ont-ils simplement raté par manque de volonté? C'est oublier tous les éléments hors de notre contrôle, que l'on ne maîtrise pas, et sur lesquels notre intention n'a aucun effet.

Edith avait un rêve impossible. Un besoin viscéral, un futur qu'elle souhaitait, qu'elle voulait sans pouvoir l'atteindre. Jusqu'au jour où elle a trouvé la pièce manquante du puzzle. Le déclic qui a changé sa vie.

L'histoire d'Edith a été recueillie par Anouck Delfino et Cécile Massin.

Transfert est produit et réalisé par Slate Podcasts.

Direction éditoriale: Christophe Carron
Direction de la production: Sarah Koskievic
Direction artistique: Benjamin Saeptem Hours
Production éditoriale: Sarah Koskievic et Benjamin Saeptem Hours
Chargée de pré-production: Astrid Verdun
Prise de son, montage et habillage musical: Victor Benhamou
Musique: Throwback Vibes - Alexander Hitchens

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Transcript

Quand on veut, on peut ?

Est-ce que vraiment, quand on veut, on peut ? Ceux qui ne réussissent pas ont-ils simplement raté par manque de volonté ? C'est oublier tous les éléments qu'on ne maîtrise pas, hors de notre contrôle et sur lesquels notre intention n'a aucun effet. Edith avait un rêve impossible, un besoin viscéral, un futur qu'elle souhaitait, qu'elle voulait sans pouvoir l'atteindre. Jusqu'au jour où elle a trouvé la pièce manquante du puzzle, le déclic qui a changé sa vie.

Vous écoutez Transfer, épisode 318, un témoignage recueilli par Anouk Delfino et Cécile Massin.

Enfance et Rêves de Liberté

On est en 73 et mon père travaille et il est ouvrier. Et ma maman s'occupe de ses enfants et de ses petits-enfants. Et moi, je suis au milieu de tout ça, un peu la petite rebelle, celle qui fait toujours des bêtises et qui rigole bien. On est huit, quatre grands et quatre petits. Et dans les petits, c'est moi un peu la meneuse de l'équipe. Toujours des idées de jouer, toujours des idées de faire des choses un peu extraordinaires. J'ai 15 ans et mon avenir, c'est travailler dans la couture.

Tout ce qui est travaux annuels, c'est aussi voyager, c'est aussi vivre un peu comme, pas comme les autres, vivre comme moi j'ai envie, c'est-à-dire faire toutes les choses que j'ai envie. Profiter de la vie au maximum, ça, c'est dans mon caractère, c'est ce que je vois et c'est ce que je fais. Ce que j'aime, c'est la moto, tout ce qui est mécanique. Pourquoi ? Parce que c'est la chose qui vous rend indépendante et qui peut m'apporter une vie autrement que celle de ma maman.

C'est pouvoir m'évader, vivre une passion. Et donc, j'ai demandé à mes parents si je peux passer la licence à mes 16 ans pour pouvoir avoir une petite moto. Alors pour nos vacances, maman nous propose donc à mon petit frère et ma petite sœur de partir eux en colonie et moi en camp de jeûne.

Et moi, je dis à ma mère que je ne veux pas. Moi, je veux travailler pour pouvoir avoir de l'argent pour la licence. Parce que quand même, il faut aider. Donc, je vais travailler dans une boulangerie. J'ai trouvé une boulangerie où je serai vendeuse pendant... tout le mois d'août, mais le jour où je suis allée chez le dentiste, un mardi, le jour de repos.

L'Accident Qui Change Tout

Je me fais soigner les dents et au retour, c'est un quartier avec des maisons, c'est un quartier où c'est plutôt calme, il n'y a pas de soucis. Et il fait beau, je suis super bien et contente de retourner chez mes parents. Et en rentrant,

Je suis avec la mobilette, je roule tranquille. Et puis, à un moment, je passe les carrefours les uns derrière les autres. Et au dernier, je suis au réveil. On m'annonce que j'ai eu un accident de la route. Et là, j'ai un peu de mal à comprendre ce qui se passe. passe, ce qui arrive, parce que je suis dans un lit avec du personnel et je ne comprends pas pourquoi j'ai eu cet accident et comment, parce que je ne l'ai pas vu.

La Réalité de la Paraplégie

Je me retrouve dans cet hôpital à Poissy, dans une grande chambre où je suis toute seule, où au début je ne comprends pas ce qui se passe.

On ne me dit rien et il faut que je demande à voir mes parents, il faut que je demande à voir l'infirmière. En plus, j'ai horreur des infirmières, j'ai horreur des piqûres. Au début, je suis complètement perdue et là, j'ai une... chef de service qui vient vers moi et qui me dit, Edith, on va vous expliquer, on va te dire ce qu'il y a. Et là, on m'explique que j'ai eu un accident de la route, que je me suis fait renverser.

Je demande pourquoi j'ai du goutte-à-goutte, pourquoi j'ai des bleus, pourquoi mon corps est bizarre, que j'ai mal partout. L'infirmière... déjà m'explique un petit peu ce qui se passe, pourquoi il ne faut pas que je bouge de trop au début, pourquoi il faut que je mange aussi. Il faut qu'on prenne le temps, il faut que j'accepte les choses autour de moi, que j'accepte les soins. C'est un peu compliqué.

Quand on vient me faire des prises de sang, quand on vient me faire des choses comme ça, je n'ai pas très envie. Je pense que je n'ai rien puisque je ne sais rien. Pour moi, c'est un peu bizarre. Pour moi, la vie, il n'y a rien de changé. J'écoute Côte-François et je dis à mes sœurs, je me suis entraînée pendant les vacances à danser comme les Claudettes. Et quand je vais sortir, je recommencerai, je vous montrerai.

Elles me regardent et elles me disent qu'il faut du temps, qu'il va falloir de la rééducation, mais elles ne me disent pas plus. Je me suis bien rendue compte qu'il y a des choses qui ne marchent pas, mais je ne sais pas quoi. Un matin, on me dit, on va m'installer dans un siège, un fauteuil haut pour pouvoir être assise. Donc moi, je suis super contente. On me prend dans les bras, on m'installe sur ce siège.

haut, on met des coussins partout, sous les bras, on met des coussins sous mes pieds. Sauf qu'à un moment donné, j'ai une sensation bizarre. Comme si je vais me trouver mal. Je me trouve mal. J'ai mal au cœur. Ça tourne. Et je crie. Et là, je crie. Je dis que je ne veux pas rester comme ça. Et là, je comprends que...

Il y a quelque chose qui se passe et que mon corps ne réagit pas normalement. Rien ne se passe comme j'aurais espéré. C'est-à-dire, quand on est assis, on peut bouger les jambes, machin. Moi, rien ne se fait. Et la sensation, je l'ai à ce moment-là. Je me rends compte. Et là, je dis, je ne veux pas rester handicapée.

On me remet au lit et là, l'infirmière et la chef de service me disent qu'il va falloir que j'accepte qu'il y a des choses qui vont changer dans mon corps. Et moi, je lui dis, mais c'est quoi ? Parce que je sais que j'ai été opérée de la colonne vertébrale. Je sais que j'ai des vertèbres qui ont été touchées. Je ne comprends pas exactement quand on m'a dit que...

J'ai la moelle épinière qui a été coupée et j'ai un éclatement de la douzième vertèbre. Donc c'est comme si on casse un verre, on peut se couper, donc tout autour c'est coupé. On le dit, mais j'ai du mal à comprendre. Voilà, j'écoute. Mais j'ai du mal à faire la réaction entre ce qu'elle me dit et ce que moi je ressens. Je suis en décalée. À ce moment-là, je suis anéantie et au fond du trou. On me recouche.

On va me donner un truc pour me détendre et on va me donner à boire. Et moi, je pleure beaucoup. Je pleure beaucoup. Quand je demande avant le médecin, on m'a dit qu'il viendra. Il est venu le lendemain. Il m'a expliqué que je serai paraplégique. Il ne me donne pas les détails, c'est-à-dire il me dit, tu seras en fauteuil, tu vas récupérer peut-être une jambe, la jambe droite, apparemment, mais je ne peux pas t'en dire plus pour l'instant parce qu'il faut attendre. Par contre...

Je demande à ce qu'on ne le dise pas à ma mère. Parce que je veux lui épargner. Et après, moi, je ne dis rien. Je fais une journée tout à fait normale, comme si rien ne s'était passé. J'ai dit à ma mère, on m'a mis assise, mais comme je n'étais pas bien, on m'a recouché. Et voilà, je n'ai rien dit d'autre. On a parlé d'autres choses, on écoutait la radio. J'ai essayé de discuter avec les gens qui venaient, mais je n'ai pas voulu en reparler avec eux.

Je n'ai parlé avec personne. Il va se passer plusieurs jours. Et puis là, ben...

Rééducation, Révolte et Adaptation

On me prévient que je vais partir en centre de rééducation. Donc le centre de rééducation le plus près, c'est l'hôpital Raymond Poincaré à Garches. On m'explique que c'est un centre qui est spécialisé dans tout ce qui est accidents de la route, maladies, les blessés de guerre, enfin il y a plein de choses. Et donc là-bas, il y a des kinés, du personnel pour faire les soins.

et cette rééducation que j'ai besoin pour mes gens. Donc on m'emmène en ambulance et donc on me met là, dans cette chambre, face à un mur, sans télé, sans rien, sans machin. À Poissy, j'étais assise dans mon lit, j'arrivais à être assise. Je n'ai pas le droit de bouger, donc je suis déjà un peu dans la révolte. Le médecin que j'ai, il est âgé. Et donc, j'arrive en train de râler. Il m'appelle la grand-mère parce que je râle.

Parce que je veux savoir le pourquoi du comment de mon handicap, de ce que j'ai. Je ne veux pas qu'on décide pour moi. Je ne veux pas qu'on prenne les choses et qu'on ne me dise rien. C'est-à-dire, si j'ai un pépin, un problème, reste dans mon lit, j'attends de voir le médecin qui m'explique. Il faut apprendre à connaître son corps. Et moi, je ne le connais pas. Je ne le connais plus. Rapprendre son corps.

Étant adolescente, c'est un peu compliqué. Puis quand on a du caractère, c'est encore pire. Donc au début, mettre un pantalon, un slip, un pantalon, c'est compliqué. Il faut tenir sa jambe, il faut mettre le pantalon. C'est une chose qui est énormément difficile. Mettre une chaussure avec des lacets, oh la galère.

Et puis, je ne suis pas bête. Je me débrouille. J'arrive à mettre mon pantalon, mes chaussures. On me montre comment descendre du lit. On s'accroche, on va au fauteuil, on glisse. J'arrive à le faire. Et puis, je vais en kiné. Parce que la kiné, c'est un peu la liberté. On vous fait travailler les bras, on vous fait travailler les jambes, on les remue, on fait tout ce qu'il y a à faire.

Donc, ça, c'est bien. La rééducation, on apprend à marcher en quatre temps avec des appareils pour les gens paraplégiques. Et à un moment donné... On parle à maman qu'il faudrait que je parte en centre de rééducation en province, c'est-à-dire dans le midi, près de Perpignan, dans ces eaux-là. Ma mère dit que pourquoi pas, mais ça sera compliqué.

Et je dis à ma mère, si tu me mets en centre, je me suicide. Je refusais d'être enfermée. Ce que je ne voulais pas, c'est t'enfermer dans un centre et ne pas pouvoir sortir et aller où je voulais. Ça, c'est un refus.

Vivre Avec le Handicap Au Quotidien

Donc, ma mère a dit non. Elle a dit aux infirmières, je vais la reprendre à la maison. Je quitte l'hôpital en février 1974. Et là, j'arrive dans un monde qui est complètement fermé. Ce n'est pas qu'on m'enferme, c'est que moi je me sens enfermée. Parce que je n'ai pas assez de rééducation, parce que je suis sortie et que malheureusement, la vie, les routes, les trottoirs ne sont pas accessibles aux fauteuils roulants.

Le collège où je vais, c'est trop loin. Mon père travaille, ma mère n'a pas le permis. Mes frères et sœurs, ceux qui travaillent, ils ont leur boulot, ceux qui ont le permis, ils ne peuvent pas m'emmener. Il n'y a pas de transport. J'ai pas de taxi pour emmener tous les jours au collège. Si je veux étudier, il faut que je rentre en centre. Moi, je veux pas. J'arrête les études. Pendant toutes ces années autour de moi, j'apprends à vivre normalement.

En acceptant l'handicap et en allant à des spectacles, en faisant des choses un peu où on m'emmène, à Paris ou ailleurs, quand ma famille peut. Et puis j'ai appris en me disant qu'il faut que je passe mon permis.

La Moto, Symbole de Liberté

Je veux passer mon permis moto. Je ne pense même pas aux risques que je peux avoir. J'ai ma voiture et ma voiture me permet de sortir et de rencontrer des motards. Alors moi, je rencontre Didier. Il est bénévole comme moi à Garches. Et il a une moto et on parle de moto. Et il me dit, si tu veux faire de la moto, je t'emmène faire un tour. Je lui explique que moi, mes jambes...

elles ne tiennent pas, je ne peux pas les commander, il n'y a pas de problème. La prochaine fois qu'on se voit, il y aura des tendeurs, ils m'y expliquent, ils t'inquiètent, je t'emmènerai faire de la moto. Et c'est comme ça que ça s'est fait. avec d'autres amis motards qui m'ont emmenée sans jamais poser de questions par rapport à mon handicap. Je vais faire de la moto avec eux, je vais faire des rassemblements, et pour eux, le fauteuil, il passe partout.

Sur la moto, je suis tout à fait normale. Il n'y a plus de paraplégie. Pourtant, je suis passagère. Et moi, mon idée, c'est que je passe mon permis. Je me doute que ça ne va pas être facile. Mais je veux passer mon permis moto parce que ça fait partie de moi et j'aime la moto et je vais leur prouver que même en fauteuil, on peut y arriver.

Alors, Pascal, c'est quelqu'un que je rencontre lors des sorties avec l'association Poincaré à Garches. Et Pascal, il a une Goldwyn et il m'explique comment elle est, parce que c'est une super moto américaine. Et là, il me montre qu'il y a la marche arrière. Il met la moto en route et il recule. Et là, je dis, c'est bien pratique pour moi. Parce que si on met un sidecar, il n'y a pas de problème. Un sidecar, c'est ce qu'on accroche à une moto.

C'est un siège fermé, ça a une roue et c'est complètement fermé, ça va avec la moto, c'est bien tenu. Pour moi, ce qui est idéal dans un CICAR, c'est que la moto a trois roues. Et que moi, je ne peux pas mettre mes pieds par terre quand on a à freiner. Donc, il faut que toutes les commandes de la moto soient à mes mains, comme j'ai dans ma voiture. Mais là, c'est à mes mains.

Je vois dans ma tête tout ce qui se passe et ce que je pourrais faire avec sa moto, avec la même. Et là, je décide de passer le permis.

La Lutte Pour le Permis Moto

Je cherche toutes les solutions parce qu'avoir une moto, oui, mais il faut passer le permis. Déjà, il y a des auto-écoles, ils ne veulent pas de moi. Donc, je décide de prendre contact avec Patrick Ségale, maire adjoint à la mairie de Paris et je vais le voir. Il me reçoit. Et là, je parle dans mon problème de permis. Et lui me conseille d'aller plus haut, d'aller voir les députés, d'écrire au Conseil d'État, de remonter la filière et que pour lui, il n'y a pas de problème, ça va être long.

Mais je peux passer le permis, ce qu'il faut, c'est il faut y aller. Patrick avait déjà son permis avant d'être en fauteuil. Donc il a eu juste à faire adapter la moto en fonction de son handicap. Mais moi, je n'avais pas mon permis. avant mon accident puisque j'avais 15 ans. Donc, il faut que je passe le permis moto. Et là, ça pose un problème parce qu'il n'y a pas de permis moto pour personnes handicapées. Donc, il faut que je fasse toutes les démarches pour espérer avoir ce permis.

Patrick me dit qu'il connaît une jeune femme, Joël, qui est polio et elle veut passer son permis moto aussi. Et il n'y a rien. Elle a des refus comme moi. Donc, je prends contact avec elle. Et je lui explique un peu mon problème. Elle m'explique le sien. Et à nous deux, on se dit, si on prend un avocat chacune... elle de son côté et moi, on pourrait relier les dossiers et ça passe au tribunal. Je prends contact avec une avocate.

qui me dit qu'il n'y a aucun problème, qui va me défendre, qui me fait un dossier. Et là, on décide d'attaquer le Conseil d'État. Parce que c'est eux qui décident. Et moi, la chose, c'est qu'ils me privent de mon droit. en tant que personne, à passer mon permis moto. Un jour, j'ai eu une personne à la préfecture qui m'a dit « Vous devez être contente d'avoir un permis voiture et pas chercher à avoir un permis moto. »

C'est déjà compliqué et c'est dangereux. Et on m'a dit ça. Je devais me contenter du permis voiture. Et alors ça, pour moi, ça a été encore pire que tout. J'ai le permis voiture, oui, mais moi, je veux le permis moto. C'est un défi contre mon handicap et c'est un défi contre tous les gens qui ne veulent pas que les personnes handicapées fassent ce qu'elles ont envie. Donc Joël un jour m'appelle en me disant, Edith, j'ai une date.

octobre 91 et elle me dit envoie moi ton dossier je vais présenter ton dossier avec le mien au tribunal pour qu'il y ait un appui, pour qu'on voie que je ne suis pas toute seule à faire ma démarche pour passer le permis. Dans la moto, il fallait tous les détails pour qu'on puisse ne rien dire au tribunal. Donc, elle présente mon dossier.

en octobre, et elle m'annonce que le dossier est pris en compte. On nous donne l'autorisation à titre exceptionnel de passer notre permis de moto. Il faut dire aussi que moi, J'ai eu mon code et il faut que je fasse les cours de moto avant le 12 mai 92. Parce qu'après, mon code n'est plus bon et il faut recommencer.

Apprendre à Maîtriser l'Impossible

Je suis dans la panique parce que je n'ai pas de moto et je reprends contact avec Patrick Segal et je lui dis voilà, on a réussi enfin à avoir l'autorisation, mais je n'ai pas de moto. Je ne me vois pas faire des démarches pour acheter la moto. Et Patrick me dit gentiment, je te prête la mienne. Je lui donne mon adresse et il vient avec la moto, avec un ami. Il me laisse sa moto dans mon garage. Passe Noël, j'attends le papier écrit du tribunal et ça arrive fin janvier 92.

Et moi, je pars une semaine au sport d'hiver. Donc, je m'en vais et je rentre. Et entre deux, j'avais demandé à mon auto-école s'il pouvait me prendre pour me donner des cours. Donc, il fallait me donner des cours deux à trois fois par semaine pour avoir le permis parce que c'est long. Moi, je n'avais jamais piloté. Donc, j'apprends d'abord à me servir de la moto. On fait le plateau, on fait la route. On est en février, il fait froid. J'ai froid aux mains, j'ai froid partout.

Il faut mettre un sac de 10 kilos de sable parce que le seat car, quand je suis toute seule, il se lève. Donc, il faut vraiment adapter la conduite à ce que je manie le seat car. Je manie la moto et le seat car. Je suis fatiguée parce que c'est prenant. Et puis la moto, ce n'est pas une moto comme une Goldwing. C'est très compliqué pour passer les vitesses. Enfin, il y a un système. Mais quand on veut, on peut. Comme moi je veux, je le fais.

Pour moi, c'est trois mois de moto, c'est-à-dire je ne fais plus rien autour. Je n'ai pas le temps de sortir parce que la moto me prend le matin et l'après-midi et qu'après je suis fatiguée.

Réussir Contre Toute Attente

Il faut que je me repose. Et je me dis, il faut que j'y arrive. Je passe l'examen début mai. Donc le jour du permis, je suis... Je suis habillée exactement comme quand j'ai commencé la première fois. Je m'en vais et toutes les auto-écoles qui sont dans le coin sont là pour voir. Comme ils disent, la petite nana en fauteuil qui est sur la moto. Et ils sont épatés. Mais moi, j'ai peur. Je me demande comment ça va se passer. Je me dis, il faut y aller, il faut le faire. Et donc, je vais au circuit.

Je me mets à côté de la moto parce que je ne monte pas tout de suite dessus. Parce que l'examinateur doit me poser des questions, je dois tirer des fiches pour répondre aux questions par rapport au permis moto. Et cette question, c'est la tenue du motard. Et ce qu'on doit faire quand on prend une moto. Ce qu'on doit faire avant de monter sur la moto. J'explique en détail tout ce qu'il y a à faire sans rien oublier. L'examinateur me dit juste une chose, vous avez oublié quelque chose.

Je regarde, je réfléchis et j'avais oublié la chaîne de moto sur la gole, il n'y en a pas. Je lui explique et là, il me dit maintenant, vous montez sur la moto, vous vous débrouillez toute seule. vous faites ce que vous avez à faire avec votre fauteuil. Je monte sur la moto, je mets le fauteuil dans le sit-car, donc je fais le parcours, je fais le tour, je freine, et là, l'examinateur me dit, vous pouvez recommencer.

Une deuxième fois, mais vous allez plus vite. Oui, je recommence. J'ai été plus vite. Et là, quand j'ai fini, il me dit, l'examinateur, c'est comme ça qu'il faut rouler. Parce que comme il n'y a pas de permis pour moto... Avec ICAR, on va prendre par rapport à ce que vous avez fait et on fera un permis par la suite pour les personnes handicapées. Cet examen en moto, ça va être une...

Ça va être une ouverture à toute personne handicapée à passer leur permis. Et là, il m'a dit que j'avais le plateau. Cinq jours plus tard, une date est posée pour que je fasse la route. Puisque le permis se fait en deux étapes, valide ou handicapé, c'est comme ça. Je retourne au circuit Carole avec le moniteur et l'examinateur. Et là, il me dit, j'ai le casque dans mon casque, je l'entends parler. Et c'est lui qui me fait mon circuit, prendre l'autoroute, sortir à ville.

Parisie, faire des ronds-points, aller en ville, tout ce qui est circuit, s'arrêter au stop, vraiment comme tout le monde. Et je repars direction le circuit Carole et là, au bout de 20 minutes, une demi-heure de route, Et là, il me dit, vous avez votre permis. Et là, je suis complètement remplie de joie. J'ai les larmes qui coulent parce que j'ai...

enfin, au bout de six ans de démarche, réussi à passer mon permis. Et je me dis, c'est une super joie pour moi parce que je vais pouvoir vivre ma passion, l'envie. de faire de la moto et mon handicap ne m'empêche pas d'avoir une moto. Il me dit, j'ai envie de prévenir tout le monde et leur dire, j'ai réussi à passer ce permis. Ça a mis longtemps, mais j'ai réussi.

Je suis la première femme handicapée, paraplégique, à passer le permis moto. Et c'est le 12 mai 92. Et j'y tiens, c'est important. Et ça ouvre une porte à tous ceux. qui ont un handicap, à pouvoir passer leur permis à eux aussi. Ma mère était super contente pour moi. J'appelle tout de suite mes amis, j'appelle Alain et Fred qui sont concessionnaires Goldwyn et je leur dis, j'ai le permis, il faut que je trouve une moto, il faut que je trouve une Goldwyn avec un site car si c'est possible.

pour pouvoir l'acheter et puis qu'il me fasse tout l'aménagement sur cette moto, c'est-à-dire toutes les commandes à main, que les vitesses se fassent avec un compresseur électrique. C'est tout un système à adapter. Pour lui, ça ne pose aucun problème. J'ai mon permis en mai. J'ai trouvé la moto en mois d'août.

mais il faut penser qu'il faut l'adapter. Donc, je ne vais pas la chercher tout de suite. Je fais des essais avec, c'est-à-dire apprendre à monter sur la moto, mettre le fauteuil dans le cicat et courant fin septembre, je retourne.

Amour, Maternité et Regards des Autres

Et je vais la chercher et je remonte seule avec la moto. Que ce soit la moto ou la vie avec quelqu'un, je vis. Je ne suis pas interdite à faire ma vie avec quelqu'un. Mais on vous dit que ce n'est pas possible. Les gens, pour eux, ce n'est pas possible. Alors que pour moi, vivre avec un homme, il n'y a pas de souci. J'envisage de vivre avec quelqu'un.

De rencontrer quelqu'un et pouvoir vivre la passion que j'ai, c'est-à-dire la moto, les sorties, tout ce que je fais, tout ce que j'aime, qu'on partage l'un comme l'autre. Ce n'est pas facile parce que c'est compliqué avec certains hommes.

Puis ils n'ont pas envie de se casser les pieds avec une nana en fauteuil. Donc la réflexion, c'est qu'ils préfèrent m'avoir en tant de copine ou amie, et c'est tout. Ils n'oublient pas le fauteuil, ils n'oublient pas l'handicap. Je ne serais pas handicapée, ça marcherait. Moi, je suis la bonne copine. Qu'on puisse me le dire droit dans les yeux, c'est vrai que des fois, ça fait mal et ça vous renvoie à votre handicap.

Un jour, on était tous en famille et lors de ce repas, il y a une conversation et moi, je lance. comme quoi j'allais faire ma vie avec quelqu'un. Je devais parler avec mes sœurs, c'était une conversation comme ça. Et j'ai un de mes beaux frères qui m'a dit que dans mon état, il ne comprend pas qu'un homme puisse vivre avec une nana comme moi. J'ai répondu pas très gentiment en disant qu'il n'y connaissait rien et qu'on pouvait aimer et pouvoir vivre avec quelqu'un sans problème.

La chose qui fait mal, c'est qu'on ne peut pas imaginer que quelqu'un en fauteuil a des sentiments, peut aimer quelqu'un, peut aussi partager une vie de couple normalement et que ça se passe bien et qu'il ne comprenait pas quand même valide. ou faire l'amour avec une fille en fauteuil. C'est une vérité, ça. Bon, après, moi, j'en fous. Mais au fond de moi, je pensais avoir un enfant. Que malgré mon handicap, j'arriverais à avoir un enfant. Mais les années passent.

À 37 ans, j'ai pensé qu'il faudrait que j'ai un enfant vite parce que les années passent et que mon handicap peut être un problème pour en avoir. Je suis allée voir ma gynéco, j'ai été voir un médecin garche qui s'occupe de sexualité, avec qui j'ai pu parler et qui pour lui ne voyait pas le problème. Donc, il m'a dit, vous pouvez avoir une grossesse normale. Ce qu'il faut, il faut s'y mettre. Et quand j'ai rencontré mon ami, la question s'est posée.

Alors, je prenais la pilule, je l'arrêtais, je prenais la pilule, je l'arrêtais. Parce que quand ça ne marchait pas, je disais c'est fini, j'en aurais plus. Et un jour, j'ai pris une vraie décision en disant j'arrête complètement. Et arrivera ce qui arrivera. Si j'ai un bébé, j'en ai un. Si j'en ai pas, tant pis. Je fais le test de grossesse au mois d'août et c'est un jour bien spécial pour moi, c'est le 21 août, le jour où j'ai eu l'accident.

Donc, je fais le test de grossesse. Et pour moi, c'est un symbole de ma vie parce que c'est un renouveau. C'est une chose qui se fait. C'est nouveau. Ça va être quelque chose de fantastique. Pour moi, c'est un symbole. Alors, je vais voir ma gynéco. Quand je vais la voir, je lui dis mon âge et tout, paraplégique. Bon, ça va, c'est écouter le cœur du bébé et tout. Puis je lui dis, mais je pars en vacances, en moto.

Je m'en vais dans le midi. Qu'est-ce qu'il faut que je fasse ? Je peux partir sans problème. Ce n'est pas galère la moto, ce n'est pas compliqué. C'est comme la voiture et elle me regarde et elle me dit, mais ça ne va pas. Vous allez me faire le plaisir d'arrêter de faire de la moto à votre âge. Et là, je lui dis, mais pourquoi ? Parce qu'elle me dit, vous risquez de faire une fausse couche. Et comme je n'avais pas l'air de comprendre, elle a été chercher un collègue.

Et le monsieur m'a regardée, le gynéco, il m'a dit, mais pas question, vous arrêtez la moto. Donc, je n'ai pas eu le choix. J'étais bien déçue d'arrêter de faire la moto, mais je n'ai pas eu le choix. Ma gynéco m'avait dit tout de suite qu'on allait me faire la mieux synthèse, puisque j'avais passé 35 ans et qu'il y avait un risque qu'il y ait un handicap.

On m'a fait l'examen et puis ça a été. Le bébé, pour lui, tout allait bien. Donc c'est en ouvrant le courrier qu'on a su que c'était un petit garçon. Alors la grossesse a été une grossesse un peu difficile parce que je vomissais beaucoup. Le fait d'être assise tout le temps. Mais bon, lui était en pleine forme et quand j'ai accouché, j'ai accouché normalement, pas eu césarienne. Pour mon fils, la chose que je veux...

c'est qu'il puisse avoir une autonomie, mais à 100%. C'est-à-dire que mon handicap à moi ne l'empêche pas de vivre une vie d'un petit garçon normale. C'est-à-dire qu'il puisse aller au centre aéré, qu'il puisse... aller à la halte garderie, qu'il puisse aller faire des choses comme un petit garçon de son âge, sans souci. Comme il était petit, puis que j'aime la moto, à son premier Noël, il a eu une petite moto à trois roues électriques.

Je le conditionnais à aller dedans. Mais il a toujours aimé la moto. Il en a fait pendant deux ans avec moi, avec ma moto. C'est-à-dire qu'il était dans le six-car et mon fauteuil était plié, lui était dans un siège enfant. Donc pour lui, la moto avec maman, pas de souci. Et après, quand il a commencé à grandir, il a voulu faire du motocross.

C'est-à-dire que je l'emmenais à un marché de Noël où il y avait des pilotages où on pouvait faire un tour de moto. Et je lui ai fait faire un tour de moto et puis ça ne l'a jamais lâché. Le souci, c'est qu'on a décidé d'acheter une maison. Ayant des soucis financiers, j'étais obligée de vendre la moto. Je suis déçue de la vendre. Je suis triste, très triste, mais je n'ai pas le choix. Je suis obligée de la vendre et malheureusement, c'est...

Comme tout le monde, quand on a des soucis, c'est obligatoire. Ce n'est pas grave depuis ma moto, du moment où je l'ai fait. Je n'aurais jamais passé de permis, j'aurais un regret. Aujourd'hui, j'ai... J'étais que des bonnes choses. Ça m'emprise parce qu'on en veut toujours plus. Mais je suis super contente. Les années passent et mon fils décide de passer le permis moto et je lui dis qu'il faut qu'il se débrouille tout seul. C'est important qu'il puisse être autonome de ce côté-là, comme moi.

Alors en tant que maman, je m'inquiète beaucoup pour lui, mais à cause des voitures, machin, et puis il est jeune, donc voilà, on ne s'inquiète. Mais je ne vais pas l'empêcher de faire de la moto s'il lève la moto.

Une Vie de Combats et de Joies

Moi, j'ai écouté le médecin tout au début de mon accident qui m'a dit que ma vie serait une bataille et qu'il faudrait que j'ai le courage de vivre malgré tout. Et malgré cet handicap, ça m'a permis de vivre, de faire du ski, d'aller faire des choses, des expériences de vie, de la moto, du motocroche, du jet-ski, du kart.

Tous les trucs qui me disaient que c'était interdit, toutes les choses qu'on m'a interdites au début, je les ai faites. Même mon fils. J'aurais peut-être pas pu en avoir. J'en ai eu un quand même. J'ai tout fait. Et ma vie, elle est intéressante. Et j'aime la vie. Et ma vie, pour moi, c'est une vie normale, avec les bons et les mauvais moments. Mais c'est ma vie. La moto m'a apporté un côté de vie que je n'avais pas.

Une liberté et l'envie de vivre normalement. J'ai des balades en souvenir, toutes les choses que j'ai pu faire avec la moto qui sont pour moi importantes. Il faut se battre pour vivre. Il faut croire en la vie et faire tout ce qu'on a envie, malgré son handicap. Moi, je le dis toujours, en fauteuil, il faut se dépasser pour pouvoir réussir.

Si on ne se fout pas un coup de pied dans les fesses, comme dirait l'autre, on n'y arrive pas. Il faut qu'on se bouge. Et si j'avais écouté les médecins, je n'aurais pas fait le cas. Vous venez d'écouter Transfer, épisode 318, un témoignage recueilli par Anouk Delfino et Cécile Massin. Cet épisode a été produit par Slide Podcast. Direction éditoriale, Christophe Caron.

Direction de la production, Sarah Koskiewicz. Direction artistique, Benjamin Septemours. Production éditoriale, Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Chargée de pré-production, L'introduction a été écrite par Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Elle est lue par Aurélie Rodriguez.

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