Trouver de la magie dans le tragique - podcast episode cover

Trouver de la magie dans le tragique

Nov 09, 202326 minSeason 8Ep. 286
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Summary

Jean-Baptiste, perdu dans ses études en France, part vivre un an à Tokyo pour apprendre la langue et découvrir la culture. Alors qu'il commence à se faire à sa nouvelle vie et à nouer des amitiés, il vit le triple désastre de mars 2011 : un violent tremblement de terre, un tsunami dévastateur et l'explosion d'une centrale nucléaire. Contraint de fuir le Japon, il se retrouve à Bangkok, où cette série tragique d'événements va paradoxalement donner un tournant inattendu et heureux à sa vie personnelle et professionnelle.

Episode description

Un malheur n'arrive jamais seul. Ce petit dicton illustre ce que l'on appelle la «loi des séries»: l'idée qu'une catastrophe en appelle une autre, défiant nos représentations du hasard. Comme en 2005, quand cinq crashs d'avion ont eu lieu entre le 2 et le 23 août, alors que la probabilité d'un accident mortel n'est que de une sur cinq millions. Loi des séries ou simple statistique? En réalité, les calculs du CNRS ont montré qu'il y avait une chance sur dix qu'un tel événement se produise.

Quand Jean-Baptiste, installé au Japon depuis plusieurs mois, vit son premier tremblement de terre, il se dit qu'il ne peut rien lui arriver de pire. Mais c'était sans compter sur la loi des séries.

L'histoire de Jean-Baptiste a été recueillie par Éléonore Sauzeau.

Transfert est produit et réalisé par Slate.fr.

Direction éditoriale: Christophe Carron
Direction de la production: Sarah Koskievic
Direction artistique: Benjamin Saeptem Hours
Production éditoriale: Sarah Koskievic et Benjamin Saeptem Hours
Prise de son, montage et habillage musical: Victor Benhamou
Musiques: «Morning Mood Lofi», Edvard Hagerup Grieg et Rainman; «Chasing Fireflies», Yat Fung Wong

L'introduction a été écrite à quatre mains par Sarah Koskievic et Benjamin Saeptem Hours. Elle est lue par Aurélie Rodrigues.

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Transcript

Projet Japon, Installation et Rencontres

Un malheur n'arrive jamais seul. Ce petit dicton illustre ce que l'on appelle la loi des séries. L'idée qu'une catastrophe en appelle une autre, défiant nos représentations du hasard. Comme en 2005, quand 5 crashes d'avions ont eu lieu entre le 2 et le 23 août, alors que la probabilité d'un accident mortel n'est que de 1 sur 5 millions. Loi des séries ou simple statistique ?

En réalité, les calculs du CNRS ont montré qu'il y avait une chance sur dix qu'un tel événement se produise. Quand Jean-Baptiste, installé au Japon depuis plusieurs mois, vit son premier tremblement de terre, Il se dit qu'il ne peut rien lui arriver de pire. Mais c'était sans compter sur la loi des séries. Vous écoutez Transfer, épisode 286, un témoignage recueilli par Eleonore Sozo.

J'ai 20 ans et j'ai redoublé une fois ma terminale et une fois ma première ligne de médecine. Je suis un peu perdu dans mes études, je ne sais pas trop quoi faire, j'ai un dossier vraiment pourri parce que non seulement j'ai redoublé ma terminale, mais en plus j'avais des très très mauvaises notes au lycée.

Donc voilà, je ne sais pas trop quoi faire de ma vie. Et ma mère me prend un rendez-vous chez une conseillère d'orientation slash psychologue. J'y vais sans trop d'attente. On fait un premier rendez-vous, on fait un deuxième rendez-vous. Je lui parle beaucoup, beaucoup du Japon, le fait que j'aimais énormément le cinéma japonais, que je suis déjà allé au Japon une fois quand j'étais plus jeune. Et ça a dû faire-t-il dans sa tête. Elle me dit, pourquoi vous n'iriez pas au Japon pendant un an ?

avec un projet d'apprendre la langue, de vous immerger un peu dans la culture. Et là, je lui réponds direct, je pense que mes parents ne voudront jamais, j'ai déjà pris beaucoup de retard au niveau de mes études, etc. Il me dit, hop, je pense que vous devriez essayer. Donc, je dis, bon, ok.

Je sors de la consultation, ma mère m'appelle et je lui raconte un peu ce que cette dame m'a dit. Elle m'a conseillé de peut-être partir un an au Japon pour apprendre la langue. Et ma mère me répond direct, je pense que c'est une bonne idée. Laisse-moi en parler avec ton père.

Sur le chemin du retour du centre-ville à chez moi, j'ai réalisé le fait que c'était à peu près sûr que je parte à Tokyo dans quelques mois. Je fais beaucoup de petits boulots à droite à gauche, du ménage dans les hôpitaux. les petits boulots de jardinage, etc. Enfin, je fais à peu près tous les petits boulots imaginables. Je me fais un petit pécule avant de partir. Et je déboule à Tokyo le 10 novembre 2010, après à peu près six mois de taf. J'ai booké...

Mon école de langue, je ne sais pas où je vais dormir. Je loue une petite chambre dans un liokan, c'est une auberge traditionnelle japonaise à Tokyo. Je veux vivre dans un appartement. plutôt que dans une guest house parce que je veux mon indépendance, etc. Mais je me rends compte très vite que ça va coûter beaucoup trop cher ou que je vais vivre complètement à l'extérieur de Tokyo dans un quartier pas très cool.

Une guest house, c'est une maison de taille à peu près normale, mais avec beaucoup de petites chambres et peut-être deux toilettes et deux douches communes. Et au bout de deux semaines, je commence à être vraiment stressé parce que je ne trouve pas chaussière à mon pied. Et un peu dépité, je vais voir dans un bon quartier pour le coup, mais la plus petite chambre que j'ai trouvée, c'était 6 mètres carrés. Au rez-de-chaussée, enfin vraiment...

le bas du truc. Il y a une jeune fille coréenne qui m'accueille avec un grand sourire. « Ah, tu viens visiter la Gesta, ça a franchement super ambiance ici, on s'éclate bien et tout. » Bon accueil. L'après-midi, je décide de prendre la chambre. Me voilà dans cette guest house. Donc, je déménage le lendemain. Je commence à parler à mes colocataires, apprendre à les connaître. Il y a deux personnes qui sortent un peu du lot à ce moment-là. C'est un Néo-Zélandais qui s'appelle Simon, avec qui...

plus facile de communiquer parce qu'il parle anglais. Et après, avec une japonaise qui s'appelle Chinatsu, qui parle très peu anglais et encore moins français, mais qui est très avenante, très accueillante. C'est mes deux premiers potes dans la guest house. Chinatsu, je la trouve très sympathique et très avenante, mais je n'ai pas du tout de sentiment ou de me dire « elle est mignonne, cette nana ». Je me dis que ça pourrait être une bonne pote.

À ce moment-là, je suis avec quelqu'un en France depuis cinq ans. Je ne suis pas du tout en mode recherche de copine ou même... Je ne suis pas dans cet état d'esprit de chiner un peu des petites nanas, de faire un peu le beau. Ce n'est pas ça du tout. Je suis en couple et voilà. Je suis au Japon depuis quelques mois. Le matin...

Je vais à mes cours de langue et l'après-midi, je fais un peu les devoirs des cours de langue quand j'ai la foi et sinon je me balade ou je vais retrouver des amis japonais avec qui on va dans des parcs ou quoi que ce genre de truc.

Je me suis fait pas mal de potes dans la guest house, donc je sors souvent avec eux. On va boire des coups, ou même juste on se retrouve dans la cuisine de la guest house et il y a toujours quelqu'un qui a une bière qui est ouverte ou qui est en train de cuisiner quelque chose, donc on passe pas mal de temps ensemble. J'ai ma petite vie à Tokyo. Je commence un peu à parler japonais, en tout cas assez pour avoir des petites conversations faciles avec les locaux.

Je me suis rapproché plus de Simon et de Chinatsu aussi. On passe pas mal de temps ensemble. Quand elle sort avec des potes japonais, elle me propose de les rejoindre aussi. Petit à petit, on se lit vraiment d'amitié et on passe pas mal de temps ensemble.

Elle aime bien aussi les films des années 80, les comédies un peu bébêtes américaines des années 80. Donc on va en louer, on les regarde avec elle ou avec d'autres potes. On commence à construire un petit truc. Un jour dans l'après-midi, je suis à la guest house, dans le salon.

Le Grand Tremblement de Terre

Et j'ai un pote qui fume une clope sur le perron. Moi, je suis à l'intérieur, la télé allumée. Et voilà, on parle, on discute tranquille. Et là, tout d'un coup, le sol commence un peu à trembler. Donc on se dit encore un tremblement de terre. Il y en avait eu quelques-uns déjà cette semaine-là.

Et donc, personne ne panique, on continue un peu notre vie. Et là, assez rapidement, ça commence à trembler carrément plus fort. Et ça commence à trembler d'ailleurs un peu dans tous les sens, de haut en bas, gauche à droite. Ça devient très chaotique.

Et donc là, je vois des Japonais, alors que la consigne, normalement, c'est de rester dans la maison. Je vois des Japonais qui sortent en courant de la maison. Et là, je me dis, ouh là là, la maison risque de s'écrouler, ou je ne sais pas, tout craque.

À ce moment-là, dans la maison, les tiroirs commencent à sortir de leur emplacement, etc. On sort tous en courant de la maison et on va s'accrocher à une espèce de stèle ou une espèce de grosse pierre avec des inscriptions devant la maison parce qu'il y avait un parc à côté. Donc, on s'accroche là-dessus.

Et là, c'est hyper intense. Il y a des transformateurs électriques au poteau qui pètent. Donc, il y a des étincelles partout. Il y a des gros fils électriques qui balancent de droite à gauche au-dessus de nos têtes. Il y a tout qui craque dans tous les sens. Moi, à ce moment-là, je me dis...

Ah, c'est un gros tremblement de terre, mais ça doit arriver, ce genre de truc. Et je demande à un pote japonais, ah, mais ça arrive souvent et tout. Et un pote japonais de la guest house qui devait avoir, je sais pas, peut-être 40 ballets ou quelque chose comme ça. Et il me dit, non, non, c'est la première fois de ma vie que j'ai un tremblement de terre aussi gros. Et là, je me dis, aïe, ce n'est pas très bon signe. Ça commence un peu à sentir le roussi. Ça dure une minute trente, deux minutes.

Même si ça continue de trembler, etc., ça se calme. On rentre dans la maison. Et là, on retrouve la maison un peu sans dessus dessous. Les tiroirs sont sortis de leur emplacement. Les fourchettes, les baguettes qui sont par terre. Donc moi, je vais voir dans ma chambre.

Vu que c'est 6 mètres carrés, tout est au millimètre au millimètre, il n'y a rien qu'à bouger. Donc je suis assez content. On regarde un peu les dégâts. Le seul truc à peu près resté en place, c'est la télé qui est fixée au mur. Et on se dit, on va allumer la télé pour voir... pour voir ce qui se passe, si ça passe aux infos, etc. Et là, on voit des flashs en direct avec les journalistes dans les locaux, des journalistes les locaux aussi sans dessus dessous, avec...

Les mecs à la lampe torche ou des morceaux du plafond des locaux qui sont en train de pendouiller du truc. Les journalistes, ils ont des casques de chantier pour se protéger des objets qui pourraient tomber du plafond. Les journalistes paniqués en direct expliquent ce qui s'est passé. Un énorme tremblement de terre dans le nord du Japon, etc. Gros, gros risque de tsunami sur toute la côte est, sur toutes les chaînes. Toutes les chaînes, c'était pareil.

Il y a une petite carte du Japon qui clignote avec toute la côte Est qui clignote en rouge. Tsunami, attention, tsunami warning, tsunami warning. Donc bon, c'est très inquiétant. On regarde la télé, les journalistes ont eu leur casse de chantier sur la tête, panique à bord sur toutes les chaînes de télé. Moi, je commence à être un peu inquiet. Peut-être qu'on est en train de vivre un événement assez exceptionnel au final.

Le Tsunami et l'Alerte Nucléaire

Ça n'arrive pas tous les quatre matins, un truc pareil. Certaines chaînes balancent les caméras de surveillance des plages en direct. Il n'y a pas grand-chose qui se passe. La mer est calme. On commence à se dire peut-être que ça alerte ou peut-être qu'au final, c'était un peu trop pessimiste.

petit à petit, on commence à voir le niveau de la mer qui monte. Un tsunami, ce n'est pas vraiment une énorme vague. Ça peut faire une espèce de vague comme ça, mais si tu es sur des plages assez plates, ce n'est pas vraiment ça. C'est plus le niveau de la mer qui monte, petit à petit, comme un bain qui déborde.

Et donc on voit le niveau de la mer qui monte, qui monte, qui monte petit à petit et ça n'arrête pas de monter et ça commence à littéralement déborder dans les rues, dans les villes. Il y a les voitures qui commencent à être prises par le tsunami, des mecs qui courent pour essayer de se sauver.

des vieilles baraques un peu en bois qui se font emporter par tout ça. Clairement, tout le monde qui regardait la télé comprend que c'est vraiment une grosse catastrophe. On regarde un peu ça, ces images impuissantes, on reste là devant. C'est un peu fort quand même de regarder ça en direct. Il y a plein de personnes qui sont en train de mourir et tout. Mais ce n'est pas loin, ce n'est pas dans un autre pays, ce n'est pas à l'autre bout du monde. C'est pratiquement là où tu es.

Ça rajoute encore plus ce que tu peux ressentir dans un moment comme ça, ce côté très dramatique. Ça se passe vraiment à deux pas de là où je suis. On reste planté là, devant. On regarde ces images pendant des heures. La Guest House est juste en face d'une ligne de train qui est très fréquentée.

Il y a des gens qui marchent à la queue leu-leu dans notre rue. On a les images du tsunami en direct à la téloche. On a les mecs derrière qui rentrent, une espèce de marée humaine, qui rentrent du travail. Peut-être qu'ils habitent à l'autre bout de Tokyo, mais tout est bloqué. Il y a des embouteillages partout.

ça fait très post-apocalyptique je commence vraiment à être très fatigué donc je décide d'aller me coucher je passe une nuit pas trop dégueu contre toute attente malgré toutes les répliques du tremblement de terre ça a continué beaucoup de trembler pendant la nuit

Le lendemain matin, je me réveille, quand même un peu groggy encore de ce qui s'est passé la veille et de ce qui continue à se passer dans les régions touchées par le tsunami. C'est une belle journée. On a beaucoup, beaucoup passé de temps devant la télé la veille. Et on est saturé vraiment d'images catastrophiques. Donc on se dit qu'on va sortir, changer un peu les idées. On va dans un grand parc. La journée est sympa, il fait très beau. On passe l'après-midi dans le parc, on se balade un peu.

On se rend compte qu'il n'y a pas grand monde dans les rues, mais bon, c'est sûr que le lendemain d'une catastrophe comme ça, les gens n'ont pas trop envie de sortir ou de se balader. On passe une bonne journée et on rentre sur les coups de 18h30, 19h.

Juste avant d'arriver à la guesthouse, ma mère m'appelle sur mon portable japonais. Je me dis, ça coûte cher d'appeler par le téléphone. Et je dis, étrange. Donc je décroche, je dis, tout va bien, qu'est-ce qui se passe ? Elle crie dans le combiné. Je ne comprends rien à ce qu'elle me raconte.

Donc, j'ai dit, calme-toi, calme-toi, qu'est-ce qui se passe ? Et elle me dit, il y a une centrale nucléaire qui est en train d'exploser à 200 km de chez toi, casse-toi, casse-toi du Japon, va à l'aéroport, prends le premier vol que tu trouves et casse-toi. Dans ma tête, je me dis, il y a un tremblement de terre, un tsunami, une centrale nucléaire qui pète. Il doit y avoir une erreur. Ce n'est pas possible qu'il y ait autant de catastrophes en 24 heures.

La Fuite Urgente Vers Bangkok

Je dis calme-toi, calme-toi, je suis à deux pas de la guest house, je te rappelle. Donc je rentre à la guest house, je vois les personnes de la guest house qui n'étaient pas venues avec nous pour se balader, sur le canapé, dans un silence de plomb, qui regardent la télé encore.

Et l'image de... Je pense que tout le monde l'a vu, cette image. C'est l'image du toit de la centrale qui explose, qui pète avec un gros nuage blanc qui sort de la centrale. Et là, je pense, oh putain, c'est pas possible, quoi. Ça recommence, ouais.

Clairement, je me dis qu'il faut que je me casse. Je me précipite dans ma chambre, j'ouvre mon sac à dos de voyage et je commence à fourrer tout ce que je peux mettre dedans, mes manteaux, des pompes, des trucs. Je vois très bien que je ne pourrais pas tout mettre dedans.

Et à ce moment-là, Simon, mon pote néo-zélandais, passe devant ma chambre, me demande ce que je suis en train de faire. Je lui dis, écoute, la centrale qui est en train de péter, il faut que je me casse. Et il me dit, ok, attends-moi deux secondes, je fais mon sac et je viens avec toi, on y va. Je me dis à ce moment-là...

que ça serait con d'aller dans l'aéroport de Tokyo, qui est situé quand même plutôt au nord. Donc on se rapprochait encore, je ne sais pas, de 50 kilomètres peut-être de la centrale. Je me dis que ça serait mieux que j'aille dans le sud. Il y a un gros aéroport dans une ville qui s'appelle Osaka. Donc je me dis, je pars au Saka, je vais choper mon avion là-bas. J'ai dit au revoir à mes amis qui sont dans le salon encore en train de regarder la téloche. C'est un peu déchirant parce que...

Je ne sais pas quand est-ce que je les reverrai. Si je vais les revoir, on se prend dans les bras, on se dit au revoir. Et Chinatsu, ma pote de la guest house avec qui je m'entends très bien, décide de nous emmener avec Simon au terminal de taxi de la station de métro à côté. Et pendant les cinq minutes qui nous séparent de la guesthouse au terminal du taxi, assez naturellement, on se prend la main avec Chinatsu. Comme ça, on marche main dans la main.

Simon dit au revoir à Chinatsu, rendant le taxi. Moi, je mets les valises. Et donc là, on se prend les deux mains, on se regarde avec Chinatsu et on se dit à bientôt, prends soin de toi. Il y a un petit moment de flottement. Tout d'un coup, on s'embrasse. Je monte dans le taxi et je me barre. Bien sûr, Simon a oublié son passeport à son taf.

Nous voilà partis pour le travail de Simon. Le dernier train part dans une heure à peu près pour le Sud. C'est vraiment une course contre la montre. Il rentre dans son taf. Moi, je vais dans les toilettes parce que j'ai trop envie de vomir. Mais bon, je n'arrive pas à vomir, je suis au-dessus des chiottes.

Comme ça, il me dit, OK, c'est bon, j'ai trouvé mon passeport. On redescend, on chope le taxi qui nous attendait en bas, qui nous amène à la gare. On chope des billets au comptoir. On court dans le train, les portes se ferment et le dernier train de la journée se barre à Osaka, dans le sud. On a un petit moment de répit entre guillemets. J'appelle Chinatsu à ce moment là pour lui dire bon, prends soin de toi.

J'espère qu'on va se voir très bientôt. Si tu peux partir de Tokyo et aller dans le sud, ce serait peut-être pas mal au cas où il y a de la radioactivité qui arrive dans la ville, etc. Sur les coups de minuit, minuit et demi, on arrive vers l'aéroport de Osaka.

Il n'y a plus de vols qui partent à cette heure-là, donc on doit passer la nuit dans l'aéroport. Au Japon, il y a ce qu'on appelle des mangas cafés. C'est des endroits où tu as une bibliothèque de mangas à laquelle tu as accès et des espèces d'espaces un peu privés, comme des petits boxes. qui n'ont pas de toit, quoi. On se dit qu'on va passer avec Simon la nuit dans ce manga café. Simon...

se piotent en 5 minutes. Moi, impossible de dormir, je suis méga, méga stressé. Donc, je fais des allers-retours aux toilettes pour aller essayer de vomir à cause du stress. Et à chaque fois que je me lève, j'entraperçois mon voisin de boxe.

qui est un japonais qui est en train de se faire un marathon de porno ultra hardcore pendant toute la nuit. Et le mec, il a littéralement fait ça pendant 7 heures. C'est-à-dire de minuit à 7 heures du mat', le mec était en train de regarder que du porno. Le matin, on sort du manga café.

On se retrouve devant le panneau de départ et on regarde quels sont les avions, qui partent où, qu'est-ce qu'on fait, etc. Je dis à Simon, je suis chaud d'aller peut-être en Australie parce que je m'étais fait des potes australiens qui, eux, étaient déjà rentrés en Australie.

Et il me dit, je vais peut-être partir à Bangkok, ma boîte a des bureaux là-bas, je peux bosser depuis là-bas. Donc je lui dis, bon vas-y, je viens avec toi, on y va tous les deux. On achète les billets au comptoir, 3000 balles l'allée, un peu mal.

Je n'ai pas envie de rentrer en France parce que je ne veux rester pas très loin du Japon dans l'espoir que la situation s'améliore et que je puisse y retourner rapidement. Et le fait de rentrer en France aussi, ça veut dire que l'expérience est terminée. Je ne suis pas prêt à mettre un stop net à cette année, mon projet d'un an de vivre à Tokyo, de l'arrêter comme ça. On prend l'avion, il y a à peu près 6h30-7h de vol entre Tokyo et Bangkok.

Bien sûr, je ne dors pas. Je suis encore trop stressé, donc ça fait 48 heures que je n'ai pas dormi, en gros. Quand on est parti de Tokyo, il faisait froid. Je débarque à Bangkok. complètement au radar avec mon gros manteau et tout. Tout le monde est en tongs et en short et en débardeur. Et moi, je suis avec mes habits d'hiver, comme si j'allais, je ne sais pas, gravir l'Himalaya ou un truc comme ça. Enfin, je suis vraiment complètement au radar. On prend un taxi.

Vie à Bangkok, Amour et Retour Prévu

avec Simon. Il me dit, ouais, on va dans le quartier touristique des touristes, on va trouver un hôtel. Donc, on prend un taxi qui nous dépose dans ce quartier. Je sors du taxi toujours en manteau et tout. Il y a des mecs qui font griller des scorpions, qui font griller des insectes. Il y a des prostituées à droite, à gauche. C'est un autre monde, quoi. On a un peu de mal à trouver un hôtel, mais bon, on y arrive.

Et on passe la nuit dans cet hôtel. Pendant ces quelques jours qui suivent, je ne dors pas toujours très bien. Je suis stressé par rapport à ce qui se passe au Japon. Est-ce que je vais pouvoir y retourner rapidement ? Je vois clairement que non. On apprend.

quand même que le toit de la centrale, c'était un nuage de vapeur et que ce n'était pas un nuage radioactif. Donc, c'est déjà, entre guillemets, relativement rassurant. Mais bon, on voit que quand même, la centrale fuit quand même beaucoup et que ce n'est pas forcément trop le moment d'y retourner.

Chinatsu est parti avec des copines dans le sud pour s'éloigner un peu de la centrale au moment de l'explosion. Je suis assez rassuré aussi de ce côté-là parce que là où ça aurait pu être vraiment le pire avec ce nuage blanc, ça a été évité plus ou moins.

Petit à petit, je commence à me faire un peu à la ville. Avec Simon, on se trouve un appart pas très loin de ses bureaux. Et on commence une coloc dans un petit appart au rez-de-chaussée à Bangkok. Il va bosser pendant la journée. Et moi, je suis...

Je n'ai aucune obligation. Je n'ai pas d'école de langue. Je fais ce que je veux toute la journée. Je gère un peu dans la ville. Je vais goûter des trucs. Je mange un peu à droite, à gauche, etc. Je suis clairement plus détendu qu'une semaine ou deux avant. Je commence à apprécier ma vie de tous les jours qui est une vie où tu te lèves à 11h du mat, tu vas manger un petit truc hyper bon qui coûte pas un rond dans un petit boui-boui, après tu marches un peu dans la ville.

Tu retrouves ton pote le soir, tu vas boire des coups. Rien, aucun souci. Vraiment quelque chose de très, très cool. J'ai quand même Finatsu au téléphone très régulièrement. On se raconte vraiment nos... Enfin, elles, son quotidien en Japon, moi, mon quotidien à Bangkok.

Pendant cette période-là, je me sépare de ma copine française. Dans ma tête, même si là, je suis à Bangkok, clairement, l'objectif, c'est de retourner au Japon. Et c'est incompatible. Et je le sais profondément. Vraiment, je le sens à 200%.

Tinatsu avait prévu un voyage avec ses copines à Bangkok, mais bien avant le tremblement de terre, bien avant toute cette histoire. En fait, on se retrouve ensemble à Bangkok. Mon frère est là. On va faire la teuf avec mon frère, Tinatsu, ses potes. Enfin, on est tout un groupe. On va dans un club, c'est hyper cool. Avec Chinatsu, on parle pas mal de ce qui s'est passé au moment du départ du Japon, le fait que je ne sois plus avec ma copine, etc. Donc on décide de se mettre ensemble.

Chinatsu rentre au Japon au bout de trois jours de voyage à Bangkok. Moi, je reste encore une semaine ou deux à Bangkok. Je rentre en France parce que clairement, là, je n'ai plus aucune thune. Et il faut que je travaille absolument, que je refasse plein de petits boulots pour repartir.

une nouvelle année à Tokyo pour avoir vraiment cette expérience qui était en fait mon projet de départ mais qui a été coupée pile-poil au moment où je commence à parler avec les gens, où je commence à me faire vraiment des bons potes et à maîtriser la langue. Je rentre en France, et avec Tina Tso on s'appelle très souvent. Elle vient me voir pendant 10 jours en France. Ça se passe très très bien, on est très amoureux. Au bout de ces quelques mois de petits boulots acharnés.

j'ai de nouveau un petit pécule avec lequel je repars au Japon. C'est un peu difficile de négocier le retour au Japon encore pendant un an avec mes parents. Mon projet a été coupé et mes parents me disent « Franchement, là, tu vas avoir quatre ans de retard sur tes études. Là, ça commence à faire long. On est vraiment désolé pour toi, mais là, il faut que tu trouves des études. » Je leur dis « Non, clairement, ce n'est pas possible. »

Retour, Vie de Famille et Leçon du Tragique

Je suis déterminé à repartir là-bas. Je repars à Tokyo en septembre 2011, en espérant qu'il n'y ait pas de nouvelles catastrophes pendant cette année-là. Et on se prend un appart avec Chinatsu et on commence à vivre ensemble et tout se passe très bien.

Je réalise enfin mon projet, je fais beaucoup de progrès en japonais. À la fin de l'année, je rentre en France avec Chinatsu, elle me suit, pour continuer mes études. J'apprends le coréen, après on retourne au Japon, et au final, pendant les dix années qui suivent,

On vit ensemble entre la France et le Japon. J'ai une année d'échange universitaire avec Séoul. On se voit très régulièrement parce que Séoul et Tokyo, c'est pas loin. Après, je commence une autre école à Lyon et donc elle vient avec moi à Lyon.

On fait beaucoup d'aller-retour entre les deux pays pendant dix ans. En 2018, on décide de s'installer vraiment en France. On se marie cette année-là. On se dit qu'on va rester un petit moment à Paris pour Chinatsu, pour qu'elle apprenne bien la langue française. Et moi, développer mon activité professionnelle à Paris. 2020, on a notre premier enfant, une petite fille qui s'appelle May, qui veut dire petite pousse.

On aimait beaucoup le sens, mais il se trouve aussi que c'est le nom de la petite dans Totoro, un dessin animé des studios Ghibli, qui nous plaît beaucoup, mais bon, on n'a pas décidé pour ça, mais bon, coincident, c'est assez rigolote. 2022, on a notre deuxième, qui s'appelle Naro. Donc le Na de Nao, ça veut dire canfrier. C'est un arbre qui est vert toute l'année. On ne l'a pas fait exprès, mais le gros arbre dans Totoro, c'est un canfrier.

Et aujourd'hui, on envisage d'aller s'installer à Tokyo avec les enfants en 2024 pour que les enfants aient une expérience. du Japon et de cette culture-là. Ils sont autant français que japonais, donc on a le projet de retourner pour l'école primaire des enfants au Japon, puis normalement de revenir en France pour collège-lycée. Et après, ils choisiront où ils veulent vivre.

Fukushima, c'est vraiment un tournant décisif, si ce n'est le tournant décisif de toute ma vie. Ça a vraiment ancré en moi un désir profond d'apprendre cette langue et de continuer à aller dans ce pays. rencontrer des gens, etc. Ça coïncide vraiment au moment où, en gros, je me suis mis avec Chinatsu. Aujourd'hui, on a deux enfants et on prévoit d'aller revivre là-bas, etc. En même temps, c'est tragiquissime et il y a eu beaucoup de morts et c'est un souvenir dur.

Mais en même temps, c'est un tournant vraiment charnière dans ma vie. Si cet événement n'était pas arrivé, je n'aurais sûrement pas embrassé Chinatsu parce que j'étais encore avec ma copine à l'époque. Ma vie serait littéralement différente. Je ne sais même pas si je parle japonais, je ne sais pas si j'y serais retourné. Peut-être que j'aurais terminé mon année. Je serais dit, c'était cool. Mais bon, là, maintenant, il faut que je fasse, je ne sais pas, moi, j'avais un fac de bio ou que sais-je.

J'aurais vraiment vécu une vie complètement différente. Et vu que j'aime beaucoup la vie que j'ai là, c'est un marqueur temporel très positif dans ma vie. Vous venez d'écouter Transfer, épisode 286, un témoignage recueilli par Eleonore Sozo. Cet épisode a été produit par Slate Podcast. Direction éditoriale, Christophe Caron.

Direction de la production, Sarah Koskiewicz. Direction artistique, Benjamin Septemours. Production éditoriale, Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Chargée de pré-production, L'introduction a été écrite par Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Elle est lue par Aurélie Rodriguez.

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