¶ L'accident qui a changé ma vie
C'est en Égypte ancienne qu'on aperçoit le phénix pour la première fois. C'est un mythe, une légende, un oiseau fabuleux dont la longévité est spectaculaire Quand le phénix meurt, il s'enflamme, puis renaît de ses cendres. On le représente avec des plumes de couleurs vives, jaune et orange comme le soleil, car il représente l'immortalité.
Manuel est pompier de Paris. Sa vie, ce sont les sirènes, les urgences, les incendies, les flammes et les risques qui vont avec. Car même lorsque l'on prend toutes les précautions, le feu reste souvent indomptable. Vous écoutez Transfert. Ce témoignage a été recueilli par Ilona Cattelin et Yann Besson. Субтитры сделал DimaTorzok
J'ai 31 ans, je suis moniteur à l'instruction au sapeur-pompier de Paris. Après avoir fait quelques années en compagnie d'incendie, je me suis en quelque sorte recyclé comme moniteur pour instruire les recrues au centre de 19 Saint-Georges. Nous sommes le 2 novembre 2000. Il fait beau, le temps est très frais. L'herbe est gelée, on entend les oiseaux. Vers 8h30, on doit pour une émission de télévision allumer un feu et puis leur montrer comment on procède à l'extinction.
Il y a des palettes qui sont entreposées depuis la veille au soir et ces palettes ont pris l'humidité. Comme à notre habitude, on utilise un jerrycan avec un hydrocarbure lourd, donc du gasoil, pour améliorer la combustion et le démarrage du feu. Au moment de l'allumage, je verse donc l'hydrocarbure. Je suis moniteur. Et en versant le liquide le plus lourd, l'hydrocarbure.
descend en premier, donc quand j'essaye de l'allumer, celui-ci a des difficultés à s'enflammer. Et puis d'un coup, le dissolvant arrive, et là, une flamme jaillit du jerrycan. Tout s'embrase. J'ai juste le temps de jeter le jerrycan et de dire à mes camarades, mes collègues et les jeunes recrues de dégager de la zone.
Et je cours à l'opposé parce que je n'ai pas d'autre solution entre eux et moi et les Algéricanes. Eux ont la possibilité de se cacher derrière un mur. Et moi, je suis trop loin. Donc je cours, je cours. Ça me paraît très long. Et l'explosion. Alors là, c'est un grand souffle chaud.
Je me sens propulsé dans les airs et dans ma tête, ça dure des secondes comme si mon cerveau a des capacités incroyables où j'ai le temps de me dire plusieurs choses, notamment, oh là là, quand je vais atterrir, ça va faire mal. Et j'atterris finalement. Je fais une sorte de rouler bouler un petit peu. pas très orthodoxe. Et en me relevant, je vois quelques flamèches qui sortent de mon pantalon et de ma veste. Et je m'enflamme. Je deviens une torte.
La première réaction qui me vient à l'esprit, c'est de courir vers mes camarades. Je plonge à leurs pieds et ils m'éteignent en me couvrant avec leur cuir et avec leurs gants. Je me relève, et là, je sens que ça picote. On se dit... On a eu chaud, on a eu très chaud. Et moi, je sens une douleur vive quand même au niveau des membres inférieurs. Je sens même au niveau du visage, ça me picote.
Je demande à un camarade s'il voit quelque chose. Nous, rien d'inhabituel. Et instinctivement, je baisse mon pantalon parce que la douleur devient insupportable. Et là, je me rends compte que la peau reste collée dans le pantalon au fur et à mesure que je décide. Là, c'est le choc. La peau est à tône, les jambes sont brûlées au troisième degré. Instantanément, mes collègues ouvrent une petite lance pour me refroidir.
pour retirer cette douleur qui devient de plus en plus intense et qui est vraiment insoutenable. Et par moments, ils veulent arrêter. Et je les supplie de continuer, même si je suis en hypothermie, le temps que l'ambulance de réanimation arrive, qui arrive au bout de quelques minutes. Je suis sédaté immédiatement et je me réveille un court instant dans l'ambulance.
J'ai le temps d'apercevoir des têtes, mes camarades qui veulent prendre de mes nouvelles. Et puis, je sombre dans le néant, on va dire, pour me réveiller dans une chambre stérile à l'hôpital, quelques heures plus tard.
¶ L'hôpital et les greffes
Quand je me réveille, la première chose que je vois, c'est que déjà j'ai été déshabillé. Je n'ai plus mes affaires. Je ne sais pas où je suis. La douleur a pratiquement disparu. Je me sens un peu ivre et je n'ai pas vraiment conscience de ce qui m'arrive. Pour moi, c'est quelque chose de bénin qui, en quelques jours, sera réglé et je pourrai sortir.
Je demande à un infirmier pour combien de temps j'en ai, parce que dans quelques jours, j'ai un examen qui me permettra de gravir encore des échelons au niveau de la hiérarchie et de passer au grade de sous-officier. Il me répond qu'on ne sait pas encore. Ça va durer quelques temps, mais rien de précis. Et je suis de toute manière sous morphine, donc je ne me rends pas compte du tout.
Et à aucun moment on me dit pour combien de temps il y en a parce que personne ne sait pour combien de temps il y en a. Le fait de savoir que je vais manquer cet examen à ce moment-là ne me fait rien. Je suis tellement ailleurs, tellement drogué, on va dire, que je ne me rends compte de pas grand-chose. Pour moi, ce n'est pas grave.
C'est insignifiant. Le moment où je me rends compte que la situation est grave, c'est quand je vois d'autres personnes qui passent en chariot dans le couloir, qui vont au soin en fait. Et je vois des visages, des mains bandées, des corps entièrement cachés par les bandes. Et je me dis qu'à ce moment-là, j'ai quand même eu de la chance. Et ça m'aide aussi pour tenir dans le temps et d'être patient. On va proprement parler dans ma situation.
Donc je suis en permanence sous morphine et la chambre stérile c'est un endroit qui est strictement fermé où seul un infirmier peut rentrer ou l'équipe avec les médecins quand il y a les pansements. sans quoi pour avoir de la visite, c'est à travers une vitre. Les gens passent dans un sas de l'autre côté et nous voient. La première visite de ma compagne est très douloureuse. Elle rentre et puis aussitôt elle ressort. Je sens qu'elle est submergée par l'émotion.
Pour moi, tout va bien. Ce n'est pas grave. Ça va passer. Ça ne peut pas durer. Et elle revient. C'est difficile pour elle, je le vois. Elle part fumer une cigarette et revient un peu plus tard. Et je vois bien qu'elle... C'est dur pour elle. Elle essaye de cacher sa douleur. Mais elle n'y arrive pas. Ses yeux parlent, tout simplement.
Quelques jours plus tard, le médecin me dit qu'il va falloir faire des greffes parce que la peau est vraiment trop atteinte et qu'elle ne pourra pas cicatriser. Donc, je passe au bloc. Ça dure plusieurs heures et je suis greffé à 15% au niveau des membres inférieurs. Les poignées et le bas du visage ont cicatrisé sans problème. Par contre, au niveau des jambes, au-dessus des bottes d'incendie et en dessous de la jupe du cuir d'incendie, les membres ont été brûlés au troisième degré.
Donc les greffes sont réalisées. Je me réveille très essoufflé. J'avais perdu beaucoup de sang lors de l'opération. On me dit que l'on me passe des culots de sang. Je me rendors. Je me réveille, c'est un peu mieux. Ils estiment que ce n'est pas aussi bien qu'ils l'imaginent. On me repasse du sang. Et puis en fin de compte, je me réveille et cette fois-ci, je ne suis plus essoufflé. Je me sens mieux.
systématiquement, à chaque fois qu'il y a des soins, je suis endormi et quand je me réveille, tout le monde est parti et mes pansements ont été refaits. Je ne vois à aucun moment l'état de mes jambes. Au bout de quelques semaines, je suis conduit à ce que l'on appelle la baignoire. C'est-à-dire que c'est un soin où on va être conscient pour la première fois, où on va déballer les pansements et faire le soin en pleine conscience.
Et là, au fur et à mesure qu'ils déballent les pansements, je vois l'épaisseur des bandages qui diminue, qui diminue, qui diminue. jusqu'à voir que mes cuisses sont complètement fondues, mes mollets aussi. On voit les os des genoux qui sont surdimensionnés par rapport aux mollets et aux cuisses. Ce moment-là est très difficile. parce que vous voyez les dégâts.
qui ont été causées il y a quelques semaines. Et là, je me rends compte que ma vie d'avant est terminée. Je prends conscience que ça ne sera plus jamais comme avant. Je me rends compte que je ne pourrai plus être moniteur à l'instruction. J'ai le sentiment que le sport sera terminé pour moi.
que tout ce que je sais faire, c'est être pompier de Paris. Qu'est-ce que je vais devenir ? Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire et qui va me donner autant de flammes, si je puis dire, dans ma vie de tous les jours ? Je prends conscience que je passe du...
¶ Le choc émotionnel et la rééducation
statut de super-héros à handicapé, c'est-à-dire dépendant, dépendant des autres. Ça, c'est une très grande souffrance quand on touche du bout des doigts l'opposé de ce que l'on croit être. C'est extrêmement douloureux de ne pas pouvoir se laver seul, de ne pas pouvoir faire tous les besoins élémentaires, manger. Il va avec et je m'effondre. Je m'effondre tellement qu'il décide de m'endormir pour continuer les soins.
Au bout d'un peu plus d'un mois, on me transfère de service. Je passe en rééducation. Et là, petit à petit, je réapprends à marcher. C'est difficile. Ça entraîne des lombagies très douloureuses et des douleurs musculaires également très douloureuses. L'équiné, quand il me manipule quelquefois, la peau reste dans l'endroit. parce que la peau est très fragile et très fine. La greffe n'a pas encore totalement pris partout.
Donc petit à petit je réapprends marcher, je passe du lit au fauteuil roulant, du fauteuil roulant à la station verticale, mais je ne peux me tenir que quelques, même pas une minute les premières fois. Je tiens, allez, 30 secondes, puis petit à petit, 2 minutes, 5 minutes. J'arrive à tenir des fois 10 minutes. et on décide de me faire sortir de l'hôpital.
Je quitte la rééducation fonctionnelle au bout de deux mois parce que je supplie un médecin que j'ai rencontré là-bas de me laisser sortir parce que je ne tiens plus à enfermer. Donc au bout de deux mois, je rentre chez moi et j'apprends les nouveaux gestes de mon quotidien, c'est-à-dire mettre des vêtements compressifs pour éviter que les chairs ne poussent anarchiquement. Ce sont des cicatrices.
qui, si on ne les maintient pas écrasés, deviennent des kéloïdes, c'est-à-dire une peau très épaisse. Les vêtements compressifs vous écrasent. Ce sont des collants extrêmement serrés. qui évite justement cette surproduction de chair. Donc il faut, le matin, faire toute une gymnastique. Il y a d'abord, pour commencer, un déverrouillage où on commence à remuer les jambes parce que la nuit, la peau se rétracte naturellement.
Du coup, je me réveille avec les jambes repliées comme un foetus le matin. C'est comme si on mettait le pyjama d'un enfant de 5 ans. C'est très serré, c'est très rétracté. On se déverrouille le matin en repoussant les jambes, en faisant des exercices. Ensuite vient le moment où l'on crème les jambes et le moment où on va mettre les vêtements compressifs pour éviter que la peau ne s'abîme et s'épaississe.
On ne se rend pas compte de la chance qu'on a tant qu'on n'est pas passé par des péripéties difficiles à vivre. On ne se rend pas compte des petits bonheurs du quotidien, des choses toutes bêtes, aller aux toilettes tout seul. c'est tellement difficile quand en réalité. Le fait de pouvoir se lever, de décider de se couler son café,
de partir quand on veut, de ne pas être dépendant de qui que ce soit, c'est génial. Rien que ça, c'est l'une des principales choses qui me font que je me lève tous les matins avec la banane, comme on dit.
¶ Reprendre pied par le sport
11 mois se sont écoulés depuis l'accident. Je reprends le travail et cette fois-ci au service médical du troisième groupement d'incendies avec un médecin qui m'a pris sous son aile. Je m'occupe de la consultation débrûlée et Et je m'occupe des cures thermales et des soins lorsque des pompiers de Paris sont brûlés. Je suis affecté à ce poste parce que je n'ai plus l'aptitude d'incendie. Je ne peux plus être moniteur à l'instruction non plus.
parce que je n'ai plus la condition physique. Et l'inaptitude tombe parce qu'on ne peut pas regreffer un brûlé. s'il est à nouveau brûlé. Il faut tout recommencer. Donc, il ne vaut mieux pas prendre de risques. Et l'accueil dans le service est plutôt chaleureux. Petit à petit, je fais la connaissance d'autres personnes, notamment du président de l'Association des Brouillets de France, qui me dit, dans un an et demi, tu fais le marathon de New York.
Alors sur le coup, je suis un petit peu surpris. Je pense que c'est une plaisanterie. Mais le médecin qui m'a pris sous son aile me dit non, non, c'est pas une plaisanterie. Tu vas faire le marathon de New York. Je commence à m'entraîner grâce à un copain qui est à la brigade et qui est dans l'équipe de cross de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Lui me donne tous les éléments pour m'entraîner. Ça commence de très bas. Je commence à courir cinq minutes et puis c'est très douloureux.
Et puis j'arrive à faire 7 minutes, puis 10 minutes, puis une heure et deux heures. Et je suis avec assiduité mon programme. la chance que j'ai pendant cette préparation. c'est que je suis bien entouré. Il y a ma compagne, il y a mon fils, il y a toute ma famille qui m'entoure énormément. Je suis vraiment entouré également par les personnels des différentes casernes. Puis arrive le 4 novembre 2002, deux ans plus tard, après l'accident. Et le marathon se déroule.
Je fais ce marathon sur invitation des pompiers de New York et dans le cadre de l'association des brûlés de France avec des camarades pompiers de Paris qui eux aussi ont été brûlés. Et on participe tous ensemble à cette communion, on va dire, et courir le marathon de New York. Je me retiens les 30 premiers kilomètres sur les conseils de mon coach. Comme quoi, les 30 premiers kilomètres, ça peut aller, mais au 30e, il y a une barre. Une barre physique qui est très difficile à passer.
Je l'écoute et au 30e kilomètre, je pars en courant à mon rythme, à 14-15 km heure. Quand je cours, je découvre New York. On traverse tous les quartiers de New York. C'est étonnant, les gens autour de nous qui nous encouragent, qui voient notre logo français et qui disent « Allez les Français ! » C'est très amusant et encourageant. Et puis, nous sommes une poignée de pompiers de Paris. Et quand on arrive, quand on franchit la ligne d'arrivée...
C'est l'euphorie. C'est le dépassement de soi. C'est le sentiment d'avoir réussi quelque chose, d'avoir été au-delà des capacités. C'est très émouvant. Après le marathon, je rentre dans mon unité au service médical. Et au bout de quelques semaines, le médecin-chef me propose de faire le Mont-Blanc avec toute une équipe médicale. Chose que j'accepte.
Concernant la préparation de cette ascension, je ne change rien, je continue de courir. Donc au mois de juin 2003, nous réalisons l'ascension du Mont Blanc, une équipe de pompiers de Paris toujours. et la première étape est de monter au refuge du goûter à 3800 mètres. Nous arrivons au refuge du côté et l'un d'entre nous, de la cordée, est pris du mal des montagnes et ne pourra pas monter plus haut. Il est pris de céphalées, de nausées.
Donc 24 heures plus tard, la fenêtre météo étant bonne, on part à minuit du refuge du goûter et on fait le dernier trait de l'ascension. Et là, c'est extrêmement difficile. Le manque d'oxygène est... Et vraiment pesant. Les derniers millimètres, c'est épuisant, éreintant. Chaque pas est lourd comme une valise. Petit à petit, ça y est, c'est le sommet. Et non, c'est pas le sommet. Une autre bosse se présente à nouveau.
Et il y a trois boss comme ça successives. Et enfin, à 7h du matin, on y arrive. On arrive au sommet. Et là encore, c'est un grand moment d'émotion avec toute l'équipe. À l'arrivée au sommet, on sort un drapeau, un fagnon de l'Association des Brûlés de France, et on le tient fièrement tout en haut du Mont Blanc. et on prend une photo que tous mes compagnons signent.
Là encore, comme au marathon, l'émotion est très forte. C'est un pas de plus vers ce que j'appelle la liberté, de retrouver une condition physique et d'être à nouveau, se sentir capable, reprendre confiance en soi. c'est très important. En fait, tous ces challenges servent ni plus ni moins à reprendre confiance en moi.
¶ Changer de carrière, devenir infirmier
Deux ans après l'ascension du Mont-Blanc, je quitte la brigade des sapeurs-pompiers parce que de toute manière mon avancement ne pourra pas se faire vu que je n'ai plus d'aptitude incendie et que donc pour finir dans un bureau, je ne suis pas intéressé. Je pars vivre en Bretagne avec ma compagne. Elle est enceinte. On attend une petite fille. Et en fin de compte, je cherche un métier qui me rapproche des gens encore. La notion d'aide est très importante en moi depuis très longtemps.
Donc je décide de me lancer, je fais le concours d'infirmiers. Je suis pris au concours d'infirmiers et c'est parti pour trois ans et demi d'études en gérant un petit peu les enfants et surtout reprendre ses études à 40 ans, ce n'est pas évident. Dans un premier temps, je veux me tourner vers les urgences et en fin de compte, au cours des stages, je me rends compte que ce qui ressemble le plus
À mon idéal, c'est la psychiatrie. Parce qu'il y a énormément de contacts humains, comme chez les pompiers. Chez les pompiers, le... Les cinq premières minutes d'une intervention, c'est très important. Le choix des mots quand vous parlez à quelqu'un, ça va vous permettre d'avoir sa confiance.
Et justement, la psychiatrie me fait dire que le choix des mots, l'attitude, là encore même non-verbal, la façon de se tenir, ne pas discuter en tenant la poignée de porte comme si on allait déjà sortir, c'est très important. Et surtout... Ce que j'aime dans la psychiatrie, c'est qu'on a encore dans cette discipline le temps de parler aux gens. On arrive encore à trouver ce temps. Il s'est amoindri, mais il existe encore.
Donc au bout de trois ans et demi, j'ai mon diplôme et je commence en psychiatrie. Rapidement, je passe de nuit parce que pour l'organisation avec les enfants, ma compagne à ce moment-là est professeure d'histoire-géographie, elle accouvre la journée. Et moi, du coup, en travaillant la nuit, ça nous permet d'avoir les enfants sous la main 24 heures sur 24. Puis je passe deux jours. J'ai la chance d'arriver en hôpital le jour.
Le contexte fait qu'on se retrouve tous les deux et je me rends compte qu'on a poussé différemment. On ne se ressemble plus et nous décidons de nous séparer parce que ça ne colle plus. Et quelques temps plus tard... Je rencontre quelqu'un, une collègue avec qui je travaille, qui aime faire les mêmes choses que moi. Nous sommes en hôpital le jour et on se rend compte que... on a les mêmes ambitions, les mêmes idées pour refaire des activités thérapeutiques et
Et au bout d'un moment, elle est séparée, moi aussi. Ce qui devait arriver, arrive. et nous mettons Les activités thérapeutiques qui nous rapprochent, c'est le sport déjà, la marche, la marche rapide. Nous emmenons les patients quelques fois à la journée faire de la marche, de la randonnée.
à la côte, vu qu'on habite en Bretagne, on a cette chance. Je suis vraiment épanoui. Je fais des activités qui sont vraiment très intéressantes et je vois en plus les patients qui s'épanouissent, donc je me dis... c'est bon, on a trouvé le bon credo pour les soigner, pour les aider dans leur quotidien.
¶ Le traumatisme et la guérison intérieure
L'année de mes 53 ans, je revois mes camarades avec qui je suis en compagnie d'incendie dans les années 90. Je suis très content sur le moment. C'est vraiment un très bel instant où on se revoit avec des cheveux blancs. On a tous changé. et vieillit bien sûr. Cet instant est très fort parce qu'on se remémore les petites histoires de la caserne, les interventions, les gros cartons comme on dit. les incendies, tout ce qui nous a marqués pendant nos carrières et évidemment des souvenirs communs.
à l'issue de cette rencontre. et bien très rapidement je commence à faire des cauchemars. Je vois des incendies, je vois... des scènes violentes. Je sais que ça va... qu'il va y avoir quelque chose, une explosion ou quelque chose de grave. Mais les gens ne m'entendent pas dans ces cauchemars et font comme s'il n'y en était, évidemment. le pire arrive. Mais l'accident, il est toujours sous-jacent insidieusement par des flashbacks.
Des sensations aussi de mal-être quand je me retrouve le matin, qu'il fait froid, que le ciel est bleu, que l'herbe est gelée. J'y pense. lors d'un cauchemar. Je suis dans la fumée. Et dans mon cauchemar, mon masque se plaque à mon visage. Je n'ai plus d'air dans mes bouteilles. Et dans un réflexe, je l'arrache. Et en fin de compte, ce que je saisis, c'est mon t-shirt. Et je l'arrache de mon corps pendant mon sommeil.
ce qui me réveille en sursaut, et je réalise qu'il faut que je me soigne, que j'ai besoin d'aide, et donc je décide de consulter une psychiatre pour soigner ça. Je vois cette psychiatre qui, au fur et à mesure de nos rendez-vous, se profile un stress post-traumatique. en lien direct avec l'explosion que j'ai vécue plus de 20 ans avant. Je ne me sens plus en capacité de travailler, donc je suis en arrêt pendant six mois.
pour prendre du recul, me soigner, retrouver un sommeil correct parce que je ne me sens plus en capacité de... d'écouter les gens, de les soigner, vu que moi-même, je ne me sens pas bien. Et à l'issue des six mois, ça va mieux. Je reprends mon travail et ça me fait du bien. Je pense que l'élément déclencheur de... de ce syndrome, c'est que le fait d'avoir revu mes camarades inconsciemment, ça m'a ramené des années en arrière. Et pourquoi ? Pourquoi ce moment-là ?
Ça aurait très bien pu être les images de Notre-Dame en feu ou d'autres choses. Non, à ce moment-là, ça m'a réveillé, on va dire, une sorte de démon qui me rongeait toutes les nuits. Alors il y a quelque chose qui est toujours permanent, c'est des belles journées où l'herbe est gelée, le ciel est bleu, on entend les oiseaux. Systématiquement, ces matins-là, je repense à l'accident.
Aujourd'hui, j'ai 56 ans. Nous sommes à presque 25 ans après l'accident. Je fais toujours des activités avec les patients dans un autre service maintenant. Je suis beaucoup plus épanoui en ayant... traiter tout du moins partiellement ce syndrome, ce stress. Depuis peu je reprends une activité. avec l'association des brûlés de France où je suis antenne, c'est-à-dire que je représente la région Bretagne et je vais faire des permanences bientôt.
pour aller à la rencontre des grands brûlés et puis leur parler de l'association et de tout ce que cela peut leur apporter. Concernant mes cicatrices, je dirais que ce sont un peu mes galons que je n'ai pas eus. Quand j'étais à l'armée, ça me rappelle que la vie, on ne sait pas ce qui peut se passer. Mais elles font partie de moi, elles ne me gênent pas. Au début, c'est quelque chose que je trouvais moche. Maintenant, je n'y prête pas attention. Elle ne me gêne pas.
Par contre, en ce qui concerne la cicatrisation des blessures intérieures, là, je ne sais pas combien de temps ça va durer. Je sais que c'est drôlement réduit. C'est comme une fracture. Elle est réduite, mais elle n'est pas cicatrisée. Je ne sais pas si elle cicatrisera un jour. Elle est présente, mais elle ne me dérange plus. Aujourd'hui, mes enfants sont grands. Ils ont 19 ans pour ma fille et 23 ans pour mon fils. Et tout va bien. Tout va bien avec ma nouvelle compagne.
qui a deux enfants aussi, merveilleux. J'adore bouger parce que je suis à la campagne, en pleine nature, heureux. Je pratique beaucoup de sport. Je fais de la voile, je fais de la plongée depuis peu. J'adore nager en mer. Je fais beaucoup de marches avec mon chien, avec ma compagne également. sans l'oublier. Notre petit plaisir, c'est de se retrouver à deux, de partager des bons moments. S'il y a une chose à retenir de cette vie,
c'est qu'il faut profiter. On ne se rend pas compte de la chance qu'on a. concernant mon futur maintenant moi ce que j'espère c'est de pouvoir Habiter un jour avec ma compagne, parce que nous ne vivons toujours pas ensemble au bout de toutes ces années. Et puis surtout, pouvoir goûter à une bonne retraite et toujours continuer à profiter, à bouger, à faire des choses, à voyager. Et puis on verra ce que réserve la vie après. Benjamin Septemours éditoriales et Benjamin Septemours.
Montage et habillage musical. Mona Delahaye. et Benjamin Septemours. par Aurélie Rodriguez. site Transfer Club. vous abonner. club envoyer un mail