Stress et paillettes - podcast episode cover

Stress et paillettes

Sep 19, 202439 minSeason 9Ep. 351
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Summary

En 2007, Nine part à New York comme jeune fille au pair pour préparer ses concours de journalisme. Elle se retrouve à vivre dans une famille aisée de Brooklyn, sans savoir qu'ils préparent leur participation à la première saison de Real Housewives. Nine se retrouve propulsée dans la télé-réalité sans être rémunérée, confrontée à l'envers du décor, aux tensions, et à des relations factices, avant de décider de partir.

Episode description

Le 1er mai 2019, une internaute poste sur Twitter une capture d'écran d’une participante très énervée de l'émission de téléréalité Real Housewives de Beverly Hills à côté de la photo d'un chat blanc attablé devant une assiette de salade. Ainsi naissait l'un des mèmes les plus célèbres d'Internet : le Woman Yelling at Cat. La femme qui hurle sur une de ses copines, c'est Taylor Armstrong. Et la séquence dont est tirée l'image est loin d'être drôle puisqu’en réalité, elle y évoque son mariage, au cours duquel elle fut victime des violences conjugales.

L'envers du décor, l'horreur derrière les paillettes, on ne les perçoit pas toujours dans ces émissions de télé-réalité. Quand elle arrive aux États-Unis pour être jeune fille au pair, Nine ne connait rien de ces programmes, qui ne sont même pas encore diffusés en France. Mais elle va vite en apprendre les règles malgré elle.

L'histoire de Nine a été recueillie par Laëtitia Germain-Thomas.

Transfert est produit et réalisé par Slate Podcasts.

Direction éditoriale: Christophe Carron
Direction de la production: Sarah Koskievic
Direction artistique et habillage musical: Benjamin Saeptem Hours
Production éditoriale: Sarah Koskievic et Benjamin Saeptem Hours 
Chargée de pré-production: Astrid Verdun
Prise de son: Johanna Lalonde
Montage et habillage musical : Victor Benhamou
Musique: Sable Blanc

L'introduction a été écrite par Sarah Koskievic et Benjamin Saeptem Hours. Elle est lue par Aurélie Rodrigues.

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Transcript

Le Mème Et La Télé-Réalité

Le 1er mai 2019, une internaute poste sur Twitter une capture d'écran d'une participante très énervée. de l'émission de télé-réalité Real Housewives de Beverly Hills à côté de la photo d'un chat blanc attablé devant une assiette de salade. Ainsi naissait l'un des mèmes les plus célèbres d'Internet, le Woman Yelling at Cat.

La femme qui hurle sur une de ses copines, c'est Taylor Armstrong. Et la séquence dont est tirée l'image est loin d'être drôle, puisqu'en réalité, elle y évoque son mariage au cours duquel elle fut victime de violences conjugales. L'envers du décor, l'horreur derrière les paillettes, on ne les perçoit pas toujours dans ses émissions de télé-réalité. Quand elle arrive aux Etats-Unis pour être jeune fille au pair…

Nin ne connaît rien de ces programmes, qui ne sont même pas encore diffusés en France. Mais elle va vite en apprendre les règles, malgré elle. Vous écoutez Transfer, épisode 351. Un témoignage recueilli par Laetitia Germain Thomas.

Devenir Jeune Fille Au Pair À New York

On est en 2007, j'ai 19 ans et je pars aux Etats-Unis. Je pars en tant qu'au-père, donc garder les enfants d'une famille américaine et passer une année là-bas pour préparer notamment mes concours en école de journalisme. Et ça fait un petit bout de temps que je...

à part ce départ. Je pense que dès que j'ai eu 15-16 ans, j'ai dû dire à mes parents je veux absolument partir aux Etats-Unis. Ce à quoi ma mère m'a gentiment répondu on va attendre que tu sois majeure. C'est un départ qui est hyper attendu. Je mûris ce projet depuis des années et j'ai grandi en Lorraine, dans un milieu qui me semble être un peu étouffant. J'ai très envie de partir à l'étranger, dans une grande ville, et New York m'appelle.

Quand tu veux devenir au père, tu es obligé de passer par un organisme agréé, tu les payes pour qu'ils te trouvent la famille adéquate, tu passes des entretiens, comme pour n'importe quel job, notamment pour voir aussi si t'es pas complètement insiphonné et que tout va bien se passer avec les enfants.

Donc on m'a mis en contact avec cette famille de Brooklyn et après quelques visios où j'ai rencontré les enfants, ils m'ont montré la maison, on s'est tapé virtuellement dans la main et on s'est choisi. Quand je pars pour les Etats-Unis, Je me sens hyper enjouée, vraiment, il y a une espèce d'excitation qui est incroyable. La plus grande ville dans laquelle j'ai vécu, c'est Nancy. Je pars là-bas avec une espèce d'envie de tout découvrir.

Je me vois encore monter les escalators, voici Charles de Gaulle, être extrêmement enthousiaste, et ma mère qui pleure et qui pleure, et je me dis mais en fait c'est tellement cool ce qui m'attend. Et je vois son émotion et ça me touche forcément, mais moi, ce n'est pas du tout ce que je ressens. C'est une espèce de joie incommensurable. Avant d'être dispatché dans les familles, on passe trois jours à l'hôtel, à Manhattan.

Trois jours pour rencontrer les autres au pair de notre quartier, avec lesquels on va pouvoir socialiser. Pour moi, c'est incroyable. Tu débarques, c'est une ville complètement folle. Et au bout de trois jours, la famille vient te chercher. Je découvre ce papa, cette maman et ses deux enfants. Et ils m'emmènent donc vivre dans leur maison à Cobble Hill, à Brooklyn, qui est un quartier qui est vraiment avec.

globalement, toutes les stars du cinéma de l'époque, les stars de la télé. C'est vraiment le quartier où il fait bon vivre. Il y a des parcs partout. Tu peux croiser aussi bien Brookfield que East Ledger. Emily Mortimer, il y a énormément de monde. Tout le monde est voisin. Personne ne va les voir pour faire une photo ou quoi que ce soit. Ils vivent leur vie totalement normalement.

Et donc, je débarque devant ces gens que j'ai vus je ne sais combien de fois à l'écran et qui passent devant moi, avec qui je vais au parc. Moi, j'emmène les enfants jouer au parc et il y a East Ledger qui est avec sa fille. Il y a quelque chose qui est complètement surréaliste.

Un jour, je vais chercher une copine au père et elle ne me prévient pas du tout pour qui elle travaille. Ça ne lui semble pas être important. Et je débarque dans cet énorme brownstone, donc les maisons typiquement brooklyniennes. Et là, c'est Émilie Mortimer qui m'ouvre.

Emily Mortimer, qui est la star de Matchpoint, notamment. Matchpoint que j'ai dû voir trois ou quatre jours avant. Et là, je freeze. Et ça, ça arrive, mais vraiment tous les jours, en fait. Et c'est ce qui est très chouette. Et c'est ce que je découvre en arrivant là-bas. C'est que tu commences une journée. tu ne sais absolument jamais comment elle va finir. J'ai lancé un blog juste avant de partir aux Etats-Unis avec l'idée de me dire que je vais documenter tout ce qui se passe parce que...

Une année à l'étranger, c'est pas rien, que c'est pour moi un très bon exercice d'écriture. Moi qui veux devenir journaliste, c'est vraiment le meilleur moyen de m'entraîner. Et donc, je lance ce blog qui est aussi un moyen pour moi de maintenir le lien avec ma famille, mes amis que j'ai laissés en France. Puisque j'arrive aux États-Unis, je ne connais absolument personne. Et donc, ce blog, c'est aussi pour relater tout ça, cette vie.

La Famille D'Accueil Et Conditions De Vie

complètement folle que je vis, qui est à mille lieues de celles que j'ai vécues jusque-là. La famille chez laquelle je débarque, je découvre assez rapidement qu'ils ont un rêve, c'est de devenir comédien et comédienne. Elle travaille pour une grande chaîne de sous-vêtements américaines.

Et lui travaille pour un hôtel. Il est directeur d'un hôtel. Et on sent vraiment un grand appétit chez eux, de chaud, d'être montré, de montrer. Il y a quelque chose d'un peu débordant. Et donc, ils ont deux enfants qui ont trois ans. je dirais un an, qu'ils ont nommé de prénoms français parce qu'ils ont une très très grande passion pour la France. Je comprends en arrivant que j'ai plus été choisie pour ma nationalité et pour ce que je pouvais leur apporter en termes d'aura.

que parce que je suis moi. Moi, quand j'arrive là-bas, j'ai un visa d'opère. En gros, il est stipulé que pendant 12 mois, donc la durée de mon contrat avec eux, je peux aller et venir comme je veux aux États-Unis. En revanche, l'agence nous a bien prévenu, si jamais la relation s'arrête, si jamais le contrat s'arrête, on est blacklisté. Et en plus, ils en réfèrent aux autorités pour qu'on sache que le visa est annulé et donc on n'a plus le droit d'aller et venir comme on veut.

Et alors, leur maison, je l'avais vue déjà en photo, ils ont refait tout l'étage parental à neuf, tout ce qu'on appelle le basement, donc vraiment le sous-sol qui est à neuf aussi, c'est la salle de jeu des enfants, c'est là où il y a la buanderie, etc. Donc ça, c'est tout neuf. Ma chambre est vraiment juste à côté de celle des garçons qui vivent tous les deux dans la même chambre. Et on a le salon et la cuisine au même étage, ainsi que la salle de bain des enfants.

Et cet étage est vraiment dans un état assez catastrophique. On a même des rats qui se faufilent sous le plancher. Au tout début, je m'en moque un peu. Puis très vite, je me dis quand même, le reste de la maison est... hyper neuves, toutes rénovées, très chouettes, leur étage est magnifique, etc. Le mien et celui des enfants, c'est quand même autre chose. Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'ils ont un brownstone, une maison entière, et le dernier étage est occupé par une locataire.

Ça montre aussi l'envie de réussir. Ils ont acheté une maison, mais ils ne sont quand même pas capables de l'entretenir complètement, ni même de l'avoir rien que pour eux, donc ils sont obligés d'avoir cette locataire. On sent quand même en permanence une envie de projeter une image qui n'est pas forcément la réalité. Je m'occupe des enfants, mais je m'occupe aussi de faire tout le ménage qui a trait aux enfants.

Donc, nettoyer leurs jouets, faire leur lessive, changer leur drap, leur faire à manger, midi et soir parfois, pour la modique somme de 60 dollars par semaine, je crois. Alors, je suis hébergée, nourrie, blanchie, donc... Le reste de la rémunération est plutôt payée en nature. Mais c'est évident qu'avec 60 dollars par semaine, on ne fait pas grand-chose. Donc je travaille les week-ends. Je fais du babysitting pour d'autres familles. Ça doit faire deux semaines que je suis dans la famille.

L'Entrée Inattendue Dans La Télé-Réalité

Quand la mère vient me voir et me dit, j'ai une super nouvelle pour toi, ça va être super pour ton blog, tu vas avoir vraiment une opportunité géniale. Donc là, sur le coup, tu t'imagines qu'est-ce qu'ils vont te proposer ? Quel est le traquenard ? Et là, elle me dit...

Dès la semaine prochaine, on commence une télé-réalité. Je la regarde et je lui dis, quoi ? Elle me dit, oui, ça va être génial. Ça fait déjà quelques temps qu'on veut y participer et on attendait d'avoir en gros la bonne personne chez nous pour pouvoir le faire. Et on est sûr qu'avec toi, ça va hyper bien matcher. Donc, voilà, ils viennent la semaine prochaine. Ça va être super, quoi. Et elle me laisse absolument pas la place.

de lui dire mais j'ai pas envie, je me sens pas manipulée, mais il y a vraiment ce truc de, ok, on me dit que ça va être génial, donc forcément ça va être génial. J'ai quand même un état d'esprit où je me dis, je dis oui à tout.

Il y a un peu ce truc de c'est une expérience géniale, je ne revivrai certainement pas ça plus tard. J'ai donc entre 19 et 20 ans quelque chose d'un peu magique où je dois faire toutes les expériences pour une vie. Et donc quand elle me dit ça, sur le moment un peu étonnée. Et puis, je me dis, allez, c'est bon, ça va être très, très cool. Le show, ils me disent ce que c'est. C'est les Real Housewives. Mais comme c'est la première saison...

En fait, il n'existe encore pas. Il le crée. Alors vraiment, moi, j'ai un rapport à la télé-réalité en plus. Je ne regarde pas ça. Je pense que... J'ai peut-être dû regarder un peu Loft, qui était la première télé-réalité et qui était une espèce d'objet télévisuel un peu bizarre que je découvrais. J'ai regardé ça un peu quand j'étais ado. Mais je n'ai pas plus d'envie que ça, ni de regarder, et alors encore moins d'y participer. Il se passe très peu de temps.

quelques jours, voire une semaine grand max, entre le moment où on m'informe et le moment où les caméras débarquent, la prod. Et là, il y a eu un barouf pas possible où toute une équipe débarque à la maison. On me tend un contrat qui est un très gros pavé. que je ne lis absolument pas. Je viens d'arriver aux Etats-Unis, je suis en train de travailler, j'ai d'autres choses à faire que de lire 100 pages de contrat. On m'informe sur le fait que ce ne sera pas rémunéré.

On me dit quand même que je cède mon droit à l'image, mais que c'est une chance pour moi et qu'il ne faut pas que j'en attende plus. On me rassure, la famille me dit non mais t'inquiète pas, c'est pour te protéger. Juste signe quoi.

La Vie Quotidienne Filmée Pour La Télé

Donc, qu'est-ce que je fais ? Évidemment, je signe ce qu'on me donne sans poser plus de questions. C'est un gros dispositif. Il y a deux ou trois caméras en permanence dans la maison qui suivent et les parents et qui me suivent moi et les enfants ou qui nous suivent tous les cinq quand on est ensemble.

Ils sont là quasiment tous les jours, ouvrés de la semaine, voire parfois le week-end quand il se passe des choses, un anniversaire ou des événements un peu extraordinaires. Et vraiment, c'est des horaires. Quand je commence, les caméras sont là. Le but de cette télé-réalité, c'est de montrer le quotidien de femmes riches.

Et vraiment de montrer comment est-ce que ça se passe pour ces femmes qui vivent globalement à Manhattan, la personne pour laquelle je travaille, la mère de famille, est la seule à vivre à Brooklyn. Ce qui est déjà un déclassement en soi, parce que les autres vivent dans l'Upper West Side. Et vraiment d'être relégué de l'autre côté du fleuve, ça dénote un peu par rapport aux autres. Et c'est vraiment de montrer leur quotidien. Donc comment est-ce que...

Je ne sais pas, elles vont jouer au golf ? Quels assos caritatives elles soutiennent ? Enfin, vraiment, de montrer ce qui se cache un peu dans les vies de ces gens qu'on croise finalement assez peu. Et alors, moi, en tant qu'employée... Mon rôle dans la série, c'est de ne rien faire d'autre que les tâches qui m'échouent. Faire à manger aux enfants, jouer avec eux. On me suit dans tout mon quotidien.

Ils mettent en scène le fait que je suis française. Déjà, ils annoncent que je suis au père française, dans les cartons, dans les sous-titres. Et puis, parfois, les parents, je pense que les parents doivent échanger deux ou trois mots de français avec moi. Ça ne va jamais très loin, parce que, soyons honnêtes, leur français n'est quand même pas dingue.

Ils sont tellement fans de la France qu'ils ont leur resto préféré, dans lequel ils vont absolument tout le temps. Et la première fois qu'ils m'invitent là-bas... J'ai vraiment l'impression d'être une espèce de trophée. Ils débarquent au resto français avec leur opère française et ils sont hyper fiers de me dire qu'ils connaissent très bien le patron, etc. On sent qu'il y a une vraie fierté pour eux à adopter un peu cette culture qui n'est pas la leur.

Mais ça, évidemment, c'est limite. Un jour, il débarque avec une baguette hyper content de pouvoir manger du pain français. Et alors, il me dit qu'est-ce que c'est bon, vas-y, prends-en. Et en fait, ils débarquent avec une baguette qu'on trouve à 20 centimes dans les supermarchés. La baguette dégueu par excellence. Ils mangent ça en se disant, mais c'est incroyable, la nourriture française. Et je me dis, mais c'est pas possible. On en est à ce point-là.

C'est pas de l'hypocrisie et c'est pas leurs habitudes, donc peut-être qu'ils trouvent ça réellement très bon. Mais dans les fesses, c'est dégueulasse. Ils me demandent d'être hyper naturel quand les caméras sont là.

Même si très vite, je reçois des instructions, notamment pour parler français devant les enfants et montrer que je leur apprends le français, ce qui est une demande des parents qui est compliquée à mettre en place parce que deux gamins de trois ans et un an, c'est très compliqué de les faire parler. Et je leur parle français et c'est un peu comme cette scène de Joey dans Friends, quoi.

Quand Phoebe essaye de lui faire répéter un texte en français et ça donne une espèce de gloubi-boulga qui n'a aucun sens, c'est exactement ça. Je leur explique ce qu'il y a dans leur assiette. Et tu parles que les mômes sont contre-foutes de ce que je leur dis. Et donc, on répète les scènes assez souvent quand même.

avoir au moins une scène qui soit conservée où l'un des mots me dit un mot de français, ce qui n'arrive, je crois, jamais. Il me demande d'être hyper naturel et en gros de ne pas faire attention aux caméras, mais c'est quand même très compliqué.

Frontières Dépassées Et Malaise

de ne pas faire gaffe à trois personnes qui te suivent en permanence dans tout ce que tu fais. Je monte l'escalier, ils me suivent dans l'escalier et je me dis mais ça va être ça mon quotidien ? Donc en fait, quoi que je fasse, je vais aller aux toilettes, je vais avoir une caméra qui me suit. C'est quand même assez dérangeant. Ça crée des situations où il m'accompagne une fois où j'amène le petit à la crèche. On arrive devant l'école.

J'ai le plus petit dans les bras et j'ai un bustier. En descendant, le gamin s'agrippe à mon haut et je me retrouve en soutien-gorge devant les caméras. Et là, vraiment, mon premier réflexe, c'est de les regarder et de leur dire, vous coupez ça. Il est hors de question qu'on garde ça dans l'émission.

Parce qu'en fait, il y a plein de petites scènes de la vie comme ça, où tout à coup, on comprend que ça peut servir à alimenter un récit. Je veux bien qu'on me prenne à table en train de manger avec les mots, mais pas dans des moments de vulnérabilité, pas dans des moments que j'ai pas choisis.

Voyage À Saint-Barth Et Humiliation

Ça doit faire un mois et demi que je travaille pour eux. Et ils m'annoncent qu'il faut que j'aille m'acheter un maillot de bain parce qu'on part en vacances à Saint-Barthes. On part pour une dizaine de jours à Saint-Barthes, qui est leur lieu de villégiature favori. Les caméras évidemment nous accompagnent.

L'idée, c'est aussi de montrer leur vie dans tous ses aspects. Donc évidemment, les vacances. Et si en plus, elles peuvent être luxueuses et coûter cher, c'est tant mieux. Je pars avec mon petit maillot de bain doré, mon petit bikini doré à Saint-Barthes. Donc on arrive à Saint-Barthes.

Et il m'annonce un peu le plan des vacances. Il m'annonce qu'il vienne me chercher le lendemain matin pour aller à la plage. Le lendemain, ils arrivent. Et donc, j'ai mon petit sac qui est prêt, etc. Et le père me dit, on ne t'a pas prévenu, mais en fait, on est nudistes. Donc, tu fais comme tu veux. C'est une plage nudiste. Si tu veux venir habiller, il n'y a pas de souci. Mais sache juste que nous, on sera nus. Et là, tu me dis...

Vous vous foutez de ma gueule, les gars, quand même. Ils m'ont évidemment pas du tout prévenue, en amont. Ils me l'ont dit le jour où on part à la plage. Je suis là pour m'occuper des enfants, donc ils me coincent, quoi. J'ai pas le choix de dire non. Donc je me retrouve à partir avec eux, à aller à la plage avec eux.

Vraiment, en tendant le dos, parce que je n'ai aucune envie de voir ces gens que je trouve en plus assez... Ils ont un rapport au corps qui n'est pas celui que moi j'ai. Je suis beaucoup plus pudique. Et vraiment, ils aiment beaucoup s'afficher. Je veux dire, même devant moi, ils s'enlacent tout le temps, etc. Mais ils se roulent des grosses galoches. Il y a un truc... Il y a beaucoup d'impudeur. Et donc, on arrive sur la plage. Eux, ils sont allés se baigner, etc. Et là, le père revient.

Et je suis en train de faire un château de sable et je lève la tête et je me retrouve face à son sexe. Et là, je me dis, mais dans quoi je suis tombée ? Et là, à ce moment-là, les caméras ne sont pas là. Heureusement, je me sens hyper mal à l'aise. Vraiment, je me sens coincée.

Puis je sens ce mal-être qui commence à monter. Et surtout, le père me met dans une gêne et un inconfort qui est quand même grandissant. Mais c'est comme tout. Je me dis, bon, allez, c'est bon, on va passer une bonne journée avec les mômes. Mettons ça sous le tapis.

Et un midi, on se retrouve à déjeuner à la terrasse d'un restaurant. Je suis en train de m'occuper des enfants, pendant que le père et la mère sont en train de faire du shopping dans une grosse maison de luxe, très flashy, très léopard. Et donc, il se retrouve dans ce magasin qui est vraiment juste à côté de là où je suis en train de faire déjeuner les enfants. Et le père m'appelle parce qu'il veut que son fils fasse du shopping pour sa mère et qu'en gros, il choisisse des fringues.

Et donc, j'arrive dans la boutique. Il y a une espèce de rack avec des fringues en solde. Et je prends une robe qui doit être à 800 dollars, quelque chose comme ça. Et là, le père me regarde, il me dit « Elle te plaît ? » Je dis « Oui, oui, elle est chouette. Tu ne pourras jamais te la payer. » Et là, il me sort ça, ce « tu pourras jamais te la payer », que je prends comme un uppercut de condescendance et de « on vient pas du même milieu, n'oublie pas qu'on te paye pour être là ».

Je me dis mais quel connard quoi, vraiment ça me scie les pattes. Je repose cette robe à 800 dollars et donc là le gamin qui a donc 3 ans choisit des trucs pour sa mère un peu au pif. Mets ça dans un panier et le père prend le panier, va la porter en caisse. Je vais me rasseoir avec le petit à la terrasse. Et là, ils ressortent du magasin, tous les trois, hyper fiers avec tout leur sac. Et je me dis, mais quel est ce monde dans lequel j'ai mis les pieds ?

Les Coulisses Fabriquées De La Télé-Réalité

L'espèce de petite virée shopping du gamin, c'est pour les caméras. C'est filmé, c'est bien montré. Il y a deux facettes. Il y a ce qui se passe devant les caméras et puis il y a ce qui se passe quand les caméras ne tournent pas. Et en me renseignant un peu sur la télé-réalité...

Je découvre qu'évidemment, eux sont rémunérés. Pendant que moi, je touche zéro copac. Quand je rentre de Saint-Barthes, je dois faire deux mois et quelques. Je suis avec eux. Et là, on commence à devoir créer des événements. pour créer un peu de conflit. Ça commence à me mettre un peu mal à l'aise, surtout quand on me fait venir que pour certains éléments du récit. Notamment, on fête l'anniversaire de la mer sur un bateau dans la marina new-yorkaise.

Et donc, ils me disent, ah, mais c'est super, t'as qu'à venir. L'invitation me surprend beaucoup. Je me dis, OK. Enfin, c'est vraiment, ils seront sur le bateau avec tous leurs amis. Ce soir-là, je suis off et ils me proposent de venir fêter l'anniversaire sur le bateau, ce qui me surprend. J'arrive sur le bateau.

Évidemment, les caméras sont là. On me filme. Le père, il me prend par la taille. Il prend sa femme par la taille. Et puis, en mode, on fait une photo de famille. Et là, les caméras se coupent. Enfin, ils font une pause, quoi. Et là, t'as le père qui me dit, bon, bah merci, bonne soirée. vraiment genre merci on a ce qu'il faut donc maintenant tu peux dégager parce qu'on a d'autres scènes à tourner donc je me fais éjecter du bateau comme ça

Et il y a une autre scène où on fait l'anniversaire de l'un des deux fils. Et là, il y a deux autres participantes de la télé-réalité qui viennent à la maison, qui sont extrêmement surprises par l'état de l'étage où je vis, et qui vraiment commencent un peu à déblatérer entre elles.

Et en fait, je vois toute la fausseté des relations. Devant les caméras, c'est génial chez vous, mais c'est très chouette. Ils ont un petit jardin tout pourri. Mais votre jardin est hyper beau, une petite piscine en boudin. On aime beaucoup chez vous, machin, etc. Et là, tu as les caméras qui s'éteignent. Il n'y a plus rien. Il n'y a plus un mot qui s'échange. Les masques tombent et tu te dis, mais c'est d'une tristesse.

Tensions Croissantes Et Conflits Parentaux

Je suis dans un état un peu de tension parce que tout ce que j'observe ne me plaît pas nécessairement. Je trouve qu'ils ont une manière d'éduquer leurs enfants qui est à l'opposé de la manière dont moi j'ai été élevée. C'est l'enfant roi, on leur laisse tout faire. En revanche, quand l'enfant dépasse les bornes,

vraiment, on lui hurle dessus et puis plus. Donc moi, ça ne me parle pas du tout. Et donc, j'essaye de faire différemment avec les enfants. Et en fait, je comprends que les parents ne sont pas complètement d'accord avec ce que je fais avec les enfants. qui est de leur imposer un cadre, des limites, et en même temps d'aller les rassurer quand ils viennent de se faire engueuler par leur père. Et un jour, la mère m'envoie un texto, qui était en fait destiné à son mari.

dans lequel il y a ce terme « watch ». Dans le contexte dans lequel je suis, je le lis comme « we have to watch » pour qu'on la surveille. Donc là, mode panique, parce qu'en plus, j'imagine en permanence 14 scénarios du pire. Donc là, je me dis, putain, il y a des caméras de surveillance. En fait, ils me surveillent. Qu'est-ce qui se passe ?

Et donc, je commence à rentrer un peu dans l'art de la mère qui me dit « Oh là là, mais pardon, ce n'était pas du tout pour toi. » Et en fait, ce n'est pas qu'on te surveille, mais c'est juste qu'on voulait t'acheter une montre pour ton anniversaire.

Je ne sais même pas comment j'ai pu à ce point mal interpréter le texto, mais bref, ça montre l'état dans lequel je suis. Dans les faits, il m'achète une montre pour mon anniversaire. Mais suite à ce texto, on est rentré déjà de Saint-Barthes depuis quelques semaines, c'est la rentrée.

Les mômes sont grosso modo à l'école à la crèche. J'ai des activités un peu avec le dernier, mais je suis un peu plus libre de mes mouvements puisque ce ne sont plus les vacances. Et donc je sors quand même pas mal le soir. Je vais avoir 20 ans, j'ai besoin de sortir. Je ne suis pas là pour juste garder les enfants.

Je me fais une fausse carte d'identité française sur laquelle je me vieillis de deux ans et mon père me la plastifie au travail et me ramène ça comme un cadeau, le graal avant de partir, en me disant « au moins tu pourras sortir ». Et donc, je fais toute mon année avec une fausse carte d'identité plastifiée par mon père. Je sors beaucoup avec des opères françaises dans un premier temps. Et puis, rapidement, on se fait des potes américains ou sud-américains.

Un soir, on se retrouve devant une boîte et il y a un mec qui nous aborde et qui nous dit « je suis promoteur ». Et là, pareil, le double sens du mot. J'entends, je suis promoter. En gros, je suis un pimp, quoi. Je cherche des personnes à prostituer.

Et donc là, je la regarde, je dis mais qu'est-ce que tu veux, mec ? Je ne comprends pas. Et là, il me dit en fait, je cherche des jolies filles. Il est embauché par les boîtes pour y faire rentrer des grappes de jolies filles pour que plus de mecs aient envie de rentrer et donc de dépenser de l'argent.

Et donc, ça devient un de mes potes où je rentre pendant un an en boîte gratos grâce à lui. Et tu rentres dans toutes les soirées les plus sélectes. Cette personne que j'ai prise pour un pimp est en fait le meilleur allié de mes soirées new-yorkaises.

Le Mail D'Évaluation Et Les Règles

Et à la suite de ce texto, quelques jours après, je reçois un mail qui a pour sujet Performance Improvement Plan, donc plan d'amélioration des performances. Là, je me dis... Peut-être un mail qui ne m'est pas destiné, peut-être un mail pour son équipe, elle est manageuse, je ne sais pas. Et là, je reçois un mail d'une froideur, mais vraiment incroyable, dans lequel il me liste tous les comportements problématiques.

qu'ils ont relevé chez moi, notamment le fait que parfois je laisse trop longtemps le linge mouillé dans la bassine avant de l'étendre, que du coup le linge des enfants pue un peu, ce que je trouve tout à fait injuste. Ils observent que...

que les jouets ne sont pas toujours rangés bien comme il faut, au bon endroit, qu'ils trouvent que je sors un peu trop le soir. Et du coup, ils se disent qu'ils vont mettre un couvre-feu. Les veilles des jours où je travaille, je suis priée d'être à la maison à 21h.

Ils me donnent même mes horaires de coucher, mes horaires de lever, et là, je pète une pile. Je leur en parle de manière un peu détournée, c'est-à-dire qu'on doit être en train de dîner, et je leur dis, mais c'est un peu dur ce mail, qu'est-ce que vous attendez de moi ?

Et là, tu as la mère qui me dit « Oui, mais tu comprends, ton travail, c'est quand même de t'occuper de nos enfants et il faut qu'on ait absolument confiance en toi. Et moi, je ne sais pas ce que tu fais de tes soirées. Je ne voudrais pas que tu gardes nos enfants alcoolisés, etc. »

Je ne rentre jamais en plus à 4-5 heures du matin. Je travaille le lendemain, c'est sûr que max, je rentre à minuit. Et surtout, je ne suis pas là que ce soit des excès d'alcool, de je ne sais quoi. Je sais quand même me maîtriser. Leurs remarques n'ont absolument aucun sens pour moi.

Il y a tellement de tensions qui commencent à s'accumuler. On me demande une telle rigueur. J'ai l'impression que les rapports ne sont plus du tout fluides et surtout, ce n'est plus du tout un plaisir pour moi d'être là. Je commence à me renseigner pour partir. pour ne plus vivre chez eux. Et je vais donc voir un foyer de jeunes filles françaises à Manhattan, un peu en pleurant, avec un môme sous le bras, en leur disant « avec ma famille, ça ne se passe plus très bien ».

Et les bonnes sœurs me disent, là, on n'a pas de place, mais reviens dans quelques semaines, on te met sur la liste d'attente. Et s'il n'y a pas de place dans une chambre... Il y a un canapé dans le salon. Ils ont créé trois chambrettes au sous-sol avec un lit, une armoire et puis des rideaux entre chaque espace. En gros, on trouvera un endroit où te mettre. Donc, je commence à préparer un peu mes arrières. Très peu de temps après, je vais chercher le plus grand à l'école.

L'Incident Déclencheur Et La Décision

On va faire les courses pour le dîner du soir. Et là, il me réclame un bagel, ce que je lui refuse, parce qu'il doit déjà être, je ne sais pas, 18h30 peut-être. Donc vraiment, on va rentrer à la maison de dîner. Je n'ai pas très envie qu'il snack avant, parce que sinon il ne va pas manger ce que je voulais lui faire. Et donc je lui refuse ce bagel. Il hurle, mais vraiment le genre de crise où il se roule par terre dans le magasin à hurler, etc.

Et là, je le relève et il me gifle. Quand ce môme de trois ans et demi me gifle, je me dis ça, là, c'est même plus la goutte d'eau, je ne supporte plus cette famille. Il est hors de question que je me fasse. maltraitée plus longtemps. Je rentre à la maison. Quand les parents arrivent, je leur raconte l'anecdote. Le gamin se prend une rouste monumentale. Et là, ça commence vraiment à mûrir. Je me dis, il faut absolument que je me sauve de là. Il faut que je me barre.

Le Plan D'Évasion Et Le Départ

Et je parle de ma situation à une autre opère qui me dit « Écoute, moi, je vais arrêter de travailler parce que je rentre en France. J'ai une super famille anglaise pour laquelle je bosse. Ils pourraient avoir besoin de toi tous les soirs pour aller chercher des mômes à l'école, les emmener aux claquettes. »

Et je rencontre cette famille, je passe un mini-entretien, et en gros, ils me disent « go quand tu veux ». C'est-à-dire que j'ai un logement, j'ai un nouveau travail, et là, je me dis « c'est bon, tout est en place, je leur annonce que je m'en vais ». Je leur fais un petit mail en leur disant que...

Je mens complètement en leur disant que je vais rentrer en France parce qu'en fait, je suis en train de préparer mes concours d'école de journalisme. Mais préparer les concours, notamment les épreuves d'actu, etc., en vivant aux Etats-Unis, c'est un enfer. Et donc, je leur dis, il faut que je rentre en France pour préparer ces concours-là, et puis pour ne pas foirer ma scolarité. Et je leur annonce ça, et là, ils sont un peu...

Ils ne peuvent pas faire grand-chose. C'est pour mes études, donc il n'y a même pas de débat. En revanche, on a une discussion très très longue sur l'éducation. Et je leur dis, la gifle est aussi un déclencheur.

Et vraiment, je ne comprends pas vos méthodes d'éducation. Elles ne sont pas raccordes avec les miennes. Et là, ils me font un serment de 20 minutes sur le fait que je suis française. Peut-être qu'en France, ça ne se passe pas comme ça, mais chez eux, c'est comme ça. Et donc, je suis là pour obéir et accepter.

Et donc, on se quitte vraiment sur un truc de très froid. Je suis là pour obéir et accepter. Et moi, je me dis, mais attendez les gars, je suis un être humain, absolument pas là pour subir ce que vous me faites subir. Et donc, je me barre de chez eux, mais assez rapidement, en fait, quelques jours après.

Les Défis Post-Départ Et Le Visa

Je vais poser mes valises à Manhattan, là où une chambre m'attend. Je leur mens parce que je n'ai pas envie qu'ils essayent de me retenir. Et surtout... Je me dis que peut-être que si je retourne en France pour des études, ils ne vont pas rayer mon visa. Je me dis qu'il y a peut-être moyen que je garde mon visa si je ne rentre pas pour une incompatibilité d'humeur ou pour un motif un peu sérieux.

Ce qui, évidemment, est complètement faux, puisqu'à partir du moment où je ne fais plus partie de l'agence, mon visa est terminé. Donc, je n'ai plus de visa. Quand tu es touriste, tu peux rester trois mois maximum. Mais il faut quand même que je rentre en France pour renouveler ce visa touriste. Et en fait, je le fais deux fois. Et la deuxième fois où je reviens, là, la douane me chope et me dit, mais je ne comprends pas, vous aviez un visa au père ?

Vous êtes rentré en France il y a cinq jours. Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce que vous êtes déjà de retour ? Et en fait, je savais que ça risquait d'arriver parce qu'ils sont quand même très très forts à la douane pour aller chercher les gens, les mettre dans des charters pour repartir. J'avais préparé un peu une histoire où je leur raconte que...

J'ai un amoureux sur place, que je l'ai rencontré, qui ont vu une histoire incroyable et que vraiment, je ne peux pas rester en France sans lui. C'est une catastrophe pour moi, mais qu'il ne s'inquiète pas, que je suis étudiante, que je ne vais pas rester là, que je ne vais pas tout mettre en péril pour cette histoire.

retrouve à pleurer devant les douaniers, mais vraiment. Et en même temps, je suis extrêmement stressée parce que je suis persuadée que je vais me retrouver en France le lendemain et qu'ils vont me mettre dans le premier vol. Et ils prennent quand même le temps de me demander le nom de mon petit copain, son numéro de téléphone, le nom de son employeur.

Et il l'appelle. C'était juste un pote, c'était pas vraiment mon petit copain. Mais il l'appelle pour vérifier. Et on avait un peu tout calé, donc heureusement il a su répondre comme il fallait. Mais ouais, je savais qu'il y avait ce risque-là de plus pouvoir mettre les pieds sur le territoire. Le contrat avec la chaîne pour la télé-réalité, à aucun moment...

Ça me traverse l'esprit de me dire ce qui va se passer, etc. Je suis vraiment focalisée sur ma survie en milieu hostile. Trouver un nouvel endroit où poser mes valises, trouver un taf qui d'ailleurs va tellement mieux me rémunérer. Et donc vraiment, je ne pense même plus à la télé-réalité, même si j'ai un peu... Je me dis, bon, ça va donner quoi ? Vraiment, à quoi je vais ressembler à la télé ? Mais sinon, j'oublie assez vite.

Et donc, je découvre les épisodes, je découvre la télé-réalité qui finit par sortir et je découvre ma présence dans quatre épisodes, puisque après, je n'y suis plus. Et surtout, je commence à aller voir un peu les commentaires aussi, à aller voir ce qu'il se dit sur la haupère française, qui est hyper malsain. Et en fait, je me rends compte qu'ils ont grosso modo suivi ce que je leur ai demandé, c'est-à-dire que la scène du bustier n'apparaît pas.

mais ils ont sélectionné des scènes. Ce fameux maillot de bain d'ouret m'a servi, puisqu'il y a une scène où je suis avec les mômes dans la piscine. Je me dis, à quoi ça vous sert, les gars, d'avoir ce genre d'illustration ? Si ce n'est, montrer la française. Donc je découvre cet épisode du bateau, et je comprends mieux pourquoi on m'a dégagée, parce qu'en fait, il fallait qu'il embrouille entre chacune des...

des femmes qui participaient. Et je vois cet épisode et je me dis mais c'est ouf à quel point tout est construit. Vraiment, l'embrouille, je pense qu'elle tient sur rien, sur une phrase en off de l'une des cinq. Vraiment, c'est complètement fabriqué. Mais par contre, c'est sûr qu'on me voit, on me voit notamment évidemment qu'on voit ce dîner où j'essaye de faire parler français aux enfants. Et oui, il n'y arrive absolument pas. Mais il y a ces scènes qui montrent la vie de famille.

Et d'ailleurs, dans les autres familles, c'est le cas. Moi, je suis là au père, mais il y a une autre famille. Ils ont une nanny slash femme de ménage, etc. Elle est interviewée aussi. On montre un peu tout le petit personnel qui gravite autour de ces femmes-là. Et je découvre aussi le montant qui a été dépensé ce jour-là dans le magasin, parce que je n'en avais aucune idée quand je suis sortie du magasin en ravalant ma rage et ma frustration de ne pas avoir pu payer cette robe à 800 balles.

J'imagine bien, quand je les vois revenir avec tout leur sac, que ça leur a coûté un fric monstre. Mais je n'ai pas idée des montants, en fait. Dans les épisodes, ils montrent vraiment précisément combien ils ont dépensé. Et là, je tombe des nues. Parce que c'est vraiment des sommes.

indécente, vraiment pour des ceintures moches. Le môme, son panier, ça devait être 20-25 000 balles. Et en tout, ils ont dû en avoir pour 100 000 balles dans ce magasin. Je gagne 60 balles par semaine et eux dépensent plus que mon salaire annuel en deux minutes.

Et puis ce qui me frappe dans ces épisodes aussi, c'est la manière évidemment dont tout est monté. On ne voit quasiment jamais l'étage tout pourri auquel je vis, puisqu'il y a beaucoup de scènes qui sont recréées à l'étage des parents, qui est donc l'étage tout neuf.

On n'y regrette pas un salon, mais en tout cas, il y a des fauteuils et il y a quand même pas mal de scènes qui se passent là, faisant croire un peu que c'est le salon, alors que pas du tout, parce que forcément, notre étage dénote tellement. qu'il a bien fallu trouver d'autres endroits où filmer, y compris le sous-sol d'ailleurs, quand on voit les enfants jouer, parce que ça ne matche pas au récit de la famille parfaite, hyper riche, en train de réussir.

Et les scènes où j'apparais, évidemment, on nous montre toujours tout sourire. Il n'y a rien qui transparaît de l'attention qu'il y a pu y avoir entre les parents et moi. C'est cette espèce de... d'images dépinales de la famille parfaite, avec leur employé parfait, toujours tout sourire. Il y a quelque chose de très figé et de très construit là-dedans.

l'affiche de cette première saison. En plus, elles sont toutes dans les rues de Manhattan. Il y a un mix entre Sex and the City et peut-être bien Buffy contre les vampires, genre guerrières qui partent en guerre contre je ne sais quoi.

Je vois cette affiche et ça me fait rire parce que, certes, ce sont peut-être des femmes très fortes, etc., mais quand on voit comment les épisodes sont construits et qu'ils reposent surtout sur toutes les petites guéguerres internes et dégo, l'affiche est quand même assez drôle.

Toute cette histoire, je la raconte évidemment dans mon blog. Pour moi, c'est un peu une cathartisme. Vraiment, je vide mon sac et mon blog commence à être lu de plus en plus par les copines de ma mère, par ma grand-mère.

Et tout ce petit monde qui me dit « mais tu mènes une vie complètement incroyable ». Je raconte aussi tout ce qui fait un peu le sel de ma vie là-bas, à savoir une poète qui m'appelle parce qu'elle croise Georges Clunet dans la rue sur un tournage et qui me dit « ramène-toi maintenant, il y a Georges Clunet ».

des soirées passées avec Ryan Gosling, je raconte tout ça, ça donne cette impression que... que chaque journée est une espèce d'enchaînement d'inattendus, de surprises, de bonheurs, et pas que, puisque je raconte aussi les dessous de la télé-réalité qui sont quand même vraiment pas cools.

C'est un moyen pour moi de vider mon sac et puis d'être sûre aussi que ça reste à un endroit quelque part et que je pourrais le relire après coup, une fois que ce sera passé. J'ai aussi toute une partie de ma famille à laquelle je ne parle plus. qui, parce que je vis une espèce de vie rêvée aux Etats-Unis, commence à m'envoyer des lettres, etc. Et je trouve ça fou, en fait, à quel point l'image de réussite permet aussi de recréer du lien entre les gens. Alors, je vois bien ce que ça a de...

de faux, mais je trouve ça dingue en fait. Les parents étaient au courant de ce blog, mais malgré ce qu'ils pouvaient dire, à savoir qu'ils parlent très bien français, ils ne parlaient pas très bien français. Donc vraiment, je ne me suis jamais censurée. Je racontais tout tel que je le vivais, parce que je n'avais pas l'impression qu'il pouvait me tomber dessus à la lecture du blog.

De retour en France, je passe ces fameux concours de journalisme que je plante intégralement, évidemment, parce qu'après une année à l'étranger, c'est quand même pas évident. Je finis quand même par en décrocher une, décolle. Et mon dernier stage me permet d'être embauchée en CDI dans une rédaction d'un média professionnel. Et donc un jour, je suis sur mon ordi.

La Diffusion De L'Émission En France

En train de travailler, j'ai une copine qui m'envoie un message et qui me dit « Dis donc, je te vois à la télé dans ton petit maillot de bain doré. » Et je me dis « Comment ça, tu me vois à la télé ? » Et en fait, la saison a été rachetée en France, donc des années plus tard.

par une chaîne plutôt axée public féminin. Et là, je tombe des nues parce que quand j'ai signé ce contrat et quand j'ai fait cette télé-réalité des années plus tôt, il y avait un peu ce truc de cette expérience va être circonscrite aux États-Unis, à ce territoire, à cette année.

à ma vingtaine, jamais ça ne va me poursuivre jusqu'en France. Ça va rester là, on ne va plus jamais en parler. Déjà, je n'avais pas imaginé que la télé-réalité pourrait faire un carton. Vraiment, je n'ai pas du tout anticipé. Et en fait, que ça pourrait surtout me suivre en France.

Et le plus drôle, c'est qu'ils ont donc embauché une voix française pour me doubler. Et c'est extrêmement étrange de voir cette scène où, en fait, une autre femme française parle à ma place. Enfin, me double, puisque je parle en américain aux enfants. Et comme je n'ai pas été payée pour cette télé-réalité, la moindre des choses aurait été que je me double moi-même pour au moins gagner un peu d'argent avec ce que j'ai fait. Je n'ai aucune envie.

que ça me poursuive, que ça sorte en France. Je me dis que c'est dangereux pour ma carrière de journaliste. Je me dis vraiment là, t'as fait une connerie, t'aurais pas dû faire ça. Et donc j'ai un collègue à qui je m'en ouvre, qui bosse au service média et qui me dit écoute, je connais très très bien la chaîne.

Je vais voir avec eux ce qu'il est possible de faire. Il n'y avait que deux épisodes qui avaient été diffusés. Il a réussi à me faire couper au montage des suivants. Bon, il y a toujours ces deux épisodes, mais au moins, je ne suis plus passée à la télé après.

Réflexion Sur L'Expérience

Et donc cette histoire, c'était il y a 17 ans, et je suis passée par un peu toutes les nuances des émotions par lesquelles on peut passer, c'est-à-dire que j'étais hyper fière, je crois, de participer à cette télé-réalité, surtout avec leur justification de « on attendait la bonne opère pour le faire ».

Justification tout à fait manipulatrice pour qu'on soit sûr que je sois à bord, évidemment. Mais il y avait vraiment de la fierté d'avoir été choisie pour les accompagner dans cette aventure merveilleuse. Jusqu'à une espèce de prise de conscience quand je suis rentrée en France, que j'avais quand même été exploitée, sans aucun droit financier en retour. Et puis aujourd'hui, avec du recul.

Je me dis, en fait, c'était fun. Tu l'as fait un moment de ta vie où tu découvrais un milliard de choses, où tu te le découvrais toi aussi. Et peut-être que finalement, ça m'a aussi permis de me construire d'une manière ou d'une autre. Et maintenant, c'est un truc un peu drôle qui m'est arrivé. Et donc, je peux dire, j'ai participé à une telle réalité.

Vous venez d'écouter Transfer, épisode 351, un témoignage recueilli par Laetitia Germain-Thomas. Cet épisode a été produit par Slate Podcast. Direction éditoriale, Christophe Caron. Direction de la production, Sarah Koskiewicz. Direction artistique et habillage musical, Benjamin Septemours. Production éditoriale, Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Chargée de pré-production, Astrid Verdun. Prise de son, Johanna Lalonde. Montage, Victor Benhamou. Musique, sable blanc.

L'introduction a été écrite par Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Elle est lue par Aurélie Rodriguez. Retrouvez Transfer tous les jeudis sur Slate.fr et sur votre application d'écoute préférée. Découvrez aussi Transfer Club, l'offre premium de transferts. Deux fois par mois, Transfer Club donne accès à du contenu exclusif, des histoires inédites et les coulisses de vos épisodes préférés. Pour proposer une histoire, vous pouvez nous envoyer un mail à l'adresse transfert-at-slate.fr.

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