¶ Introduction à Tinder et Lucie
En 2016, Tinder lance Tinder Social. Une nouvelle option pour organiser des soirées entre amis. Sauf que cette fonction importait automatiquement votre liste de contacts Facebook inscrits sur Tinder sans leur consentement. Celles et ceux qui utilisaient l'application en secret étaient démasqués. Face aux bad buzz bien compréhensibles, Tinder a vitré trop pédalé.
Le réseau social de dating a sensiblement modifié son positionnement et propose désormais l'option « friendzone », qui permet d'annoncer que l'on ne recherche pas un rencard, mais des amis. Quand Lucie s'inscrit sur l'application en 2015, ses fonctionnalités n'existent pas encore. Peu s'inscrivent pour se faire simplement des amis. Mais il n'est pas impossible d'en trouver. C'est du moins ce qu'elle croit quand elle rencontre Benoît.
Vous écoutez Transfer, épisode 301, un témoignage recueilli par Myrène Garaïkoechea.
¶ Nouvelle Vie à Londres
En 2015, fin août, je suis diplômée de mon école d'ingénieur et je décide d'aller travailler à Londres. À 26 ans, je sors d'une longue période d'études où j'ai beaucoup fait la fête et j'ai adoré ça. C'est pour ça que j'ai choisi aussi une ville avec plein de gens, plein de bars, plein de boîtes.
Je cherche vraiment à habiter en plein centre d'une ville pour justement avoir plein d'endroits où sortir. Je trouve une coloc avec deux Italiens, un garçon et une fille qui étaient étudiantes et lui qui travaillait dans le cinéma. Et on s'entend tout de suite super bien. On a un grand appart dans le plein centre de Londres. Et eux, ils sont installés depuis longtemps, donc ils connaissent déjà plein de gens.
Tout de suite, je suis hyper bien intégrée et on fait plein de soirées à l'appart et c'est une vraie coloc, ce n'est pas une cohabitation. Donc, ça se passe super bien. Dans mon nouveau boulot... Pareil aussi, beaucoup d'étrangers, donc plein de gens qui ne sont pas originaires de l'Angleterre. Et du coup, on sympathise tout de suite. Je me fais un bon groupe d'amis.
Je m'inscris sur une application de rencontre en me disant que ça me permettra de rencontrer aussi des gens. Je suis célibataire, je cherche plutôt une amourette. Sur Tinder, je rencontre assez rapidement Benoît. qui est un Français, qui est installé à Londres depuis assez longtemps. Et on sympathise assez rapidement. Il connaît plein d'endroits super à Londres. Il est tout de suite très sympathique. Il a l'air...
Et surtout, il a envie de me faire visiter des endroits super chouettes à Londres que lui a eu l'occasion de découvrir sur ses quelques années d'expérience à Londres. La première fois que je rencontre Benoît, il m'emmène sur un rooftop. en plein centre de Londres. Et il est super gentil, il est très drôle, il a vraiment beaucoup d'humour. Je ressens tout de suite que c'est quelqu'un de bienveillant, très à l'écoute.
Physiquement, il est plutôt petit, il a la peau très blanche, il n'a pas énormément de cheveux. Et il a quelques rondeurs. Et c'est vrai que moi, mon type d'homme, c'était plutôt des personnes à la peau plutôt allée ou mat, d'allure très sportive, dynamique. Benoît ne m'attire pas du tout.
¶ Une Amitié Inattendue avec Benoît
Mais par contre, j'ai vraiment cette bienveillance envers lui où j'ai vraiment envie de m'en faire un ami. Avec Benoît, on se voit très souvent dans des endroits superbes à Londres, beaucoup de rooftops avec vraiment des vues super lointaines sur la ville, où on y mange et on y boit très bien en général. On fait aussi des soirées dans des salles de cinéma assez atypiques, avec des grands sièges, des grands fauteuils, des choses qu'on ne voit plus.
On peut manger en regardant le film. Il m'emmène dans des endroits que lui a découverts qui sont très cools. C'est quelqu'un à qui on a envie de se confier. On lit ce lien d'amitié et on se raconte nos vies pendant des heures en se baladant dans Londres. Tout de suite, le courant passe bien.
¶ La Relation de Lucie et Réaction de Benoît
En novembre, un garçon de mon école d'ingénieurs débarque à Manchester pour s'y installer pour du travail. Après quelques entrevues, on décide de se mettre ensemble, de se mettre en couple. Avec Benoît, on a tissé une vraie relation d'amitié. Donc, comme à toute amie, je l'informe que je me mets en couple avec ce garçon qui est arrivé à Manchester. Ce soir-là, on était au McDo avec Benoît. Je pensais que Benoît allait bien réagir et en fait, je le retrouve en train de pleurer sur un banc.
Je lui demande pourquoi, et il me dit qu'il se rend compte qu'il ne supporte pas que je sois en couple avec un garçon. Après ce repas au McDo, Benoît m'écrit beaucoup de messages. plusieurs dizaines de messages par jour où il attend une réponse de ma part assez rapide, c'est-à-dire que si je ne réponds pas dans les minutes qui suivent, je reçois des dizaines de coups de fil.
Donc, la relation commence à devenir un peu étouffante pour moi et je me rends compte qu'elle est moins saine que je ne la pensais puisque je vois bien que Benoît n'est pas heureux du fait que j'ai un copain.
¶ Tentative de Rupture et Disparition
Pour oublier tout ça, il décide de partir vivre en Australie. Je lui dis que je trouve que notre relation n'est pas saine et que je pense qu'il faut qu'on coupe les ponts pour son bien. Puisque je vois bien que ça le met dans des états pas possibles, le fait que je sois en couple. Il rentre donc en France dire au revoir à sa famille puisqu'il compte partir quelques mois.
Benoît m'envoie une photo de la salle d'embarquement à Paris, direction l'Australie. Quelques heures plus tard, je reçois à nouveau un message de Benoît qui me dit que finalement, il se rend compte que... vivre loin de moi serait trop compliqué et qu'il décide finalement de rentrer à Londres, qu'il accepte totalement ma relation avec mon copain et qu'il préfère m'avoir comme amie que de ne plus m'avoir du tout dans sa vie.
Je trouve que sa réaction est très excessive et toujours pas saine. Donc, je ne change pas d'avis sur le fait qu'on doit couper les ponts. Donc je ne réponds même pas à son message où il me dit qu'il revient à Londres et qu'il a pris un billet pour l'Eurostar et qu'il arrive le soir même sur Londres. Le lendemain du retour de Benoît en Eurostar, je reçois des messages de sa colloque suédoise et de l'une de ses amies qui a une sœur jumelle, dont il m'avait beaucoup parlé.
pour me dire qu'elles n'ont pas de nouvelles de Benoît et qu'il n'est pas rentré dormir à la coloc la veille au soir. Et que je suis la dernière personne à qui il a écrit. Donc, elle me demande si j'ai des nouvelles depuis, si j'ai répondu et où est-ce qu'il peut être. Je leur réponds que je n'ai absolument pas de nouvelles de Benoît, à part ce dernier message où il me dit...
J'ai pris un billet d'Eurostar, j'arrive à 20h à Londres. Je n'ai absolument aucune nouvelle. Je suis un peu énervée de l'attitude de Benoît que je trouve très excessive dans notre amitié. mais je suis quand même inquiète, puisque c'est quand même quelqu'un à qui je tenais il y a encore peu de temps. Je réponds donc que je n'ai pas de nouvelles.
¶ Recherche et Découverte de l'Accident
Et donc les filles me disent qu'il faut absolument qu'on parte à sa recherche et qu'on trouve où est-ce qu'il est. Après quelques heures, la colloque suédoise me dit qu'elle s'est renseignée auprès de la gare de King's Cross. et qu'apparemment, son portefeuille et sa valise ont été retrouvés devant la gare de King's Cross. Le 16 décembre, on est 48 heures après la disparition de Benoît.
Et sa colloque suédoise me contacte pour me dire qu'elle a eu accès au camera de surveillance de la gare de King's Cross. et que la police l'informe que sur ses vidéos, on voit Benoît traverser. le passage piéton devant la gare et se faire renverser par une voiture puisqu'un camion gênait la visibilité pour traverser. Et donc, les secours arrivent et il est emmené, mais on ne sait pas.
Sa coloc et son amie me proposent de séparer la ville de Londres en trois, qu'on appelle toutes les hôpitaux, un par un, pour chercher où peut être Benoît. Donc, on passe la soirée à appeler les hôpitaux en décrivant le physique de Benoît pour voir s'il est quelque part dans un hôpital à Londres. Sa colloque tombe sur un hôpital qui lui dit qu'effectivement, ils ont peut-être un jeune...
qui ressemblerait à la description de Benoît. Donc, elle décide de se déplacer pour aller voir si c'est bien Benoît qui serait dans cet hôpital. Et quelques heures après, elle nous dit que ce n'est malheureusement pas Benoît qui était le garçon identifié par l'hôpital. Dans un autre hôpital, on trouve un jeune dans le coma qui semble ressembler à la description de Benoît.
Donc, la colloque se déplace et effectivement, c'est bien Benoît qui est dans le coma depuis son accident 48 heures auparavant.
¶ Réveil du Coma et Pression
Sur la fin du mois de décembre, 3-4 jours après l'accident de Benoît, je prends le train pour aller à l'aéroport pour rentrer chez mes parents pour les vacances de Noël. quand je reçois plusieurs messages de la coloc et de l'ami de Benoît qui me disent qu'il vient tout juste de se réveiller de son coma et que la première personne qu'il a demandé, c'était moi, et qu'il souhaite me voir.
Je réponds donc que je ne peux pas venir. Elles insistent beaucoup en me disant que je suis très méchante de ne pas faire passer Benoît prioritaire par rapport à mes vacances en famille. très énervées de leur comportement. Surtout que j'avais déjà dit à Benoît que je souhaitais couper les ponts et je ne lâche rien. Je rentre en France et je leur dis que je ne viendrai pas.
Benoît se réveille et le diagnostic est qu'il a une amnésie entérograne, c'est-à-dire qu'il a des problèmes de mémoire sur le court terme. Dans un premier temps, je me dis qu'il m'a peut-être oubliée, mais finalement, non, puisque je suis la première personne qu'il a demandé à voir en se réveillant. Mais j'ai quand même des nouvelles. toute la journée de ses amis qui me racontent qu'ils lui apprennent à refaire ses lacets, à refaire un noeud de cravate.
Il est beaucoup accompagné par sa famille, ses parents qui sont arrivés de France et ses amis. Moi, pendant ce temps, mes vacances en famille ne se passent pas à merveille. Je suis quand même assez happée par tous ces messages toute la journée pour me donner des nouvelles de Benoît. Et j'ai aussi pas mal de pressions mises par ses amis qui me disent que Benoît attend vraiment que je rentre à Londres pour aller le voir puisqu'il en a besoin.
Au mois de janvier, je rentre à Londres et je propose à Benoît qu'on se voit. Il me donne rendez-vous dans une pizzeria très underground. J'arrive dans cet endroit très sombre et Benoît était là. très fatigué, avec des pansements sur les bras puisqu'il a eu beaucoup de perfusions pendant son hospitalisation. Il a l'air totalement abasourdi, vraiment quelqu'un qui sort de plusieurs semaines d'hospitalisation et qui a l'air très fatigué.
Il me fait beaucoup de compliments. Il me regarde d'une manière avec beaucoup de tendresse. Mais à la fin de la soirée, je lui dis que je n'ai pas changé d'avis et que je souhaite... quand même que nous coupions les ponts, puisque je répète que je trouve que la situation n'est pas saine. Après quelques jours, je reçois un message de sa coloc qui est très inquiète puisqu'elle me dit que Benoît n'est pas dans sa chambre et qu'elle trouve du sang sur les draps.
Et donc, elle me harcèle de messages pour savoir si je suis au courant de quelque chose et où peut être Benoît. Quelques heures après, Benoît m'écrit pour me dire qu'il s'est cogné la tête en se levant de son lit sur un mur mansardé. et qu'il a beaucoup, beaucoup saigné du lit, et il est donc parti aux urgences sans vouloir inquiéter sa coloc. Il a perdu beaucoup de sang et donc il doit se faire transfuser. Il m'envoie donc une ordonnance avec une liste de médicaments.
Sachant que je suis pharmacienne et que ma maman aussi est pharmacienne et du coup, il voulait valider la prescription médicale. Suite à cet épisode, je redis à Benoît que je veux couper les ponts, ce qu'il accepte. Et quelques semaines plus tard, il a à nouveau un problème médical. Il fait une allergie à la transfusion. À chaque problème de santé de Benoît, je suis recontactée par ses amis qui me font beaucoup culpabiliser.
de m'être éloignée de la vie de Benoît, vu qu'il est très affaibli physiquement, vu qu'il est très mal psychologiquement. Donc, j'accepte de le revoir du court terme après ses problèmes médicaux, notamment une fois où il m'emmène dans un souterrain à Londres. où il y a beaucoup de tags et où ils décident un soir de m'y emmener pour qu'on traverse le souterrain.
Et je ne saurais pas l'expliquer, mais ce soir-là, je n'ai pas envie de traverser le souterrain avec Benoît, et donc je lui dis que je préfère qu'on reste juste à l'entrée du souterrain pour regarder les... les tags de loin. Comme d'habitude, à la fin de la soirée, on se quitte en se disant qu'on trace nos routes séparément et que je lui souhaite le meilleur pour la suite.
Quelques semaines plus tard, je suis contactée à nouveau par ses amis qui me disent que tous ses problèmes de santé récemment l'ont vraiment affaibli et qu'il a fait un infarctus. et qu'il est donc hospitalisé dans un hôpital assez loin de Londres. Il est dans le coma, il a vraiment des difficultés à respirer également, donc il est en assistance respiratoire.
Je suis super inquiète pour lui. Je me dis que ce qu'il traverse est horrible. Il est super jeune, il a déjà beaucoup de problèmes de santé. Je me dis que je dois quand même être là pour lui, pour son entourage. pour les accompagner, parce que je sais que je compte pour lui. Et j'espère vraiment qu'il va vite se rétablir. Sa colloque propose qu'on fasse un enregistrement de nos voix.
pour lui faire écouter, puisque même dans le coma, on peut nous entendre. Donc, on décide de chacune faire un enregistrement pour lui parler. Moi, j'y crois, puisque justement, tout dernièrement, dans ma vie perso... Une amie de ma maman, il lui est arrivé la même chose et elle a entendu son entourage lui parler dans son coma. Donc, c'est vraiment quelque chose qui me parle et je me dis que je vais le faire pour lui.
Je passe une soirée à écrire un petit texte pour Benoît et je l'enregistre dans mon téléphone et je l'envoie aux filles qui sont présentes à l'hôpital à côté de lui. Tout son entourage est ravi de mon enregistrement, qui était très attendu, puisque je suis une personne importante pour Benoît. Les filles lui font écouter dans sa chambre d'hôpital et me disent que c'est vraiment super, que toute la famille est enchantée de ce que j'ai pu faire pour Benoît.
¶ Demande Financière et Doutes
Quelques jours plus tard, l'état de santé de Benoît ne s'améliore pas du tout et il est dans un hôpital privé qui coûte très cher et les médecins commencent à avoir peu d'espoir pour la santé de Benoît. Mais toute sa famille, bien sûr, y croit vraiment, donc souhaite vraiment que Benoît soit hospitalisé le plus longtemps possible et qu'on lui apporte les meilleurs soins.
Et donc, ils essayent de rassembler un maximum d'argent pour maintenir le plus longtemps possible Benoît dans cet hôpital de haute qualité. Ses amis me demandent si je souhaite participer. aux frais médicaux de Benoît, ce que je refuse catégoriquement. Je trouve que c'est totalement inadapté de me solliciter pour une question financière. Parce que pour moi, ce n'est pas du tout correct de demander à l'entourage « amical » de Benoît de subvenir à ses besoins médicaux.
Je rentre le soir à la coloc et je raconte à mes colocs que les amis de Benoît m'ont sollicité financièrement pour participer aux soins médicaux de Benoît. On est le soir après le travail, on prend un petit apéro comme tous les jours à la coloc. Et donc, il y a ma coloc, mon coloc, moi et le copain de ma coloc.
Et mon colloque, qui a suivi toute l'histoire depuis le début, me dit « mais est-ce que tu es sûre que Benoît est vraiment hospitalisé dans tel hôpital ? » Mon colloque propose d'appeler l'hôpital pour demander s'il y a bien Benoît qui est hospitalisé là-bas. Moi, je suis totalement paniquée à l'idée de pouvoir ne serait-ce penser que Benoît ne serait pas hospitalisé et pas en mauvaise santé.
Et aussi, je dis à mon colloque que ce serait totalement déplacé pour la famille qu'un soi-disant ami de Benoît appelle pour vraiment vérifier s'il est hospitalisé. Je me mets à la place de la famille et je me dis... Dans une telle situation avec un enfant hospitalisé, c'est dramatique.
¶ L'Appel Révélateur à l'Hôpital
Mon colloque appelle l'hôpital, ça sonne, le secrétariat décroche et mon colloque demande si Benoît est bien hospitalisé en service de cardiologie. On lui répond qu'il n'y a pas du tout de personnes à ce nom et prénom-là. Donc, je dis à mon colloque, décris la situation. Un jeune qui a vécu tout ça, c'est quand même très rare. Le secrétariat est ferme. Il n'y a personne dans cet hôpital qui a vécu tous ces problèmes médicaux. Je suis en état de choc. Je commence à comprendre un peu...
que Benoît n'est probablement pas hospitalisé et n'a pas de problème de santé. Et tout est mélangé dans ma tête, je ne comprends plus grand-chose. Mon colloque me dit, pour être sûre que ce soit vrai, ce que je te propose, c'est que demain, tu vas au travail comme tous les jours et tu écris à tous les amis de Benoît qui sont à l'hôpital avec lui que tu arrives juste après ton travail, dans la demi-heure qui suit. et tu vois comment ils réagissent à cette annonce.
Le lendemain, je reçois des réponses de tout le monde me disant surtout ne viens pas, on est en famille, tout le monde va super mal le prendre si tu viens, surtout fais pas ça, ce serait très très mal vu, respecte la famille de Benoît. On s'était dit avec mon colloque que si les gens ne voulaient pas que je vienne, ça voulait probablement dire, confirmer que Benoît n'était pas hospitalisé, et donc je devais bloquer tous les messages sur mon téléphone.
Je suis au boulot, je suis en panique complète, je comprends tout. Je suis super mal, je tremble. Et je laisse mon téléphone entre les mains d'un collègue qui bloque tous les numéros pour moi. Je rentre chez moi et plus tard dans la soirée, j'ai une amie qui arrive de France que je dois aller chercher à la gare de King's Cross.
En attendant qu'elle arrive, je raconte à ma coloc et à son copain, qui sont tous les deux présents à l'appartement, ce qui s'est passé dans l'après-midi. Et ça sonne à la porte. Ma coloc regarde par la fenêtre, elle se retourne et elle me dit...
¶ La Confrontation à Domicile
Il est là. Je suis complètement sous le choc. Je pleure. Je tremble de partout. Ma coloc vient me serrer dans les bras et son copain ne comprend pas ce qui se passe. On lui explique très rapidement. Et là, ça frappe à la porte de l'appartement. C'est-à-dire que des voisins ont dû lui ouvrir l'immeuble. Le copain de ma coloc ouvre la porte. Nous, avec ma coloc, on reste dans le salon. Et Benoît demande si je suis présente dans l'appartement.
Le copain de ma coloc répond que je ne suis pas là, que je dois être encore au travail. Et Benoît répond que ce n'est pas grave, il repassera. Quelques minutes plus tard, je dois partir de l'appartement pour aller chercher ma copine à King's Cross. Et ma coloc et son copain décident de m'accompagner pour ne pas me laisser seule dans la rue, sachant que Benoît était pas loin quelques temps avant. On ferme la porte de l'appartement et j'entends Benoît à l'étage du dessous.
Je l'entends se racler la gorge et je le reconnais tout de suite. Je panique. Le copain de ma coloc décide donc de passer en premier pour descendre l'escalier. J'aperçois Benoît et il est en costard avec un énorme sac avec plein de cadeaux dedans. Donc je comprends qu'il sort du travail en fait. Il essaye de m'atteindre, il a l'air très agité.
Et le copain de ma coloc l'arrête tout de suite et il commence à se battre. Les voisins entendent ce bruit et nous font rentrer, nous les filles, et ils appellent tout de suite la police. Le copain de ma coloc emmène Benoît dehors. Il continue à se taper. Et nous, avec ma coloc, on est chez les voisins.
On s'installe à une table qui donne sur la cour de l'immeuble. Donc on voit les garçons. Et pour dédramatiser un peu la situation, les voisins gentiment décident de nous servir un grand verre de vin rouge. Je trouve que la situation est complètement lunaire. Tout a vrillé en quelques minutes, finalement. où je pensais que Benoît était hospitalisé dans le coma avec une assistance respiratoire. Quelques minutes après, il est chez moi en costard avec un énorme sac et plein de cadeaux.
Je réalise que j'ai été trahie et qu'il m'a menti sur probablement tout et que je ne sais plus qui est cette personne et qui il est, ce qu'il a vécu. Je ne sais rien de lui. La police arrive, ils viennent me demander que je raconte toute l'histoire. Ils font la même chose pour Benoît. Benoît a tout avoué.
Il dit à la police qu'il est devenu complètement fou, qu'il faisait tout pour me plaire et pour essayer d'attirer mon attention. Et qu'il se rendait compte qu'il était parti beaucoup trop loin et que... qu'il fallait qu'il se fasse aider psychologiquement.
Pendant ce temps, ma copine est arrivée à King's Cross. Je ne peux pas du tout aller la chercher. Je lui envoie un SMS pour lui dire « Écoute, il se passe un truc de fou, je te raconterai tout à l'heure, mais viens en taxi, je ne peux pas venir. »
¶ Démêler la Vérité et Impact
Ma copine arrive, je lui raconte toute l'histoire. On reprend un peu les épisodes un par un et on essaye de comprendre ce qui peut être faux et ce qui peut être vrai. On commence par Facebook et on se rend compte que tous les profils des amis de Benoît ont été créés le 16 décembre. le jour où il est censé avoir eu son accident à King's Cross. Je remarque sur ces profils qu'il y a peu d'amis. C'est des profils avec une dizaine d'amis, alors qu'à nos âges, on a des centaines d'amis sur Facebook.
Et je me rends compte aussi que sur les quelques photos qu'il y a sur ces profils, ce ne sont que des profils féminins de type top modèle. Je comprends en voyant ces faux profils que ces personnes n'existent probablement pas, en tout cas pas dans l'entourage de Benoît, qu'il a créé lui-même ces profils. Et que tous ces numéros de téléphone qui m'ont contactée sont probablement Benoît lui-même.
Je me sens hyper mal. Je me sens un peu bête, d'ailleurs, en me disant pourquoi je ne m'en suis pas rendue compte plus tôt. Et à la fois, je me dis que c'était tellement bien fait. La photo de la salle d'embarquement... l'ordonnance, les pansements, les messages aussi où on s'écrivait sur WhatsApp et donc les gens me disaient « Est-ce que tu peux regarder la dernière heure à laquelle il est connecté ? » Du coup, je me disais « Mais en fait, il a dû avoir. »
d'autres téléphones portables pour ne pas se connecter avec le sien ou plusieurs cartes SIM. Je commence à me dire que tout un stratagème a été monté et que c'est allé quand même très, très loin pour me faire croire à une vie qu'il n'a pas. C'est allé tellement loin que j'avais même eu son soi-disant père au téléphone. Je me refais le film et je me rends compte que finalement, ses amis dont il m'avait beaucoup parlé, je ne les ai jamais rencontrés. Et je n'étais même jamais allée chez lui.
Toute l'histoire était tellement crédible que même ma maman, qui avait suivi tous les épisodes de santé de Benoît, y croyait et me demandait très souvent de ses nouvelles. Et me disait, oh là là, c'est terrible, un jeune de son âge. tout ce qui lui arrive. Donc vraiment, c'était très bien monté. Dans les semaines qui suivent, la police demande à Benoît de ne pas me contacter et de ne pas venir dans mon quartier. La police me conseille aussi de ne pas sortir tard le soir toute seule. Je suis...
Très peureuse dans la rue. J'ai l'impression de voir Benoît partout. Je me retourne dans les transports en commun. Je sais qu'il sait où j'habite, où je travaille, qu'il connaît mon trajet quotidien, où je fais du sport aussi également. Je suis beaucoup moins à l'aise pour sortir le soir seule de chez moi et rentrer de nuit. Un soir, je rentre de week-end et...
La porte est entreouverte alors que mes colocs ne sont pas là et que je savais qu'il n'y avait personne le week-end dans l'appartement. Je tremble de partout, je suis complètement paniquée et je ne peux pas rentrer seule dans l'appartement. J'ai peur que Benoît soit là et je décide d'aller demander à mes voisins de m'accompagner pour rentrer dans l'appartement et de faire le tour de l'appartement avec moi pour vérifier qu'il est bien vide.
Dans les jours qui suivent, j'ai quand même peur que Benoît soit passé à l'appartement et posé une caméra pour quand même à distance voir ma vie et voir ce que je fais. Je ne me sens plus bien à Londres. Je décide de rentrer en France et je peux me permettre de rentrer rapidement puisque je n'ai pas porté plainte contre Benoît, donc je n'ai pas de dossier judiciaire en cours sur le territoire anglais.
Je rentre en France et je m'installe chez ma sœur en attendant de trouver un logement. Et je suis vraiment soulagée de ne pas vivre seule et d'être avec elle. Mais dans les mois qui suivent cette histoire, j'ai beaucoup de mal à faire confiance aux gens, que ce soit féminin ou masculin. J'ai besoin d'avoir des preuves concrètes de ce qu'on me raconte. J'ai très peur d'être trahie à nouveau et qu'on me mente. J'ai appris de cette histoire à me faire confiance.
à plus m'écouter et écouter les intuitions que je peux avoir en rencontrant des gens. Intuitions que j'avais eues, comme notamment l'épisode du souterrain. où je n'avais pas voulu rentrer avec lui, je ne sais pas l'expliquer, mais j'aurais dû m'écouter plus à l'époque. Aujourd'hui, cette histoire est complètement derrière moi. Je suis fière.
qu'elle n'est pas déteint sur la personne que je suis. Alors, j'ai grandi, je suis beaucoup plus mature, mais je suis super contente d'arriver encore à donner ma confiance rapidement aux gens. d'adorer rencontrer des nouvelles personnes, de sortir faire la fête. Je suis fière de ça. Vous venez d'écouter Transfer, épisode 301, un témoignage recueilli par Myrène Garay-Koéchea. Cet épisode a été produit par Slate Podcast. Direction éditoriale, Christophe Caron.
Direction de la production, Sarah Koskevic. Direction artistique, Benjamin Septemours. Production éditoriale, Sarah Koskevic et Benjamin Septemours. Chargée de pré-production, L'introduction a été écrite par Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Elle est lue par Aurélie Rodriguez.
Retrouvez Transfer tous les jeudis sur Slate.fr et sur votre application d'écoute préférée. Découvrez aussi Transfer Club, l'offre premium de transfert. Deux fois par mois, Transfer Club donne accès à du contenu exclusif. des histoires inédites et les coulisses de vos épisodes préférés. Pour proposer une histoire,