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Même pas mort

Feb 13, 202528 minSeason 9Ep. 383
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Summary

Théo, qui a toujours vécu sans plan précis, raconte son parcours d'études marqué par l'isolement et les difficultés sociales. Une date de mort prédite par un jeu devient une blague récurrente avec ses amis, mais une crise de santé grave et inattendue coïncide précisément avec cette date, le menant à une hospitalisation chaotique. Cette expérience le pousse à reconsidérer son mode de vie et sa vision de la mort.

Episode description

Certaines personnes sont remplies de certitudes: elles savent ce qu'elles feront dans la vie, à quel âge elles vont se marier, combien d'enfants elles veulent. D'autres, en revanche, traversent la vie sans aucun plan, préfèrent se laisser surprendre… ou ne savent pas comment faire autrement.

Théo n'a jamais trop su où il allait. Toute sa vie il a vécu sans véritable attache, sans se sentir chez lui, sans se projeter vers un après. Un jour, enfin, il est certain de quelque chose. Quelque chose qu'il craint.

L'histoire de Théo a été recueillie par Camille Hurcy.

Transfert est produit et réalisé par Slate Podcasts.

Direction éditoriale: Christophe Carron
Direction de la production: Sarah Koskievic
Direction artistique et habillage musical: Benjamin Saeptem Hours
Production éditoriale: Sarah Koskievic et Benjamin Saeptem Hours
Chargée de préproduction: Astrid Verdun
Prise de son: Camille Hurcy
Montage et habillage musical: Mona Delahais
Musique: Fish out the water - Yannick Kalfayan

L'introduction a été écrite par Sarah Koskievic et Benjamin Saeptem Hours. Elle est lue par Aurélie Rodrigues.

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Transcript

Introduction et vie sans plan

Certaines personnes sont remplies de certitudes. Elles savent ce qu'elles feront dans la vie, à quel âge elles vont se marier, combien d'enfants elles veulent. D'autres, en revanche, traversent la vie sans aucun plan, préfèrent se laisser surprendre ou ne savent pas comment faire autrement.

Théo n'a jamais trop su où il allait. Toute sa vie, il a vécu sans véritable attache, sans se sentir chez lui, sans se projeter vers un après. Un jour, enfin, il est certain de quelque chose, quelque chose qu'il craint. Vous écoutez Transfert. Ce témoignage a été recueilli par Camille Urcy.

Premières années d'études et isolement

On est en 2014, je viens d'avoir mon bac. J'habite à Brive-la-Gaillarde, donc c'est là où j'ai tous mes amis de lycée avec qui j'ai forgé vraiment un groupe très soudé. Mes parents déménagent à Pau.

et moi avec eux. Ça doit être mon cinquième ou sixième déménagement. J'ai jamais habité plus de 4 ans au même endroit. Et je le vois comme quelque chose d'assez dur pour moi parce que j'ai quelque chose d'enfin solide en termes d'amitié, un groupe que je veux pas quitter. C'est un déménagement compliqué. J'arrive à Pau et c'est ma première année d'études. Jusque-là, les relations que je me suis créées, ça a toujours été grâce à l'école.

Et là, comme je m'inscris à la fac, mais je n'y vais pas vraiment, je décide de m'enfermer un peu chez moi et de ne pas me créer de nouvelles relations. Ce qui fait que la ville de Pau pour moi est... et pas synonyme de quelque chose de chaleureux, de joyeux, c'est même plutôt une prison. En arrivant du coup à Pau, je me lance en fac de lettres, après un bac scientifique, parce que j'ai pour volonté malgré tout de faire de l'audiovisuel.

et que je sais que c'est un mélange un petit peu de parcours scientifique et littéraire qui est demandé. Donc je me dis, avec mon bac S et une fac de lettres, ça me permettrait par la suite de pouvoir entrer dans des écoles qui ne m'ont pas accepté jusque-là.

Il y a un parcours cinéma dans ma formation, c'est ça qui m'intéresse. C'est deux heures par semaine, mais c'est seulement ces deux heures-là qui m'intéressent, auxquelles je vais aller assez longtemps, enfin quelques semaines, et le reste je vais très vite arrêter parce que ça ne m'intéresse absolument pas.

On se voit avec mes amis tous les jours sur Skype, Discord, on joue, parce que c'est des joueurs. Moi, à la base, je ne le suis pas vraiment, mais dans ce cadre-là, pour garder contact, je joue beaucoup avec eux. Et toutes les vacances scolaires, je retourne un brief pour les voir.

C'est toujours le même copain qui m'héberge. Et à chaque fois pour moi, c'est un peu ma bouffée d'air frais, c'est ce que j'attends. Et à chaque fois que je rentre chez moi à Pau, j'attends les prochaines vacances pour pouvoir retourner les voir. Au bout d'un moment, mes parents se rendent compte que je ne vais plus en cours. Ils me font comprendre qu'il faut que je travaille pour attendre l'année prochaine, pour trouver autre chose. Je ne trouve pas de travail.

Difficultés sociales et échecs académiques

Et globalement, l'année se passe comme ça, jusqu'à l'année d'après, où j'arrive à Biarritz pour un BTS audiovisuel. Quand j'arrive à Biarritz, j'emménage la veille de la rentrée. C'est la première fois que je suis seul. J'ai passé une année seul, entre guillemets, mais il y avait quand même mes parents avec moi. Là, c'est la solitude où même quand je suis en ligne avec mes amis, je ressens quand même que physiquement, autour de moi, il n'y a personne. Et je me dis que ça devrait se régler.

en rencontrant des gens dans ma promo, dans mon école, qui ont les mêmes centres d'intérêt que moi, le même âge que moi, et avec qui, du coup, je devrais pouvoir développer de nouvelles relations. Je suis assez timide et réservé. Donner ma confiance aux gens pour m'ouvrir, pour être moi-même, ça peut prendre du temps.

Donc je sais que là j'arrive et qu'il va falloir que je fasse des efforts pour me sociabiliser. J'en fais, mais ça prend pas vraiment. Je me lis pas vraiment d'amitié avec les gens sur place, à part quelques personnes, mais c'est une amitié quand même assez en surface.

Les cours m'intéressent. Le problème, c'est que pour les cours de pratique, puisque je suis en option montage dans ce métier audiovisuel, on doit tourner pour pouvoir monter des choses. Et durant les tournages, on doit faire des choses ensemble, en équipe. À ce moment-là, des amitiés assez fortes se sont liées entre les gens de ma promotion et je n'en fais pas partie. Donc quand on fait des projets de groupe, en général, je ne suis pas très intégré.

Pendant ces premiers mois de formation, j'apprends que quelqu'un de mon lycée s'est suicidé. C'était le meilleur ami d'un de mes amis. C'est le deuxième suicide cette année-là de quelqu'un de mon lycée, de ma promotion, puisqu'il y avait une autre personne que je connaissais beaucoup moins, mais qui avait fait un séjour aussi. Et c'est quelque chose à ce moment-là où je me sens un peu perdu.

Je ne sais pas où j'en suis. Ce n'est pas quelque chose qui me passe par la tête de vouloir mettre fin à mes jours. Pas du tout, je n'en suis pas là. Mais savoir que des gens qui ont été très proches de moi, d'une certaine manière, qui me ressemblent, l'ont fait.

Ces événements-là me travaillent pendant plusieurs semaines jusqu'à ce que je décide d'arrêter d'aller au BTS. J'arrête d'y aller et pendant plusieurs semaines, là encore une fois, je ne le dis pas à mes parents, ils ne sont pas au courant. Donc c'est en novembre 2015 que j'arrête d'y aller, et c'est en décembre que mes parents apprennent que je n'y vais plus, et quand ils me demandent si je veux arrêter le BTS, je leur dis oui, oui, sincère et franc.

Mais je leur dis pas forcément les vraies raisons. Je leur dis que j'ai envie d'arrêter, que c'est pas pour moi, alors qu'au fond de moi, le problème n'était pas la formation, et plus un problème d'ordre personnel et psychologique à ce moment-là. durant du coup les mois qui suivent je me renseigne sur ce que je pourrais faire et dans mon entourage et plusieurs personnes qui ont fait des études de droit

qui m'en parle avec passion, ce qui me fait me dire que ça pourrait effectivement m'intéresser. Donc je décide de m'inscrire en droit, et là le problème c'est qu'à la rentrée, je me suis trompé sur les dates. Ce qui fait que j'arrive une semaine en retard. Je me rends compte que je suis largué, que les gens autour de moi ont un style vestimentaire qui est à l'opposé du mien, des centres d'intérêt qui sont à l'opposé des miens. Et je me rends compte qu'une nouvelle fois, je suis en train de...

de subir un échec, et par peur de subir l'échec, je décide d'abandonner, encore une fois. En 2017, mes parents me soutiennent encore dans mes études et me demandent sincèrement ce que j'ai envie de faire, et je leur... dit cette fois-ci, avec un peu de temps qui s'est passé, que c'est vraiment le cinéma et l'audiovisuel qui me passionne et que j'ai envie de développer en tant que carrière. Donc je décide de m'inscrire en fac de cinéma.

Retour aux études de cinéma et amitiés

Donc à la rentrée 2017, je m'installe à Montpellier pour commencer mes études là-bas. Quand j'arrive à Montpellier, c'est la première fois que j'habite seul aussi loin. Sachant comment ça s'était passé la dernière fois, j'appréhende un peu.

Et en même temps, j'ai la chance d'avoir un ami de lycée qui emménage à Montpellier en même temps que moi pour ses études à lui. Ce qui fait que j'ai cette petite sécurité de me dire que même si je ne me fais pas d'ami dans ma licence, dans ma fac, j'aurai toujours cet ami. présent et là pour moi. Le système de choix des cours se fait en ligne. Moi, je suis arrivé un petit peu en dernier. J'ai pu m'inscrire aux derniers cours possibles. Malgré tout, chaque cours auquel je vais m'intéresse.

Et je sens que je n'ai pas d'obligation à former des équipes pour pouvoir aller plus loin dans la formation. Donc à ce moment-là, je suis un peu libéré d'un poids. Je sais que juste venir en cours et réussir aux examens me permet d'avancer et que je n'ai pas besoin de créer des groupes sociaux.

Le premier jour de cours, j'arrive un peu en avance et je me dis qu'il faut absolument que je parle avec quelqu'un, peu importe la durée de la conversation, le sujet, la personne, mais que je me force à faire le pas vers l'autre. Je vois deux personnes en train de discuter.

J'engage la conversation pour poser une question. Une des deux personnes me répond. J'entre dans la classe et elle me suit, elle me demande si elle peut s'asseoir à côté de moi. Petit à petit, je commence à me faire plusieurs amitiés. Moi, de mon côté, je traîne beaucoup avec mes amis de lycée en ligne et mon ami qui habite sur place à Montpellier, avec qui je sors de temps en temps pour aller au cinéma, dans des bars, etc. Donc j'ai une vie sociale qui est plutôt remplie.

Au deuxième semestre, la fac est bloquée, suite à une loi que Macron voulait faire passer pour que les étudiants étrangers payent plus. Moi, de mon côté, je sors peu. De temps en temps, je vois mon ami que je me suis fait à la fac, mais dans le cadre de projets qu'on a à faire. Et sinon, je reste beaucoup chez moi. On est début 2018.

Le dé magique et la date fatidique

Pendant cette période de blocage, puisque je n'ai pas cours, je vais rejoindre mes amis de lycée à Brive. Et durant cette semaine, une de mes amies apprend qu'elle a un entretien pour une alternance à Toulouse.

On décide avec deux autres amis de l'accompagner là-bas pour profiter après son entretien, de visiter la ville, de faire quelques trucs là-bas. Pendant qu'elle passe son entretien, on s'ennuie pas mal dans la voiture. Et un de mes amis, nous... montre une application sur laquelle on peut lancer des dés et notamment un dé qui s'appelle le dé magique qui est un dé à 20 faces sur lequel sont écrits oui

Non, peut-être. C'est un dé auquel il faut poser des questions fermées pour espérer avoir une réponse et qui est censée donner des réponses sur l'avenir. Après avoir posé quelques questions basiques pour rigoler au dé, mes deux amis qui sont fans de PNL... essaye de trouver la date de sortie du prochain album. Et petit à petit, il recoupe les informations pour découvrir, d'après l'ED, que l'album sortira en avril 2019.

Notre jeu, c'est de prendre le dé pour un dieu. Donc toutes les informations qu'il dit sont véridiques. Moi, de mon côté, je décide de demander au dé la date de ma mort. Je fais exactement comme eux, je pose des questions, est-ce que ça arrivera après, telle date, avant telle date, et je finis par tomber sur une date précise. Le DEM annonce que je vais mourir le 1er décembre 2020.

La date de ma mort est donc annoncée pour dans deux ans et demi. Je suis assez étonné que la date arrive si tôt, mais c'est quelque chose qui me fait beaucoup rire sur l'instant. La mort, c'est quelque chose qui ne m'effraie pas, à laquelle je ne pense...

Plus vraiment. Je ne suis pas très ni religieux ni spirituel. C'est quelque chose qui, pour moi, est malgré tout très lointain. Cette date que je joue comme étant quelque chose de réel et de très important pour moi, en fait, n'est qu'une blague à mes yeux.

La date de mort devient une blague

La date de ma mort devient un running gag entre mes amis et moi. On en parle très souvent. Les nouvelles personnes que je rencontre au fur et à mesure aussi, ça me fait beaucoup peur de leur dire que... Je vais mourir le 1er décembre 2020, donc ne vous attachez pas trop. C'est quelque chose avec laquelle je rigole. À mon retour à la fac en deuxième année, après la période de blocage, j'ai l'impression de pouvoir à nouveau...

m'ouvrir aux autres et faire de nouvelles rencontres. Pour un cours de cadre, on doit former un groupe pour un tournage. Avec mon ami de première année, on rencontre deux personnes et l'une d'elles avec qui on se découvre une forte amitié. On commence à former un trio qui nous lie autant dans notre vie personnelle que sur les différents projets qu'on doit faire pour la fac. Donc à chaque fois on se met ensemble pour travailler et on se voit beaucoup en dehors.

Un jour, on décide de participer à un 48 heures. C'est un événement durant lequel on doit réaliser un film en 48 heures avec des contraintes. N'étant que trois... On se dit que ce serait plus intéressant et plus sympa d'essayer de trouver un autre groupe pour former un plus gros groupe de tournage.

On rencontre donc un groupe de trois, et parmi ces trois personnes, il y a quelqu'un avec qui on se lie fortement d'amitié durant ces 48 heures de tournage, avec très peu de sommeil, et c'est quelque chose qui rapproche énormément. Cette personne-là devient un ami. durant un autre 48 heures on décide de reformer ce groupe là et ce nouvel ami qu'on a rencontré aux derniers 48 heures ramène des amis à lui également nous ramène quelqu'un d'autre aussi et

Ce groupe-là forme le groupe d'amitié de la fac. La blague du D concernant la date de ma mort continue. On est 7 dans ce groupe et tout le monde y participe. C'est une période où je suis très libre, un peu trop, et je fais très peu attention à moi. Je mange très mal, je dors très peu, très mal aussi. Mon groupe d'amis que je me suis fait me fait souvent remarquer que j'ai une vie pas très saine, mais je fais pas grand chose pour le changer.

Je ne pense pas aux conséquences de mon mode de vie et je me dis que c'est à peu près ce que doit même être une vie étudiante. En plus, comme c'est la première fois que j'ai une réussite dans le cadre de mes études, il y a quelque chose qui me fait me dire que ce mode de vie-là n'est pas un problème.

En avril 2019, sans aucune communication préalable, PNL sort un album, deux frères, et confirme donc la date qu'avait donnée le D. J'envoie un message à mes amis, ça nous fait tous les trois beaucoup rire, et très rapidement revient la date de ma mort, qui est une blague d'autant plus drôle à mes yeux, puisque le décembre malgré tout plus crédible.

J'entre en troisième année. Tout se passe très bien. On est très très proche avec mes amis, plus que jamais. Je lance un projet de websérie avec eux que j'écris et qu'on réalise ensemble. Et c'est stopper net en... mars 2020, par l'annonce du confinement. Mes parents ont emménagé à Bordeaux en décembre 2019 et donc je passe mon confinement chez eux. En août 2020, je rencontre une fille qui habite sur Bordeaux.

et avec qui, du coup, je commence une relation à distance. Je réussis à avoir ma licence, mes amis également, et on décide de s'inscrire en première année de master de recherche en cinéma dans la même fac. Pour cette année de master, on décide de faire une colocation avec mes deux premiers amis de la fac. Le tout premier n'a finalement pas pu la faire avec nous pour des raisons financières. Donc on finit par trouver un appartement pour deux.

avec ma meilleure amie et colocataire. En septembre 2020, on entre en première année de master et avec l'ambiance qui s'est un petit peu améliorée suite à la fin du confinement, on reprend naturellement la blague.

Préparation de la fête et premiers symptômes

D'autant plus que la date se rapproche et que je suis à trois mois de la date fatidique. En colocation avec ma meilleure amie, on décide d'organiser quelque chose pour cette date spéciale. On se dit que ce serait très amusant de faire une soirée pour ma mort. On part sur des idées avec un cercueil en carton.

des bougies, et puis mes amis qui seraient là, comme pour ma veillée funèbre, enfin quelque chose qui nous paraît en tout cas très amusant. A aucun moment j'ai l'impression que cette date va vraiment amener quelque chose de dangereux pour moi. J'ai très hâte qu'on fasse cette soirée du 1er décembre parce que je pense qu'elle va être unique, très marrante et qu'il va y avoir une phase après cette date-là où je serai la personne qui...

est vivante après la date de sa mort, et qui du coup a quelque chose de mystique, de très particulier. Le 18 novembre 2020, c'est le jour de mes 24 ans, donc tous mes amis viennent à l'appart pour le célébrer. Je... commence à sentir au niveau de ma gorge quelques désagréments. J'ai un petit peu de mal à déglutir, donc je me dis que ça va passer, mais c'est quelque chose qui commence à me déranger à ce moment-là. On est 13 jours avant le 1er décembre 2020.

Je ne pense pas au Covid par rapport à ce mal de gorge, je ne l'ai jamais eu pour le moment. Je prends quand même rendez-vous avec un médecin en visio, puisque ça continue, ça s'aggrave légèrement. Le médecin me dit à juste titre qu'il ne peut pas ausculter, mais que ça semble être une angine.

donc il me prescrit les médicaments nécessaires. Mon état ne s'améliore pas et même il s'aggrave. Je commence à avoir de plus en plus mal à la gorge, à avoir beaucoup de mal à manger, à boire et à déglutir. Je commence à ne presque plus dormir et c'est là que je prends rendez-vous avec un médecin, cette fois-ci en physique. Dès mon arrivée, il voit mon état et comprend que je suis en détresse.

Au moment où il me demande d'enlever mon masque, il me demande très rapidement de le remettre en me disant qu'il sait ce que c'est. Il va s'asseoir et me dit que c'est une angine de Vincent. Je suis un peu étonné parce que ça semble être malgré tout une angine, mais je n'ai jamais entendu de ma vie ce nom-là. Il m'explique globalement les différences avec une angine de base et me prescrit des nouveaux médicaments assez puissants, assez costauds.

Je suis très rassuré d'avoir un diagnostic parce que ça fait quelques jours maintenant que je suis dans un état très compliqué. Je ne pense qu'à une chose, au lendemain ou sur le lendemain, quand mon état va s'améliorer grâce aux médicaments qui m'ont été prescrits. à cause de mon problème de gorge j'ai beaucoup de mal à parler donc quand je vais à la pharmacie pour demander les médicaments j'ai tellement de mal à

à prononcer le nom des médicaments que la pharmacienne me prend la feuille des mains en me disant n'essaye même pas de parler et va à ce moment-là chercher le doliprane codéiné. En arrivant chez moi, j'annonce à ma coloc que

J'ai une angine de Vincent, on fait tous les deux des recherches sur la maladie, et on s'aperçoit que c'est une maladie d'égard des tranchées, ce qui nous fait beaucoup rire sur le moment, mais qui nous fait aussi nous demander comment est-ce que j'ai pu attraper ça. Durant la nuit, après...

avoir pris les fameux médicaments. Après quelques heures de lutte, je vomis. C'est ce qui devait arriver et je me sens un petit peu libéré de ce que je viens de faire. Au réveil, je dis à ma coloc que j'ai vomi et je lui demande d'appeler le médecin pour le lui annoncer.

Urgence médicale et hospitalisation chaotique

Pendant qu'elle est au téléphone, je la vois réagir à ce que dit le médecin et je vois son visage un petit peu se fermer. Elle raccroche, elle vient vers moi et elle m'annonce qu'il faut que j'aille tout de suite à l'hôpital et que je risque une opération. c'est une annonce qui me fait vraiment très mal non seulement parce que c'est là que je me rends compte que la date du 1er décembre s'approche et que mon état ne fait

que s'empirer sans que je sache pourquoi, d'autant plus qu'une opération qui là devrait avoir lieu au niveau du coup c'est quelque chose qui est terrifiant. Ma coloc et un de nos amis qui et son copain sont avec moi pendant cette annonce et je fous en larmes et je les prends dans mes bras.

Donc mes deux amis partent avec moi pour m'accompagner jusqu'à l'hôpital. On arrive dans l'accueil de l'hôpital. Mes amis me disent d'aller m'asseoir puisque je ne peux pas parler. C'est eux qui vont expliquer ce que j'ai. J'essaye de... de rester concentré sur la moindre chose qui peut m'attirer mon attention. Il y a notamment dans une salle juste à côté de là où je suis assis, un homme ensanglanté au niveau du visage avec des policiers. Il avait dû se bagarrer et être arrêté.

Et donc là, il est en train de se faire soigner. Au bout d'une heure ou deux, je vois un policier qui l'attrape par le bras et qui lui dit « Allez, on y va ». Ils s'en vont tous les deux, alors qu'il est encore ensanglanté, mal en point.

Et quelques minutes plus tard, une infirmière arrive dans la salle et est étonnée de leur absence. Je la vois aller demander à quelqu'un pas loin où est-ce qu'ils sont passés. La personne lui dit qu'ils sont partis. Et je la vois être désespérée à se dire, mais...

On ne l'a même pas encore soigné. Qu'est-ce qui se passe ? L'ambiance au moment de mon arrivée est assez chaotique et lunaire. Au moment où je suis pris en charge, j'ai deux personnes en blouse blanche qui me disent de les suivre. Je vais dans une salle avec eux. Ils me demandent ce que j'ai et je leur réponds difficilement avec le peu de voix que j'ai que j'ai ce qui semble être une angine de Vincent. Je ne sais pas réellement quel est leur grade métier exact.

mais il se regarde tous les deux interloqués et l'un des deux dit qu'est ce que c'est que ça ça c'est quelque chose qui me fait me dire que Si les personnes qui doivent me soigner ne savent pas ce que j'ai, ne savent pas ce que c'est, je vais certainement finir par mourir. Pour m'ausculter, ils doivent faire passer une caméra pour regarder l'état au niveau de ma gorge.

C'est tellement enflé qu'ils sont obligés de passer par mon nez. C'est tellement inconfortable et douloureux que quand ils me font le test PCR juste après, j'ai l'impression que toutes les personnes qui s'en sont plaintes ont un peu exagéré. Les tests pour le Covid sont négatifs. Pour le reste, ils me demandent de rester. Et donc je m'installe dans une chambre pour attendre qu'ils puissent me dire exactement ce que j'ai et comment le traiter. Mes amis sont assez inquiets.

Moi qui suis d'habitude tout le temps très jovial, très blagueur, là ils me voient dans un état où je ne peux pas parler, où je n'ai pas l'air particulièrement heureux de les voir, ce qui n'est pas le cas, mais en tout cas ça en a l'air. Je reste assis sur mon lit toute la journée. à regarder ce qui se passe autour de moi et à attendre que des médecins viennent me donner mon diagnostic, qu'on vienne me donner un bon traitement, mais ça n'arrive pas tout de suite.

La première nuit, j'arrive tellement pas à dormir et j'ai tellement mal que j'écris sur le téléphone de la morphine s'il vous plaît pour que l'infirmière qui passe tous les deux heures puisse me soulager un petit peu ma douleur. Au moment où elle m'injecte la morphine dans la perfusion, mon bras qui est allongé contre le matelas sent comme une sensation de vague du matelas sur le bras, et la douleur disparaît peu à peu.

Et c'est une sensation qui, vraiment, c'est mon seul moment de bonheur. C'est le seul moment de ma journée où je sens quelque chose de positif. À cause du manque de sommeil, je commence à avoir des hallucinations. Toute la journée, assis sur mon lit, je vois à ma gauche des amis de lycée, à ma droite des gens de ma famille, quelquefois ma copine. Et il m'arrive même d'avoir ces hallucinations pendant que mes amis me rendent visite, de voir d'autres personnes.

à côté en même temps qu'eux. Et c'est là où je prends conscience que ce sont des hallucinations et je me rends compte que je commence aussi à perdre la tête. On est le 28 novembre, trois jours avant la date, et j'ai toujours pas eu d'amélioration. Durant toute cette période d'hospitalisation avec mes amis, on ne fait jamais mention de la blague qui pourtant nous a forgé durant les dernières années. En milieu d'après-midi, un médecin rentre dans ma chambre et me dit qu'il a une bonne nouvelle.

Diagnostic, guérison et sortie de l'hôpital

Il m'annonce qu'il sait ce que j'ai. Il s'agit de la mononucléose. J'ai déjà entendu parler à ce moment-là de cette maladie, mais je ne sais pas réellement ce que c'est. Je ne sais pas réellement quelles sont les conséquences.

Donc il m'explique et il me dit que c'est ce qu'on appelle la maladie du baiser qui peut arriver par un transfert de salive, qui dans la majorité des cas est asymptomatique et est attrapé étant enfant, mais qui dans certains cas comme le mien peuvent être aggravés et qui nécessitent...

plusieurs mois pour s'en remettre par la suite. Au moment où le médecin m'annonce ce diagnostic, je ressens à la fois une libération, mon malheur touche à sa fin, et en même temps je reste sur mes gardes parce que c'est pas la première fois qu'on m'annonce ce qui est censé être ma maladie.

La nuit passe, elle se passe un petit peu mieux que les nuits précédentes, j'arrive un peu à dormir, ce qui me permet le lendemain d'être plus reposé, de ne plus avoir d'hallucination, de pouvoir me concentrer, d'allumer la télé. Il y a trois chaînes à la télé, c'est... BFM, chaîne parlementaire et Gully. Et ça me suffit parce que j'ai passé plusieurs jours à ne rien pouvoir regarder ou faire. Donc je décide de perdre mon temps devant toutes les émissions possibles.

Durant l'après-midi, après cinq jours sans manger, l'infirmière me propose de manger un Mr Freeze. Et c'est un sentiment très particulier de remanger pour la première fois depuis plusieurs jours, et notamment un Mr Freeze. Mais c'est quelque chose qui me met au bord des larmes. Le 1er décembre 2020, les médecins m'annoncent que mon état s'est assez amélioré pour que je puisse quitter l'hôpital.

La date symbolique et le changement de vie

C'est au moment de partir de l'hôpital et de m'occuper des quelques documents administratifs que je me rends compte de la date. Et là je me dis que symboliquement une partie de moi est morte ce jour-là, notamment par rapport à... à mon hygiène de vie, à mes objectifs. Je prends mes affaires et je rentre seul en bus jusqu'à l'appartement pour retrouver mes amis qui sont très heureux de savoir que je suis enfin guéri.

Donc en arrivant à l'appartement, je retrouve mes amis qui m'attendent, avec qui on peut enfin blaguer sur ce qui s'est passé, avec qui on discute de ce hasard.

de cette date qui devient celle de ma sortie de l'hôpital. Et on revient sur mon hygiène de vie jusque-là qui doit changer. Ce qu'il me disait avant, un peu de manière légère et surtout de la blague, devient vraiment quelque chose de... de ferme et d'important et c'est quelque chose que je commence à prendre sincèrement en compte je mets un mois et demi à m'en remettre

Un mois et demi durant lesquels je n'ai pas le droit de boire de l'alcool et durant lesquels je peux difficilement faire des balades de plus de 15 minutes. Donc je reste chez moi, sur mon ordinateur, avec mes amis. du lycée et puis mes amis qui sont présents aussi et qui viennent me rendre visite. Je me suis posé la question de comment est-ce que j'avais pu attraper la mononucléose. Ma copine a fait un test pour savoir si c'était elle qui me l'avait donné, qui a été négatif.

Et j'ai fait une soirée, quelques temps avant, durant laquelle il y avait beaucoup de gens, des verres qui s'étaient échangés, des gens qui avaient bu un petit peu à la bouteille. Donc ma théorie pour moi, c'est que ce serait arrivé à ce moment-là.

Aujourd'hui, quatre ans après, je ne suis pas devenu hypocondriaque pour autant. Les seuls moments où j'ai un peu d'appréhension, c'est quand je commence à avoir mal à la gorge, malgré tout. Mon hygiène de vie s'est grandement améliorée. Je fais des vraies nuits, j'ai un...

bien meilleur régime alimentaire. Par la suite, j'ai réutilisé le D quelques fois, mais jamais pour demander quelque chose d'aussi morbide. Mon rapport à la mort et ma vision de la mort a pas mal évolué. Je pourrais pas dire que c'est forcément... que ça, ça doit être beaucoup de choses avec le temps qui m'ont mené à là mais aujourd'hui je sais que la mort peut arriver à tout moment et je m'empêche pas de faire de l'humour et des blagues sur le sujet mais je le prends

beaucoup moins là déjà. Avec le temps, je me suis aussi ouvert un peu plus à la spiritualité, là où j'étais très fermé à ça avant, maintenant. Je ne vais pas poser des mots très précis sur certaines choses inexplicables, mais je vais rester ouvert au fait que des choses n'ont pas encore été expliquées, le seront sûrement plus tard ou même jamais. Direction éditoriale, Christophe Caron. Direction de la production, Sarah Koskiewicz.

Direction artistique Benjamin Septemours. Production éditoriale Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Chargée de pré-production Astrid Verdun. Prise de son Camille Urcy. Montage et habillage musical, Mona Delahaye. L'introduction a été écrite par Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Elle est lue par Aurélie Rodriguez.

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