¶ Intro / Opening
Après une tentative de suicide, Anna est soignée par le docteur Zanevski. Très vite, elle est persuadée qu'il est tombé amoureux d'elle. Dès lors, rien, jamais, n'entamera sa conviction, la jeune femme glisse dans l'obsession. Ce rôle d'Isabelle Carré dans le film Anna M lui vaudra une nomination pour le César de la meilleure actrice en 2008. Sarah, elle, mène une vie tranquille avec son fils.
Elle aime son travail, sa vie. Mais un jour, un collègue s'en éprend, et cet amour subi devient vite une malédiction. Attention, cet épisode aborde des sujets sensibles. Pour en savoir plus, reportez-vous au texte de description de l'épisode. Vous écoutez Transfer, épisode 348. Un témoignage recueilli par Noor Abdul Saib.
¶ Intro et Début du Harcèlement
C'est en 2007. J'ai 24 ans. Je suis mère célibataire d'un nourrisson d'à peine un an. Je suis assistante de production dans une société particulièrement composée d'hommes. Je... Je travaille avec les ouvriers qui m'appellent généralement le lundi et le vendredi pour passer des commandes et gérer l'administratif du personnel.
En septembre 2008, j'ai un collègue de travail qui vient m'apporter des bons de transport. Il s'en va du bureau et je découvre dans ces bons de transport un mot où il m'écrit « appelle-moi ». Il me laisse son numéro de téléphone. Je t'aime. Alors je suis un peu surprise. Il a dix ans de plus que moi. J'ignore complètement ce message. Par rapport à ce collègue, je le trouve étrange. C'est une personne qui a assez grande, qui a un regard assez insistant. Je ne prête pas trop attention à lui.
C'est une personne que je vois le lundi et le vendredi, donc bien sûr je suis une personne très joviale, très avenante, donc c'est toujours un bon jour, bonne journée, mais vraiment très cordiale pour juste des relations professionnelles, uniquement.
¶ Première Intrusion au Domicile
Mais je ne me sens pas rassurée avec cet homme-là. Ce n'est pas de l'inquiétude, mais il est étrange. J'ignore son mot et quatre jours après, on est un mardi soir, je suis dans mon domicile, donc seule avec mon fils. Une personne frappe à ma porte.
J'ouvre la porte et là, il y a mon collègue de travail qui se trouve derrière ma porte, qui entre dans ma maison et qui ferme la porte derrière lui. Et là, je lui dis, mais qu'est-ce que tu fais là ? Il me dit, tu sais très bien pourquoi je suis là. Je lui dis non. Il me dit, je t'ai laissé un mot, tu ne m'as pas répondu.
Et là, je lui dis, écoute, j'ai mon fils. Il a à peine un an. Je n'ai pas du tout envie d'affoler mon fils. Je te demanderai de ne plus m'écrire, de m'ignorer et de t'en aller, s'il te plaît. Nous n'aurons que des relations de travail et rien que des relations de travail.
Alors forcément, je suis très surprise de le découvrir chez moi, déjà parce que ça veut dire qu'il m'a suivie pour savoir où est-ce que j'habitais, puisque je ne divulguais rien sur ma vie personnelle. Après, je me dis que c'est de la draguerie maladroite.
¶ Ignorer pour Protéger son Emploi et Insistance
Je lui dis que vraiment, on n'aura que des relations professionnelles. Voilà, je ne voulais plus entendre parler de lui, hormis pour le travail. Parce que ma priorité, c'était surtout de bien éduquer mon enfant et de garder mon travail. Au moment de partir, il me dit... Ça ne va pas s'arrêter là ? Tu me plais trop, ma belle. Je lui réponds que c'est des enfantillages et que non, il n'y aura rien, strictement rien, que je ne veux pas le connaître à l'extérieur.
Je ne veux pas affoler mon fils. Je ne suis pas du tout quelqu'un de violente. Je reste calme et je lui demande de repartir. Je dois reprendre le chemin du travail. Je ne souhaite pas en parler. Je ne veux pas être identifiée à cette histoire-là et pour moi, en plus, ce sont des gamineries, de l'enfantillage. C'est un homme que je croise le lundi et le vendredi pour des dossiers administratifs. Je l'ai au téléphone également et il me glisse des mots.
« Bonjour ma belle, à ce soir, je pense à toi ». Je veux vraiment ignorer parce que ma priorité, c'est de garder ce travail que je viens tout juste d'avoir et c'est très important pour moi et mon fils. Lorsqu'il me dit ces mots,
J'ai de l'agacement. Je ne comprends pas. Je lui ai expliqué les choses. Je lui ai dit qu'on aura des relations uniquement professionnelles. Sincèrement, je ne comprends pas pourquoi il insiste. Je lui ai expliqué, je lui ai dit non. Il insiste. Et lorsque je le croise au bureau... Il me regarde avec insistance. Moi, je baisse les yeux. J'attends qu'il s'en aille du bureau, des couloirs, pour pouvoir sortir à mon tour. Donc oui, je guette pour pas qu'il me suive. J'en parle à personne.
¶ Escalade, Cadeaux et Documentation
Je ne veux pas que cette histoire se sache au travail. Ces agissements continuent plusieurs mois et on arrive le jour de mon anniversaire. Au mois de décembre, j'arrive de la salle des sports. Je vois une silhouette dans le rétroviseur de ma voiture. Je descends de ma voiture et j'aperçois mon collègue. Je lui demande « qu'est-ce que tu fais là ? » Il me souhaite un joyeux anniversaire. Il m'arrache le sac à dos.
Il introduit une boîte à l'intérieur. Je lui dis que mon copain va arriver, bien évidemment, ce n'est pas vrai. Il veut l'attendre. La josse un peu le ton et je lui dis, écoute, arrête tes enfantillages et va-t'en. Il me dit, va voir devant chez toi, il y a une surprise. Et là, j'arrive, il y a un énorme bouquet de fleurs rouges accrochées à ma porte. Forcément, je rentre dans ma maison et je ferme aussitôt la porte. Je me demande comment il a toutes ces informations.
Forcément, j'ai un peu d'inquiétude. Je suis seule. C'est en campagne, il n'y a personne autour de moi, donc je me sens vraiment seule. Ce bouquet, je vais le jeter à la poubelle, parce que je ne veux rien. Je ne veux rien de lui. Par contre... Il y a quand même une intuition, quelque chose que je ressens. Je prends en photo ce bouquet-là et ce bijou, je vais l'archiver. J'ouvre un dossier et je mets ce bijou, ce collier avec mon prénom écrit dessus.
Et quelque chose me dit que conserve ça, mais pas pour le plaisir de l'avoir chez moi. Je pense plus pour me protéger. Le lendemain de mon anniversaire, on est mercredi, je dois garder ma nièce. Ma sœur vient me la déposer à la maison et...
Elle va mettre quelque chose à la poubelle et elle voit ce bouquet de fleurs. Elle me dit « qu'est-ce que c'est ? » Je commence à lui dire qu'il y a un homme au travail qui me dragouille. Il est un peu insistant, qu'il a du mal à comprendre. Mais ma sœur est quelqu'un de plutôt inquiète, alors je ne veux pas l'affoler.
Je lui dis de ne pas s'en faire, qu'il va se calmer, qu'il faut ignorer et que ça va se calmer. Quelques mois après, c'est la Saint-Valentin. J'ouvre ma boîte aux lettres et je découvre une enveloppe avec un timbre, mais non oblitéré. Et puis dans cette lettre, on me dit qu'on me souhaite une joyeuse Saint-Valentin, qu'il pense à moi, que je suis exceptionnelle, que je ferai partie de sa vie, qu'il ne me lâchera pas.
C'est insistant, très insistant. Je me dis mais il ne va pas comprendre en fait. Je ne comprends pas pourquoi c'est aussi souvent et qu'est-ce qu'il ne comprend pas en fait ? Qu'est-ce que je fais pour qu'il ne comprenne pas ? J'archive cette carte avec le bijou.
Je fais des photos et j'archive dans ce dossier vert. Je me dis, je n'arrive pas toute seule à l'arrêter, mais en même temps, je veux tellement garder mon travail, je veux tellement être équilibrée pour apporter une vie équilibrée à mon fils, que je ressens de la colère.
Mais je ne sais pas quoi faire en fait, donc je vais garder encore le silence, rien dire. Et puis je vais prendre de la distance par rapport à tout ça, pour ne pas être impactée le moins possible et ne pas affoler mon fils et mon entourage. Je reviens au travail, je le vois et j'ai de la colère. Je lui demande si c'est lui parce qu'il ne signe pas ses cartes. Il me confirme que c'est bien lui qui est venu déposer cette carte dans ma boîte aux lettres. Je lui demande de cesser, mais vraiment.
de cesser ses agissements, ses enfantillages. Et là encore, il me dit « Tu me plais trop ? Non, je ne te lâcherai pas. » Et il insiste dans son regard. Et là, il y a un collègue de travail qui rentre dans le bureau. Je sors de mes gonds, je suis à bout, je craque. Et lui s'en va. Et je lui dis mais reviens, assume, assume ce que tu me fais vivre depuis plusieurs mois. Et mon collègue de travail qui forcément n'était pas du tout au courant de ce qui se passait.
Il me demande ce qui se passe. Je ne veux pas être identifiée à cette histoire-là. Je veux juste garder mon travail, élever mon fils. C'est tout. Sauf que mon collègue voit l'ampleur de la situation, mon inquiétude. Du coup, il va en parler au directeur général. qui va me convoquer. Et je vais devoir lui expliquer ce qui se passe. Ce qui est incroyable, c'est que je me sens honteuse. J'ai honte de ce qui se passe. Tout ce que je ne voulais pas, c'est que ça se sache au travail.
Et je suis rendue aujourd'hui dans le bureau du directeur à devoir expliquer. Donc je suis devant mon directeur, je craque, j'ai honte. Parce que c'est vraiment ça, j'ai honte de ce qui se passe. Il veut le licencier, moi je veux pas. Je ne veux pas parce qu'il est déjà là le soir quand je rentre du travail. Il est là, je me promène en extérieur avec mon fils. Et je me dis que s'il n'a plus de travail, il va passer son temps à mes pieds, à me suivre.
Donc je dis au directeur que non, il faut surtout qu'il soit occupé la journée pour ne pas venir tous les jours me harceler. Et lui, il insiste pour que j'aille en parler à la gendarmerie. Ça prend une ampleur que je ne maîtrise pas. Je voulais rester discrète. Et au final, mon directeur au courant. Maintenant, il faut que j'aille à la gendarmerie. Vraiment, je suis dans l'incompréhension de la situation.
Je vais aller à la gendarmerie comme le conseille mon directeur. La gendarmerie me demande de faire un courrier pour qu'il y ait une trace au niveau du travail. J'ai ce sentiment que chacun se renvoie la balle. Mon directeur demande d'aller voir la gendarmerie, la gendarmerie me demande d'aller voir le directeur. Donc je ne sais plus trop quoi faire. Je ne veux pas qu'il y ait de pouvoir sur ma vie, alors je continue à...
¶ La Soirée du 14 Juillet
à m'amuser, à sortir avec mes proches, notamment ce 14 juillet où j'étais avec ma famille, ma sœur, ma nièce, mon fils. On a profité de ce beau feu d'artifice, on était joyeux, on était heureux tous ensemble. Je dois garder les... Les enfants, le soir, ma sœur repart chez elle. Moi, je monte dans la voiture avec les deux enfants. Et au stop, en sortant du parking, il y a un homme qui pose ses deux mains sur la vitre passager de ma nièce. Elle crie forcément.
Je vois le visage de mon collègue. Je rassure les enfants en leur disant que c'est une personne alcoolisée, que tout va bien. J'appelle ma sœur pour lui dire qu'il est là. Je rentre vite à la maison. Je t'envoie un SMS quand je suis à l'abri. enfermée dans ma maison. Cette situation prend des ampleurs incommensurables, donc je préfère ne plus lui en parler pour ne plus l'inquiéter, parce que c'est impossible pour moi de devoir envoyer des SMS pour lui dire là où je suis, ce que je fais.
¶ Déménagement et Retrouvailles Immédiates
à quelle heure je rentre, ce n'est pas envisageable pour moi. Je vais décider de déménager à une vingtaine de kilomètres de chez moi. Je vais prendre une maison avec un garage. qui va me permettre de me protéger pour pouvoir rentrer directement dans le garage. Et le lendemain du déménagement, mon garage est grand ouvert, je suis en train de défermer carton et j'entends un homme qui passe en vélo et qui hurle.
Je suis trop fort, je suis trop fort, je l'ai retrouvée. Elle est là, la salope, elle est là. » Et là, je suis stupéfaite. Je comprends qu'en fait, il a retrouvée où j'habite.
¶ Impuissance, Peur Constante et Vandalism
Là, je prends vraiment conscience de la situation et de la gravité des choses. Je rappelle la gendarmerie. Donc la semaine suivante, ils convoquent. Les gendarmes m'ont fait part de l'entretien et ils ne comprennent pas. Il leur dit « Mais c'est pas de ma faute si elle supporte pas d'être draguée. J'ai le droit d'aller me promener là où je veux. » Je suis abasourdie. Ce gendarme me dit « Tant qu'il ne vous touche pas, madame, on peut rien faire. »
Quand le gendarme me dit ça, je me sens vraiment seule. Si j'en parle à ma famille, ça les inquiète. Si j'en parle au travail, ça prend des ampleurs démesurées que je ne veux pas. J'ai juste à supporter sa présence. Je me sens impuissante. Dans cette nouvelle maison, il y a un chemin de halage à côté de chez moi. J'aime beaucoup aller me promener avec mon fils le long de ce chemin. Il y a un parc de jeux également. J'aime voir évoluer mon fils dans les jeux, le voir rigoler.
Il y a une ombre au tableau, c'est cet homme qui est toujours là, à nous regarder, statique, il nous regarde et il nous suit. Et je suis seule avec mon fils, j'habite en campagne, il y a très peu de monde autour de nous.
Je ne me sens pas en sécurité, ni pour moi, ni pour mon fils. J'ai un jardin derrière la maison. Quand il joue au ballon dehors, j'ai toujours peur, parce qu'il y a un petit portillon. J'ai toujours peur qu'il passe les mains au-dessus et qu'il vienne me récupérer, mon fils. Ça, c'est une hantise que j'ai.
C'est vraiment qui vient de me récupérer, mon fils. Quelques mois plus tard, on est en avril 2010, je vais chez des amis passer une soirée, un repas, et je dors chez eux, parce que c'est à 80 kilomètres. Le matin, je me lève tôt, et je découvre... Sur ma voiture, un mot écrit « salope » et sur la voiture de mes amis « salaud ». Je ne veux pas y croire et pourtant quelque chose me dit que c'est lui. C'est surprenant mais j'ai une colère intérieure.
Énorme. Et pourtant, je ne dis rien. Je ne dis rien à personne. Je reprends ma voiture et je repars. Deux jours plus tard, je le croise au bureau et je lui demande « Est-ce que c'est toi qui as écrit ces mots sur ma voiture ? » Il dit oui, je t'avais prévenu. Et il redit sa phrase, tu me plais trop, je t'aurai, tu seras à moi. C'est vraiment des mots forts d'appartenance. Et là, j'ose le ton.
ma responsable des ressources humaines m'entend crier au bureau sur lui et elle descend et elle me dit qu'est-ce qui se passe, lui s'en va
¶ Mutation Professionnelle et Accalmie
Et là je lui dis j'en peux plus en fait, j'en peux plus, je fais 80 km, il me suit, je suis au parc avec mon fils, il est là, je rentre chez moi, il est là, j'en peux plus. Donc là je vais être reconvoquée chez le directeur pour mettre en place une mesure au moins professionnelle. Il va y avoir une mutation professionnelle pour que je n'ai plus affaire à lui au travail, au téléphone, et que je ne l'entende plus. Le lundi suivant, je comprends...
que ça prend des ampleurs que je ne peux vraiment pas gérer. Je vais aller voir ma responsable RH et lui expliquer ce qui se passe. Elle me conseille d'aller décrire une lettre au directeur général pour mettre noir sur blanc ce qui se passe. et qu'il y ait des décisions de prise. Avec cet épisode du mot écrit sur ma voiture à 80 km de chez moi, je comprends que là, il faut que je passe à l'action. Il aura fallu trois ans, trois ans pour que je réagisse.
Mais là, je vais demander de l'aide auprès de mon travail. Ce que je ressens, c'est la honte. J'ai honte d'aller faire du bruit par rapport à ça. Parce que c'est quand même ma vie personnelle. Et pourtant, je demande de l'aide à mon directeur général pour m'aider. Parce que la gendarmerie m'a dit qu'il ne pouvait rien faire pour moi. Et je ne peux plus le voir tous les jours, l'avoir au téléphone. Donc, je suis honteuse. Mais là, il faut qu'on m'aide parce que...
Mon équilibre émotionnel est très impacté. Le directeur prend ça extrêmement au sérieux. Il va aussitôt convoquer mon collègue de travail pour lui expliquer qu'il va être muté. niveau professionnel, à 60 kilomètres du siège social, qu'il n'aura plus le droit de venir au siège social sans rendez-vous, qu'il n'a plus le droit de m'appeler, plus le droit de venir me voir. Vraiment, il prend la mesure au...
au sérieux et je me sens aidée et soutenue, ça fait du bien. Avec cette mesure, je me dis que c'est bon, c'est fini, il va arrêter. Là, ça touche au travail quand même, il ne voulait pas que ça se sache au travail et j'ai une lueur d'espoir. Et en effet... Je vais être six mois sans nouvelles de lui. Je me dis, c'est fini. C'est l'oxygène. La bouffée d'oxygène, c'est fini. Il a compris. Il a fallu qu'on passe par le directeur pour qu'il comprenne. Je continue, mais...
promenade avec mon fils, tout ça, je ne le vois plus, donc je suis rassurée, mais il est toujours dans ma tête, en fait. J'oscille entre tout va bien et est-ce que ça cache quelque chose ? Ces trois ans de harcèlement, parce que j'appelle ça du harcèlement, m'ont conduit à prendre des mesures de sécurité. Quand je rentre le soir, j'ai toujours une bombe acrymo dans la manche de ma veste.
Je regarde toujours autour de moi avant de descendre de ma voiture. Je reste vigilante. Je suis dans un climat d'insécurité quand même. Mais je suis six mois sans nouvelles, donc je me dis, c'est fini. C'est bon, il a compris et c'est terminé.
¶ Le Harcèlement Reprend de Plus Belle
Six mois plus tard, décembre 2010, le jour de mon anniversaire, j'ouvre mon garage et là, il y a deux bouquets de fleurs qui me tombent dessus. Forcément, je recule parce que ça surprend. À 7h du matin, d'avoir deux choses qui me tombent dessus, ça surprend. Et là, je vois mon fils derrière moi et me regarde. Il me dit, c'est quoi ? Je me dis, il faut que je lui raconte une histoire. Je ne peux pas l'inquiéter. Je lui dis, ça doit être...
Un amoureux caché, mais ça fait peur des bouquets de fleurs qui tombent sur moi comme ça. J'essaye de le rassurer, mais moi, intérieurement, je ne suis pas bien. Là, je comprends que le cauchemar reprend. Et là, je suis triste. Je suis triste, j'ai peur parce que je me dis que ça reprend. Il y a eu six mois et qu'est-ce qui va se passer ? Il y a une carte avec les bouquets. Sur cette carte, il est noté...
Aujourd'hui, tu as 28 ans. Tu as vu, je pense toujours à toi. Comme je te l'ai dit, tu deviendras un jour ma femme. Et là, je comprends que c'est lui qui revient. Je suis anéanti. Je suis triste. triste de repartir avec ce stress que je ressens décuplé à l'intérieur de mon corps.
Quand je découvre ces bouquets et cette carte, je comprends qu'il est descendu jusqu'à mon garage, qu'il a essayé d'ouvrir ma porte parce que pour rentrer les bouquets, il a fallu qu'il pousse sur ma porte. Je me sens piétinée dans ma vie. Je ne trouve pas les mots parce que c'est...
Je suis anéantie. Je vais faire ma journée de travail, mais le soir, je vais prendre en photo ces bouquets de fleurs et cette carte postale pour compléter encore ce dossier vert que j'ai gardé, même pendant mon déménagement. Quand je comprends qu'il revient, je vais aller voir la directrice de l'école et je vais insister pour lui dire qu'il n'y a qu'une seule personne qui doit venir récupérer mon fils. Qu'une seule personne, c'est moi et personne d'autre.
Le mois suivant, on est en janvier 2011, c'est la bonne année. J'ai une carte dans ma boîte aux lettres avec un timbre non oblitéré et je reconnais l'écriture de mon collègue. qui me souhaitent une bonne année, plein de bonnes choses, d'être heureuse. Donc je reçois des bouquets de fleurs, des cartes postales, mais étrangement, je n'en parle pas. Je n'en parle pas parce que je sais que mes proches vont s'inquiéter. Mon travail a fait ce qu'il fallait pour...
M'épargner de cet homme-là tous les jours, au quotidien ? La gendarmerie me dit que tant qu'il ne me touche pas, je ne peux rien faire ? Alors je ne fais rien.
¶ Intrusion Domiciliaire et Manque de Preuves
Quelques jours plus tard, je fais du rangement dans mon garage. Il y a eu Noël, donc il y a eu des gros cadeaux. La porte du garage est ouverte, je suis à l'étage et mes plombs sautent. Je redescends dans mon garage, je remets le disjoncteur, je remonte dans l'escalier, et là, ça ressaute. Et j'ai une intuition. Je sens qu'il est là. Intérieurement, je ressens sa présence.
Je redescends, je vais remettre les plombs. Et là, je remonte dans l'escalier et je fais comme si je fermais la porte, sauf que je reste dans l'escalier. Et là, j'entends les pas. Et là, j'envoie un SMS à ma sœur pour lui dire « Appelle les gendarmes, il est chez moi ». Donc les gendarmes viennent à mon domicile suite à l'appel de ma sœur. Là, j'ai le cœur qui bat hyper fort. Il est rentré chez moi. Il y a eu une intrusion. Il est rentré dans mon garage.
Si les gendarmes arrivent, l'homme n'est plus là. Un voisin aurait vu un homme sauter le portillon. J'ai l'impression que les gendarmes ne prennent pas la mesure des choses. Je ne comprends pas, en fait. En fait, je ne me sens pas écoutée. Il n'y a pas de preuve. Il n'est pas là. Du coup, les gendarmes repartent et me disent « si vous voyez d'autres choses, vous nous rappelez ». Je sens que mon état psychologique est vraiment bas parce que…
Il me hante, en fait. J'ai l'impression de le voir dans mes escaliers, j'ai l'impression de le voir dans mon jardin. Enfin, il est partout, en fait. Je ne vis plus là. Là, vraiment, je ressens beaucoup d'inquiétude et je ne vis plus.
¶ Le Voisin Alerte, Plainte Déposée
J'ai un voisin qui vient frapper chez moi un soir vers 19h et il me dit « Votre vie personnelle ne me regarde pas, mais il y a un homme vêtu de noir qui regarde derrière votre haie tous les soirs. » Ma fille, lorsqu'elle rentre du travail, elle a peur. Il est 22h, 23h. Et il y a toujours cet homme. Il faut faire quelque chose parce que ce n'est pas sécurisant. Quand mon voisin me dit ça, je suis gênée.
Et je lui explique que c'est un homme qui me harcèle depuis plusieurs années, que les gendarmes sont au courant, que mon travail était également au courant. Tant qu'il ne me touche pas, on ne peut rien faire. Et là, mon voisin, il est conciliant. Il me dit « mais fallait me le dire ».
C'est vrai que la voisine, la dernière fois, elle m'a dit qu'il y avait un homme qui essayait d'ouvrir votre porte. Et dès l'instant que ça touche les autres, je réagis autrement. Quand ça touche moi, je reste passive.
Et là, quand j'entends que c'est un voisin, la fille de mon voisin, je viens d'arriver dans le quartier, je ne connais personne. Un voisin qui vient de me dire que là, il y a un homme qui me regarde à travers la haie, qui est vêtu de noir, qui a des gants, qui fait peur à sa fille.
Et bien là, il y a encore un degré supplémentaire. Je prends conscience que cette situation impacte les autres et je vais en parler à ma sœur. Et là, ma sœur va en parler à mon frère qui va m'ordonner de porter plainte. Là, je suis vraiment, le mot, c'est vraiment inquiète.
Je ferme les volets dès que je rentre chez moi. J'ai peur d'aller courir. S'il y a quelqu'un qui frappe à la maison, il faut tout le temps que j'ai quelqu'un au téléphone. Je ne veux plus décrocher sans qu'il n'y ait personne avec moi au téléphone. J'appelle des amis si je dois rentrer tard le soir.
Aux amis, en fait, je ne dis pas grand-chose. C'est souvent des amis, après la soirée, je leur dis que la soirée, c'était super sympa, qu'on a bien rigolé, que j'ai adoré ces moments passés ensemble et ça me permet de rentrer dans mon garage et monter chez moi.
Là, j'ai besoin d'être entourée parce que je me sens vraiment en insécurité. Quelques jours plus tard, je veux quand même continuer à vivre pour mon fils. Je ne veux pas m'enfermer avec lui dans la maison parce que pour lui, ce n'est pas bien. Du coup, on va au parc et... Et je le vois. Mon fils me dit « T'as vu, maman, il y a le monsieur de la dernière fois ? » Je prends sur moi pour ne pas inquiéter mon fils. Et quand je le vois au parc, j'ai les paroles de mon frère qui résonne, qui me dit
va porter plainte. Et là, je vais porter plainte. Quand je porte plainte, les gendarmes notent tout ce qui s'est passé depuis trois ans et ils me disent qu'ils vont le recuvoquer. Et moi, j'insiste. Je lui dis, non, mais là, ce n'est plus possible. Il faut que ça arrête. Parce que là, c'est moi. C'est moi qui vais avoir un drame, mais par moi, en fait, parce que je n'en peux plus. Donc, je sais qu'ils vont convoquer cet homme, mais derrière, je n'ai pas de suite. Là, j'ai vraiment peur.
de tout ce qui se passe. J'ai le papa de mon fils qui me propose un petit chiot, Labrador croisé Beauceron, qui a trois mois. Je connaissais la mère de ce chiot et je savais qu'elle était chienne de garde. Et je me suis dit, bah oui. Il faut que je prenne ce chien pour que, lorsque je vais me promener avec mon fils, ou même pour la maison qui est un gardien, au moins que ça le dissuade. Je vais adopter ce chien. Je vais demander à mon fils de lui trouver un prénom. Il va me dire « ghost ».
Donc, c'est un chien noir. Et lorsque je le sors le soir, j'entends un homme qui fait « Tu viens ! » qui essaye de l'apprivoiser. Et je comprends que c'est encore mon collègue. qui est là et qui essaye d'apprivoiser mon chien. Alors Ghost, il a quelques mois, donc dès que j'entends la voix de mon voisin, je rentre le chien pour surtout qu'il ne se familiarise pas avec cette voix-là. J'ai vraiment bon espoir que...
L'adoption de ce chien dissuade mon collègue de travail de venir à la maison et de nous approcher. Mais j'ai toujours la bombe acrymogène avec moi.
¶ Évaluation Psychiatrique Imposée
Forcément, mon sommeil est impacté avec tout ça. La gendarmerie est au courant, il va être convoqué, ça me tracasse, mais je garde confiance. Donc j'ai déposé plainte en février 2011. En novembre 2011, je reçois un courrier du tribunal de grande instance qui m'explique que cet homme va être convoqué auprès du tribunal de grande instance. Je suis surprise parce qu'il y a une convocation, pour moi, à l'hôpital psychiatrique.
Quand je vois ça, je ne comprends pas pourquoi moi, je suis convoquée à l'hôpital psychiatrique. C'est très surprenant. Du coup, j'appelle les gendarmes et je leur dis, je pense qu'il y a une erreur. Je viens de recevoir une convocation comme quoi j'étais...
convoquée pour aller voir un médecin suite à la plainte que j'ai déposée. Et là, ils me disent « Oui, oui, c'est normal. On doit entendre les deux parties. » Alors là, j'ai extrêmement mal. J'ai extrêmement mal parce que j'ai l'impression que c'est moi. C'est moi qui ai un problème. C'est moi qui ne veux pas bien. En fait, ce que je vis, c'est rien du tout. Ils veulent nous convoquer tous les deux pour voir qu'il y a un déséquilibre, lui ou moi.
Quand j'entends ça, je me dis mais c'est pas moi en fait, j'ai pas de problème moi, tout va bien. Tout va bien, j'ai rien demandé. Je suis vraiment surprise en fait. Et donc, à la réception de ce courrier, je comprends que je n'en sais pas plus. Je ne sais pas s'il a été convoqué, je ne sais pas ce qui a été dit. Il faut que j'aille à cette convocation.
Alors, ce qui est perturbant, c'est que suite à cette convocation, je dois poser une journée de congé parce que je ne choisis pas le jour, ni la date, ni l'heure. Donc, je dois aller voir ma responsable RH pour lui demander de poser une journée. Et la responsable RH, elle me dit « mais parce que ce n'est pas terminé ».
Et je lui dis non. Mais elle me dit, pourquoi tu nous as rien dit ? Et je lui dis, parce que maintenant, c'est du personnel. Donc, j'arrive sur ce parking avec ces... grand bâtiment, forcément je suis dans un hôpital et je suis dans la salle d'attente et il y a des personnes atteintes psychologiquement et je ne comprends pas ce que je fais là.
J'entends des cris, j'entends des gens qui hurlent et je me dis mais il y a une erreur, qu'est-ce que je fais là ? Je ne comprends pas. Le médecin me convoque, il me demande de retracer ma vie de mon enfance à aujourd'hui. Je lui parle d'une enfance heureuse, avec des parents aimants, entourés de nature, de chevaux, d'animaux. Vraiment une vie de bonheur. Et je lui raconte la...
La rencontre avec le papa de mon fils, la naissance de mon fils, la séparation. Mais aujourd'hui, on s'entend très, très bien avec le papa de mon fils, qu'on discute très bien ensemble. Et puis, on arrive à ce septembre 2008. Je change de mimique au niveau de mes mains. Le médecin comprend que le déséquilibre arrive à ce moment-là, parce qu'en septembre 2008, c'est la date à laquelle le harceleur a commencé. Donc il me dit...
Alors, assurez-vous, je vois bien que tout va bien, que vous avez une enfance heureuse, équilibrée et que les problèmes commencent depuis que cet homme est arrivé dans votre vie. Et moi, j'ai besoin d'être assurée et je lui dis « Docteur, je ne veux pas faire de bruit parce que... »
Le ressenti de honte est vraiment présent. J'ai honte, je ne comprends pas encore pourquoi je suis là, ce que je vis, ce que je ne comprends pas. Et je lui dis, vous savez docteur, je ne veux pas faire de bruit, je ne veux pas avoir d'histoire. Je veux juste que vous me disiez s'il y a un risque pour moi.
Et le médecin me dit, bon, je ne devrais pas vous le dire, je pense que cet homme est atteint d'érotomanie. C'est un trouble psychologique délirant de la personne, il est persuadé que vous êtes amoureuse de lui. Il m'a dit, il y a trois phases. Au début, il va penser que vous êtes amoureuse de lui. La deuxième phase, c'est la désillusion. Il va se rendre compte que non. Et la troisième phase de l'hérotomanie, c'est la haine. Et je lui dis la haine, mais ça veut dire quoi ?
Et je dis, promettez-moi qu'il ne me fera pas de mal. Et elle me dit, je ne peux pas vous le promettre. Donc, je pars avec ce mot hérotomanie, avec les explications du docteur. Et du coup, en rentrant chez moi, je vais sur Internet et je vais voir ce que ça veut dire hérotomanie. Hérotoman.
Et là, je comprends. Ça rappelle les trois phases que le docteur m'a expliquées. Et je vois aussi que la troisième phase, c'est la haine. Mais la haine, ça peut aller jusqu'à la mort. L'envie de détruire s'il se rend compte que je ne suis pas amoureuse de lui.
¶ Échec de la Justice et Déni
C'est ultra angoissant. J'ai peur pour ma vie. Donc je vais devoir attendre la convocation au tribunal de grande assence. Donc moi, je ne suis pas conviée, il n'y a que le harceleur. Et je vais attendre. Je n'ai pas de son, pas d'image, je n'ai rien. Et en août 2012, je reçois le résultat du tribunal de grande instance. On est six mois après le diagnostic. Et là, je me vois ouvrir ce courrier.
Et lire, rappel à la loi, classement sans suite. Je me rappelle avoir appelé mon frère pour quand même qu'il m'explique si lui salue ce que ça voulait dire. Et il me dit, bah... Il n'y a rien, en fait. On lui a juste rappelé la loi et c'est fini. Il a été convoqué, mais moi, je n'étais pas convoqué ce jour de la séance du tribunal de Grand Assens. Moi, je n'étais pas là, donc je ne sais pas ce qu'il s'est dit.
Personne ne pouvait me représenter. Personne ne pouvait me représenter. Il n'y avait pas la possibilité, en fait. Je comprends qu'il y a une erreur dans le dossier au niveau de la plainte. C'est marqué trois mois de harcèlement à place de trois ans.
Je suis anéantie, mais là, j'en peux plus, en fait. Je veux me sortir de cette histoire-là. Je ne veux plus en entendre parler. Je vais rassurer tous mes proches en disant que je ne le vois plus, qu'il ne se passe plus rien. En fait, je vais faire un déni. Un déni parce que ce que je lis me laisse sans voix, sans mots. Et du coup, je vais me taire.
¶ Nouvelles Menaces, Agression et Procès
Donc quelques temps après, en 2012, je vais faire le choix de déménager, cette fois-ci dans une maison avec une clôture, pour rentrer directement ma voiture dans le jardin, à une cinquantaine de kilomètres de mon travail.
en espérant qu'il ne me retrouve pas. Dans ma recherche, j'avais vraiment demandé à ce qu'il y ait une barrière, une clôture pour ne pas qu'il puisse rentrer dans mon jardin. Parce que là, mon chien a grandi, bien évidemment, a grossi aussi, et il est beaucoup plus chien de garde.
Je me sens protégée avec cette clôture. Mon fils a 7 ans, il a grandi également et j'espère que cette histoire sera derrière nous. Dans cette nouvelle maison, je dois faire des travaux. Je vais dans un magasin de bricolage et je le vois dans un rayon. Et là, j'ai peur. J'ai peur et je me balade toujours avec le résultat du tribunal. Parce que s'il se passe quoi que ce soit, qu'on comprenne ma réaction. Et je vais voir le vigile et je lui montre.
mon papier du tribunal de grande instance et je lui ai dit écoutez c'est un homme qui me harcèle, je ne suis pas du tout en sécurité, il est là et mon harceleur voit que je parle au vigile, il prend sa voiture et il s'en va. J'ai déménagé, j'ai bougé à 50 kilomètres de là où j'habitais, j'ai changé d'école pour mon fils, de nourrice, et il est encore là. Mais la justice ne peut pas m'aider, elle ne peut rien faire. Donc je me tais.
Et pendant les neuf années qui vont suivre, il va continuer à venir, à me mettre des cartes, à me poser des fleurs. Chaque anniversaire, chaque Saint-Valentin, il reprend ses habitudes. Je ne me sens pas soutenue par la justice, alors je ne vais rien faire. Je vais supporter sa présence. Je vais devoir vivre avec.
Mon fils grandit, s'aperçoit beaucoup plus des choses, forcément. Et il me dit, t'as vu maman, ton amoureux, on a déménagé et il est encore là, il t'a retrouvé. Et je rentre dans ce mensonge de... Mais c'est fou, mais oui, mais pourquoi il ne me dit pas qui il est ? C'est très dur de faire ça auprès de son fils, mais je suis sa maman, je me dois de le protéger. Je lui présente ça comme un jeu, en fait, parce qu'on va essayer de trouver une issue, je ne sais pas laquelle.
Mais pour ne pas l'inquiéter, mon chien a grandi. Je l'entends le soir aboyer fortement au niveau de la clôture. Je ne sors pas, je reste enfermée dans ma maison. Quatre ans après... Le classement s'ensuite. On est en 2015. Je vois quelque chose dans ma boîte aux lettres. Je le prends. Je l'ouvre à la maison. Et je découvre une plaque mortuaire. C'est noté « Tu resteras jamais » gravé dans ma mémoire.
avec une lettre qui m'écrit « Je t'apporterai tous les jours des fleurs ». Donc là, forcément, je pense à la troisième étape que le médecin m'avait expliquée, la haine. Et j'ai ce sentiment que je peux rentrer un soir et me prendre un coup de poignard.
Je vis un peu par automatisme. Je rentre le soir, je ferme mes volets, je me promène avec mon chien tout le temps. Même si je vais au restaurant ou chez des amis, mon chien est constamment dans la voiture avec moi. J'ai vraiment besoin d'avoir une protection. La justice ne peut rien faire. Ouais, je suis en colère. On est en 2019, 4 ans après l'histoire de la plaque mortuaire. Je reçois une lettre de menace de 10 pages qui me dit « Je pense toujours à toi ».
Je ne t'oublie pas. Il m'énumère tout, plein de choses. À un moment donné, c'est des phrases, c'est un amoureux transi. Après, c'est de la haine. Après, c'est de la colère. Je sens vraiment dans cette lettre qu'il passe par toutes les émotions.
C'est vraiment confus, bizarre. Il passe par l'amour, après par l'espoir qu'on finisse ensemble, qu'il me redit « tu deviendras ma femme ». Je trouve que c'est des mots très forts qui m'apporteront des fleurs tous les jours. Je sens vraiment un état psychologique. Très déséquilibrée. Et j'ai cette intuition qu'il faut que j'en parle à ma sœur. Je lui dis, il y a un dossier en bas à gauche. S'il se passe quoi que ce soit, tu prends ce dossier et tu l'amènes à la gendarmerie.
Elle me dit, tu ne peux pas me dire que ça, explique-moi. Je lui dis, fais-moi confiance. Tout va bien, mais j'ai besoin que tu saches qu'il y a ce dossier à la maison, mais fais-moi confiance, s'il te plaît. Deux ans après, on est en 2021, je suis d'astreinte téléphonique pour mon travail, j'ai un ami à la maison, à l'apéro, avec mon fils. Je m'aperçois que j'ai oublié mon téléphone portable dans ma voiture.
Je leur dis, je vais aller chercher mon téléphone dans ma voiture, je l'ai oublié. Mon fils, qui a maintenant 15 ans, me dit, je vais me coucher. Moi, je vais récupérer le téléphone dans ma voiture. Et au moment où j'ouvre ma voiture avec... La clé à distance, les feux s'allument et là je tombe sur un homme cagoulé face à moi. Il est accroupi entre ma clôture et ma voiture. Je fais demi-tour, je préviens l'ami qui est à la maison et je lui dis « il y a un homme cagoulé ».
près de ma voiture. Cet ami est brièvement au courant des choses, mais je le connais depuis pas très longtemps, donc il ne sait pas vraiment l'histoire. Je pense à mon harceleur, mais je me dis que ce n'est pas... possible parce que là il est cagoulé alors qu'il a toujours été à visage découvert. Mon ami a le courage de sortir. J'ouvre le portail et là mon chien court en direction de chez mon voisin, en grognant le poil sur le dos. Mon ami traverse la rue.
Et il me dit de rappeler mon chien. J'entends qu'il dit « je t'ai vu, tu viens, on discute ou sinon j'appelle la gendarmerie ». On ne sait pas à qui on parle, on a un homme qui a goulé, qui était près de ma voiture. Mon chien se remet à grogner. Mon ami se tourne vers moi, parce qu'ici fait nuit noire, je suis en campagne, il n'y a pas de lampadaire, il n'y a rien. Et là, l'homme lui saute dessus, et le roue deux coups. L'homme se dirige vers moi.
Je me retrouve face à lui. Mon ami arrive à se relever. Il attrape un bâton par terre et lui met un coup sur les épaules. Il se met entre nous deux. Et là, j'entends la personne cagoulée qui dit « Je te l'ai dit, tu vas le payer, je t'avais prévenu. » Et là, je reconnais la voix du harceleur. Il faut appeler la gendarmerie. Forcément, l'harceleur part en courant. Quand je vois le harceleur partir en courant, je retourne vite à la maison.
pour protéger mon fils qui lui dormait. Donc heureusement, il n'a rien entendu. Mon ami appelle les gendarmes pour le dire de venir, qui a eu une agression chez moi. Et les gendarmes lui disent qu'ils ne peuvent pas venir. Je suis très en colère. Parce qu'encore une fois, la justice n'est pas là pour moi. Je ne sais pas pour quelles raisons, mais les gendarmes ne pouvaient nous recevoir que le mardi. Je déplace plainte le mardi, mais intérieurement, je n'y crois pas.
Je n'y crois plus. Je le fais parce que mon ami me dit de le faire, mais je n'y crois plus. On est en septembre 2021. Mon fils part à l'internat comme prévu. Je suis rassurée pour lui parce qu'au moins, il ne crois pas cet homme. Et moi, dès que je rentre du travail, je m'enferme dans ma maison, même si à 17h, 18h, je ferme les volets et j'emmène même mon chien au travail. Un mois plus tard, je reçois un courrier.
pour me dire que je vais être convoquée au tribunal correctionnel au mois de mars 2022. Je ne comprends pas, je n'ai pas une nouvelle de personne, mais je comprends que là, on a pris vraiment ma plainte au sérieux. On me conseille même de prendre un avocat. Assez rapidement, dans le cadre de l'enquête, les gendarmes m'ont contactée pour que je leur apporte des preuves. Et je leur apportais ce dossier vert. Ce dossier que j'avais gardé depuis tant d'années.
où je mettais toutes les preuves, toutes les photos. Aujourd'hui, il allait servir à quelque chose. Donc je me rends à la gendarmerie, et ils me disent qu'ils ont perquisitionné le domicile de l'agresseur. Je dis, ah bon, perquisitionné ? Lorsqu'ils sont arrivés dans sa chambre, j'étais encadrée dans sa chambre. Il y avait la signification de mon prénom sur le bureau. Et ils ont retrouvé toutes les lettres de menaces qu'ils m'avaient envoyées.
Quand les gendarmes me disent qu'ils ont fait une perquisition, qu'ils ont vu des photos de moi encadrées dans sa chambre, je comprends qu'il me prenait en photo quand il me suivait, quand j'allais à des manifestations, que ce soit équestre, canine. Il était là et il me prenait en photo. C'est hallucinant. C'est un degré de folie que je ne pouvais même pas imaginer. Donc là, maintenant, j'attends avec impatience la date du procès. On est en mars 2022, c'est le jour du procès.
Je suis extrêmement inquiète. J'ai une grande surprise, c'est que mon frère et ma meilleure amie sont là pour me soutenir. L'audience commence. C'est lui qui est appelé en premier à la barre. Il se tient mal. Le président de la cour lui demande de se redresser à plusieurs reprises. Il s'en moque. Il est insolent. Il est extrêmement désagréable avec le président de la cour.
Il n'arrête pas de me regarder. Son avocate lui répète à plusieurs reprises de ne pas me regarder. Et le président de la cour lui demande « Est-ce que vous savez pourquoi vous êtes là ? » Et là, il répond que non. Il ne sait pas. Il ne comprend pas.
Il répète la phrase qu'il avait dit au gendarme. Il dit « c'est pas de ma faute si elle supporte pas d'être draguée ». Pour lui, c'est juste de la draguerie. Il demande même au président de la cour, il lui dit « mais moi j'ai besoin de comprendre pourquoi elle veut pas de moi, laissez-moi aller boire un verre avec elle là ».
Regardez, on est tous là. Vous me laissez juste aller boire un verre avec elle. Et on revient. Non mais moi je suis... Déjà je tremble. Je ne contrôle pas du tout mon corps. Tous mes membres tremblent. Je pleure mais... Parce que, encore une fois, je ne comprends pas ce que je fais devant un tribunal. L'audience dure une heure et demie et le président de la cour va donner le verdict. Donc, 18 mois d'emprisonnement.
dont 10 mois avec sursis, 2 ans d'interdiction de venir à mon domicile, à mon travail et dans une commune où je vais très régulièrement, et l'obligation de soins psychiatriques pendant 2 ans. Déjà, je suis entendue. On a enfin écouté et compris ce que je vivais depuis 14 ans. Et en fait, l'aide psychologique et médicale qui va suivre me donne bon espoir pour qu'il arrête, ou au moins qu'il soit stabilisé.
¶ Conséquences et Long Terme
Et je me sens soulagée. Après l'audience, mon fils rentre de l'internat un week-end. Et le vendredi soir, je décide de lui expliquer ce qui s'est passé. Alors on est à table et je lui annonce que j'ai un énorme secret à lui annoncer. à lui avouer. Il ne comprend pas, il me dit « Qu'est-ce qui se passe, maman ? » Et je lui dis « Tu te souviens de cet amoureux caché ? Toutes ces fleurs, toutes ces cartes ? » « Ben oui. » Et là, je lui annonce que...
Malheureusement, c'est un homme qui me harcelait et qu'on est passé au tribunal il y a quelques jours et qu'il est condamné. Quand je lui apprends ça, mon fils, il est en colère. Il ne comprend pas. Il s'en veut. Il s'en veut de ne rien avoir vu.
Il me dit, mais pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ? Je lui ai expliqué que je devais le protéger, c'était mon rôle de maman. Et si je t'avais annoncé pour l'agression au mois de septembre, qu'est-ce qui se serait passé ? Et il me dit, je ne serais pas partie à l'internat, maman. Et j'ai dit, justement, tu te rends compte, en plus d'avoir déjà un impact sur ma vie, il aurait eu également un impact sur ta vie ? Et ça, c'est pas possible.
Aujourd'hui, depuis l'agression, je vois vraiment un changement chez moi. Je me sens beaucoup plus inquiète. J'ai peur de rentrer le soir. Au quotidien, je ferme mes volets beaucoup plus tôt que d'habitude. J'attends pas qu'il fasse nuit. J'ai besoin d'avoir mon chien avec moi, tout près de moi. Je n'ai plus vraiment envie de sortir tard le soir. Sinon, il faut qu'on m'accompagne, que je dorme sur place. Je suis quelqu'un...
de confiante habituellement, de pleine de vie, de joie. Et je vois bien qu'il y a un changement depuis. Je suis traumatisée par l'agression. Je sens vraiment qu'il y a un impact psychologique, mais je fais le choix de ne pas aller voir de thérapeute. Parce que j'ai conscience de la situation et je me dis que le temps va m'aider. Un an environ après le procès, j'observe un changement dans mon corps. Je me sens extrêmement fatiguée. Je perds des cheveux, j'ai une peau hyper sèche.
Et je décide d'aller voir le médecin en lui disant que j'ai une fatigue chronique inhabituelle. Il fait une prise de sang et cette prise de sang révèle une anomalie. Et les résultats vont montrer... J'ai un cancer de la thyroïde. J'entends cancer de la thyroïde. La thyroïde, c'est au niveau de la gorge. Aujourd'hui, c'est important pour moi de l'exprimer, de libérer la parole, pour justement ressortir tout ce que j'ai pu en... emmagasiner depuis ces nombreuses années et me libérer de ce poids.
Vous venez d'écouter Transfer, épisode 348, un témoignage recueilli par Noor Abdul Saib. Cet épisode a été produit par Slate Podcast. Direction éditoriale, Christophe Caron. Direction de la production, Sarah Koskiewicz. Direction artistique et habillage musical, Benjamin Septemours. Production éditoriale, Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Chargée de pré-production, Astrid Verdun. Prise de son, Victor Benhamou. Montage, Johanna Lalonde. Musique, Thomas Loupias.
L'introduction a été écrite par Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Elle est lue par Aurélie Rodriguez. Retrouvez Transfer tous les jeudis sur Slate.fr et sur votre application d'écoute préférée. Découvrez aussi Transfer Club, l'offre premium de transferts. Deux fois par mois, Transfer Club donne accès à du contenu exclusif, des histoires inédites et les coulisses de vos épisodes préférés. Pour vous abonner,
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