La renaissance d'un corps - podcast episode cover

La renaissance d'un corps

Jun 05, 202527 minSeason 9Ep. 408
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Summary

Julie a grandi complexée par sa poitrine, souhaitant une réduction mammaire dès l'adolescence malgré la désapprobation parentale et vivant des expériences difficiles liées à son corps. Des années plus tard, une pancréatite auto-immune la force à reconsidérer sa santé et son rapport à son corps, la poussant finalement à franchir le pas de l'opération pour trouver l'acceptation et le bien-être physique et mental, tirant du positif de sa maladie.

Episode description

Les photos retouchées sur Instagram. Les injonctions plus ou moins cachées dans les magazines. Le summer body, le thigh gap, la silhouette brindille… Les complexes naissent du regard des autres. Leur vision modifie la nôtre, la déforme, fabrique des peurs, des craintes, de la haine. On finit par se détester. Par vouloir tout changer. Par se reprocher à soi-même d’être soi-même.

Julie a grandi avec un complexe dont personne ne voulait entendre la gravité. Jusqu’à ce que, des années plus tard, une douleur inattendue s’invite en elle. Et qu’elle se retrouve forcée à faire la paix avec son corps.

L'histoire de Julie a été recueillie au micro de Camille Hurcy.

Transfert est produit est Slate Podcasts
Direction et production éditoriale: Sarah Koskievic et Benjamin Saeptem Hours
Chargée de production: Astrid Verdun
Chargée de post-production et prise de son: Mona Delahais
L’introduction est écrite par Sarah Koskievic et Benjamin Saeptem Hours. Elle est lue par Aurélie Rodrigues.

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Transcript

Les complexes et les débuts

Les photos retouchées sur Instagram, les injonctions plus ou moins cachées dans les magazines, le summer body, le thigh gap, la silhouette brindille, les complexes naissent du regard des autres. Leur vision modifie la nôtre, la déforme, fabrique des peurs, des craintes, de la haine. On finit par se détester, par vouloir tout changer, par se reprocher à soi-même d'être soi-même.

Julie a grandi avec un complexe dont personne ne voulait entendre la gravité. Des années plus tard, une douleur inattendue s'invite en elle. Elle se retrouve alors forcée à faire la paix avec son corps. Vous écoutez Transfer. Ce témoignage a été recueilli par Camille Urcy. Je suis quelqu'un de plutôt fine, plutôt petite. Je mange toujours ce que je veux, j'ai jamais eu de soucis, de problèmes d'alimentation, etc. Et rapidement, j'ai compris que mon corps était un petit peu différent des autres.

Notamment quand je vais à la danse, je remarque dans les vestiaires que mon corps évolue du moins un peu plus rapidement que les autres. J'ai mes premiers seins qui arrivent vers 10-11 ans, donc c'est plutôt très jeune. Au début, j'en ai qu'un seul qui pousse en plus, donc c'est très bizarre. Et donc tout de suite, je sens que je suis un peu différente des autres. Quand j'arrive un peu plus vers le collège, où on est à la découverte de son corps et que je comprends.

que les garçons regardent un petit peu les filles plus que quand on est en primaire. Je sens que je suis toujours pas sur le même moment d'évolution de mon corps que les autres filles. Je suis en cinquième et je ne suis pas la fille la plus populaire de l'école, mais il y a des garçons qui sont un petit peu plus populaires que moi qui viennent me faire la bise notamment. Et je comprends vite que c'est pour pouvoir regarder mes seins quand j'ai des t-shirts, des choses comme ça.

Ça me blesse énormément. En quatrième, je sens que ça ne va plus, mon corps. Il y a quelque chose qui est trop gros et j'ai un très petit tour de taille. Je fais du 80e et j'ai cette poitrine qui est... très opulent, qui me dérange parce que c'est lourd, parce qu'on ne peut pas s'habiller comme on veut, parce que trouver des soutiens-gorges jolis quand on est jeune, c'est très difficile pour les fortes poitrines avec un tout petit tour de dos. Donc je fais des recherches sur Internet.

Et je vois qu'il y a une opération qui existe, qui s'appelle la réduction mammaire. Et à partir de ce moment-là, je sais qu'un jour, je ferai cette opération. Vers 15 ans, j'en parle à mes parents, je leur explique que je vais me faire opérer, que je vais me faire réduire la poitrine.

L'impact du regard des autres

très proche d'eux. J'ai un fort besoin de leur reconnaissance, de leur avis, surtout. Pour moi, c'est très important d'avoir leur approbation sur cette opération. Eux ne sont pas trop d'accord. Mon papa pense qu'il faudrait que j'attende d'avoir des enfants, que c'est une opération qui doit se faire un peu plus tard, pas en étant jeune. Et ma maman me dit qu'il faut plutôt que je m'accepte comme je suis, que je suis très jolie comme je suis.

que ce n'est pas forcément une opération nécessaire. Et voilà. Quand j'arrive en terminale, je rencontre une fille qui devient ma meilleure amie. Et quand on parle, forcément, on parle de nos corps. Et on parle de notre poitrine et elle me dit qu'elle va se faire opérer. Je lui pose plein de questions. Pour elle, c'est déjà acté. Quand je la rencontre, elle a déjà la date. Donc je vais la voir à l'hôpital après son opération.

Pour elle, c'est incroyable. C'est le changement d'une vie. Et donc, on en parle souvent. On en parle souvent après son opération. Et elle me demande chaque année où j'en suis dans mon cheminement parce qu'elle sait que c'est quelque chose que je vais faire, mais elle sait que j'ai aussi besoin de l'approbation de mes parents et que j'ai ce besoin un petit peu de reconnaissance, de délicatesse.

Avec les garçons, c'est très difficile dans l'intimité parce que je déteste mon corps. J'ai vraiment un profond dégoût déjà pour mon propre corps. Donc c'est très difficile d'être avec quelqu'un, de fréquenter quelqu'un quand déjà on...

On ne se supporte pas soi-même. Je n'ai pas d'intimité avec les garçons parce que je ne souhaite pas qu'ils voient cette partie de mon corps. Et ce qui est assez rigolo, c'est que quand je sors avec un garçon, ils découvrent plus tard dans la relation que j'ai de la poitrine.

Parce que je le cache tellement bien qu'aucun garçon ne sait, s'il ne m'a jamais vu en maillot de bain, que j'ai de la poitrine. C'est un moment qui est très difficile parce que je ne veux pas qu'on me voie. J'ai aussi peur au fond de moi que si un garçon voit ma poitrine, il parte, qu'il ne veuille plus de moi.

Donc je préfère pas le montrer. Quand je suis en études supérieures, on a un week-end d'intégration et il faut se mettre en maillot de bain. Ça a été mis dans la petite note, il y aura des activités en maillot de bain et donc moi... Déjà, je suis en panique, je me dis que je n'ai pas envie qu'on puisse voir cette partie de moi que je cache tout le temps, avec des tichures très larges, des pulls très larges.

Je trouve un maillot de bain qui est très couvrant et arrive ce moment où il faut faire du ventre et glisse. C'est cette bâche avec du savon et de l'eau. Je fais ce ventre et glisse.

Personne ne me fait de réflexion, ça se passe plutôt très bien, je remets mon t-shirt juste après. Et puis quelques mois après, un autre élève qui était dans les années supérieures et qui organisait ce week-end d'intégration me... me dit, oh regarde, c'est rigolo, on avait fait une vidéo avec mes compagnons, donc ils me montrent la vidéo. Et c'est une vidéo où ils ont fait un photomontage de moi et ma poitrine sur le ventre église avec une musique supposément drôle.

Et quand il me montre ça, il trouve ça très drôle, il rigole. Et moi, ça me fait tellement mal, déjà, de savoir qu'on a pu voir cette partie de moi que je m'efforce à cacher depuis des années. Et puis qu'on s'en moque en plus. J'en parle à personne, je dis rien. Je fais comme si de rien n'était, mais au fond de moi, je suis un peu brisée une fois de plus par rapport à ce jugement sur mon corps.

L'anonymat et une douleur soudaine

J'arrive à Paris après mes études parce que j'ai toujours voulu vivre à Paris. C'est un lieu qui me plaît, où je me sens bien, et aussi un lieu où l'anonymat règne. Et c'est ça qui me plaît, de se dire que si je suis dans la rue, je ne vais pas rencontrer quelqu'un avec qui j'étais au collège, avec qui j'étais au lycée. À Paris, personne n'a vu ma poitrine à la plage, par exemple, ou en week-end d'intégration. Et c'est vraiment un moment où je me sens très bien dans ma vie.

En 2020, j'achète mon appartement. Je change d'arrondissement un dimanche. Je vais acheter avec un ami un dressing pour mon appartement. Il part vers... 20h et donc le lendemain je travaille, je vais me coucher. Je me mets dans mon lit et à ce moment-là je ressens une vive douleur au milieu du torse, plutôt au niveau du sternum. Je me mets en chien de fusil dans mon lit pour essayer de calmer un petit peu la douleur.

Je ne comprends pas vraiment. C'est une douleur qui est vraiment très violente. Je n'ai jamais eu aussi mal de toute ma vie. Pourtant, je ne suis pas quelqu'un qui a facilement mal, qui se plaint. C'est très étrange. Je ne dors pas de la nuit. Le lendemain matin, je vais travailler avec cette vive douleur. C'est comme si on mettait des coups de poignard. C'est une douleur qui n'a pas d'arrêt. C'est vraiment continuellement, j'ai mal, encore plus quand je respire.

Et c'est une douleur qui est transfixante, donc qui me fait mal jusque dans le dos. Mon père a dit, écoute, si demain ça ne va pas mieux, il faut que tu appelles le médecin. Une deuxième nuit de douleur se passe, c'est vraiment terrible. Le lendemain matin, vers 6h30, j'appelle SOS Médecin. Il me propose un rendez-vous dans la matinée et donc j'y vais. Et puis le médecin ne comprend pas, il me dit que c'est très bizarre d'avoir mal à cet endroit en continu.

écouter, aller faire une échographie de l'abdomen et puis il me dit prenez du space-fond et de la lamaline et j'arrive à trouver une échographie dans la même matinée, heureusement. On regarde l'intérieur, donc tout mon abdomen, et puis on ne voit rien. Le docteur me dit, écoutez, je ne vois rien, je ne comprends pas, tout est normal, votre foie est normale, votre pancréas est normal.

Tout est normal, je ne vois rien. Et donc, moi, à ce moment-là, j'ai l'impression qu'on ne comprend pas ma douleur, que j'ai extrêmement mal. J'en pleure de douleur et c'est très difficile.

Le diagnostic de pancréatite auto-immune

Mon frère est jeune médecin, donc il vient d'être diplômé, il est en stage. Je pose beaucoup de questions à mon frère d'ordre médical au global, dès que j'ai une coupure, dès que j'ai mal à la tête. Je lui explique que j'ai très mal. Il me dit de retourner voir un médecin, que ce n'est pas normal d'avoir de si fortes douleurs au niveau de l'abdomen. Je retourne voir mon médecin généraliste qui me prescrit une prise de sang.

Je vais faire une prise de sang très complète le soir même. Ce soir-là, c'est le soir de la fermeture, pendant la pandémie, fermeture des restaurants. Deuxième confinement, et donc j'ai une amie qui me propose d'aller manger une raclette dans un restaurant de raclette sur Paris.

Elle me voit arriver, cette amie. Elle sait que je suis souffrante. Mais je me dis, voilà, c'est le dernier restaurant avant je ne sais combien de temps. Donc ma douleur, ce soir, je la mets de côté et je vais quand même au restaurant. Je mange une raclette, je bois un petit peu de vin. Mon amie me voit avec tous mes médicaments pour les douleurs et voit que je ne suis vraiment pas bien. En sortant du restaurant, je vois qu'un numéro m'a appelée et m'a laissé un message vocal.

C'est le laboratoire d'analyse médicale qui m'explique que mon taux de 1 à 1 est beaucoup trop élevé. Le message vocal n'est pas audible. sur le seul mot qui était important dans sa phrase. Quand j'entends ce message, il est 23h, c'est là où j'échange après un peu plus avec mon frère. Par message, il me dit que c'est certainement le taux de lipase qui est l'enzyme qui régule le pancréas.

Pour moi, tout ça, c'est très flou. Je n'ai pas du tout de notion médicale approfondie. Je me dis, je verrai demain comment ça se passe et j'irai voir le médecin. Mes parents viennent me voir ce week-end-là. Ils sont au courant de ce qui m'arrive, des douleurs que j'ai. Eux se sentent assez impuissants face à ça. Et donc je leur dis que je vais devoir aller chez le médecin un peu en urgence aujourd'hui.

Je rappelle SOS Médecins, j'y vais, je lui montre au docteur cette analyse de sang avec un taux de lipase qui avoisine les 600. Et là, il me dit, mais il faut aller aux urgences tout de suite. Moi, je ne peux rien faire. Il faut aller aux urgences. Je rentre chez moi. Je prends un bouquin parce que je sais que les urgences, ça prend toujours un peu de temps.

Je vais d'abord à un petit hôpital qui est au bout de ma rue en leur expliquant que j'aurais vraisemblablement un problème au pancréas et qu'il faut que je fasse un scanner en urgence. Ce petit hôpital, ils me disent qu'eux ne peuvent rien faire et qu'il faut aller à la Pitié-Salpêtrière, un plus gros hôpital, avec un scanner rapidement disponible. Je pars donc à la Pitié-Salpêtrière.

Et je suis prise en charge assez rapidement au final par un des professeurs d'urgence. Il m'explique que c'est certainement une pancréatite. Une pancréatite, ça peut être grave. Ça va dépendre du taux de nécrose. Il m'explique que je vais devoir passer un scanner d'urgence parce qu'à mon âge, à 25 ans, sans prise d'alcool déraisonnée, ce n'est pas normal d'avoir ça.

Je passe ce scanner en urgence. On m'explique qu'heureusement, il n'y a pas de nécrose et que ça reste une pancréatite bénine. Douloureuse, certes, mais bénine. Je suis soulagée. Je suis le lendemain en médecine interne avec un docteur pour qu'on puisse creuser un petit peu sur mon passé, mes antécédents familiaux, etc. pour savoir pourquoi j'ai si jeune une pancréasite.

Le médecin m'explique aux urgences que je dois réduire le maximum mon alimentation. Heureusement, mes parents sont là pour m'aider parce que ne plus manger, c'est extrêmement fatigant. Je mange des bouillons cubes que je dilue dans un litre et demi d'eau, même si j'ai très mal au pancréas, j'ai très faim.

Parfois, je mange un petit peu de compote diluée avec de l'eau pour avoir cette petite touche sucrée. J'y vais un petit peu à tâtons. Je vois si en mangeant un yaourt, après quelques jours, j'ai encore mal pendant quasiment dix jours. Quand ce temps des douleurs est passé, je remange une soupe avec une compote et un yaourt. Après, je vais manger une pomme en plus. Après, je vais manger un petit peu de pâte. Ça se fait vraiment de manière très douce.

J'ai mon rendez-vous en médecine interne à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière où on fait un tour de raison de tous mes antécédents. Elle ne comprend pas, il n'y a pas d'antécédents familiaux, je n'ai pas eu de consommation excessive d'alcool.

Au deuxième rendez-vous, elle m'explique qu'elle ne peut rien faire, qu'elle ne sait pas, mais qu'elle souhaite quand même qu'on puisse approfondir des examens. Et donc elle me suggère d'aller à l'hôpital Beaujon, qui est spécialisé dans les maladies du pancréas. Le 25 janvier 2021, j'ai mon premier rendez-vous à l'hôpital Beaujean, au service de pancréatologie. Je refais un petit peu l'antécédent. À ce moment-là, j'ai plus mal au pancréas, donc tout va mieux.

Il y a plusieurs mois qui se passent entre chaque rendez-vous. Je dois avoir un rendez-vous par mois, donc pour un séquençage ADN, pour plusieurs IRM, on me l'explique. que j'ai un pancréas en forme de saucisse et qu'il est enflé depuis le mois d'octobre de l'année passée. Et également, on m'annonce qu'on a trouvé deux kystes sur mon foie de 2 et 3 cm.

C'est déjà un moment pas évident d'être à l'hôpital pour une pancréatite. Et donc on m'annonce qu'en plus de ça, j'ai des kystes qui sont potentiellement opérables au foie. Et donc le jour de mon anniversaire, et donc au bout de neuf mois de rendez-vous, de recherche, on m'annonce que ce serait vraisemblablement d'origine auto-immune, donc pancréatite auto-immune de type 2.

La type 2, c'est la plus silencieuse, c'est la plus gentille des pancréatites auto-immunes. Le mot auto-immune fait peur. Moi, j'ai très peur quand on me dit ça. Parce qu'une maladie auto-immune, c'est un dysfonctionnement globalement de son propre corps. Le corps dysfonctionne et il attaque lui-même certaines parties du corps. Ça, on ne peut rien y faire. C'est comme ça.

Quand je vais à l'hôpital, quasiment tous les mois, je me sens très seule. J'en parle à mes amis de cette maladie, mais encore une fois, je me sens seule parce que j'ai l'impression que personne ne comprend vraiment. ce que ça fait d'aller toutes ces fois à l'hôpital, ce que ça fait qu'on m'annonce que j'ai une maladie à 26 ans auto-immune, qui plus est le jour de mon anniversaire toute seule.

Chaque rendez-vous, je me dis, est-ce que j'ai posé cette question ? Est-ce que j'ai posé les bonnes questions ? Et c'est là où mes parents, qui ne sont pas là par la présence, parce qu'ils n'habitent pas à Paris, sont là par la pensée et par plein d'affections, par messages, par appels. Ils me demandent toujours comment ça va. Après l'annonce de ma pancréasite,

Le docteur m'explique qu'il n'y a pas grand-chose à faire, juste une surveillance. Donc j'ai une ordonnance toujours avec moi, si j'ai une pancréatite qui se redéclenche, pour aller faire des analyses en urgence. Le docteur me donne des conseils si ça ne va pas d'arrêter de m'alimenter, si vraiment ça ne va pas d'aller aux urgences. Mon rendez-vous suivant est en février 2022. Le docteur m'explique qu'on est sur la bonne voie.

que mon pancréas va mieux et qu'on se reverra en 2023 dans un an. Au fond de moi, à ce moment-là, je suis surexcitée, je me dis que ça va mieux, que je suis sur la bonne voie, que c'est loin derrière moi. tous ces rendez-vous à l'hôpital, que je vais pouvoir enfin profiter, et s'il faut aller à l'hôpital qu'une fois par an, ça me va. Je sais que pour aller mieux,

Relancer le projet d'opération

Et pour être parfaitement en adéquation avec mon corps, il faut que je change. Cette chose qui me dérange, c'est ma poitrine. Je cherche sur internet, et là je me ravise pas. Je me dis... Au pire, ça n'engage à rien, c'est qu'un rendez-vous avec un chirurgien. Je trouve un chirurgien qui exerce à l'hôpital et dans son cabinet, parce que pour moi, c'est un peu un gage de qualité d'avoir un chirurgien qui exerce à l'hôpital.

J'appelle pour prendre rendez-vous. On me donne un rendez-vous avec ce chirurgien. J'arrive à l'hôpital. Je rencontre ce chirurgien en arrivant dans le cabinet. Il y a avec lui cinq internes qui me demandent pourquoi vous venez me voir. Donc je lui explique et il me dit enlevez votre haut, enlevez votre soutien-gorge, montrez-moi votre poitrine.

Et là, je me décompose parce que c'est la première personne à qui j'ai montré mes seins, mon chirurgien. À lui, il y a cinq internes à côté. Quand j'enlève mon t-shirt et mon soutien-gorge... Je suis prise de plaques, de rougeurs partout, sur le cou, sur la poitrine. Il voit ça et il me dit « Je comprends votre mal-être. Votre mal-être est tellement puissant que de montrer votre poitrine, ça vous fait des plaques. »

Je ressors de ce rendez-vous en pleurs, parce qu'on a vu mes seins déjà, et parce que je n'avais pas prévu ça comme ça. J'appelle une amie et elle m'explique que... Elle me soutient, elle me dit que c'est pas grave, que c'est pas parce que cinq internes ont vu mes seins que ça va changer quelque chose. Et donc j'appelle son cabinet privé pour reprendre un second rendez-vous.

Ça va très vite. C'est un chirurgien qui comprend vraiment la douleur des femmes. On discute pendant bien une heure, une heure et demie de ce que je souhaite. Il m'explique qu'il y aura des grandes cicatrices. Je lui dis que pour moi... Les cicatrices, c'est rien. Je préfère même avoir des cicatrices toute ma vie que garder ce corps que je déteste tant. Et donc, il me dit qu'il est d'accord qu'il n'y a aucun problème pour m'opérer et qu'on planifie cette opération.

Préparation et annonce aux parents

ou 18 mai 2022. Je vais voir mes parents pour le week-end de Pâques. Je suis très stressée parce que je sais que je vais leur annoncer que je vais me faire opérer. Ce soir-là, on va boire un verre et je trouve qu'il y a trop de monde dans ce café-bar et donc je me dis, j'attends d'être à la maison, comme ça on pourra en discuter plus calmement.

Et donc, arrivée à la maison, je leur dis, voilà, j'ai toujours été mal à l'aise avec ma poitrine. Je me fais opérer le 18 mai, d'une réduction de ma mère. Et là, leur réaction... Génial. Mon père qui me dit, un peu égal à lui-même, d'accord, très bien, tu fais ce que tu veux. Et ma maman qui me dit, j'ai toujours su que t'allais le faire, et tu fais bien, parce que moi aussi j'aurais bien aimé le faire.

À partir du moment où j'ai la date de l'opération, je suis constamment surexcitée. J'ai tellement hâte, je sais que ça va changer ma vie. Je sais que je vais enfin être moi. J'ai hâte. J'ai toujours rêvé d'avoir des dos nus, des jolis dos nus. Et je ne peux pas avoir de dos nus parce que je dois toujours porter un soutien-gorge. Et donc juste avant mon opération, je fais les boutiques et je vois une robe incroyable.

blanche, un peu satinée, avec un dos nu, croisé dans le dos. Et je me dis, il faut que je m'achète cette robe, et c'est la robe que je mettrai l'été prochain, quand j'aurai mes petits seins.

L'opération et la guérison

J'ai une amie qui m'emmène le 18 mai. Je n'ai pas dormi la veille parce que je sais que je vais me faire opérer. Et donc j'arrive à la clinique à 13 heures. Tout s'enchaîne assez rapidement, on pose un cathéter, je mets ma tenue de bloc, le chirurgien me fait les dessins sur la poitrine et je m'endors.

une seule once de stress ou de peur qui m'envahit. J'ai qu'une envie, c'est vraiment de me réveiller et d'avoir enfin ce corps que j'attends depuis des années. L'opération dure à peu près trois heures, trois heures et demie et je me réveille. Et je suis bien. Instantanément, je suis bien. J'ai quasiment pas de douleur. Parce que c'est une opération, je pense, qu'on choisit déjà. Et du coup, ça fait forcément moins mal.

Je passe la nuit à l'hôpital. Je ne dors pas de la nuit parce que je sais que le chirurgien passe demain matin pour m'enlever mes pansements et mes bandeaux. J'ai qu'une envie, c'est qu'on m'enlève ce bandeau pour que je puisse voir la petite taille qu'ils font. Le moment arrive et là, je ne reviens pas. C'est enfin moi. Au début, c'est extrêmement gonflé, mais c'est normal. C'est tous les œdèmes qui se sont créés avec l'ouverture de la chair, la fermeture, etc.

J'ai mon amie qui m'avait déposé la veille, qui vient me chercher et elle me voit et elle me dit mais on dirait que tu viens de faire une prise de sang. Moi c'est tout comme, je me sens tellement bien, je suis bien. Quand je sors de l'hôpital, je n'ai plus de bandeau, j'ai des pansements. J'ai une infirmière qui vient à la maison tous les trois jours pour changer mes pansements. J'ai des grandes cicatrices, une qui est tout autour du téton.

Une autre qui part sous le téton pour aller sous le sein. Et une qui est sous le sein, donc ça fait comme une encre de marin. Il faut être préparé, avoir ses seins dans cet état, parce que les cicatrices fraîches, c'est vraiment pas joli. Et puis mes seins sont encore très gonflés, très durs. J'ai un téton qui... J'ai l'impression qu'il part de l'autre côté de mon sein. C'est très bizarre, mais je fais confiance et je me dis que c'est le processus, que de toute façon, il n'y aura aucun problème.

Même s'ils sont ratés, en fait, ils me plairont bien plus que ce que j'avais avant. Quand j'ai enlevé mon soutien-gorge de contention pour la première fois, j'ai tout de suite enfilé cette robe blanche, un peu sattinée. avec un dos nu, pour voir ce que ça pourrait donner. C'était incroyable, j'étais vraiment la plus heureuse. Et puis rapidement, je m'achète des jolis sous-vêtements, 10-15 maillots de bain, et l'été arrive.

La renaissance du corps accepté

Et j'ai hâte d'aller à la plage. J'ai hâte de me mettre en maillot de bain pour la première fois de ma vie, à 26 ans. Aujourd'hui, ça a changé la vision que j'ai de moi, l'image que j'ai de moi. Ça a aussi changé la vision que je pouvais avoir des garçons. Moi, je pensais que les garçons, ils étaient là pour voir mes seins. Maintenant, c'est beaucoup plus simple. J'ai rencontré mon compagnon après cette opération. Quand je l'ai rencontré, j'avais des cicatrices qui étaient encore très fraîches.

Pour moi, ça ne posait aucun problème, mais à un moment donné, je lui ai expliqué que j'avais fait une opération, que j'ai des grandes cicatrices. Et lui, ça n'a pas posé un seul problème. Lui, il a également une grande cicatrice sur le visage, donc on est tous les deux avec nos cicatrices. Cette année, pour la première fois... J'ai été accompagnée à l'hôpital. C'est totalement grâce à cette maladie auto-immune du pancréas que j'ai passé le cap et que j'ai franchi le pas.

pour faire cette opération qui me trottait dans la tête depuis tant d'années. C'est aussi une belle façon de voir cette maladie. Cette maladie m'a permis de... de me lancer sur ça et d'être totalement épanouie. J'ai tiré du positif de cette maladie en faisant cette opération. En fait, ça a tout changé. Vous venez d'écouter Transfer. Ce témoignage a été recueilli par Camille Urcy. Transfer est produit par Slate Podcast. Direction et production éditoriale, Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours.

Chargée de production Astrid Verdun. Chargée de post-production Mona Delahaye. L'introduction est écrite par Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Elle est lue par Aurélie Rodriguez. Retrouvez Transfer tous les jeudis sur slate.fr et sur votre application d'écoute préférée. Découvrez aussi Transfer Club, l'offre premium de Transfer. Trois fois par mois, Transfer donne accès à du contenu exclusif. Sous-titrage Société Radio-Canada

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