¶ Monologue Intérieur et Différences
Écouter sa petite voix intérieure, pour certains, c'est le quotidien. Ils se parlent à eux-mêmes en permanence, discutent, débattent avec leur propre cerveau. Pour d'autres, c'est tout bonnement impossible. Dans leur tête, il n'y a que le silence. D'après une étude de l'Université de Copenhague, 5 à 10 % des gens n'ont pas de monologue intérieur. Ils pensent autrement, sans petite voix.
Très jeune, Juliette entame une conversation avec elle-même. Cette voix dans sa tête devient comme une amie imaginaire avec son lot de confidences, de disputes, d'incompréhensions. Mais très vite, elle s'aperçoit qu'une amie peut en cacher une autre. Attention, cet épisode aborde des sujets sensibles. Pour en savoir plus, reportez-vous au texte de description de l'épisode. Vous écoutez Transfer, épisode 372, un témoignage recueilli par Marie Tomaszewski.
¶ Enfance Heureuse et Premiers Signes
J'ai 4 ans et je vis avec mes parents et ma petite sœur dans l'Essonne. Et j'ai une enfance très très heureuse. Des parents très attentifs qui fonctionnent par récompense plutôt que par punition. Une petite sœur adorable. Vraiment un bonheur parfait presque. À partir de mes six ans, je commence à oublier des informations que mes parents me donnent ou que j'apprends à l'école.
Je me retrouve avec un jour mon père qui me dit « t'as pas fait ton sac ? » et je lui dis « non, pourquoi ? » et il me dit « on va chez tes grands-parents » et je lui en veux parce que je lui dis « mais tu m'as pas dit ». Et vraiment, je suis complètement déstabilisée. Je dois faire mon sac en deux heures et on part. Et moi, je n'ai aucun souvenir que mon père m'ait prévenu à un quelconque moment qu'on partait.
Ça, c'est le premier événement où je me dis, c'est bizarre, parce que ne pas retenir une telle information, c'est quand même quelque chose. Et je me dis, peut-être que je n'ai pas fait assez attention. Et je commence à me dire, bon, il faut que je fasse plus attention. Je perds mes objets, notamment mes livres, parce que je lis beaucoup à ce moment-là. Et un jour, je me retrouve à chercher mon livre partout et je fais une pause pour aller manger quelque chose. Et mon livre est dans le frigo.
Grosse surprise, ma mère rigole parce que ça la fait rire et elle me dit « t'inverse tes gestes en fait, c'est juste une inversion de gestes, tu fais pas attention parce que t'es concentrée sur ta lecture, donc t'inquiète, c'est pas grave. » Donc je me dis « bon, c'est bizarre, mais c'est pas grave. »
À l'école, je suis l'archétype de la bonne élève. Vraiment, je lève la main tout le temps. J'aime beaucoup étudier. C'est quelque chose qui me passionne. Mais un jour, je rentre chez moi et j'ai le sentiment que je dois... montrer mon carnet à mes parents sans savoir pourquoi. Et dans mon carnet, il y a une croix, donc un mot de la professeure qui demande à mes parents un entretien. Donc je suis surprise parce que...
Ça ne colle pas avec celle que je suis habituellement. Même si je participe beaucoup en cours, je suis assez timide. Je me dis, est-ce que j'ai bavardé, quelque chose comme ça ? Et quand on y va... La prof dit à mes parents, elle a lancé un papier dans la classe. Je me dis, mais c'est lunaire, je n'ai pas lancé de papier, je n'ai aucun souvenir de ça. Et puis ça dénote beaucoup de qui je suis. Et là, je commence à me dire, bon...
C'est bizarre, mais en fait, comme d'habitude, ma mère me dit que je suis un peu tête en l'air et que c'est pas grave. C'est juste dans le carnet, c'est pas grave. On passe à autre chose.
¶ Découvrir la Voix Intérieure
Entre 7 et 10 ans, je m'intéresse énormément aux émissions de vulgarisation scientifique. Je trouve ça passionnant. Je vois un jour une émission sur la schizophrénie. On nous explique à nous, spectateurs, que la schizophrénie, c'est entendre des voix qui nous semblent paraître de l'extérieur et qui nous semblent nous vouloir du mal. J'entends une voix dans ma tête, ça fait déjà un moment qu'elle est là.
Et donc, je me rends compte que je ne suis pas schizophrène, puisque j'ai parfaitement conscience que la voix que j'entends est à l'intérieur de moi. Certes, elle est différente de ma propre voix, mais je sais très bien qu'elle ne vient pas de l'extérieur. Et je ne m'inquiète pas de ce qu'elle peut me faire, juste je m'interroge sur pourquoi elle est là. Je demande à mes parents ce que c'est que d'être fou. Et mes parents me répondent que...
La folie est quelque chose que le plus souvent, on ne pense pas avoir. Quand on est fou, on ne s'en rend pas compte parce qu'on est persuadé que ce qu'on vit est réel. Et là, je me dis... C'est réel ce que je vis, mais j'ai conscience que ce n'est pas de l'extérieur, que ce n'est pas quelqu'un qui me veut du mal. J'ai conscience que tout se passe à l'intérieur de moi et que potentiellement, il y a une explication.
Mais ce n'est pas celle-là, en tout cas. Cette voix-là, au début, je me pose des questions. Au début, je pense que c'est un ami imaginaire. Peut-être la réincarnation de mon frère, parce que j'ai un grand frère qui est décédé, et je me dis que c'est peut-être lui qui vit à travers moi. Elle est particulière parce qu'elle est à la fois très bienveillante avec moi et très protectrice à me dire...
Quand je fais à manger, par exemple, touche pas à ça, c'est chaud. Des petites annonces comme ça, des petites interruptions. Et plus je grandis, plus elle est vraiment percutante et parfois presque cinglante à me dire... Je fais tomber un oeuf. T'es vraiment débile, tu sais pas, manier tes mains. Faut que tu fasses attention. C'est ce genre de fraises que j'entends beaucoup vers mes 10-11 ans. Cette voix, j'en parle pas vraiment parce que...
Très vite, j'ai conscience que je ne suis pas folle, mais ce n'est quand même pas dans la norme. Et donc, je me dis, bon, pour l'instant, je n'en parle pas et on verra. Si ça continue et que ça augmente et que ça s'accentue, il faudra bien que j'en parle, mais toujours avec cette peur que les autres ne comprennent pas ce que moi j'ai compris. De me dire, il y a un problème, c'est vrai, mais je ne suis pas folle. Mais si je le dis aux autres...
eux vont me prendre pour une folle et ne vont pas avoir le cheminement de pensée que j'ai eue. Et dans le fond, j'ai peur de me tromper aussi. Dans le fond, je me dis peut-être que je suis dans le déni, tout simplement, et que c'est quelque chose de grave et qu'il faut en parler. Mais à ce moment-là, je décide de...
Juste dire à ma mère, je me souviens de lui dire, j'ai une petite voix dans ma tête, c'est mes pensées, quand elles viennent, j'ai un flow de pensées, il y a une voix qui me les raconte. Et elle me dit qu'elle aussi, ça lui arrive, et donc je me dis bon.
¶ Harcèlement et Quête d'Explications
Ça me rassure un peu, je me dis. Si ma maman a ça, c'est que c'est pas si grave, en fait. Bien rentrer au collège, c'est extrêmement difficile. outre le harcèlement des filles de la classe qui me rejettent parce que je suis différente, parce que je ne suis pas habillée comme dans la mode, etc., et que je suis une bonne élève et que je suis dans mon coin tout le temps aussi.
Fin sixième, les gens se rendent compte que mon amie d'enfance préfère les filles. Et là, ça devient vraiment l'enfer parce qu'il y a aussi petit à petit des coups qui se mettent en place le midi. C'est vraiment des garçons qui nous bloquent dans un coin de la récré et qui nous frappent. Et en parallèle, je vais beaucoup chez le médecin parce que j'ai mal au corps, mais je ne dis rien. Donc le médecin ne peut pas vraiment comprendre ce qui m'arrive. Mes parents pensent que je suis précoce.
et donc se mettre à chercher des spécialistes parce qu'au vu de mes questions, au vu de ma maturité, au vu de ces choses-là, ils pensent qu'il y a quelque chose et donc je vais faire un test. Chez une psychologue, et il s'avère que j'ai un haut potentiel intellectuel, j'entame une psychothérapie, d'apprendre que je suis précoce, mes parents se disent qu'on va la mettre dans une école pour ces enfants-là. Pas du tout dans le but de me marginaliser ou quoi, mais...
ils se rendent compte que je suis harcelée. Je fête mes 14 ans et je vais dans cette école. Au début, c'est assez idyllique. Quand j'arrive, on me parle d'un concours de mémoire que les élèves préparent depuis deux ans. Et moi, j'arrive, j'ai trois mois pour le préparer et donc je me prends au jeu. C'est vraiment des bons moments qu'on passe avec mes parents et ma sœur parce qu'ils me font réviser ça et que ça nous fait rire.
On n'a pas grand espoir sur ce qui va se passer parce qu'on se dit « bon, je viens d'arriver ». Puis moi, comme j'ai beaucoup de soucis de mémoire, je me dis « bon, ça ne va pas marcher ». Donc, je n'y vais pas en me mettant la pression, mais un peu parce que...
Il y a le truc de montrer aux autres que je suis comme eux et que je ne veux surtout pas qu'on me regarde de manière trop différente. Et du coup, je veux absolument avoir des bons résultats, pas forcément être la meilleure, mais avoir des bons résultats pour être intégrée. Me dire, voilà, je suis comme vous.
ne me faites pas de mal, c'est un peu ça. Le concours arrive et en fait, le soir du concours, on annonce que c'est moi qui ai gagné. Je me dis, mais si j'ai une aussi bonne mémoire comme ils le prétendent. où sont mes souvenirs en fait ? Parce qu'il me manque des moments de ma vie. Et puis je laisse un peu tomber, et pareil, dans cette école, je me fais aussi harceler par le fils d'une des directrices.
qui en fait joue sur le fait que j'ai un énorme besoin d'avoir des amis et qui en fait me maltraitent et l'instant d'après se comporte très gentiment avec moi puis me remaltraite. Et à la fin de l'année, j'en parle et la mère de ce garçon dit...
En fait, s'il me maltraite, c'est parce que je parle trop, que je suis saoulante, que je ne le laisse pas tranquille. Alors que déjà, ce n'est pas une excuse. Et surtout, je ne suis pas tout le temps avec lui. Mes principaux amis, ce n'est pas lui dans cette école. Après, on est très peu, c'est une école très particulière, on est 20 sur deux niveaux. Et donc, mes parents l'apprennent et me remettent dans mon ancien collège parce que...
¶ Voix Multiples et Mal-être Croissant
Le directeur a changé et celui-ci est vraiment sensibilisé au harcèlement. En troisième, je ne suis pas harcelée. La troisième année se passe bien, mais je sens que les voix se diversifient. J'en entends de plusieurs sortes. J'en entends une très, très enfantine.
J'en entends une autre plutôt masculine. Et puis pareil, c'est l'époque où la puberté arrive et donc mon corps se développe et je ne me reconnais pas. Je ne veux pas de poitrine, je l'ai clairement dit à mes parents. Quand elle arrive, c'est une catastrophe pour moi, j'essaye de la cacher.
Quand je me regarde dans le miroir, je ne me reconnais pas du tout. Parfois, j'ai même l'impression d'être un peu étrangère à moi-même. C'est avec ces voix qui s'intensifient que j'arrive au lycée, où là, je rencontre des personnes incroyables qui deviennent mes meilleures amies.
Mais pareil, les voix continuent à prendre de la place et puis parfois se disputent entre elles. Et je me dis, mais c'est mes pensées qui s'entrechoquent. Peut-être que c'est lié à ça. Peut-être que ce sont juste des pensées qui se verbalisent en fait. Mais au fur et à mesure, ça s'accentue. Ça s'accentue et je ne comprends pas pourquoi. Et je commence à être dans un mal-être très, très profond. Je commence à me scarifier, à...
Ça ne va pas très bien, mais je ne sais pas pourquoi, parce que je me dis que le harcèlement est fini, je suis avec des gens incroyables, j'adore étudier dans ce lycée. Pourquoi je suis comme ça ? Je ne comprends pas. Ces voix, elles me parlent toute la journée. C'est très très assourdissant, parce qu'elles s'arrêtent quasiment jamais. Elles ponctuent mes gestes. Et donc je commence à parler au pluriel aussi, parce que ça devient instinctif en fait.
Parfois, quand je fais un contrôle, j'ai des connaissances qui viennent de nulle part. Une voix qui me raconte un truc dont je n'ai aucun souvenir. Et en fait, il s'avère après, quand j'ai rendu mon contrôle, que c'était le plus pertinent. C'est des voix qui à la fois m'aident dans ma scolarité, mais en même temps sont très très à me descendre pour tout ce que je fais. Quand je parle, tu parles trop, arrête ton débit, non là il faut pas que tu fasses ça, il faut que tu t'habilles comme ça.
Pas trop non plus, parce qu'en fait, il faut que tu sois vu comme ça. C'est très, très anxiogène, du coup, parce que déjà, je ne me reconnais pas. Un matin, je me réveille et je ne sais plus pourquoi je vais devant le miroir et je ne me reconnais pas du tout. Je dis à ma mère, c'est qui ? Et elle rigole un peu. Elle me dit, c'est un miroir. Fais pas l'enfant, quoi. Et moi, je la regarde et je dis, non, je me reconnais pas, c'est pas moi. Ma maman...
se pose des questions, mais elle essaye de me rassurer d'abord. Donc, elle ne dramatise pas. Et je ne lui parle toujours pas des voix parce que... Enfin, peut-être de temps en temps, mais je n'approfondis pas le sujet parce que pour moi, c'est des pensées verbalisées. Quand une voix me dit « intéresse-toi à elle, pose-lui une question, réagis à ce qu'elle vient de dire », pour moi, c'est des pensées verbalisées et je me dis « tout le monde a ça ».
¶ Incidents Dissociatifs et Oublis
Ça augmente comme ça. Et un jour, je suis au lycée et on est parti faire des courses ou je ne sais plus. Je suis dans la voiture et sans transition, je me retrouve à la maison avec ma sœur en larmes. Ma mère un peu déstabilisée, je rigole en disant, vous en faites une tête, qu'est-ce qu'il y a ? Ma sœur me dit, tu ne m'as pas reconnue. Je lui dis, quoi ? Bien sûr que si. Non, non, tu ne m'as pas reconnue.
T'es descendu de la voiture et tu m'as demandé qui j'étais. Ah, ok. Et en plus, quand tu t'es regardée, t'as regardée sous ton pull, t'as vu que t'avais de la poitrine et t'as pleuré. Je me dis... Bon, c'est bizarre. Ce qui est bizarre, ce n'est pas tant ces réactions que je pourrais comprendre dans le sens où je n'aime pas ma poitrine ou quoi. Mais ce qui est bizarre, c'est que je ne me rappelle pas du tout. C'est que ma sœur me raconte ça et...
Moi, je n'ai aucun souvenir et je la vois en larmes, vraiment très blessée. Et je me sens mal, mais je ne sais pas pourquoi je l'ai blessée et je ne sais pas comment, parce que je ne me souviens pas. Ma mère décide de m'emmener à l'hôpital. Donc on fait des scanners, des prises de sang, on attend longtemps. Il n'y a rien d'anormal. On nous dit, bon, c'est rien. La vie continue et...
Je change de psy parce que ma psychologue va en congé maternité et donc j'ai une période d'environ six mois où je n'ai pas de suivi et où je me dis que ce n'est pas grave, je n'en ai pas besoin. Et puis si la psychologue part... en congé maternité sans me donner un collègue, c'est peut-être qu'elle estime que moi, ça va. Donc, il y a vraiment ce truc de bon, ok, c'est bizarre de ne pas reconnaître sa sœur, ok, c'est bizarre de ne pas reconnaître son corps, mais...
On trouve toujours des excuses, en fait. Dire, c'est l'adolescence, je ne reconnais pas mon corps parce qu'il change, c'est que je suis tête en l'air. C'est ce genre d'excuses parce qu'on n'a rien d'autre pour expliquer.
¶ Comportements Étranges et Peurs
Un matin, je me réveille et je sens que quelque chose me gêne. Je vais voir dans la glace et là, je hurle parce qu'en fait, j'ai toute une mèche coupée. Mes parents arrivent en courant et ils voient ce qui se passe et je leur dis mais...
« Qui a fait ça ? Pourquoi vous avez fait ça ? » Et mes parents me disent « Mais ce n'est pas nous. » Et en plus, même moi, je me dis « Non, ça ne peut pas être eux parce que c'est ridicule. » Et à ce moment-là, une voix dans ma tête me dit « Moi, je trouve ça mieux comme ça. » Je me dis, bon, ok, c'est bizarre. Ça devient compliqué. Il y a des nuits aussi où je range tout. Et je ne m'en souviens pas très clairement. Je sais juste que...
Ça me prend comme ça, je me mets à ranger, mais ça m'arrive la nuit surtout. Ma mère me surprend, et donc elle en parle au médecin. Et la médecin lui dit non, mais elle fait des crises de somnambulisme. Et ma mère... commence à me dire une crise de somnambulisme la nuit. Ok, encore que je te trouve très éveillée, mais il y a des choses que je fais dans la journée aussi.
Il y a des fois des crises de rangement que j'ai en pleine journée, alors que je peux laisser traîner mon bureau avec tout un bazar pendant trois semaines. Ma mère, elle n'accepte pas cette explication de somnambulisme. Elle ne l'accepte pas, tout simplement. Quand je range, j'ai une logique que je n'ai pas habituellement. Et donc, je range mes affaires et le lendemain, je ne les retrouve plus.
mon père me dit, t'es vraiment tête en l'air, fais attention, c'est des documents importants, tu deviens grande, il faut faire attention. Mais pas du tout méchamment, vraiment dans le truc, allez, concentre-toi. Et je me dis, bon... C'est vrai que c'est bizarre, le rangement, ce n'est pas mon truc. Et d'un seul coup, je suis omnibulée par le moindre papier qui dépasse. Et puis, quand je fais ces rangements, j'ai une voix très, très douce dans ma tête, très, très calme, qui me dit...
Mets ça là. Range ça là. Mets ça dans tel tiroir. Elle dénote beaucoup des autres, mais je la vois plus comme une alliée à ce moment-là, parce que je me dis, si je range, c'est bien.
¶ La Thérapie Révèle l'Agression Passée
C'est pratique. C'est juste que je ne me souviens pas où je range. Mais je range. C'est bien. Ma maman et mon papa commencent à se poser beaucoup, beaucoup de questions et décident de m'envoyer voir un psy. Parce que justement, je n'ai plus la mienne qui était spécialisée dans mes troubles. Et ils m'ont même voir un psy spécialisé dans les traumatismes et la dépression. Parce que mes parents sentent et voient mes bras.
avec des bandages. À un moment donné, je décide de leur dire parce que je me sens mal. Et donc, ils me font voir un psychologue qui est spécialisé dans tout ça. Mes voix me disent de ne pas lui dire qu'elles sont là. Donc, je ne dis rien. Je dis que j'ai des pensées qui fusent un peu et que ça m'assourdit. Ce psychologue, il finit par me faire comprendre.
que j'ai vécu des agressions sexuelles quand j'étais enfant. Il commence à me faire comprendre que ce n'est pas normal et que j'ai le droit de me sentir mal, surtout. Je suis dans le déni au début, je dis bah non, c'est pas possible que je me sois fait agresser parce que l'événement dont on parle, la personne qui m'a fait ça était un garçon de 9 ans, à l'école. C'est pas une agression sexuelle.
Mais en même temps, je le vis très très mal et j'ai honte, je me sens sale, je refuse d'en parler, je pleure, je m'effondre. Et il me dit, bah si, ça s'appelle une agression sexuelle, tu as vécu ça. Et je finis par comprendre une part de mon mal-être. Je conscientise que j'ai vécu ça. Les voix semblent s'apaiser un peu quand on en parle. Je n'ai pas beaucoup de discussions avec elle dans les jours qui suivent. Elle ponctue mes phrases, mais pas d'insistance, pas de méchanceté.
Je me dis, est-ce qu'elles ont été apaisées ? Est-ce que finalement, ce n'est pas mes souvenirs qui me parlent ? Et je commence vraiment à en parler à ma maman. Je lui dis... J'entends des voix et elles ponctuent mes phrases et elles me disent des choses. Et je ne comprends pas trop d'où elles viennent. Je ne comprends pas. Ma mère... sait qu'il y a quelque chose, mais elle ne sait pas quoi faire. Donc on en reste un petit peu là. Moi, j'ai le droit d'en parler avec ma mère, ça me suffit.
¶ Questionnements sur l'Identité et le Corps
Et en parallèle, je commence à me poser des questions parce que je vois mon meilleur ami changer. Je le vois évoluer dans son style de vêtement, je le vois travailler sa voix. Et en plus, sur les réseaux sociaux, je me mets à suivre des comptes LGBT parce que je veux comprendre, je veux devenir une alliée, déjà pour mon meilleur ami, parce que je comprends qu'il va dans cette voie-là. Et puis parce que dans le fond, je m'interroge, je me dis...
Peut-être que si j'ai autant de mal avec ma poitrine et que je ne l'accepte pas, et que je ne me reconnais pas dans le miroir, c'est peut-être parce que dans le fond, je ne suis pas une femme. Peut-être que je suis un garçon, en fait. Et ça, c'est quelque chose que je ne dis pas à mes parents.
parce que tout aussi bienveillants qu'ils sont, je sais que ça, ça va être compliqué à expliquer. En plus, j'ai envie de le garder pour moi. Et donc, ça fait partie de mes réflexions, en fait, où je me dis, peut-être que c'est juste ça. Mais mes voix encore semblent énervées. Parce qu'elles me disent « tu comprends pas ». Oui, mais je comprends pas quoi ? Pas de réponse.
Je ne supporte plus mon corps, je ne l'accepte pas. Et pour un nouvel an, je dis à ma mère que je veux me faire une couleur. Et en fait, après... Je change régulièrement, je coupe, je fais d'autres couleurs, j'alterne les apparences. Je me rends compte qu'en fait, j'ai un système de tri de mes vêtements dans mon armoire que j'ai mis en place.
Et je me rends compte en fait qu'une partie est très très féminine et une partie est très très masculine. Et qu'en fait, en fonction des jours, je vais utiliser plus une partie que l'autre. Et donc je peux être très très féminine. Le lundi et le mardi, j'arrive avec un pantalon bagui, un gros pull, et puis je me sens bien comme ça, ça me correspond mieux, on ne voit pas mes formes. Et comme j'ai des amis extrêmement bienveillants...
On n'en fait pas le reproche, on ne me fait pas de remarques sur le fait que je m'habille de telle ou telle manière. Juste, on me dit, bon, tu te sens mieux comme ça aujourd'hui. Bon, bah ok, pas de souci. J'arrive en terminale. Quelques semaines avant le confinement, ma soeur, qui veut devenir psychologue, me parle d'un trouble qui s'appelle le trouble dissociatif de l'identité.
Et elle m'explique qu'elle a fait des recherches dessus et qu'elle trouve que ça lui parle et que ça me ressemble. Elle me conseille d'aller voir sur les réseaux et je tombe sur le journal d'Olympe. qui est une personne atteinte de ce trouble. Et en fait, je n'arrive pas à regarder les vidéos. Je les commence, mais je ne les finis pas. Je n'arrive pas. Mes voix se révoltent. Il y a beaucoup d'émotions.
Et donc, je ne comprends pas tout ce qu'elles me disent, mais je comprends dans le fond que là, il y a quelque chose, mais je refuse de le voir et donc je ne regarde pas la fin des vidéos. Je ne fais pas de recherche supplémentaire et je dis à ma sœur que je ne veux plus en entendre parler.
¶ L'Agression du Train et le Chaos Interne
Le début de la fac commence avec une fin d'année terminale en suspens, parce qu'avec le Covid, on n'a pas pu dire au revoir et tout ça. Et en plus de ça, les conséquences du Covid font qu'au bout de même pas trois semaines de cours... Je passe à des semaines à distance pour certaines et en cours pour d'autres, une semaine sur deux en fait. Donc je découvre la fac de ce point de vue-là.
J'ai des mots qui apparaissent dans ma tête, des voix qui me parlent en anglais, des expressions anglaises, des choses que je ne connais pas et que dans mon cerveau, ça s'écrit. Enfin, ça se dit, surtout. J'y prête pas attention parce qu'en fait, le début de fac est très très difficile, puisque au bout de quelques semaines, en allant à la fac, je me fais violer dans le train. Les voix explosent. C'est inexplicable. Les voix...
parlent toutes en même temps, sont complètement paniquées, me disent qu'il faut faire ça ou qu'il faut faire ça. C'est une panique complète. Et moi, la décision que je prends, c'est d'aller en cours. Parce que je ne connais rien. Je ne connais pas Paris. Ça fait à peine trois semaines que j'y vais pour aller à la fac. Moi, je ne connais pas de commissariat. Je ne sais pas quoi faire. Fluidement, je me dis, bon, je vais en cours. Et les voix, toute la journée, hurlent.
parlent entre elles et parlent les unes sur les autres, donc je n'ai pas de mots distincts. Et je commence à essayer de communiquer avec elles, à leur dire « Est-ce que vous pouvez vous taire ? » Parce que ça fait trop, ça fait beaucoup de bruit. On est en cours d'histoire et chacune s'énerve contre la personne parce que les gens ont vu et n'ont rien fait. Il y en a une autre qui pleure. Il y en a un autre qui est outré. Chacun a des émotions très, très différentes dans ma tête.
Et moi, j'ai des émotions très, très différentes. Donc, c'est une journée très compliquée où je ne suis pas vraiment les cours. Tout simplement, j'écoute ce qui se passe dans ma tête. Et surtout, une voix apparaît, une autre voix.
¶ Tentative de Suicide et Prise en Charge
Je rentre de la fac et je dis rien parce que pour des parents, entendre ça, c'est très, très dur. Et je me dis, non, je ne vais pas leur faire ça. En plus, les connaissances, je sais qu'ils vont culpabiliser alors qu'ils ne sont pour rien. Donc ce jour-là, je décide de ne rien dire. Mais ça me détruit petit à petit. Les voix, ça les détruit aussi.
Depuis ce jour-là, elles sont véhémentes. Et il y en a une qui pleure énormément, qui est très enfantine et qui pleure énormément. Et je ne sais pas comment. J'en viens à me dire, calme-toi, ne pleure pas, ça va aller. Et quelques semaines plus tard, on est re-en confinement et je fais une tentative de suicide par médicament. Et encore là, j'entends plusieurs voix.
me dire « prends-les, les prends pas, fais pas ça, fais-le ». Non, oui, non, c'est très peu clair en fait. Globalement, c'est pas très clair, c'est surtout beaucoup d'émotions, très différentes, verbalisées. par des voix très différentes. Donc toutes ces voix s'entremêlent et je finis par écouter celles qui me disent de prendre les traitements. Donc c'est des médicaments que tout le monde a dans la pharmacie et j'en prends plein.
il y a une voix qui me fait me rendre compte et qui me dit « et notre famille ? » et qui me dit « c'est papa qui nous découvre aujourd'hui » parce qu'il rentre plutôt du travail. Et donc cette voix, elle me fait réagir et j'appelle le psychologue qui me rappelle, qui me dit d'appeler les pompiers et je me retrouve hospitalisée. On me soigne en priorité et le lendemain matin, on vient me parler dans ma chambre.
et on me conseille une hospitalisation que je refuse. Les voix et moi-même sommes d'accord sur le fait que si on reste qu'une nuit à l'hôpital, pour les gens, ça paraîtra moins grave. C'est une réflexion... Pas très réfléchie, mais à ce moment-là, c'est la seule qu'on a. Et maintenant, je parle vraiment au pluriel parce qu'ils sont là ou elles sont là, je ne sais pas, mais en tout cas, ils sont avec moi. Et donc, je demande leur avis. Et on prend la décision de...
pas se faire hospitaliser. Je signe une décharge pour sortir. Quelques jours plus tard, je me retrouve en pleine nuit à décider d'engager une réelle conversation avec mes voix, puisque jusqu'à présent, je... Je les entends, je les écoute un peu, mais on n'a pas de réelle discussion. Et donc, on se rend compte qu'on a fait une erreur en refusant l'hospitalisation. Et donc, on se met d'accord au petit matin.
On va en parler à maman et on lui dit, voilà, il faut qu'on se fasse hospitaliser, mais je dis, il faut que je me fasse hospitaliser. Quand je suis toute seule, je parle au pluriel, mais quand je suis face à mes proches, je n'assume pas. tout simplement parce que je me dis que c'est bizarre. Et mes parents, tout de suite, ont le réflexe de m'accompagner, de me dire « Ok, on y va ». Ils me permettent de me faire hospitaliser dans une clinique privée.
Cette clinique privée, c'est très compliqué parce que le médecin, le psychiatre, ne reste pas très longtemps dans la chambre. Il vient cinq minutes me demander comment ça va et me rajouter des traitements. Et je n'arrive pas à... à avoir le temps de lui parler des voix, de l'agression. Je n'ai pas le temps. Et un jour, je refais une menace de tentative de suicide en clinique.
Et là, on me transfère à l'hôpital psychiatrique pendant une semaine. Et une semaine très, très, très difficile pour les voix comme pour moi. mais une semaine où j'entends les voix de très, très loin parce que je suis très, très, très médicamentée. Et donc, je les entends, mais très vaguement et je suis un peu à l'ouest. Et donc, c'est à la fois reposant et très anxiogène.
Et quand je reviens à la clinique, je n'ai plus confiance. Je décide de faire comme si tout allait bien pour pouvoir ressortir parce qu'en fait, on ne m'a pas résolu mon problème. On m'a juste envoyé ailleurs et on m'a mis des médicaments.
¶ Parcours Psychiatrique Chaotique
Je fais comme si tout allait bien et au bout d'un moment, je sors de la clinique. Quand je sors, j'ai toujours mon psychologue qui me suit, qui me soutient. Et parallèlement, on me conseille d'aller voir un psychiatre, donc je vais voir un psychiatre. parce qu'on m'a mis sous médicament et qu'il faut assurer la suite du traitement. Et ce psychiatre est un peu de la vieille école, et donc instinctivement, cette fois sans même demander à mes voix, je sais qu'il ne faut pas que je lui en parle.
Et on commence à me médicamenter de façon très, très lourde. Ces voix, je les écoute moins parce qu'en fait, elles sont très lointaines et je les sente très, très énervées, mais très fatiguées elles aussi. dans une torpeur très particulière qui fait qu'on n'arrive plus à communiquer. On sait qu'on est là mutuellement, mais on n'arrive plus à communiquer. Et un jour, je fais l'erreur de parler de moi au pluriel à ce psychiatre.
Je ne sais plus ce que je lui dis, mais je sais que j'emploie le pluriel parce que c'est instinctif et qu'en plus de ça, quand on est médicamenté, la réflexion va très lentement. Donc, c'est un peu compliqué. Et il me dit parce que vous êtes plusieurs. Et donc je dis, oui, j'entends des voix. Elle me dit, mais pourquoi vous ne l'avez pas dit ? Parce que c'est des voix que je connais. C'est des voix que je sais qui ne sont pas réelles. Donc, pourquoi en parler ?
Et lui ne m'écoute pas et me dit « Très bien, je vais vous donner un traitement pour la schizophrénie. » Et je refuse ce traitement. Je lui dis non. Parce que je sais que ces voix, j'ai conscience qu'elles sont dans ma tête.
Et que pour moi, ce ne sont pas des voix extérieures qui viennent m'agresser, ce ne sont pas des gens qui me veulent du mad, c'est vraiment des voix qui viennent de moi. Certes, d'une manière très particulière, mais je sais que je ne suis pas schizophrène et je suis soutenue par mes parents.
¶ Le Diagnostic de TDI
Ils disent non, tu n'es pas schizophrène, on va changer de psychiatre. Je change de psychiatre et je me retrouve avec une psychiatre qui est très bienveillante, qui trouve des solutions à mes troubles dépressifs. Elle me donne des traitements qui me permettent de ne pas passer à l'acte. Elle m'écoute et me médicamente en conséquence. Instinctivement, sans qu'on se concerte, on se met à parler avec elle des voix. On se met à dire...
Oui, on est plusieurs. Puis moi, je vois des choses dans ma tête. J'entends des voix et je vois des choses se préciser, des visages. Ça se précise parce qu'elles changent mes traitements et donc je suis moins médicamentée et je sors de ma torpeur. Et en sortant de ma torpeur, je vois des visages. Et donc, on parle à cette psychiatre et on dit, voilà, on est plusieurs. Et sans forcément les corréler, on parle de nos oublis.
On parle du fait que je me sens mal parce que j'ai l'impression de jamais écouter les gens, parce que finalement, je parle trop et que j'aimerais être quelqu'un qui écoute plus parce que je me rends compte que je ne me souviens pas de ce que les gens me disent, comme si je n'avais pas d'attention pour eux.
Alors, ce n'est pas du tout ce que je ressens. Et elle m'écoute. Et elle ne dit rien. Et elle me laisse parler. Et en fait, je déballe tout. Je lui dis, c'est là depuis longtemps. On discute maintenant. Certaines veulent avoir des prénoms, certaines veulent exister. Je ne sais pas comment faire, je ne sais pas ce que ça signifie, mais je sais que je ne suis pas schizophrène. Je lui répète, parce que j'ai peur qu'elle réagisse comme le premier psychiatre.
Et je lui dis, j'ai confiance que ces voix sont dans ma tête. J'ai déjà refusé le traitement de la schizophrénie, je ne veux pas. Donc la psychiatre me dit, est-ce que vous connaissez le trouble dissociatif de l'identité ? Et en repensant à ce que m'a dit ma petite sœur, je lui ai dit j'en ai entendu parler, mais je dois reconnaître que je ne sais pas vraiment ce que c'est parce que je n'ai pas abouti mes recherches. Et elle me dit très bien, je vais vous donner un test à faire.
en plus des analyses que moi je fais pendant notre séance, et on en reparlera dans deux semaines. Donc je rentre chez moi, j'essaye d'expliquer à mes parents. que la psychiatre pense que je suis atteinte de ce trouble, mais je n'arrive pas à leur expliquer clairement ce que c'est parce que je ne comprends pas. Et la seule qui comprend à ce moment-là, c'est ma petite sœur qui me dit « si la psychiatre le pense, alors c'est que tu l'es ».
J'en suis persuadée, j'ai reconnu les choses. Mais elle ne m'explique pas non plus. Mais déjà, ce qu'elle dit, ça fait peur à mon père, qui ne comprend pas très bien. Et ma maman, qui est un peu plus excentrique, réagit en mode « boum, on verra, ce n'est pas grave ». Donc je fais ce test et les questions à première vue où je me dis bon c'est basique en fait me font réfléchir.
On me demande si parfois je n'ai pas l'impression d'être face à une étrangère, s'il m'est arrivé de retrouver des objets dans des endroits insolites ou de ne pas les retrouver, s'il me manque des pans de souvenirs de ma vie. ou de la vie des autres. Et j'obtiens un pourcentage très, très, très élevé. Et je comprends qu'il se passe quelque chose parce que mes voix, étrangement, sont très, très, très calmes. Je fais ce test et je suis dans un calme.
ce qui ne m'est pas arrivé depuis longtemps. Ces voix me font comprendre qu'on a peut-être trouvé. Et je retourne vers la psychiatre.
¶ Comprendre le Trouble et Nommer les Alters
Et elle me dit, bon, au vu de ce que vous avez répondu et au vu de mes analyses en séance, je pense que vous êtes atteinte du trouble dissociatif de l'identité. Et là, elle m'explique. que ce trouble est une forme de défense de l'enfant pour faire face à des choses trop difficiles à accepter. L'esprit se scinde pour faire face à des traumatismes.
je me rends compte que ces voix qui me parlent ont pour projet de me protéger. Et je commence à lui parler et lui dire, oui, mais je ne comprends pas. Moi, j'ai des voix vraiment très, très différentes. J'en ai... C'est des hommes et j'en ai, c'est des filles et puis j'en ai, c'est un petit garçon ou une petite fille ou je ne sais pas. Il y a du monde là-dedans, donc est-ce que c'est possible ? Et elle me dit oui, oui, en fait, ça arrive entre l'enfance et l'adolescence.
Je dis ça avec mes mots, mais il y a des dissociations qui se font pour protéger l'enfant. Et donc, je lui dis, d'accord, et qu'est-ce que je fais ? Parce que concrètement, je n'ai pas d'idée, je ne sais pas si ça te soigne. Et dans le fond, je n'ai pas tellement envie de ne plus avoir ces voix, parce que je vis avec elle depuis tellement longtemps que même si c'est quelque chose de très énergivore, qui prend beaucoup de place dans ma vie...
Je me sentirais très seule si je ne les avais pas. Et elle me dit, à long terme, on peut réunifier tout le monde, mais ce n'est pas le but premier, parce qu'en fait, c'est très compliqué. Le but premier, c'est d'harmoniser. et vous allez vivre en harmonie avec ces voix. » Et je lui dis « D'accord, ça me rassure un petit peu. Du coup, est-ce que je dois leur donner des prénoms ? » Et elle me dit « Je pense qu'il va falloir harmoniser et les nommer. »
parce qu'en fait, elles existent et il ne faut pas les renier. Elle m'explique que c'est un point de vue très controversé dans la médecine, que certaines personnes pensent qu'il ne faut pas nommer ces voix et qu'il ne faut pas leur donner de l'importance. Mais elle, elle me dit... De toute façon, elles sont là. De toute façon, elles vont prendre le contrôle du corps à un moment donné ou à un autre. Donc autant les nommer et les harmoniser avec vous parce que vous vivrez plus sainement.
¶ Rencontrer et Connaître les Alters
Je rentre chez moi et je dois l'expliquer. C'est très compliqué parce que même ma petite sœur qui avait compris n'arrivait pas à expliquer. Donc ma maman commence à comprendre de nombreuses choses. Et mon papa ne le vit pas très très bien. Il n'est pas du tout malveillant ou quoi, mais il ne le comprend pas et il s'inquiète. À partir de là, des voix commencent à me dire comment elle s'appelle.
Elles choisissent leur nom. J'ai Céleste, qui est une jeune fille de 11 ans, qui est la première à être apparue, qui est très féminine et très dans les études, dans le côté pragmatique. et en même temps avec un regard très innocent. Et qui, je me rends compte à ce moment-là, est à l'origine de mes tenues plus féminines, plus courtes, qui me mettaient tant mal à l'aise trois heures après.
J'apprends que le jeune homme anglais s'appelle William. Je comprends que Certa Control d'anglais, dont je ne me souvenais absolument pas et où j'avais des bonnes notes, que c'était lui qui les faisait. Et je comprends surtout que quand j'ai fait certains voyages, les moments où je parlais quasiment bilingue, c'était parce qu'il était avec moi. Il y a aussi Claire, qui est très très calme, très posée.
En fait, elle finit par me dire « c'est moi qui range parce que je ne supporte pas le bazar et je déteste ta façon de ranger ». Voilà, ça fait plaisir. Elle m'explique qu'en fait, c'est elle qui range. depuis des années, la nuit, parce que ça la stresse et qu'elle, ça la détend de faire ça. Donc je comprends petit à petit que chacun a un rôle et tous se donnent leur prénom sauf une voix.
qui est la voix d'un petit garçon, qui me dit avoir 5 ans et demi, et qui décide de demander à mon papa de le nommer, parce que c'est important pour lui, c'est son papa. Et donc, mon père le nomme Alban. Et ce petit garçon, c'est vraiment la partie enfantine, joyeuse et innocente et débordante d'humour et de bienveillance. C'est cette partie de moi.
Et c'est cette partie qui ne reconnaissait pas ma petite sœur, puisque pour lui, ma petite sœur était petite, qui ne reconnaissait pas la poitrine et qui en pleurait, parce que pour lui, il est un garçon, qui ne comprenait pas qu'il était dans le corps d'une fille. et qui donc le vivait extrêmement mal. On doit lui expliquer. Et c'est très paradoxal, parce que si moi je ne sais pas ce que c'est que le trouble dissociatif de l'identité...
Elles non plus, même si elles sont dans ma tête, elles ne savaient pas exactement ce qu'elles étaient en fait. Elles ne savaient pas qu'elles étaient là pour me protéger, ne savaient pas que c'était lié à des traumatismes, elles savaient juste qu'elles étaient là. Et donc on découvre ça ensemble.
¶ Vivre avec le Système Intérieur
Ensemble, on apprend les spécificités de chacun, chacune, les désirs, les hobbies. Et on se rend compte que chacun a une pièce dans laquelle il est. qui est à l'image de ce qu'ils sont. J'apprends qu'Alban a une chambre avec un camion de pompier en forme de lit, ou un lit en forme de camion de pompier. J'apprends qu'il est extrêmement fan.
des pompiers. Il trouve ce métier magnifique et il est très, très, très attentif à un dessin animé qui s'appelle La Patte Patrouille, que je n'ai jamais vu, mais que lui connaît. Je comprends que c'est pour ça que sa chambre est plutôt aux couleurs des pompiers. Claire, par exemple, a une chambre constellée d'étoiles, parce que ça l'apaise de regarder les étoiles. C'est à ce moment-là aussi qu'on se rend compte des différences qu'elles ont avec moi.
C'est que moi, jusqu'à très récemment, regarder les étoiles, ça m'angoissait. Et ce jour-là, je comprends que la partie de moi qui aime les étoiles, c'est clair. Et je commence à me rendre compte que... Certains altèrent, donc c'est une identité alternative, ont des goûts différents des miens. Céleste adore le poisson, moi non.
Et ma maman se rend compte et comprend mieux pourquoi certains moments je mangeais du poisson et certains moments je lui disais que je n'aimais pas ça, parce qu'en fait nous n'étions pas les mêmes personnes exactement. Je découvre petit à petit les spécificités de ce trouble et je tire le fil des choses qui me sont arrivées. Ma maman l'accepte plutôt bien. Pour mon papa, c'est très compliqué.
Parce qu'il a l'impression que quand je ne suis pas la moi, c'est que je rate quelque chose alors que ma mère a parfaitement conscience que ses identités alternatives, au fond, ne sont que moi et que je suis elle.
¶ Harmonisation et Gestion au Quotidien
La séance avec la psychiatre suivante, elle me conseille un psychologue spécialisé dans les troubles cognitifs comportementaux et qui peut m'aider à harmoniser ce trouble. Et donc je commence un suivi avec ce psychologue et il m'explique très clairement que ces voix, même si ce sont des identités alternatives, sont moi et que moi je suis elle, que dans le fond nous restons le même noyau.
Simplement, il est divisé. La psychiatre et lui me conseillent, ou plutôt conseillent à mes parents, de capturer les moments où je ne suis pas moi-même, afin que je puisse les voir et réaliser ce que c'est en réalité. Un soir, Alban se met à chanter parce qu'il aime beaucoup chanter et à danser sur le canapé. Ma mère le filme et elle est explosée de rire parce que c'est très rigolo. Et quand je vois la scène...
Je trouve ça très impressionnant. Parce que déjà, on n'a pas du tout les mêmes aptitudes en termes de voix. Alban... Chante pas très juste, crie plus qu'il ne chante, est très très différent finalement de moi. Et il a des mouvements que je n'ai pas. Et donc ce travail documentaire, il me permet au fur et à mesure de comprendre ce que les autres voient.
Même si au début, c'est assez dur parce que je ne me reconnais pas. J'ai l'impression de faire semblant. Je me dis que ce n'est pas possible. Mais je sais que c'est un fait. Je sais que c'est là, parce que je ne m'en souviens pas. Ça devient un rituel. Et mes parents me filment très régulièrement et me montrent les vidéos. Et ça me permet aussi de découvrir ces alters dans leur comportement, dans leur état d'esprit. Et petit à petit...
On s'apprivoise mutuellement et ma famille apprivoise les haltères. Mon petit chat, Choupi, il est très, très sensible aux différents fronts. Donc quand les identités alternatives prennent le contrôle du corps, dont je suis l'hôte, quand c'est Alban, il se laisse beaucoup plus faire, il va dormir près de lui, il va être attentif.
Et quand je reviens après un long moment où c'était Alban, il s'en rend compte et me fait énormément de câlins parce qu'il ne m'a pas vue pendant cinq jours. Il est très sensible à ça. Mon papa, pour qui c'était très compliqué, commence à acheter des petits cadeaux pour Alban. Des cadeaux bien spécifiques comme une tasse pas de patrouille, en plastique sinon il la casse. Lorsqu'Alban fronte et fait des choses, mon papa le récompense. Et ma maman s'amuse.
à discuter avec eux. Elle trouve cette situation très, très drôle. Elle me dit très souvent, c'est génial parce que j'ai accouché d'une fille et j'ai neuf enfants. Voilà, c'est sa grande phrase et je trouve ça très, très drôle. Les petits cadeaux que mon père fait à Alban, à un moment donné, me déclenchent une petite jalousie. Et je pense que je l'envie aussi de son innocence et du fait d'être...
tant aimée par mes parents comme si c'était un enfant en plus. Et ma mère me fait bien comprendre que si elle aime Alban, c'est parce qu'elle me voit moi au même âge et que Alban, c'est moi. Et donc cette jalousie qui dure quelques semaines, quelques mois, ça pèse très vite quand même. Parce que ma mère me fait comprendre qu'on est un en réalité et qu'on est la même personne simplement. Traduite de manière différente. Depuis que j'ai reconnu mes alters, mon cerveau s'est beaucoup apaisé.
Parce qu'on se dispute moins, déjà. Et surtout, on a appris à jongler avec ce trouble. Par exemple, un truc tout bête, mais pour mon portable, j'ai mis un déverrouillage par empreinte, parce que que ce soit Alban, Céleste, William ou qui que ce soit, ou moi, on a la même empreinte. J'ai facilité cet accès au téléphone pour eux.
Et pareil, quand on doit faire un virement pour notre psy, si c'est pas moi, pareil, c'est pas l'empreinte, comme ça, ça permet à tout le monde de régler. On s'est tous adaptés mutuellement pour que notre vie... fonctionne toujours. Alors c'est vrai que c'est handicapant parce que celui qui vient le plus souvent, c'est Alban, étant donné que c'est celui derrière lequel je me cache quand je souffre trop, physiquement ou moralement.
Un petit garçon de 5 ans et demi ne peut pas tout faire comme une personne de 22 ans. Et en fait, il s'est très très bien adapté. Et quand il intervient à l'université, qu'il est tout seul, il sait comment appeler mes parents, il ne bouge pas, il ne suit pas les gens, il est briefé là-dessus, il sait que s'il se retrouve affronté alors qu'il est tout seul dans la rue, il s'arrête, il appelle les parents.
Et il décrit où il est. C'est comme ça qu'on fonctionne. Et parfois, certains viennent en aide. Moi, je suis rarement toute seule. J'ai souvent l'aide de Céleste, de Claire ou même de William, qui m'aide émotionnellement parlant. C'est un soutien.
Et Alban, quand il est là et qu'il est à l'université, par exemple, très souvent, Claire vient avec lui parce qu'il ne sait pas écrire sur l'ordinateur et donc il écoute et elle, elle prend les notes, ce qui réfléchit. C'est très particulier, mais c'est un travail à deux. On est ensemble, on appelle ça des co-fronts quand on est plusieurs. Et en fait, on a beaucoup de co-fronts et on se soutient mutuellement pour vivre notre vie.
Quand les douleurs sont trop importantes, on se relaie, en fait. Sans que ce soit volontaire, parce que ça reste quelque chose qu'on ne choisit pas. Mais on sent... les émotions. Et maintenant, je sais quand je commence à partir. Maintenant, je sais que quand je commence à avoir une voix plus aiguë, plus lente, à m'amuser, je sais qu'Alban est sur le point de venir et donc je le sens et je le prépare. Et donc, en fait, on se retrouve à être...
en harmonie, dans le sens où même si on n'a pas les mêmes ambitions, les mêmes projets, on va tous travailler dans le but d'aller dans mon projet d'études, par exemple. Et donc, c'est quelque chose qu'on fait à plusieurs.
Il y a la mémoire commune, donc il y a certaines choses qu'on a dans la mémoire commune qu'on retient tous, et puis il y a certaines choses qui ne le sont pas, et donc on s'en parle mutuellement. Quand Alban assiste à un cours qui n'est pas dans la mémoire commune, il me le récite.
Comme ça, je le connais et j'ai les notes qu'il a prises. Alors, même si c'est une écriture particulière, parce que c'est un enfant, c'est quelque chose qu'on a appris à gérer. On a une conversation WhatsApp et des notes dans notre téléphone. Notre conversation WhatsApp s'appelle système B612, parce qu'on appelle les personnes atteintes de TDI, de troubles dissociatifs de l'identité, un système, parce qu'il y a plusieurs identités.
Et B612, parce que l'astéroïde du Petit Prince sur lequel vit le Petit Prince s'appelle B612. On est fans du Petit Prince, c'est notre livre préféré. Et donc, cette conversation WhatsApp, c'est un moyen pour nous d'échanger. Quand il nous arrive des choses, de noter ce qu'on a fait, de noter les interactions qu'on a eues, on ne l'utilise pas forcément tout le temps parce qu'on communique aussi dans la tête, instinctivement.
Et puis, parfois, mes parents me racontent aussi, mais on a cette conversation et des prises de notes sur les notes de notre téléphone. Quand Alban écrit des choses, il les écrit dans les notes. Et moi, j'ai juste allé voir les notes ou la conversation WhatsApp et je sais qu'il a échangé avec telle personne, telle personne.
Et moi, après, il me suffit de juste reprendre et de dire, salut, je suis revenue, merci d'avoir été bienveillant avec Alban. Et voilà, en fait, cette conversation, elle nous permet non seulement de faire des choses pratiques, mais ça nous permet aussi de nous épauler. Quand le petit garçon est triste, je lui écris un petit mot. Quand moi, je suis en souffrance, Alban m'écrit un message. J'ai rarement le silence complet pendant longtemps. Je crois que je ne l'ai jamais, en fait.
¶ Surmonter les Défis et Guérir
parce qu'on est toujours présent. Après, en termes de fréquence ou du nombre de fois qu'ils apparaissent, ça dépend très souvent de la semaine, de l'état de notre santé aussi. Parce que quand on était diagnostiqué atteint d'endométriose, on s'est rendu compte que Alban, par exemple, vivait les douleurs moins fortes que moi. Et donc, c'est quelque chose où si j'ai trop mal, Alban a des chances de venir. Donc Alban, il vient très régulièrement.
Peut-être pas une fois par semaine, mais souvent, en tout cas, et puis ils restent longtemps. Mais les autres, il peut se passer quelques mois sans qu'ils prennent le contrôle du corps. Par contre, ils sont tous assez présents dans ma tête, notamment... J'ai dû apprendre certains mots dans certains dialectes parce que j'ai des alters qui ne parlent pas les mêmes langues. Donc c'est un peu compliqué.
Par exemple, j'ai Tania qui parle russe, et donc quand ma mère m'a dit « tu me parles en russe le matin », je lui ai dit « non, ça doit être de la consonance, mais ça doit pas être du russe, je ne parle pas russe ». Et un jour, elle est venue me récupérer à la fac et elle m'a vue en pleine conversation avec des étudiants russes qui lui ont dit que je parlais parfaitement le russe. Sauf que je ne parle pas le russe. Donc Tania parle le russe et j'ai dû commencer.
à travailler un peu certains mots pour essayer de la comprendre et de communiquer avec elle. Après, on communique beaucoup sur l'instinct. Les différents médecins et psychiatres, en fait, ils ne s'accordent pas vraiment pour expliquer comment.
certains alters peuvent parler une langue que l'autre ne parle pas. Il y a certains médecins qui parlent de la théorie que quand un bébé naît, il connaît toutes les langues du monde et à sa première respiration, il oublie tout. Je pense que c'est un peu une légende. Je ne sais pas.
Et que donc, ce seraient des restes de cette mémoire-là très profonde. Mais en vrai, ils ne s'accordent pas tous. Et donc, on ne sait pas vraiment. C'est encore une zone assez inexplorée. Quand je vais trop trop mal... physiquement, mentalement, parce que même si je commence à m'en sortir, la dépression, c'est quelque chose dont on ne se débarrasse pas facilement.
Très souvent, je me réfugiais dans la chambre noire. C'est un endroit où je suis complètement dans le noir, recroquevillée, où je n'arrive pas à m'exprimer, à prendre le contrôle du corps. C'est très compliqué. Et pour ça, mon psychologue a appris à Alban. une technique pour lui permettre de me faire revenir. On appelle trigger les choses qui nous font revenir. Trigger positif, trigger négatif.
En trigger positif, il y a la musique. Quand Alban veut que je revienne, il met beaucoup de musique pour me faire revenir, en particulier la musique que j'aime bien. Mais il y a aussi tout un cheminement qu'on fait, qui nous a été appris par le psychologue, où en fait on remonte le fil du traumatisme jusqu'à la chambre noire, et ça nous permet d'ouvrir la porte, et je peux ressortir et...
Et reprendre le contrôle, entre guillemets. Et quand Alban est là depuis trop longtemps, comme cinq jours, une semaine, on fait ces exercices-là. Enfin, surtout lui, du coup. Et ça me permet de... pas basculer où tout l'un, où tout l'autre. Je suis toujours un peu mal à l'aise quand je sens qu'un alter fronde parce que je n'ai pas le contrôle, donc ça m'angoisse. Mais ça se passe toujours très bien avec mes amis et mes parents.
Mes amis, je leur ai annoncé un restaurant. Je me disais que ça passerait mieux. Et ils ont été extrêmement gentils, extrêmement bienveillants. En fait, un peu comme ma maman, ils se sont dit que ça expliquait beaucoup de choses. beaucoup de certains de mes comportements, et qu'ils trouvaient ça assez logique, finalement. La psychiatre et les psychologues se sont mis d'accord sur le fait que la première scission...
est liée au choc de l'agression sexuelle quand j'avais six ans. Ça a été un choc tellement important que ça m'a scindée en deux. On est d'accord aussi pour dire que le harcèlement est les coups. Comme c'était très très répétitif, que c'était en bande et que ça a été pendant longtemps, et surtout que les profs, les adultes n'ont pas forcément fait grand-chose au sein de l'établissement, ça a scindé encore plus et ça en a créé d'autres.
Et après, le viol, c'est pareil, ça a tellement été un choc qu'en fait, ça scinde encore plus et on se divise. Parce que quand on est trop entier, c'est trop fort.
¶ Réflexions Finales sur le TDI
C'est vrai que ce trouble, il n'est pas évident à vivre au quotidien parce qu'il résulte quand même de traumatismes très marquants et avec lesquels on doit apprendre à vivre. C'est très compliqué, même des années après, parce que déjà, il faut les conscientiser et après, il faut les traiter. Mais comme c'est un mécanisme de défense, ça permet de survivre à beaucoup de choses.
Et ça crée des liens de manière différente. On a une autre manière d'aborder les gens selon qui on est. Et avoir une famille bienveillante, c'est aussi très très important parce que ça permet de mieux vivre avec qui on est. Et quand on ne se sent pas nous-mêmes... Ça aide à aller mieux. Vous venez d'écouter Transfer, épisode 372, un témoignage recueilli par Marie Tomaszewski. Cet épisode a été produit par Slate Podcast. Direction éditoriale. Sous-titrage ST' 501 Sous-titrage Société Radio-Canada
Thomas Lupias. L'introduction a été écrite par Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Elle est lue par Aurélie Rodriguez. Retrouvez Transfer tous les jeudis sur Slate.fr et sur votre application d'écoute préférée. Découvrez aussi Transfer Club, l'offre premium de transfert. Deux fois par mois, Transfer Club donne accès à du contenu exclusif. des histoires inédites et les coulisses de vos épisodes préférés. Pour proposer une histoire,