¶ Le Début de l'Aventure Couchsurfing
C'est le bon plan pour les étudiants et les petits budgets pour les vacances à l'étranger, le couchsurfing. On s'invite quelques nuits sur le canapé d'un habitant avec la promesse de découvrir la ville différemment à moindre coût. Et les voyages prennent une toute autre saveur. Quand Alba et ses amis décident de passer leurs vacances en Italie, elles décident d'aller vivre chez l'habitant.
Un choix qui allie économie financière et potentielles rencontres toutes inattendues. Mais certaines sont plus plaisantes que d'autres. Vous écoutez Transfer, épisode 328. Un témoignage recueilli par Benjamin Ours. 2017, j'ai 20 ans et je décide de partir en voyage en été avec mes deux meilleures amies, donc Jeanne et Olivia. Et c'est la première fois qu'on part sans surveillance parentale, sans encadrement. Et on décide donc de faire un road trip en Italie.
On choisit plusieurs villes et à ce moment-là, on est à peine étudiante, donc on n'a pas beaucoup de moyens. Et donc on essaie de trouver des moyens d'économiser, notamment sur le logement. Jeanne nous parle d'une application qui permet de loger chez l'habitant de façon gratuite.
en échange de passer du temps avec eux et de partager des moments de vie. Donc on s'y intéresse. Et donc en gros, sur l'application, il y a des photos, le profil de la personne. Et en général, sur cette application, c'est des gens qui ont soit... à disposition à un grand logement, qui ont envie de rencontrer du monde, ou alors c'est des gens qui sont plutôt aisés et qui ont envie de faire profiter justement à des jeunes de leur aisance et de leur faire découvrir l'endroit où ils vivent.
Donc du coup, notre première ville, c'est Milan. On est accueillis chez un mec qui a la même tranche d'âge que nous, la vingtaine. Et lui aussi, il est avec ses deux meilleurs potes.
Moi, je ne suis pas trop dans l'appréhension parce que l'inconnu ne me fait pas vraiment peur. Donc moi, je me dis que ça va être super cool. Olivia et Jeanne sont un peu plus sur la réserve. Mais dans l'ensemble, on est quand même super enthousiastes de faire ça. Donc on arrive à Milan et en fait, ça se passe super bien.
Ils sont tous les trois hyper cools. On découvre la ville avec eux et c'est mieux que de la découvrir juste par nous-mêmes, avec des sites, des trucs un peu trop touristiques. Là, ils nous montrent vraiment ce que c'est que la vie de gens qui habitent à Milan à notre âge.
Nous, on leur parle de comment nous, on vit en France, etc. Et donc, ça se passe hyper bien. On reste 4-5 jours là-bas. Et franchement, hyper bonne expérience. Du coup, ça nous rassure. Surtout mes potes, ça les rassure pour la suite.
¶ Préparatifs et Contact à Cinq Terre
Donc on se dit qu'en fait, on va continuer tout le long de notre périple à utiliser cette application parce que l'expérience jusqu'ici est super cool. La seconde étape, c'est Cinq Terre. Cinq Terre, c'est des petites îles et c'est hyper touristique en Italie. Donc, à moins d'avoir prévu d'y aller à l'avance et de réserver un hôtel hors de prix, le seul moyen, a priori, de se loger là-bas à moindre frais, c'est vraiment l'application qu'on utilise.
À Cinq Terre, on prend contact avec le couchsurfer qui était le seul disponible à cette période-là. Au premier abord, il a l'air super cool. Il est un peu plus âgé que nous, il a la quarantaine. Il a l'air d'avoir accueilli d'autres personnes. Il me semble qu'il y a des photos de lui. Il a l'air plutôt normal, rien de particulier. Et on prend contact quelques jours avant d'arriver sur place.
Et le seul moyen à ce moment-là de communiquer avec lui, c'est moi qui l'ai. Parce que mes deux amis n'ont pas WhatsApp et je suis la seule à la voir à ce moment-là. Et lui, il communique sur WhatsApp. Donc, il a mon numéro, j'ai le sien. On discute un petit peu. Et il commence à me poser des questions sur qui on est, ce qui est à peu près normal, parce que quand on accueille des inconnus chez soi, on a envie de savoir de qui il s'agit. Il me pose des questions sur moi et sur Jeanne et Olivia.
À un moment donné, il me demande de lui donner nos comptes Instagram. Donc, nous, on n'est pas réticentes. On trouve ça normal de montrer vraiment à qui il a affaire. Donc, il regarde un petit peu nos comptes et il regarde mon compte Instagram. J'aime beaucoup partager les trucs que je fais, les endroits où je vais, les trucs que j'achète particulièrement. Et j'achète beaucoup de chaussures.
Et donc, il voit sur mon Instagram que moi, je collectionne un peu les sneakers. Les baskets, j'adore ça. Et donc, dès que j'en achète une paire, je la poste sur mon compte. Et donc, il me pose des questions. Et en fait, il me dit que lui aussi, il aime beaucoup les sneakers. Et du coup, je me dis que c'est plutôt cool. Surtout qu'on n'a pas le même âge, donc je trouve ça assez sympa. Et à un moment, il me demande quelles sont les baskets que mes potes ont ramenées.
Et donc là, je lui dis les modèles. Je ne m'attendais pas à autant de précision de sa part. Je trouve ça assez cool. On discute les 2-3 jours avant qu'on arrive chez lui. Et il est prêt à nous accueillir tel jour en fin de journée chez lui.
¶ Arrivée et Premières Impressions Étranges
Le jour J, nous, on prend le train, 3-4 heures de train de Milan. Et en fin d'après-midi, on arrive à Cincter. La gare, là-bas, est très très proche de la plage. C'est-à-dire qu'on descend du train. À 900 mètres, on voit la plage. Il fait très chaud ce jour-là. On arrive, on lui envoie un message, on lui dit qu'on est là. Il nous dit qu'il est à la gare également. On descend du train et on le voit. Le premier truc qui nous a surpris, c'est qu'il est en maillot de bain.
Il fait très chaud, la plage est vraiment à côté, c'est compréhensible, mais c'est vrai qu'on se dit, un mec de 40 ans qui nous accueille, on fait un effort, on met un t-shirt, c'est pas non plus... Ça peut être un petit peu gênant. Après, on ne lui jette pas la pierre. On trouve ça étonnant. On arrive vers lui pour le saluer. Et deuxième truc, c'est qu'en fait, il est très fermé.
Nous, le réflexe qu'on a, c'est de faire la bise. Après, on sait que ça peut dépendre des pays, mais quand on était à Milan, quand on a été accueilli chez le mec, on lui a fait la bise et il n'y a rien eu de bizarre. Donc là, lui, il est très froid, donc il ne nous fait pas la bise.
Donc on trouve ça un petit peu troublant. On se dit peut-être qu'on est un peu trop rentre dedans, je ne sais pas, ou trop de bonne humeur. En tout cas, on sent une petite gêne. Mais bon, il nous répond quand même, donc bonjour.
Et il nous dit, allez-y, suivez-moi, donc on parle en anglais. Lui ne parle pas français, nous on ne parle pas italien, donc on parle en anglais. Il s'exprime un peu moins bien que nous, mais on peut communiquer. Donc il nous dit de le suivre, parce qu'il n'habite pas loin de la gare, donc on y va à pied.
Il est en tête et nous, on est juste derrière. Et là, pendant les 5-10 minutes qui vont suivre, il n'y a pas de dialogue du tout avec lui. Il ne pose pas de questions, juste on marche en silence. Et nous, on trouve ça un peu bizarre.
En vrai, j'ai envie de rire parce que je sais que c'est un des scénarios catastrophes que Jeanne, par exemple, peut s'imaginer parce qu'elle a quand même très peur de l'inconnu et c'est quelqu'un d'assez réservé. Et elle, déjà qu'elle n'est pas à l'aise quand tout le monde est à l'aise, là...
Le fait qu'il y ait cette espèce de gêne, moi, me fait beaucoup rire. Et Olivia, elle est beaucoup moins introvertie que Jeanne, mais je sais qu'elle a aussi quand même un petit peu peur des inconnus et que là, comme c'est gênant, on sent qu'elle n'est pas tranquille. Donc bon, on va chez lui en silence. Donc on se regarde quand même entre nous. On se dit bon, c'est chelou quoi. On marche, on arrive devant son immeuble.
Et là, en gros, il nous explique que l'ascenseur fonctionne, mais il est très petit. C'est un peu comme les ascenseurs parisiens. Ils sont très, très petits. Et nous, en plus, on a des gros sacs de voyage. On est trois avec des gros sacs, plus lui. On peut rentrer à deux dans l'ascenseur et il y en a une qui va devoir le suivre en prenant les escaliers. Moi, je suis dans l'ascenseur, je suis avec Jeanne et Olivia prend l'escalier avec lui.
Et dans l'ascenseur, moi, je dis à Jeanne que je suis morte de rire parce que le mec a l'air bizarre quand même. Et aussi, ma pauvre Olivia qui prend les escaliers avec lui. Moi, ça me fait rire. On arrive devant la porte. Donc là, il ouvre la porte, toujours très silencieux, très calme. Et là, j'ai un souci. Il ouvre la porte et on tombe sur un studio. C'est-à-dire qu'il y a une grande pièce avec une cuisine ouverte, un lit, une table et un canapé. et une salle de bain. Et c'est tout.
Donc là, on est un petit peu choqués parce que quand tu es censé accueillir des gens chez toi, tu es censé pouvoir les loger de façon à ce que tout le monde ait un petit peu d'intimité. Ou alors, si tu n'as pas l'espace nécessaire, tu le dis sur l'application.
Et là, ce n'était pas du tout le cas. Nous, on pensait qu'il allait avoir au moins une autre chambre et qu'on allait pouvoir être tranquille, mais là, pas du tout. Donc nous, on n'ose rien dire. On est un peu choqués. Et surtout, il ne nous dit pas « allez-y, installez-vous ». C'est à nous de...
Tout simplement, à un moment donné, on pose nos sacs dans un coin de la pièce. Et moi, j'essaye de briser la glace à ce moment-là, parce que lui, il ne parle toujours pas. Donc, je lui dis, depuis combien de temps est-ce que tu vis ici ? Qu'est-ce que tu fais dans la vie ?
¶ Les Révélations Dérangeantes de l'Hôte
C'est qu'à ce moment-là qu'il nous dit de nous asseoir. Et il nous dit, asseyez-vous sur le rebord du lit, parce que c'est plus simple, et lui s'assoit face à nous sur le canapé. Donc, je lui pose des questions. Et il nous dit qu'en gros, ça fait quelques années qu'il habite là, mais qu'avant ça... Il vivait en Allemagne, qu'il a vécu dans une communauté féministe. On se dit pourquoi pas, même si on commence à trouver ça assez étrange. Et il nous explique qu'il a vécu là-bas de pas mal de temps.
Et qu'en gros, là-bas, ils vivaient selon certains principes. Par exemple, là-bas, les hommes étaient considérés comme des êtres inférieurs par rapport aux femmes. Donc là, quand ils commencent à nous dire ça... Moi, j'ai toujours envie de rire parce que je me dis que ce n'est pas possible de tomber sur un truc aussi bizarre. Même si j'avais voulu imaginer un scénario qui tourne mal, je n'aurais pas pu trouver un truc aussi bizarre. Et je sens que Jeanne est hyper...
Elle est décontenancée, en fait. Elle ne parle pas du tout. Elle est de plus en plus mal à l'aise. Et je sais qu'Olivia, elle est, pareil, très gênée, mais pas terrifiée. Mais elle se dit, bon, là, c'est bancal. Et il continue à nous expliquer que dans cette communauté, il adorait y vivre, parce que du coup...
Il a appris plein de choses. Par exemple, quand il devait manger, il mangeait même le sol. Et là, quand il dit ça, moi, je l'interromps. Je lui dis, mais c'est quand même pas normal de manger. Enfin, vous n'êtes pas des chiens. Et là... Il a une réaction un peu étrange. Il nous dit « mais il n'y a aucun mal à être un chien ». Donc là, je me dis « le mec est perché quand même ». Et j'ai encore très très envie de rire.
Et il nous dit, donc voilà, on vivait comme ça là-bas, et par exemple, on faisait beaucoup de tâches ménagères. Par exemple, on nettoyait les chaussures des femmes là-bas. Il est face à nous, en fait. Nous, on est sur le lit, et lui, il est face à nous.
Et à ce moment-là, il veut absolument s'asseoir par terre. Et nous, on lui dit, non, c'est gênant, on ne va pas nous être assis sur le lit et toi, tu vas être par terre. C'est hyper bizarre. Sauf qu'il ne veut absolument pas s'asseoir sur le canapé. Donc, il veut vraiment être par terre. Donc, on ne va pas le forcer. Il s'assoit par terre.
Donc il est à nos pieds, on va dire. C'est-à-dire que sa tête, elle est au niveau de nos genoux. Et il est à un mètre, un mètre et demi de distance. En tailleur, assis. Et donc, quand il dit qu'il nettoyait les chaussures des femmes dans cette communauté féministe...
¶ L'Incident des Chaussures et Demandes Bizarres
Il attrape ma cheville et il commence à nous dire, regardez comment on le nettoyait. Il prend un bout de son maillot de bain, je crois, et il commence à frotter ma chaussure. Donc là, moi, je suis gênée. Je me dis, bon, là, c'est quand même un petit peu particulier, quoi. Jeanne, elle est complètement tétanisée. Et Olivia est toujours un petit peu interdite, mais pas dans la tétanie non plus. Et il frotte ma chaussure, il frotte ma chaussure. Et là, je trouve ça bizarre.
Et à ce moment-là, quand on commence à lui dire que bon, d'accord, mais c'est bizarre, il dit non, mais si, regardez, regardez. Et là, il prend ma chaussure et il lèche ma semelle. Et en fait, quand il fait ça, là, c'est le... Je m'attendais à tout sauf à ça. Ma première réaction, c'est que depuis le début, depuis que j'ai rencontré ce mec, j'ai envie de rire. Mais là, comme il a fait ça, c'est vraiment le point de non-retour. Ma première réaction, c'est d'exploser de rire.
Et je me renverse sur le lit et j'explose de rire. J'ai un faux rire nerveux, je pense. Et donc, je rigole, je rigole, je pleure de rire. Et quand je me calme un petit peu, je vois Olivia qui me dit non mais Alba arrête de rire, arrête de rire parce que lui il rigole pas du tout quoi. Et là, je me redresse et je vois qu'effectivement, lui, il est hyper calme, très sérieux et il ne rigole pas du tout du tout. Donc là, je reprends un petit peu mes esprits.
Jeanne, elle est toujours tétanisée, limite elle commence à changer de couleur, donc ça va vraiment pas. Donc je me remets un petit peu de mes émotions, et là je m'excuse auprès de lui, je lui dis « je suis désolée, c'est juste que je ne m'attendais pas à ça ». Et tout de suite il me dit « non, non, mais pas de soucis ».
C'est la réaction qu'ont les gens en général. Ne vous inquiétez pas. Mais toujours très stoïque. Et là, je me dis, non, mais c'est quoi ce phénomène ? Et là, je lui dis, mais il ne faut pas faire ça. C'est hyper bizarre. Vous allez tomber malade. Les semelles de chaussures, c'est hyper sale. Et il nous dit, non, non.
il n'y a aucun problème, pourquoi je tomberais malade, pas du tout, pas du tout, du tout. Et donc là, moi, je me dis, non, mais là, c'est... Là, il y a un gros problème, on ne peut pas dormir chez lui, chacun son délire, mais là, c'est clairement pas le nôtre, quoi. On ne sait pas quoi faire à ce moment-là. Lui, il nous explique qu'en gros, on n'est pas les premières à être hébergées chez lui, qu'il a hébergé des Américaines qui ont passé un bon moment avec lui.
qu'il aimerait qu'on soit hébergé chez lui et vivre un petit peu des expériences avec lui, un petit peu de maltraitance. En fait, il aimerait bien qu'on continue un petit peu ce qu'il a vécu dans sa communauté féministe en Allemagne. Là, on lui dit tout de suite que ce n'est pas du tout notre objectif. Et là, il nous dit, en fait, je sens qu'avec Jeanne, ce n'est absolument pas possible de dialoguer. Je vois très bien que tu es hyper crispée, qu'il n'y a aucun dialogue possible.
Olivia, t'as l'air un petit peu plus ouverte parce que tu poses quelques questions, mais on sent quand même que t'es assez réticente et que t'as peur quand même. Et là, il se tourne vers moi et il dit, par contre, toi, ça se sent que t'es une femme alpha.
Ça sent que t'as le dessus sur tes amis et qu'avec toi, on peut tenter des trucs. Et là, j'ai dit, comme par hasard, ça tombe sur moi. Alors que, enfin, vraiment pas. J'ai jamais été au-dessus de mes amis. Quoi que ce soit, je pense qu'il a dit ça parce que je... posé plus de questions, que j'étais peut-être un peu moins... J'avais pas l'air terrifiée. Et là, il propose à Jeanne et Olivia d'aller se promener, d'aller se balader à la plage, etc. Pendant qu'ils restent avec moi à l'appartement.
Tout de suite, on lui dit non parce qu'il est hors de question que je me retrouve seule avec lui. On ne sait pas ce qu'il peut faire. On n'a pas le même âge. C'est un homme. J'ai 20 ans. Ça peut être dangereux. Donc tout de suite, la première réaction, c'est de dire non. Et là, il propose à Jeanne et Olivia d'aller au moins dans son jardin qui, en fait...
donne sur la pièce à vivre. En fait, il y a une fenêtre où on voit très clairement son jardin, il y a un banc. Et moi, à ce moment-là, j'ai envie de savoir quelles sont les motivations de ce mec et pourquoi il veut parler avec moi et qu'est-ce qu'il a en tête. Et ma curiosité va prendre le pas sur la méfiance. Et même s'il vient de faire un truc que moi, je n'ai jamais vécu de ma vie, personne n'a jamais léché mes semelles de chaussures, on est dans un univers assez éloigné du mien.
Mais voilà, j'ai envie de savoir ce qui va se passer et je ne me sens pas en danger. Et du coup, je dis à mes amis, en vrai, les filles, allez dans le jardin. Ça va aller. Je ne pense pas qu'il va se passer un truc dangereux. Et tout de suite, elles me disent, mais t'es malade, jamais de la vie, on te laisse seul. Et moi, j'insiste. Je dis, non, mais vraiment, de toute façon, s'il y a le moindre souci, vous allez me voir, en fait. Je vais vous voir depuis la pièce à vivre. Je vois le jardin.
Et on entend tout, tout est ouvert. Donc allez-y, je sais ce que je fais. Et elles, elles n'ont vraiment pas envie, mais à contre-cœur, elles vont dans le jardin. À ce moment-là, je me retrouve seule avec lui dans mon salon. Il est toujours assis par terre et moi sur le rebord du lit. Et on a à peu près un mètre de distance. Et là, à ce moment-là, je me dis...
Je ne me suis jamais retrouvée face à ce genre de personnes. Et je ne suis pas dans le jugement, mais je suis plutôt dans... J'ai envie de savoir pourquoi il est comme ça et pourquoi il a envie de nous faire vivre des trucs comme ça. Qu'est-ce qu'il y a derrière ses pensées ?
Et surtout aussi, pourquoi il pense que moi, il peut y avoir moyen, alors qu'avec mes potes, pas du tout. Je commence à lui poser un peu plus de questions. Et il me dit qu'en gros, lui, ce qu'il aimerait vraiment qu'on fasse pendant ce séjour, c'est... Clairement, le maltraiter. Il dit clairement, j'aimerais que vous me maltraitiez un petit peu, que vous m'humiliez, que vous marchiez dessus. Tout de suite, je l'arrête. Je lui dis non, ça ne va pas être possible. Et là, il me dit, mais pourquoi ?
Je lui dis, mais parce que nous, ce n'est pas du tout ce qu'on est venu faire ici. On n'a pas envie de maltraiter les gens. Ce n'est pas notre univers. Ce n'est pas ce qu'on a envie de faire. Et il insiste. Et moi, je lui dis, non, non, vraiment, pas du tout. Et là, il se rapproche un peu.
¶ Escalade et Point de Rupture
Toujours par terre, mais il se rapproche. Au fur et à mesure où il me parle, il se rapproche. Moi, je me recule. J'ai ce réflexe-là de me reculer. Et en fait, je me recule à tel point que mes pieds ne touchent plus le sol. C'est-à-dire que je suis toujours sur le rebord du lit, mais mes pieds ne touchent plus le sol.
Et en fait, ils sont presque sur ses genoux, parce qu'il s'est tellement rapproché que mes pieds ne touchent plus le sol, mais ils ont quasiment touché ses genoux. Et lui, il est toujours en tailleur par terre. Il me dit, mais non, mais regarde, c'est sans danger, regarde. Et il reprend la semelle de ma chaussure.
Et il la lèche. Et là, je me dis non, mais c'est pas possible, quoi. C'est pas possible. Et il la lèche, il la lèche. Et à un moment donné, il prend le bout de ma basket et il la suce. En fait, il met le bout entier dans sa bouche, quoi.
Et là, c'est trop pour moi. Et en fait, directement, je crie. Je lui dis mais non, stop, en criant. Et je me recule. Et d'un coup, j'ai Jeanne et Olivia qui arrivent en courant dans la pièce parce qu'elles ont eu peur. Et je les regarde et je leur dis non, ça va.
Mais je suis quand même choquée. Je me dis, mais ce n'est pas possible. Ce mec, on ne peut pas faire ça. Il ne demande pas le consentement, il ne demande rien. Il fait ça, c'est hyper bizarre. Je ne suis pas à l'aise, donc je lui dis stop tout de suite. Et là, il se ferme. Complètement, il se ferme. Il a un visage encore plus sérieux que tout à l'heure. Et on voit que lui, il est limite énervé. Et là, non, on ne sait pas quoi faire. On se dit, non mais...
Ça va être quoi la suite ? Et là, en fait, ce qui est bizarre, c'est qu'on n'essaye pas tout de suite de partir de chez lui parce qu'on est tellement démunis et choqués qu'on n'a pas envie de le brusquer non plus et on essaye un petit peu de... changer de sujet, un petit peu comme si ça allait effacer ce qui venait de se passer, essayer de retrouver un petit peu un semblant de normalité, donc on lui pose des questions sur « et sinon, tu fais quoi dans la vie ? »
Pourquoi t'es revenu vivre en Italie ? Mais lui, il est hyper fermé et il nous répond très clairement qu'il n'a pas envie de parler d'autre chose et que... Il est déçu de voir des jeunes filles comme nous, aussi fermées d'esprit. Et à ce moment-là, il nous dit, vous savez quoi, vous pouvez aller vous balader pendant que moi je réfléchis à ce qu'on va manger ce soir. Ça n'a absolument aucun sens, mais...
À ce moment-là, on est démuni et on va aller dans son sens, même si on n'a clairement pas envie de passer la nuit avec lui. On lui dit d'accord. Et on part. On quitte l'appartement et on lui dit, ouais, on se voit après, à tout à l'heure.
¶ Fuite et Nuit d'Angoisse
Donc on sort de chez lui, et en fait là on est paniqué, on se dit mais qu'est-ce que c'est que ce truc ? Qu'est-ce qu'on vient de vivre ? C'est quand même hyper invraisemblable, on ne s'attendait pas du tout à ça. Il commence à faire nuit. on n'a pas d'autre solution d'hébergement. Donc là, on se met en tête de trouver un hôtel en urgence. Donc on va, dans tous les hôtels qu'on voit, demander s'il leur reste une chambre en urgence et on leur explique la situation.
Évidemment, ils sont choqués. Ils nous disent, mais c'est qui ? Et nous, on leur dit, mais on ne sait pas. C'est un mec de couchsurfing. Juste, voilà, on est dans une situation problématique. Il faut nous aider, quoi. Sauf qu'ils n'ont pas de chambre. Tout est complet.
Le temps passe, le temps passe. Et là, on se dit non, mais là, c'est une galère totale. Ça fait à peu près une heure et demie qu'on est dehors. On se dit on ne va même pas pouvoir prévenir nos parents parce qu'en fait, ils vont nous tuer. Donc, on est en galère totale. Et moi, à ce moment-là, je me dis mais...
Ok, on n'a peut-être pas d'endroit où dormir, mais il faut absolument qu'on récupère nos sacs de voyage qu'on a laissés chez lui. Parce qu'à tout moment, il peut faire des trucs super bizarres avec nos affaires, nous voler des trucs. Moi, ça m'inquiète. Je n'ai pas envie de laisser mes affaires plus longtemps chez ce gars.
Je lui envoie un message, je lui dis est-ce que c'est possible qu'on vienne récupérer nos sacs ? Et il ne répond pas. Donc au bout d'une demi-heure, je l'appelle et il répond. Et je lui dis oui, est-ce que vous avez reçu mon message ? Et il me dit oui, oui. Je lui dis « Du coup, nos sacs ? » Et il nous dit « Ah non, non, mais la voisine les a jetés dehors. » Je lui dis « Mais comment ça, la voisine ? » Et là, il répond pas, il raccroche. Donc je me dis « En fait, le mec... »
il a un problème, il se fout de nous. Clairement, qu'est-ce que la voisine vient faire là ? Et surtout, ça veut dire que nos sacs ne sont plus chez lui, donc il faut absolument qu'on les récupère, parce qu'à tout moment, on nous a volé nos affaires. Donc là, on court jusqu'à chez lui, on voit nos sacs devant sa porte, devant son palier.
Quelque part, on est soulagé parce qu'on n'a pas envie de revoir ce mec. En fait, on n'a pas envie de lui reparler. On n'a pas envie de lui dire, écoute, nous, on n'est pas à l'aise avec toi, donc on va partir. Ça, c'est déjà fait, en fait. Il nous a un peu virés de chez lui, donc tant mieux. On vérifie qu'il ne manque rien. Donc, on est soulagés, il ne manque rien, il n'a pas fait de trucs bizarres. Mais par contre, on n'a pas d'hébergement, il fait nuit et on est livrés à nous-mêmes.
On sort de l'immeuble, on est avec nos sacs et on se dit mais là, là par contre, il n'y a pas d'hôtel, il n'y a pas d'autres couchsurfers sur l'application. Pas d'amis sur l'île où on est, comment on va faire en fait ? Et on vient de vivre un truc où on est encore un peu sous le choc, on se dit mais là c'est quand même un scénario plus que catastrophe.
Je sais que Jeanne est un petit peu soulagée quand même. Elle commence à reprendre des couleurs et à parler. Elle nous expliquait qu'en fait, elle était hyper choquée. Donc, elle n'avait même pas de...
De mots, en fait. C'est pour ça que sur le moment, elle était mutique. Moi, je me ressasse les moments qui se sont passés. Je me dis, mais je viens quand même de me faire lécher la semelle de mes chaussures. Enfin, je suis choquée. Et il faut qu'on trouve une solution. Il faut qu'on trouve un endroit où dormir.
¶ Une Nuit sur la Plage
Pendant qu'on est en panique, en train de chercher des solutions, on voit un groupe de scouts qui s'avance vers nous. On se dit qu'on va absolument aller leur parler, parce que les scouts sont réputés pour être très accueillants. Donc on va les voir.
Ils ne sont pas français, ils sont italiens. On leur parle anglais et on leur explique notre situation. On leur dit « Ouais, là, on n'a pas d'hébergement. On fait un road trip. Il nous est arrivé un truc bizarre. Est-ce qu'on peut rester avec vous ? » Et tout de suite, ils nous disent « Mais pas de souci, avec plaisir. »
Du coup, on est un peu soulagés parce qu'on n'est pas toutes seules. Ils sont vraiment beaucoup, ils sont une vingtaine. Et ils nous disent qu'en gros, ils dorment sur une plage qui est juste à côté. On les suit.
Et on arrive sur la plage, et en fait, sur la plage, il y a une odeur horrible. Je pense que c'est les algues, je ne sais pas, mais c'est vraiment pas agréable. Et on se dit, non, on ne peut pas rester là. Je ne sais pas comment ils vont faire eux. Apparemment, ça n'a pas l'air de les déranger, mais nous, vraiment, là...
L'odeur, elle est horrible. Puis en plus, ils ont tous leur tente. Nous, on n'a rien. Ils nous calculent sans vraiment nous calculer. Ils sont quand même dans leur voyage à eux et on ne se sent pas à l'aise. Et du coup, on se dit, tant pis, on va essayer de trouver d'autres gens et on part.
On part, on marche, et là, on tombe nez à nez avec deux Français qui ont notre âge. Une fille et un garçon, ils sont cousins. Et ils sont pareils que nous, en road trip, et eux, ils sont partis depuis Lyon en stop.
Et ils nous expliquent qu'eux non plus, ils n'ont pas d'hébergement, mais qu'ils comptaient se débrouiller sur place. Et nous, tout de suite, on leur explique que nous, on n'a pas d'hébergement, mais parce qu'il nous est arrivé une aventure assez incroyable. On leur raconte. Ils sont choqués.
Et ils nous disent, écoutez, on va trouver une solution. Venez déjà, on mange tous ensemble. Donc, on va au resto. Ils sont très sympas et on se rend à l'évidence qu'il est peut-être 23 heures et on n'a aucune solution d'hébergement. Et eux, ils ont une tente. Pour deux. Et ils nous disent, écoutez, là, on n'a pas de solution, on va rester ensemble, on va aller dormir sur une autre plage, et si vous voulez, on vous prête notre toile de tente, et nous, on dort sur nos tapis de sol.
Et du coup, on accepte. On est quand même contentes. Il ne fait pas non plus hyper froid. On est en août, donc ça va. Et puis, on est soulagés surtout d'être avec des gens. Et en fait, il ne nous arrive rien du tout. C'est plutôt cool. Et les jours qui suivent sont super super cool. On reste avec eux et on visite en fait tous les cinq terres. Donc la journée, on fait des restos, des visites culturelles. On loue un bateau le dernier jour et c'est vraiment...
C'est génial. On a vraiment l'impression d'être dans un film. Tout est super cool. Et ce qui est marrant, c'est que le soir, par contre, on dort vraiment à l'arrache sur la plage, alors que la journée, on fait des activités super cool.
¶ Leçons Apprises et Regard Rétro
Pour la suite du voyage, on continue à utiliser l'application parce que le fait de vivre cette expérience à trois fait qu'on n'est pas traumatisés. Si j'avais vécu... L'expérience toute seule chez cet homme, je pense que j'aurais vécu le truc très très mal, j'aurais cherché à trouver des moyens de logement beaucoup plus safe pour la suite. Mais là, comme on est trois...
Et qu'en fait, on se rend compte qu'il faut absolument regarder les commentaires chez les gens qui ont été hébergés. Chose qu'on n'a pas faite avec le deuxième couchsurfer. On se rend compte qu'en fait, il a des commentaires super négatifs qu'on n'a pas vus. Ce qu'on fait, nous, c'est que quand même, on se rend compte que le mec peut être dangereux. Donc sur l'application, nous, on le signale.
Et du coup, pour la suite, on fait hyper attention. On regarde bien les commentaires. Ça nous permet de rencontrer des gens hyper cools à Naples, à Florence, à Rome. à qui on raconte cette aventure et qui sont extrêmement choqués parce qu'ils ne savent pas non plus qu'il y a ce genre de personnes sur l'application. Et aujourd'hui, j'en garde un très bon souvenir parce que c'est une anecdote dont je pense me souvenir toute ma vie.
que j'ai plaisir à raconter parce que c'est quand même, on dirait clairement un film. Et comme je ne suis pas traumatisée, ni mes amis non plus, en fait, c'est une expérience qu'on se rappelle en rigolant et qu'on trouve quand même assez incroyable avec le recul. Vous venez d'écouter Transfer, épisode 328, un témoignage recueilli par Benjamin Ours. Cet épisode a été produit par Slate Podcast. Direction éditoriale, Christophe Caron.
Direction de la production, Sarah Koskiewicz. Direction artistique, Benjamin Septemours. Production éditoriale, Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Presse de son, Sarah Koskiewicz. montage et habillage musical, Johanna Lalonde. L'introduction a été écrite par Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Elle est lue par Aurélie Rodriguez.
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