Dangereuses technologies

Vous l'avez peut-être déjà utilisé pour retoucher une photo, écrire un texte ou même pour planifier un voyage. Ce que promet l'intelligence artificielle est infini. D'ailleurs, on ne sait pas encore quelles sont toutes les utilisations possibles. Mais une chose est sûre, c'est qu'elle n'a pas que des bons côtés. Marie n'y connaît pas grand-chose en IA. Elle en a entendu parler dans les journaux, dans les publicités. Elle sait que c'est l'avenir qu'on nous promet.

sans se douter de l'impact que cette révolution informatique allait avoir dans sa vie. Attention, cet épisode aborde des sujets sensibles. Pour en savoir plus, reportez-vous au texte de description de l'épisode. Vous écoutez Transfer, épisode 376, un témoignage recueilli par Léa Volbert.

En 2017, j'ai 23 ans et je commence mon... stage dans une entreprise de chasseurs de tête et je suis un peu stressée parce que c'est vraiment ma première expérience professionnelle et c'est un secteur d'activité qui m'intéresse beaucoup mais que je sais très pressurisant. Quand on arrive, il y a un espèce de tour de table où chaque personne vient se présenter et je rencontre du coup mes 17 collègues, dont Julien.

qui est peut-être le plus rassurant, le plus sympathique, qui vient le premier vers moi. Il se détache des autres, il se lève et il vient me rencontrer pour qu'on aille discuter dans la cuisine. Mais c'est quelque chose qui se fait dans l'entreprise. C'est-à-dire qu'on fait un tour de table où tout le monde se présente et donne son secteur d'activité. Et puis chaque personne vient vers le nouveau ou la nouvelle.

pour prendre un moment et se présenter. Ça permet de casser un peu cette barrière qu'on a quand on vient de rentrer dans une entreprise. Ça crée du lien dès le début. Et c'est le premier à le faire. C'est le premier à le faire avec tout le monde. Donc il m'explique qu'il va m'aider, que ça va bien se passer. Il est hyper rassurant. Et tout de suite, je me dis que je vais hyper bien m'entendre avec lui parce qu'on a des valeurs communes. Il est très direct.

C'est un niçois qui est à Montpellier depuis peut-être un an. Il a rejoint sa petite amie et malheureusement, ils se sont séparés. Il me raconte qu'il vient de se séparer et donc je me prends d'attachement pour lui parce que ça me fait un peu de la peine. Physiquement, c'est quelqu'un de grand, de très classe, un peu le stéréotype niçois.

Donc en costume, avec des jolies chaussures, des belles affaires, de marques. C'est quelqu'un qui a l'air d'avoir les moyens et d'être hyper à l'aise en société ou dans l'entreprise. On dirait un... un commercial vraiment déjà très aguerri. Alors que moi, je viens de commencer, je suis assez réservée, je ne connais pas du tout le monde de l'entreprise. Et lui, c'est un peu, pas le gourou, mais la personne qui maîtrise.

Très rapidement, les relations dans l'entreprise dépassent la vie professionnelle parce qu'on est tous très jeunes, donc on sort beaucoup. Et lui, il est toujours à l'origine des événements qu'on fait après le travail. C'est lui qui va nous proposer d'aller boire une bière, c'est lui qui va nous proposer d'aller chez lui faire une soirée raclette. Moi, j'apprécie beaucoup être en sa compagnie. Il s'avère qu'on est très proches, mais c'est vraiment...

Une relation amicale. Il n'y a aucune ambiguïté. Il m'a même dit que je ne suis pas du tout son style de femme. Il a 50 plus que moi, et nous, on a une relation qui est un peu plus aboutie. que celle qu'il peut avoir avec mes autres collègues, même si globalement tout le monde est assez proche.

Parce que ça peut nous arriver d'aller fumer une clope que tous les deux ou qu'il capte alors que d'autres ne le voient pas, que ça ne va pas. Et il vient à moi pour qu'on puisse descendre souffler un coup et ça ouvre. porte à se confier beaucoup plus facilement avec lui qu'avec d'autres personnes. Il connaît des choses de ma vie privée que d'autres collègues ne connaissent pas. Et il est hyper bienveillant. Et comme il est un peu plus âgé que moi...

Il a cette espèce de maturité que je ne vais pas retrouver chez tout le monde. Et donc, il est pertinent dans les conseils qu'il nous donne. En fait, quand tu es avec lui... Il ne va pas être concentré sur autre chose, donc il va te donner 100% de son attention, ça donne envie de se confier. Il ne va pas être sur son téléphone, il ne va pas être sur son ordinateur, et du coup, tu as envie de te livrer à lui. Parce que je ne suis pas la seule à être dans cette situation, à le trouver inspirant.

à le trouver rassurant. Tous mes collègues ont à peu près le même relationnel avec lui, même si je pense que j'ai un relationnel particulier et qu'il m'apprécie plus que les autres. Très vite, il évolue en termes de poste et il devient mon manager.

Et c'est un peu gênant parce qu'on a une relation particulière et que quand on est amis et qu'on bascule sur une partie manager-manager, la relation change. Et moi, je sens que la relation change parce qu'il prend une position beaucoup plus... Pas dur, mais il change sa façon de parler quand on n'est que tous les deux sur un point managérial et quand on n'est que tous les deux pour fumer une clope. Ça me rend méfiante parce que je me dis qu'il peut changer de personnalité assez vite.

Et je me demande à quel point je peux me confier sur ma vie privée. Parce que ça lui arrive, quand on fait des points manager-manager, de retourner des choses. Par exemple, si pendant un week-end, j'ai énormément bu et que le lundi, je suis fatiguée, vu que je me suis confiée sur mes soirées de débauche, il est capable de me le renvoyer.

en pleine figure pendant un point. Je ne saurais pas l'expliquer, mais je continue de me confier à lui parce qu'il a réussi, malgré ça, à garder cette relation de proximité avec moi. Il reste rassurant. Quand il me donne de son temps, il me donne 100% de son temps. Il m'écoute. Et surtout, il va venir chercher les informations. Il va venir me poser des questions sur ma vie privée. Il va venir me demander comment ça va alors que d'autres personnes s'en fichent.

Lui ne se livre pas trop sur sa vie privée. J'ai très peu d'informations sur lui quand j'y réfléchis. Je sais qu'il est arrivé à Montpellier il y a peut-être un an et demi. Je sais qu'il est venu pour une femme. Et que la relation n'a pas marché. Mais j'en sais pas plus. Je sais pas s'il voit quelqu'un. Je sais pas comment il se sent dans l'entreprise. Et à cet instant-là, notre relation, elle est plutôt déséquilibrée.

C'est-à-dire qu'il a énormément d'informations sur moi, et moi j'en ai quand même assez peu sur lui.

Une soirée, il invite tous les nouveaux à venir chez lui pour faire un espèce d'apéro. Et la conversation autour de la table dérive. à un moment donné, sur des critères physiques, notamment des femmes. En voulant faire le fanfaron, il fait une blague. Et dans sa blague, il pose une question, en tout cas, il sous-entend.

qu'il aimerait connaître la taille de mes tétons. Et comme à cet instant-là, c'est mon manager, je trouve ça hyper gênant. Et je me braque. Je ne réponds pas forcément à la question parce qu'en plus, je me sens... Mal à l'aise, tout le monde me regarde. C'était censé être une blague, mais personne ne rigole. Ça jette très rapidement un froid dans la pièce. Et puis...

Ça change de sujet parce que lui, il va faire une autre blague dans la foulée où les gens vont rigoler. Mais moi, je reste coincée là-dessus, sur cette question hyper intrusive, qui n'est absolument pas drôle et qui me complexe un peu parce que j'ai une forte poitrine.

et que c'est quelque chose que j'essaye de cacher, et je me rends compte qu'en fait, les gens l'ont vu. À ce moment-là, je n'ai plus du tout envie de rester à cette soirée, il doit être 22 heures, et je prends mes affaires, et je pars, je pars à pied, et je rentre chez moi en pleurant.

Je me sens trahie parce que quand on est amie, on ne se dénigre pas. Ça me déçoit un peu parce que c'est quand même quelqu'un qui a l'air hyper rassurant, très bienveillant, très à l'écoute. Et je me dis, ah, en fait, je ne le connais peut-être pas tant que ça. Et quand je rentre chez moi...

Personne ne m'écrit, personne ne me demande pourquoi je suis rentrée aussitôt, même pas lui. Le lendemain, avant d'aller au travail, j'ai une boule au ventre et je raconte cet épisode à mon conjoint qui me propose de l'attendre en bas du bureau. pour lui expliquer que ce qu'il a fait, ça se fait pas. Je pense pas qu'il voulait discuter avec lui, pour être honnête.

Je le défends parce que j'explique que c'est peut-être moi qui ai mal interprété la blague et qui en fait souvent des caisses. Je suis un peu mélodramatique. Je lui demande de ne pas venir. Je minimise un peu le...

l'action qui a été faite. J'en discute avec une de mes copines qui ne travaille pas dans cette entreprise et qui me dit que c'est inadmissible, que ça ne se fait pas, que ça porte un nom en entreprise, ça porte le nom de harcèlement sexuel. Et quelques mois plus tard, j'arrive au bureau.

avec cette boule dans le ventre et je me demande si notre relation a évolué. S'il se rend compte que moi j'ai été blessée et je me rends compte que pas du tout, il fait comme si de rien n'était. Mais comme je n'aime pas trop le conflit, je suis rassurée. qu'il reste la personne qu'il est. Il reste bienveillant, il est à l'écoute, on continue nos pauses clopes, il se confie à moi. Et c'est là où j'ai l'impression que je commence à m'intéresser à lui.

à ce qu'il peut ressentir et où je commence moi aussi à poser des questions sur savoir est-ce qu'il a rencontré quelqu'un ? Comment il se sent au travail ? Comment ça se passe avec nos managers ? Et il répond à mes questions. Je commence à plus le connaître et j'arrive à cerner sa personnalité. C'est quelqu'un qui manque cruellement de confiance en lui, notamment avec les femmes. On se montre des photos sur les applications de rencontres et c'est moi qui lui fais son profil sur Tinder.

C'est moi qui sélectionne les photos, qui mets les descriptions pour essayer de faire en sorte qu'ils rencontrent quelqu'un. Et on swipe ensemble. Et je remarque qu'ils swipent vraiment que des femmes très, très, très jolies. Et je remarque qu'il est hyper exigeant. Il a des critères de beauté d'un mannequin. Je pense qu'il manque de confiance en lui parce que quand on discute et que j'écoute un peu ses histoires amoureuses, je me rends compte qu'il a souvent été à la merci d'eux.

et très soumis dans ses relations. Il a du mal à prendre du recul et à se rendre compte qu'en fait, il était hyper en demande. Dans ses relations passées, on se rend compte qu'il s'est souvent oublié.

Je commence à prendre de plus en plus confiance en moi et je sens que mes managers peuvent me proposer peut-être son poste à lui et qu'il le sent aussi. Il sent le vent tourné, il est méfiant. Et il a de nouveau des comportements déplacés, des remarques sur ma façon de m'habiller. Une fois, je vais dans la salle de bain.

Je me lave les mains et en fait le jet d'eau est très puissant. Et quand je mets les mains sous l'eau, ça m'arrose mon t-shirt au niveau de ma boitrine, ça laisse quelques gouttes. Et je re-rentre dans l'open space et il se permet de faire une remarque hyper déplacée, laissant supposer qu'il y aurait eu une éjaculation. C'est sa manager, donc MindPlus2, qui intervient et qui lui dit que ce genre de remarque porte un nom en entreprise.

Et elle ne dit pas les termes harcèlement sexuel, juste elle le menace. Et là, par contre, devant tout le monde, j'ai le droit à des excuses. Et puis, il me demande d'aller dans la cuisine. Et là, il m'explique que ce n'est pas du tout déplacé. Selon lui, c'est une blague.

et qu'on est très amis et qu'on a le droit de faire ce genre de blagues. Je lui réponds que je comprends et qu'il n'y a pas de soucis. Ça reste quelqu'un en qui j'ai confiance, c'est mon manager, il m'a porté sur beaucoup de sujets et il répond toujours présent quand j'ai besoin.

Donc je peux lui pardonner cette petite incartade. Je pense que ça, ça fait partie de mon trait de personnalité. Je vais être blessée, mais je ne vais pas avoir envie d'en vouloir à la personne qui m'a blessée. Je vais avoir envie de laisser...

Le bénéfice du doute ou le droit à l'erreur. Je pardonne très vite. Il est très bon pour deviner la personnalité de quelqu'un. Et d'ailleurs, c'est notre job. Et il est bon dans son job. On est en compétition professionnellement. Mais c'est sous-entendu, c'est-à-dire que personne ne se le dit. Et puis, il a eu l'opportunité de prendre la direction d'une autre de nos antennes dans l'Est de la France. Et je suis hyper contente pour lui.

Il m'explique qu'on va rester en contact parce qu'on reste dans la même entreprise, que ça va être une super opportunité pour moi. On fait son pot de départ. Je suis hyper triste parce qu'effectivement, je perds mon point de repère dans l'entreprise.

Ça fait cinq ans qu'on travaille ensemble et je ne sais pas comment ça va se passer. Je vais changer de manager. Donc, il s'en va et on se voit une à deux fois par an à des événements professionnels. Et un jour, il m'appelle pour me dire qu'il a rencontré quelqu'un.

Elle s'appelle Sonia. Quelques mois plus tard, il m'appelle et il me dit qu'il a une opportunité professionnelle dans une entreprise concurrente dans le sud de la France, ce qui lui permettrait de rentrer à Montpellier. Et il me demande ce que j'en pense. Égoïstement, je pense que c'est une bonne idée, parce qu'au moins, il sera de nouveau à Montpellier, et c'est mon ami. Dans le même temps, il m'annonce qu'il s'est séparé de Sonia. Ils ont dû rester ensemble quelques mois.

Peut-être une année. Il ne me dit pas forcément pour quelle raison ils se sont séparés. Et je n'arrive pas à obtenir l'information. Lui, il me dit que c'est lui qui l'a quitté parce qu'il ne s'entendait plus. Je ne m'attarde pas dessus et je passe à autre chose.

Quand il arrive à Montpellier et qu'il prend son poste, on a une espèce de routine. Ce n'est pas toutes les semaines, on se voit beaucoup moins. Mais ça nous arrive d'aller boire une bière ensemble. Un jour, je reçois un appel professionnel.

de Sonia, qui m'explique qu'elle aimerait beaucoup descendre dans le sud. Elle sait que je dois recruter quelqu'un dans mon équipe et elle aimerait faire partie de mon équipe. Moi, comme je sais que c'est une top performeur, j'acquiesce de suite.

Ce n'est pas du tout professionnel, mais je lui dis que je suis au courant qu'elle est séparée et que Julien est descendu dans le sud et que je sais pourquoi elle a envie de descendre. En fait, je lui tends une perche pour qu'elle me dise qu'elle veut le rejoindre.

Et là, elle m'explique qu'ils sont en super bons termes, que ça se passe hyper bien, qu'ils sont amis et qu'elle descend pas du tout pour lui, mais qu'effectivement, il l'a inspiré dans son choix de descendre. Ça doit être quatre mois après leur séparation, pas plus.

Donc moi, je garde cette idée en tête. Je reste persuadée qu'elle descend pour lui. Et d'ailleurs, quand elle arrive et qu'elle a une galère avec son appartement, c'est chez lui qu'elle décide de loger. Sonia, elle est arrivée en mai.

Elle intègre l'entreprise. Et au mois d'août, quand l'activité n'est pas au rendez-vous, on se permet d'avoir des discussions qui n'ont rien à voir avec le pro. Et là, on parlait des relations amicales entre ex. Et je la prends à partie. Je lui dis qu'elle a vraiment trop de chances de s'entendre hyper bien avec son ex. Sauf qu'elle ne réagit pas du tout à la positive. Elle se braque, elle a les larmes dans les yeux. Elle m'envoie limite chier.

en me disant que Julien est un gros con et qu'on ne doit plus en parler, que ça ne se passe pas bien du tout. Je ne saurais pas comment l'expliquer, mais d'instinct, je lui demande s'il s'est passé quelque chose. Elle me dit que oui. Je vois sa gestuelle. Elle est fermée. Elle se fait un câlin elle-même avec ses bras. Elle est recroquevillée. On dirait qu'elle a honte.

Donc je lui pose la question si ça a un rapport avec quelque chose de sexuel. Quand elle me répond oui, je stresse un peu. J'essaye de creuser le sujet. Je lui demande si ça la concerne elle. Et à ce moment-là, elle me dit « pas vraiment ». Et je lui demande si la police pourrait intervenir, si c'est grave. Et elle m'explique que oui. D'un côté, je la crois.

Et d'un autre côté, je me dis que depuis qu'elle est arrivée, elle est quand même spéciale. Elle est drama queen. Je mets quand même en doute sa parole. Je n'ai pas envie de me mêler de ce qui ne me regarde pas. Et comme Sonia est assez dramatique, je ne veux pas inquiéter Julien. J'attends d'avoir plus d'informations, mais je sens que Sonia est assez fermée sur le sujet. Je n'ai pas envie d'insister, je suis sa manager. On est en train de parler...

de choses de l'ordre sexuel où la police pourrait intervenir. J'essaye de comprendre ce que ça pourrait être, mais je mets de la distance dans tout ça et je ne pense pas à ce qui s'est passé avant avec Julien. J'aumais les incartades qu'il a pu avoir avant, en termes de remarques sexuelles à mon sujet. C'est comme si elles n'avaient jamais eu lieu. C'est vrai que depuis quelques semaines, j'ai plus de news.

de Julien. Et je me dis que c'est l'été et que je reprendrai contact avec lui en septembre. Il habite pas loin de mon lieu de travail et je ne le croise plus. Je suis pas très envahissante. Si on me répond pas... Je ne vais pas aller insister pour créer un moment. Si tu n'as pas envie de me voir, tu ne me vois pas. Donc, comme c'est le mois d'août et que tout le monde est en vacances,

Je pars assez égoïstement en congé et je décroche complètement du monde professionnel. Et je passe des super belles vacances. Je rentre ressourcée. J'ai eu contact avec personne du travail.

Je rentre en septembre et Sonia vient me voir dès le matin, à l'heure du café, et elle me demande de prendre du temps pour elle à la fin de la journée pour aller boire une bière. C'est la première fois qu'elle me demande qu'on aille boire un coup toutes les deux. La journée se passe, ça me travaille. J'ai mal au ventre. Je refais le fil de ce qui s'est passé dans l'été. Je me refais notre conversation. On boit une bière toutes les deux.

stressée. Et elle a déjà les larmes dans les yeux. Elle m'explique qu'elle a quelque chose de grave à me dire concernant Julien. Ça m'inquiète. J'imagine... que s'il a disparu, c'est qu'il s'est passé quelque chose de grave. Elle m'explique que ça me concerne, ce sujet d'ordre sexuel. Elle sort son téléphone et elle m'explique que quand elle était en...

télétravail chez Julien. Elle a eu besoin de prendre une photo de son ordinateur. Son téléphone n'avait plus de batterie, donc elle prend l'iPad de Julien qui était sur la table du salon et qui était déverrouillé. Et là, elle voit qu'il s'est connecté sur son ordinateur et il a pris des photos d'informations confidentielles, sachant qu'il travaille à la concurrence. Donc très vite, elle le confronte.

Elle m'explique qu'elle se rend compte pendant la confrontation qu'il est bizarre. Il a des marques rouges dans le décolleté. Il est gêné beaucoup plus que nécessaire par rapport aux informations. entre guillemets, inutile qu'il a récupéré. Comme elle le connaît très bien, elle laisse passer et donc elle fait une deuxième fouille le lendemain. Elle m'explique qu'elle est tombée sur...

une trentaine de photos de femmes nues. Donc, moi, au début, ça ne me choque pas trop. C'est un homme. Il a des photos de femmes nues dans son téléphone. Oui. En quoi c'est quelque chose de grave. Et puis, je pense qu'elle essaye d'amener la chose doucement pour pas trop me choquer. Et puis, comme c'est quelqu'un d'assez excessif, elle perd patience. Et elle me dit, écoute, c'est toi. Il a des photos de toi à poil dans son téléphone. Et là, c'est une sensation, ça fait comme un...

chaud-froid, du bout des doigts jusqu'à derrière la nuque. Un espèce de frisson géant, mais pas du tout agréable. Et je me demande, quand est-ce que j'ai fait des photos nues qui auraient pu fuiter ? Je lui dis, je suis désolée, mais je n'ai jamais fait de photos nues. Ça ne peut pas être moi sur les photos. Elle me dit, si, si, c'est toi. Et quand je suis tombée dessus, j'en ai vomi. Et je comprends qu'elle est choquée.

J'essaie de faire en sorte qu'elle aille bien. Je mets ma main sur son avant-bras et j'essaie de la soutenir comme je peux. Elle me montre les images. Comment c'est possible qu'il ait des photos de moi nue ? Je me reconnais sur les photos, j'ai l'impression que je les ai prises et je reconnais mon corps. Et je me dis, waouh, c'est une application qui a réussi à m'enlever mes vêtements.

Et pas à retoucher la photo. Je vois ces photos de moi et je pense que c'est moi. Oui, c'est hyper réel, c'est très bien fait. Demain, la photo, elle sort. C'est moi dessus. Toutes les photos... C'est des photos que j'ai prises. C'est des photos de moi en sortie canoë, c'est un selfie, c'est une story Instagram, c'est une photo professionnelle partagée dans le groupe WhatsApp du bureau.

C'est que des photos qui existent vraiment, sur lesquelles je me retrouve complètement nue. Ça annule complètement mes souvenirs. Je sais très bien que je n'ai pas posé nue. Mais je me dis, peut-être qu'en fait, si, je l'ai fait. Et je ne m'en souviens plus. Ça met vraiment un doute. Je pose peut-être mille questions. Comment c'est possible qu'il ait obtenu ses photos ?

Qu'est-ce qui fait que ça a enlevé mes vêtements ? Je ne pense pas de suite à un montage. Alors que j'ai 30 ans, je connais les nouvelles technologies, je travaille dans ce domaine-là. Je sais que l'intelligence artificielle existe, mais je n'arrive pas à rationaliser. J'ai l'impression qu'on m'a enlevé mon maillot de bain, ou qu'on m'a enlevé mon t-shirt, ou qu'on m'a enlevé mon pantalon. Et elles défilent les photos.

Et je me rends compte qu'il y a même plusieurs fois la même photo avec des tailles de tétons différentes et des pilosités différentes, des tailles de lèvres différentes.

Et là, je me rends compte qu'effectivement, c'est un logiciel qui a fait ça. En fait, quand elle est tombée sur les images, avec son smartphone, elle a pris les vidéos. Elle m'avoue qu'elle a pris des vidéos parce qu'elle savait que je ne la croirais pas sinon, parce que je suis très amie avec Julien. Et que du peu qu'elle me connaît, elle sait que je pardonne très vite et que j'ai du mal à voir le mal chez les gens.

Quand on refait défiler la vidéo que j'ai déjà vue, je me rends compte qu'entre peut-être 30 photos de moi, il y a des photos d'autres de mes collègues de travail, d'autres femmes avec qui je travaille ou avec qui j'ai travaillé par le passé. Ce sont des photos de notre groupe WhatsApp de bureau, des réseaux sociaux qu'il a récupérées, qu'il a transformées. Et je dis à Sonia que c'est hyper grave. Et je lui demande pourquoi elle a attendu.

autant de temps avant de m'en parler. Elle s'excuse en me disant qu'elle sait pas vraiment pourquoi et que c'était dur pour elle parce qu'elle est sur aucune photo. Elle m'explique que quand elle est tombée sur les photos... Elle est partie de l'appartement et elle l'a croisée dans l'entrée. Elle a attendu d'être dans son nouvel appartement, chez elle, pour lui faire un message en lui disant que c'était un gros dégueulasse et qu'elle avait vu ce qu'il avait dans son iPad. Et il lui a répondu...

qu'il était choqué de son voyeurisme. Et quand elle me raconte ça, elle pleure. Et je me rends compte qu'il lui a retourné le cerveau et qu'elle a vraiment l'impression d'avoir fait du voyeurisme.

Je fais des liens très vite. Ça fait plus d'un mois et demi que je n'ai pas croisé Julien. Tout est limpide. Je me rends compte qu'ils pensent que Sonia m'a mis au courant des photos depuis longtemps. Je récupère les vidéos. Je rentre chez moi. Et sur le trajet du retour, j'ai peur de le dire à mon conjoint. J'ai peur. Peur que mon conjoint s'énerve contre moi parce que les photos sont...

sont hyper réalistes. J'ai peur que ça me retombe dessus parce que de base, j'ai quand même posté une photo. Peut-être qu'il va me dire que je l'ai cherchée. J'anticipe tout et je culpabilise. Et puis, arrivée chez moi, je suis comme un peu anesthésiée. J'appelle ma meilleure amie parce qu'il faut savoir que sur certaines photos, je suis avec elle.

Et l'intelligence artificielle, elle ne fait pas qu'un seul corps sur une photo, elle fait tous les corps qu'il peut y avoir. Et je veux la prévenir que, par effet ricochet, elle se retrouve nue sur les photos. Elle, elle n'est... professeur des écoles. De suite, elle, elle panique. Et limite, elle me secoue en me disant mais tu te rends compte ? Enfin, je travaille dans l'éducation nationale.

Je n'ai pas le droit de faire du porno. Si la photo, elle fuite, on ne va pas se poser 36 000 questions. C'est grave. Pourquoi tu ne réagis pas ? Et pourquoi tu prends sa défense ? Parce qu'à ce moment-là, je lui explique que c'est rien, que c'est une intelligence artificielle, que je ne pense pas qu'il ait diffusé les photos, qu'elle ne s'inquiète pas, je vais gérer. Et là, clairement, elle me secoue et elle me demande de faire quelque chose rapidement.

Je mets du temps avant de me rendre compte que c'est grave. Parce que je pense être anesthésiée de la situation, c'est un choc. C'est mon ami. Je ne suis pas son style de femme. Je me retrouve nue dans son téléphone. Pour moi, il n'y a pas de... C'est pas réel. Et puis la nuit passe et le lendemain, je décide d'agir. Donc je contacte toutes les femmes que je connais, puisque je travaille ou j'ai travaillé avec elles, pour aller les voir et leur montrer la vidéo.

Elles sont hyper énervées, elles l'insultent. C'est pas leur amie, donc je pense qu'elles ont moins de compassion. Elles sont dans l'agressivité, dans le dégoût. Elles sont pas sympas du tout. Elles proposent... Plein d'idées farfelues. Aller chez lui, lui subtiliser son ordinateur, y aller avec nos maris et nos conjoints pour lui faire peur, le menacer, contacter sa DRH.

J'ai l'impression que je suis la seule à prendre sa défense et à essayer de trouver des solutions plus sympas. Je leur explique que c'est hors de question. On ne va pas bousiller sa vigne pour quelques photos. Et je minimise encore la chose. Par contre, j'ai peur. Et j'ai peur qu'elle soit diffusée, que ça joue sur mon image professionnelle et même personnelle, parce que la photo, elle est tellement bien faite que si elle sort, le mal y sera déjà fait.

Je pourrais dire que c'est un montage, mais c'est tellement réaliste que ce serait déjà diffusé. Et on décide de porter plainte. On va au commissariat, on y va hyper tôt. La personne qui me reçoit veut qu'une seule personne dans son bureau. Je suis assez rassurée parce que c'est une femme qui me reçoit. Elle est assez sympathique. Elle me demande ce qui se passe et je lui explique la situation et j'aimerais porter plainte.

Et je suis assez surprise de la réaction de la policière. Elle m'explique qu'on a le droit à tous avoir des fantasmes tant qu'on ne diffuse pas. Les photos, on ne peut pas être puni. Si par exemple, demain, son fantasme, c'est Justin Timberlake, elle a le droit d'avoir une photo de Justin Timberlake. Elle coupe son visage et elle le met sur un corps nu.

et elle peut faire ce qu'elle veut avec pour son plaisir personnel. Que c'est qu'un fantasme et que c'est pas puni par la loi. Et ça m'énerve. J'attends qu'on me dise qu'on peut le convoquer, l'entendre. qui viennent se justifier, pas devant moi, mais devant les autorités, et surtout qu'on subtilise tous ces appareils électroniques.

Et que la police supprime les images de moi, mes collègues et mes amis, de tous ces smartphones, ordinateurs portables, iPad. Qu'on vienne un peu à ma rescousse et qu'on protège mon image.

Je ne contacte toujours pas Julien. Je ne veux pas qu'il sache qu'on est au courant. Je ne veux pas le confronter. Je ne veux pas qu'il se justifie. Je n'ai pas envie d'entendre parce qu'il n'y a pas d'explication. En tout cas, il n'y a rien qui est entendable pour moi. C'est un ami. Il m'a trahi. Il a porté atteinte à ma vertu. Et je ne veux pas lui laisser l'opportunité de s'excuser. Ce n'est pas du tout le moment. Et je me décide à lui faire un message.

« Salut Julien, j'ai appris pour les photos, je porte pas de jugement. Par contre, ça m'embête que ce genre de photos existe de moi et de mes collègues amis. Peux-tu, s'il te plaît, m'assurer que tu vas les supprimer ? » Dans les secondes, il me répond « Salut Marie ! »

Je t'assure que tout est supprimé, tu as le droit de me juger, je le comprends parfaitement, je sais que tu me détestes et que tu ne souhaites plus jamais me parler, c'est normal. Je voulais simplement te dire que je n'ai jamais voulu te faire de mal après toutes ces années d'amitié. Quand je reçois ce message, je panique un peu. Parce que j'ai peur...

qu'il ait trop de peine et qu'il fasse une grosse connerie. Parce que je le connais, je sais qu'il est fragile, qu'il n'a pas confiance en lui, que c'est une façade. Un peu pour le protéger, je lui réponds « Je ne te déteste pas ».

J'espère sincèrement que toi aussi tu pourras trouver le bonheur. Je t'ai enlevé de nos groupes et bloqué des réseaux dès que j'ai vu les images étant sous le choc. J'aurais certainement dû écrire ce message avant de le faire pour faire les choses dans l'ordre. Bonne continuation à toi. Ma réaction est clairement soft. Déjà, ce n'est pas mon style d'accabler plus que ça les gens. Et je n'ai pas envie d'avoir quelque chose sur la conscience.

Et je pense avoir mis mon énervement plutôt sur autre chose. Je trouve ça inadmissible qu'on puisse faire ce genre de montage aussi facilement, que ça ne soit pas puni par la loi. N'importe qui peut avoir accès à l'application et il n'y a pas de règles. J'ai une trentaine d'années, donc sur les photos, je suis déjà une femme. Mais on peut modifier le corps.

d'une gosse de 12 ans sans trop de difficultés. Et c'est plutôt sur ça que j'ai posé mon énervement. Je n'arrive pas à lui en vouloir parce que je ne fais pas le deuil de notre amitié et je ne sais pas expliquer.

Pourquoi je pardonne aussi vite ? On ne le voit plus, alors qu'il habite en face. Plus aucun de nos collègues de travail ne le croise, ni au bar. en bas du travail, où il était tout le temps, ni à la supérette. C'est comme s'il avait disparu. Sauf qu'il travaille toujours dans une entreprise concurrente. On entend parler de lui par nos clients.

Et il tente des espèces de contacts. Il demande au client de dire qu'il vienne de sa part. Il me fait un peu de la peine. C'est quelqu'un qui est seul, qui n'avait que ses collègues de travail. En tant qu'amie à Montpellier, tout le monde lui a tourné le dos. On a appris que dans l'entreprise dans laquelle il est, il s'est fait licencier.

Des informations que j'ai eues, il y a eu des problèmes de management et c'est les personnes qu'il manageait qui ont demandé à ce qu'il soit licencié. J'espère qu'il n'a pas recommencé et j'ai toujours un petit doute. Comme dans notre relation, à chaque fois qu'il a dérapé, il s'est excusé, mais j'ai eu quand même après des espèces de récidives et à chaque fois sur un degré plus dark. Ça ne m'étonnerait pas.

qu'il ait recommencé. Et s'il revenait vers moi maintenant en s'excusant, je pense sincèrement que je serais capable de pardonner. Vous venez d'écouter Transfer, épisode 376, un témoignage recueilli par Léa Volbert. Cet épisode a été produit par Slate Podcast. Direction éditoriale, Christophe Caron. Direction de la production, Sarah Koskiewicz. Direction artistique, Benjamin Septemours. Production éditoriale, Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours.

Chargée de pré-production, Astrid Verdun. Montage, Mona Delahaye. Prise de son et habillage musical, Johanna Lalonde. L'introduction a été écrite par Sarah Koskiewicz et Benjamin Septemours. Elle est lue par Aurélie Rodriguez. Retrouvez Transfert tous les jeudis sur slate.fr et sur votre application d'écoute préférée. Des histoires inédites et les coulisses de vos épisodes préférés. Pour vous abonner,

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