¶ Une Conversation Chez Le Barbier
Et tu pars quand ? Dans dix jours. J'ai hâte. Je suis épuisé. Tu pourrais arrêter de bouger si tu veux garder la tête sur ton cou. Et toi ? T'as déjà été au Canada ? Non, je connais pas. Je voyage jamais plus loin de Brest, moi, tu sais. Ah oui, tiens, en fait, j'ai plus beaucoup de cire. Je vais te reprendre un pot. Normalement, ça devrait le faire. J'ai cassé mon PEL. T'exagères ? Je fais pas de marge.
C'est juste un bon produit, c'est tout. Et attends, ramène-le en francs, mec. Ramène le prix du pot en francs. Mais là, c'est sans cesse. Presque régulier. Ma clim n'est pas allumée. Mais t'entends pas ? J'entends surtout les vannes pourries de Thomas sur le prix de la scie. Ça, oui, j'entends. Parce qu'attends 15 euros, ça fait...
3 euros, 20 francs, ça fait 200 francs le pot de cire, 200 francs, t'imagines un peu ? Ça me rendrait fou de bosser toute la journée avec ce bruit, tu devrais regarder ce que c'est, c'est peut-être ton voisin du dessus, ou d'à côté ?
Ça vient forcément quelque part. Oui, ça c'est sûr, ça vient forcément quelque part. Bon, tu la prends la sirou ou tu la prends pas ? Oui, je la prends. Je t'ai dit, j'ai économisé. Alors du coup, j'ai pas pu prendre la classe business pour le Canada, mais bon, tant pis. Méfie-toi.
Il ne voudra plus te coiffer ni te raser si tu continues de te moquer de lui comme ça. Si j'avais dû arrêter de raser Thomas ou de le coiffer le jour où j'en ai eu marre de lui, ça ferait longtemps qu'il aurait les cheveux très, mais alors très, très longs. Et donc, ce bruit ? Oui, oui, oui, je l'entends aussi. Trois coups secs, comme quelqu'un qui frappe à la porte. Oh, hey, synchro, je suis trop fort. Oui, je l'ai capté, là.
Je vais jamais vraiment faire gaffe, en fait. T'es là toute la journée, c'est pas possible que tu le perçoives pas. C'est dingue, moi maintenant j'entends plus que ça. Mais que vous êtes fatigant. Bon allez, c'est fini. Tiens, regarde. Derrière. Hum hum, nickel. Bon, tu me diras, c'est toujours la même coupe. Gauche. T'es insolent, tout de même. Top. Et droite.
Nickel, nickel, nickel, nickel. Merci mon Laurent. Ah bah tiens, du coup, voilà mon PEL. Merci. Dis donc, il n'est pas lourd ton PEL. Vous reprendrez bien, rendez-vous... Jeudi, dans trois semaines, même heure ? Oui, parfait. Ah bah non, non, non, je suis con. Canada. Non, non, jeudi, dans cinq semaines. Eh bien, ça nous amène aux dix. Ok, je le note. Je le note et je vous envoie le texto de confirmation. Salut les gars. Salut Laurent, merci.
¶ L'obsession Du Bruit Étrange
Je trouve ça fou qu'il n'entende pas ce bruit. Ouais, c'est vraiment bizarre. Et puis alors, moi, du coup, à partir du moment où tu m'en as parlé, j'ai pas arrêté de le capter. Maintenant, ça me quitte plus, merci. Je dois retrouver un pote remonte-orgueil. Il s'appelle Jean Gabin. C'est son prénom. Je trouve ça génial.
On est censé boire un verre dans le quartier. C'est un mec qui a lancé une boîte. Enfin, il est consultant. Enfin, auto-entrepreneur. Non mais il est sympa. Tu viens avec moi ? Non, je peux pas. Mariam attend. Et je suis censé cuisiner ce soir. De linguine à la vangole. C'est quand même dingue que j'entende encore ce bruit. Bam, bam, bam ! Tâchez, tout est pas lourde. C'est pas galère de trouver des fruits de mer frais ? Oh !
Thomas, je suis d'accord que ma question n'était pas super passionnante, mais bon, t'es à l'Ouest complet là. Excuse-moi, je suis fatigué. Tu passerais une meilleure soirée avec Jean Gabin ? N'empêche, j'ai vraiment hâte d'être au Canada. Vancouver. Le froid. La vallée des Saint-Claques. Le froid. Le silence. Le froid. Oui, bon d'accord, il bacaillait un peu, mais ça a l'air tellement dingue. C'est en fait, en ce moment, je pense plus qu'à ça.
grands espaces, le silence, les lacs, Maria et de la bouffe bien grasse pour se tenir au chaud. Toi, tu n'entends plus, là, le bruit ? Ah non, non. Non, non, je n'entends plus rien. Tu descends là ? Oui. Bon, repose-toi bien ce soir. Régale-toi bien. De toute façon, on se croise avant que vous décolliez. Je leur veux voir, Maria. Je crois qu'elles ont calé un truc. Ok. Bye, Maxou. Bye, bisous.
Je trouve que la mienne se décharge de plus en plus vite. Moi je sais pas pourquoi ce bruit de mon tête là. Mais le pire c'est que ça revient tu vois mais jamais régulièrement. Voilà tu vois là par exemple là je l'entends. Mais il reviendra pas forcément dans 10 secondes précisément, non, non, non. Il va me surprendre. Tu me fatigues, Thomas. Arrête d'en parler. Tu te focalises sur ce bruit que personne n'entend. Pense à autre chose. Je sais pas moi, lit, dort, rêve.
Mais je suis pas le seul. Maxime aussi l'a entendu. Et Laurent aussi. Ça devait sûrement être la clim, mais bon, lui, il dit qu'elle était éteinte. À part ça, je vois pas d'où ça pouvait venir. Je suis là. Je te parle et tu n'entends que moi. Bon, tu viens te coucher ? Et quand tu ronfles, je peux te dire que c'est tenté temps et j'arrive quand même à dormir. Tu te couches pas ? Allez, bonne nuit mon amour. Bonne nuit ma chérie, excuse moi je suis juste crevé ça doit être mon esprit tordu
¶ Consultation Chez Le Docteur
Je suis vraiment en colère là, mais vraiment, je comprends pas. Bon, nous allons reprendre depuis le début. Mais je vous ai déjà tout expliqué dix fois, docteur. À vous, à ma femme, à mon patron, au premier ORL que vous m'avez conseillé, au deuxième ORL, aux pharmaciens, à la voisine, à ma mère. Ça fait quatre fois que je reviens chez vous, je commence à en avoir vraiment marre.
Voilà, j'entends ces trois coups sans arrêt. Ça me pourrit la vie depuis deux semaines. À cause de ça, je ne suis pas parti au Canada. Ma femme me prend pour un fou, ce que je suis sûrement d'ailleurs. Je n'y arrive plus, je n'arrive plus à travailler, à dormir et à manger. Je n'y arrive plus.
Comment ce son qui existe, que d'autres ont entendu, a pu entrer comme ça dans mon cerveau à ce point ? Non mais sans rire, il faut vraiment m'aider là ! Je veux vous aider Thomas. Je veux vous aider. Mais pour trouver, il faut qu'on cherche ensemble. D'accord ?
non mais maintenant on arrête les conneries d'accord les examens tout ça là on trouve un truc et tout de suite je sais pas vous mettez un truc dans mon oreille et vous sortez ce son j'ai pas besoin d'antidépresseurs j'ai besoin d'ouvrir cette putain de tête
Je me suis déjà shooté, docteur. Je les ai pris, les pilules, mais ça ne marche pas, d'accord ? Ça ne marche pas ! Oui, je sais, je sais. On cherche. Calmez-vous. J'essaye de vous aider, Thomas. On avance à petits pas. Écoutez... je vais bien c'est juste que j'entends
Je suis en pleine forme, ok ? Je suis heureux, je veux juste que vous me retiriez ces trois coups de la tête, que vous preniez, je sais pas moi, une pipette, que vous me la fourriez dans l'oreille ou dans le cerveau et que vous me retiriez ces trois coups, là, ce... Pam, pam, pam ! Je deviens fou, là ! Je deviens fou ! Calmez-vous, Thomas, calmez-vous. C'est bien, c'est ça. Bon, nous allons reprendre depuis le début, Thomas.
oui je sais je vais sûrement vous poser de nouveau des questions auxquelles vous avez déjà répondu mais c'est essentiel que vous y répondiez avec précision d'accord allez Promettez-moi de me répondre doucement et avec attention. Et surtout, promettez-moi de reprendre votre respiration. Oui, promis. Rappelez-vous, Thomas, je suis là pour vous aider. D'accord ? Quand cela a-t-il commencé ?
Comme vous le savez déjà, docteur, il y a deux semaines, après cette nuit de merde là où j'ai pas pu fermer l'œil, où j'ai été aux urgences et où je suis venu vous voir après. Quelle date ? Je veux vous entendre me la confirmer. Le 14. Ça a commencé le 14. on est d'accord que le bruit que vous entendez est toujours le même mais n'apparaît pas à un rythme régulier c'est bien cela oui et oui quel est le temps maximum que vous avez constaté entre ces deux bruits
Un peu moins d'une minute. Donc, en plus d'avoir ce bruit, c'est à moi de me répéter, maintenant. Oui, Thomas, oui, je sais, je sais. Bon, les deux ORL ont exclu la possibilité d'un acouphène classique ou d'un acouphène bustatile. Vous avez été exposé au bruit blanc sans succès. Oui, mais je sais ça, je sais.
Avez-vous souvenir d'un événement important dans votre vie ces derniers mois qui aurait pu générer beaucoup d'émotions, événements positifs ou négatifs ? Non, aucun, ma vie est simple, posée, rangée, je suis juste heureux. Je suis juste heureux, ça se paye ça ? On est d'accord que ça pourrait être un événement ?
Qui ne vous soit pas apparu important, mais qui de fait le serait, et qui aurait réveillé quelque chose. Non, non, non, ma vie est calme, posée, réglée, sans événements majeurs, sans adrénaline, sans traumatisme, ça se paye ça ! Nous allons faire d'autres examens. Beaucoup d'examen. Nous devons évacuer la possible somatisation. Je sais que vous n'en démordez pas, Thomas. Mais ce n'est pas encore exclu. Et nous devons chercher. Un médecin, ça cherche.
On continue en équipe. Entendez-vous le bruit plutôt de ce côté-ci ou de ce côté-là ? En stéréo. On va trouver, Thomas. Je suis là.
¶ Retour Chez Le Barbier
Salut Thomas, ça fait plaisir de te voir, ça va mieux ? Salut. Pardon, excusez-moi, je fais une pause rapide et je suis à vous tout de suite. Bonjour. J'ai pas trouvé, Thomas. Je te jure. J'ai cherché, mais j'ai pas trouvé. Mais tu l'entends encore. Oui. J'ai toujours entendu, mais parfois le bruit m'échappe. Je ne me fixe pas dessus. Voilà.
Mais c'est dingue, ça, quand même. Écoute, on doit trouver, d'accord ? Je suis sûr que c'est la seule solution pour que j'en sorte. Écoute, les docteurs n'ont rien trouvé. J'ai vu plusieurs spécialistes, j'ai fait des tonnes d'examens, j'ai pris des cas, je trouvais rien, rien, rien. Tiens, écoute, écoute. Encore, putain. Tu l'as entendu, Laurent ?
Je vais le choper. Je te jure que je vais le choper. Vous, vous l'avez entendu, vous ? Ah non, Thomas. Viens. Non, mais sérieux. Tu vas pas embêter mes clients, quand même. Je suis vraiment, vraiment confus. Je dois régler un sujet avec cet ami et je reviens tout de suite. Ne bougez pas. Ça va.
Tu ne peux pas faire ça, venir ici comme ça, foutre le portel dans mon sang, ça n'est pas possible. Mais tu ne l'as pas entendu, mais dis-moi que tu l'as entendu quand même. Dis-moi que tu l'as entendu. Mais oui, j'ai entendu, oui, je l'entends. Mais c'est pas fort, c'est un petit bruit. Un petit bruit ?
Alors, un petit bruit mais remontant que ça ! Ecoute, il faut que je comprenne tout ça, d'accord ? Il faut que je cherche, il faut que je trouve si dingue là, je ferai pour devenir salier là ! Sérieux, Thomas, laisse tomber ! Vous là, vous ! Vous l'avez entendu, le petit bruit là ? Parce que moi, moi, je ne s'entends plus que ça. Et on ne sait pas d'où ça vient, et ça m'obsède, et ça tonne, ça tape, ça vibre, ça cogne.
Sa timbre, sa chante. Je te viens foutre. Je te viens foutre. Écoute, Thomas, arrête. On va trouver. Je te jure, on va trouver. On va continuer de chercher d'où ça vient. Et on va trouver.
¶ Le Bruit Ne Me Quitte Plus
Mais là, là tu ne peux pas venir mettre le bordel dans mon salon ! Ça n'est pas possible ! J'ai sauté à mon oreille des mots d'amour. J'aurais écouté la mer, les crues. Moi, je voudrais le ressac. Je voudrais le marteau-piqueur. Je voudrais l'ambulance à tue-tête. Je voudrais le train, je voudrais...
Je voudrais des... Je voudrais les pleurs d'un bébé, voilà, oui, c'est ça, je voudrais entendre un bébé chialer, là, plutôt que ce tac, tac, tac, là. Je voudrais prêter mon oreille. Vous l'entendez ? Est-ce que vous l'entendez ? Est-ce que vous m'entendez ? Si seulement vous l'entendiez. Entendez-vous ? Si vous ne répondez pas, c'est sûrement que vous l'entendez. Ce truc ne quitte plus. Vous l'entendez aussi. Vous m'écoutez.
Ma voix, rauque, puis claire. Et mes variations, mes intonations, mes vibrations, mes basses, ma tessiture, ma langue, ma bouche. Je suis sûr que vous l'entendez. Je suis sûr que vous l'entendez. Ça y est, vous aussi vous l'entendez. C'est la fin de ce premier épisode de Noisis. Jigé, tu peux mettre une petite musique là pour qu'on ait un générique et qu'on puisse balancer les crédits, s'il te plaît ? Bah écoute, ouais, vas-y si tu veux. Pas de problème. Go. Donc... Alors attends, je vois.
Production, Ba Ba Bam. Réalisation, Nathalie Bernas. Au son, Sébastien Decaux, Laurent Fouché et Jean-Gabriel Rassa. Dans le rôle de Maria, Nathalie Bernas, et oui on a commencé par les filles, dans le rôle de Thomas, Aurélien Gouas, dans le rôle de Maxime, Florian Bayou, dans le rôle du barbier, Emmanuel Strauss, et dans le rôle du médecin, Cédéric.
Cédric, c'est sympa ça. Dans le rôle du médecin, Cédric Ingard. Tout cela a été enregistré au studio Kazoo. Notez, commentez, partagez cet épisode pour soutenir notre travail. Gigi, tu crois qu'on peut dire bisous pour dire au revoir ? On a dit bisous. Ok, alors bisous.