au premier mur fixé un lavabo de métal au second une fenêtre de barreau contre le troisième un lit pieds vissés dans le sol le quatrième mur est une grille La grille donne sur un couloir, allumée jour et nuit. Cinq cellules individuelles s'y succèdent. Un gardien passe toutes les minutes. On évite les suicides dans le couloir de la mort. Le Southern Ohio Correctional Facility tient à sa réputation. « Moi, c'est Miles. » Elle répond d'une voix fatiguée. « Bonsoir, Miles. » Miles est blanc.
blanc comme le drap du lit qui lui sert aussi de serviette le matin son surnom ici c'est butter chicken et toi tu t'appelles comment elle hésite comme pour un vêtement à choisir Dites enfin, Bella Donna. C'est ton vrai nom ? C'est important ? Je veux savoir avec qui je dîne ce soir. Si je te donne mon vrai nom, ça changera quoi ?
rien de toute façon je vais demander une blonde et tu es brune je sais j'ai apporté une perruque je l'avais mise en arrivant et alors elle est où me l'ont fait enlever à l'entrée pour me fouiller et puis guédé guédé bon dieu le maton approche sans se presser il est noir la coupe afro il marche avec soin droit son uniforme repassé du matin
Les bords de ses yeux sont blanchis. Il prétend avoir regardé le soleil trop longtemps. Façon de dire qu'il se fait vieux. Tant qu'il peut encore faire semblant d'y voir et garder le job, personne n'y trouve à redire. « Éjecte-moi cette salope, Guédé. J'avais demandé une blonde, une pute blonde. C'est quand même pas compliqué. Trouve-moi une autre. » Guédé rit. « T'en auras pas d'autre, chicken. »
Faudra t'en contenter. Et crois-moi, ta queue fera même pas la différence. Par contre, ton repas, c'est comme t'as demandé. Burger avec oignon et glace vanille noix de pécan. » le repas je m'en fous si j'ai pas la fille qui va avec sur elle comme on hurle ici si souvent les uns sur les autres comme pour tuer on hurle violence dans le vent La fille ne bouge pas. Statue. Bon, tu me baises ou je pars. De toute façon, je serai payée.
guédé étire ses articulations comme un vieux chat puis fait demi-tour pour regagner son poste d'un pas tranquille en bout de couloir derrière le sas de sécurité de loin il lance Burger et glace aux noix de pécan. Demain matin, Miles, tu crèveras le ventre plein et les couilles vides. Il y a le bruit des clés, des grilles, les claquements.
et des autres aussi mais pas cette nuit dans les autres cellules cette nuit quatre prisonniers se taisent ils auront leurs heures eux aussi leur dernière nuit dans l'ordre aléatoire des recours en justice bien sûr ils entendent ils entendront tout cette nuit mais ils se taisent comme pour chaque dernière nuit de chaque condamné c'est ainsi on les devine à peine bruit de pas
grissement de sommier la fille est fatiguée la fille belladonna ce soir se range dans un coin et aussi ne dit rien elle attend un mot Un geste pour se déshabiller, ce qui suivra. Elle a appris. La plupart sont violents. Elle sait se taire, se plier, se dire que ce n'est qu'un corps qu'elle laisse traîner. elle sait lui ôter toute vie quand l'homme l'apprend se dire ce n'est pas moi ou pas vraiment elle sait lui il fixe un point la rainure entre le mur et le sol
Ils font ça tous ici, peu importe le bruit, l'agitation. Ils savent ici tous partir, regarder loin dans un point où l'on est délivré. où l'on marche sans limite. Un rêve de vie. Un chemin qu'il pourrait emprunter dehors. Une voiture, du pognon, une femme. Un rêve simple.
n'importe quoi fait souvent l'affaire ils imaginent ils savent imaginer ceux qui ne tombent pas fous ils imaginent toutes les routes qui poussent dans les fissures de crépi des prisons des hommes immobiles corps inertes regards au loin libres en quelque sorte puis reviennent à leurs barreaux et crient cogne miles fixe un point quelque part au sol Mais ne trouve pas de chemin. But. Les murs se replient. Un maire le chante.
Si le corps est prison, il pense à la table qui l'attend. La pièce en sous-sol, on y accède par l'escalier juste à côté. Bella Donna sent cette peur-là. sans qu'il va bientôt se tourner vers elle, puisqu'elle fait partie de cette pièce, que de cette pièce elle est l'objet vivant, qu'il va bientôt cet homme-ci se tourner vers elle, pour la prendre comme pour la casser.
Parce que la violence ici en fait des animaux. Mais celui-là dit « Viens que je te regarde ». elle porte une courte jupe élastique brillante comme de l'aluminium souple un t-shirt fuchsia un rouge à lèvres assortis des yeux noirs durs Retire ton rouge. Elle essuie ses lèvres, elle fait descendre sa culotte, soulève sa jupe, elle se colle à lui, qu'on en finisse. Et lui sort la queue. Il ne bande pas. Il s'agenouille. L'embouche. Arrête. Il se déshabille. Les tatouages sur son corps.
à l'encre bleue un foutu désordre elle se déshabille sur son corps de petites marques rouges de piqûres dès qu'il y a une veine des constellations il l'allonge sur le lit il s'allonge sur elle immobile guédé frappe la grille de son bâton bas mon porc T'as quand même pas eu la dernière des salopes ? Matte-moi ces seins, comme des boules de bowling. Ta gueule, tu vois rien de toute façon. Dégage, Guédé. Le vieux reste. Défait sa ceinture, ôte son pantalon.
Le plie soigneusement, puis baisse son caleçon. Il crache dans sa main et saisit sa verge, déjà dressée. « Fais pas gaffe à moi, mon grand ! Continue ! » Miles ferme les yeux. Elle sous lui. Un corps chaleur, il la serre, bras autour. Leur corps, leur peau, les nerfs, cette femme, peu importe laquelle.
qui attend qu'il l'enfonce en elle la douleur de l'homme une petite douleur s'est devenue en elle au fil des ans une plaie qu'on rouvre et qu'on referme elle a appris elle dit qu'on peut s'y faire mais lui ce type-là reste à la serrer rien que corps contre corps sans bouger il la respire L'odeur aigre de sa transpiration. Une odeur de femme. Il la respire doucement. Comment sentait-elle déjà ? Comment sentait Vita ? La suite.