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Jihadisme en Afrique de l'Ouest: dans la région, «il existe un risque d'effondrement d'un État»

May 23, 20258 min
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En cette année 2025, le péril jihadiste est en expansion dans les pays côtiers d'Afrique de l'Ouest, constate l'Institut de recherche stratégique (IRS), qui est basé en Côte d'Ivoire. Les groupes jihadistes redoublent d'inventivité pour exploiter les failles des États et tenter de s'infiltrer dans le nord de pays comme le Bénin et la Côte d'Ivoire, précise l'IRS, qui publie cette semaine trois rapports détaillés sur ce phénomène. Son directeur, Lassina Diarra, est l’invité de Christophe Boisbouvier.

RFI : Plus de 100 personnes tuées en avril par les jihadistes dans le nord-est du Nigeria. 54 soldats tués le 17 avril par les jihadistes dans le nord du Bénin. Est-ce que le péril jihadiste est en expansion dans les pays côtiers d'Afrique de l'Ouest ?

Lassina Diarra : Oui, nous avons noté que, depuis l'arrivée des régimes militaires, la situation sécuritaire se dégrade considérablement. Aujourd'hui, on est dans une situation extrêmement difficile et la situation est inquiétante. Nous voyons effectivement qu'il y a un risque d'effondrement d'un État sahélien, ce qui pourrait avoir des conséquences terribles sur les infrastructures sécuritaires, les politiques de sécurité des États du golfe de Guinée, dont certains commencent à être sous la pression des groupes terroristes.

Est-ce à dire qu'il n'y a plus de coopération sécuritaire entre ces trois pays du Sahel et les pays côtiers ?

Oui, la coopération est pour l'instant difficile, puisque la Cédéao n'arrive pas à incarner un leadership et l'initiative d'Accra, qui était aussi une réponse africaine face à la menace jihadiste, est totalement en panne actuellement. Il existe aussi des difficultés de coopération entre l'Alliance des États du Sahel, avec le Bénin, et aussi la Côte d'Ivoire. On est par conséquent dans un contexte où la coopération sécuritaire entre les États se trouve dans des situations particulièrement difficiles.

Est-ce qu'il y a, au nord du Bénin, le risque que des jihadistes réussissent à établir un sanctuaire, comme il en existe au Burkina Faso ?

Selon les statistiques, nous avons vu, de mai 2019 à mai 2025, qu’il y avait eu 808 incidents terroristes au Bénin. Ce qui est problématique actuellement, c'est qu'il y a un processus d'endogénéisation qui est très avancé au Bénin. Vous avez des communautés où vous avez des citoyens béninois qui participent effectivement à des attaques. Et le processus d'endogénéisation s'accommode à une dynamique de sanctuarisation.

Le processus d'endogénéisation, cela signifie qu'il y a maintenant des citoyens béninois qui sont devenus jihadistes, c'est ça ?

Oui, c'est ce que ça veut dire. Cela veut dire également clairement que la menace cesse d'être exogène, elle devient vraiment endogène.

Et quelle est la réponse à ce phénomène ?

Il y a la stratégie par le bas qui va consister à travailler significativement avec les communautés, avec les couches sociales et aussi avec une présence effective de l'État en termes d'infrastructures, en termes de sécurité et aussi en termes de justice sociale. Il faut aussi faire monter l'armée en puissance. Je crois bien qu'ils sont dans ces processus-là. Puis, il faut discuter avec le Burkina Faso et le Niger.

Y a-t-il le même risque d'endogénéisation, c'est-à-dire d'enracinement, du terrorisme dans le nord de la Côte d'Ivoire ?

Nous n'avons pas encore observé cela parce que les attaques que la Côte d'Ivoire a connues, quand on les analyse effectivement, c'était un objectif d'endogénéisation. Mais la capacité réactionnelle des forces ivoiriennes, et aussi du gouvernement ivoirien, alliant la sécurité opérationnelle aussi à la question sociale, a permis effectivement de mettre la Côte d'Ivoire à l'abri de ces phénomènes.

Dans le rapport que vous avez publié cette semaine, vous écrivez que les groupes terroristes font preuve d'inventivité aux frontières.

Ce que nous avons remarqué, c'est que les groupes terroristes s'adaptent et exploitent toutes les vulnérabilités. Des éléments des Forces de défense et de sécurité rackettent parfois des populations parce que celles-ci ne sont pas dans des situations totalement régulières. On peut prendre l’exemple des motos. Certaines populations ne disposent pas de papiers pour une moto. C'est ce qu'on appelle le contrat d'arrangement en quelque sorte. C'est ce que nous avons vu.

Et en quoi ce racket de la part de certains agents facilite la propagande des jihadistes ?

C'est à plusieurs niveaux. Premier niveau, cela coupe le service de renseignement, qui pourrait récolter des informations auprès de la population. celle-ci se trouve un peu dans des situations hésitantes à collaborer avec les Forces de défense et de sécurité. Pourtant, dans ce type de guerre, la collaboration est vraiment recommandée.

Deuxième niveau, il y a des populations qui peuvent se sentir stigmatisées. Il y a donc un repli que les groupes terroristes peuvent éventuellement instrumentaliser.

Il faut par conséquent une vraie stratégie contre l'infiltration du nord de la Côte d'Ivoire par ces groupes jihadistes ?

Oui, je crois bien que la stratégie ivoirienne existe déjà. Ce qui serait intéressant, c'est de la réactualiser, de la réinterroger chaque fois que l’on constate l'évolution de la menace et la capacité des groupes à s'adapter.

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