Îles Éparses: «Ce n’est pas un sujet qui va diviser la France et Madagascar»
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Voilà plus de cinquante ans que la France et Madagascar se disputent les îles Éparses, ces cinq îlots de l'océan Indien qui sont actuellement sous administration française. Mais hier, au premier jour de la visite officielle d'Emmanuel Macron dans la Grande Île, les deux pays ont décidé de réactiver la commission mixte sur ce dossier. Elle se réunira le 30 juin 2025 à Paris. Va-t-on vers une cogestion, voire un partage de souveraineté ? Richard Randriamandrato a été ministre des Affaires étrangères de Madagascar et candidat cette année à la présidence de la Commission de l'Union africaine. Il est l’invité de Christophe Boisbouvier.
RFI : La réunion de la Commission de l’océan Indien est marquée aujourd'hui par la présence du chef d'Etat d'une grande puissance, c’est le Français Emmanuel Macron. Est-ce que cette présence peut raviver des querelles territoriales ?
Richard Randriamandrato : Non, je ne pense pas. Je pense que les chefs d'État ne vont pas soulever des sujets sensibles. Au contraire, il faut chercher à unir les points de vue face notamment aux enjeux géostratégiques. Je pense que les chefs d'État ont tout intérêt à éviter les sujets qui fâchent pour faire face aux défis du développement durable, puisque c'est autour des 17 objectifs de développement durable que la Commission de l'océan Indien, en 1982, a vu le jour, il ne faut pas l'oublier. Donc maintenant, je pense que le plan de développement stratégique 2023-2033 va certainement permettre aussi à nos pays d'aller de l'avant.
L'un des sujets qui fâchent à la Commission, c'est le sort de Mayotte. La France voudrait que cette île soit éligible au programme de la Commission de l'océan Indien, mais la République des Comores s'y oppose puisqu'elle revendique ce territoire. Est-ce qu'il y a une solution ?
C'est un sujet qui, à mon sens, relève de la diplomatie bilatérale entre les Comores et la France.
L'un des arguments d'Emmanuel Macron pour Mayotte, c'est de dire que la France contribue déjà à hauteur de 40 % au financement de la Commission de l'océan Indien…
Oui, la France est le premier pourvoyeur de financements avec l'Union européenne à travers l'Agence française de développement. Mais pour autant, ce n'est pas parce que Mayotte doit faire partie ou être toujours à l'écart de la Commission de l'océan Indien. Je pense une fois de plus que ce sujet relève de la diplomatie bilatérale et je me garderai à ce stade d'apporter un commentaire, quel qu'il soit, sur ce point.
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Et est-ce que Madagascar pourrait pencher plutôt du côté des Comores, ou plutôt de la France dans cette querelle ?
Non, une fois de plus, c'est un sujet, je crois, qui ne relève pas de ce cinquième sommet de l'océan Indien.
Autre sujet qui fâche, le sort des îles Éparses. Il s'agit de ces cinq îlots sous administration française que Madagascar revendique depuis 1973. Comment voyez-vous l'issue de ce bras de fer ?
Il me semble que l'organisation d'une deuxième réunion de la commission mixte franco-malgache va se tenir dans les prochains jours. Je crois même que la date du 30 juin a été annoncée, donc cela augure en fait une période encourageante en termes de discussions et c'est l'occasion de se retrouver autour des aspects sensibles sur le plan juridique, sur le plan historique, une occasion qui peut permettre d'asseoir un accord permettant de ne pas fragiliser la situation, par exemple sur le plan de l'équilibre environnemental dans cette zone sensible, sur le plan de l'écosystème, de la protection de la faune et de la flore et de la sécurité maritime. Donc ce n'est pas un sujet qui va diviser la France et Madagascar. Au contraire, il faut saisir cette opportunité pour revoir un peu les copies sur les positions des uns et des autres.
À Paris, certains évoquent la possibilité d'une cogestion entre la France et Madagascar. Est-ce que vous êtes pour un partage de souveraineté ou un transfert de souveraineté ?
Je n'ai pas à m'affirmer sur la nature de l'accord qui va se mettre en place. Il revient aux chefs d'État de se mettre d'accord sur l'aspect qui va permettre d'avoir une situation gagnant-gagnant, si je peux m'exprimer ainsi. Mais du moment qu'il y a un accord qui est mutuellement accepté sans qu'il y ait, disons, d'amertume ou de sentiment de perte de souveraineté... À partir de là, je pense que tout ira pour le mieux. Je pense que l'essentiel, c'est que la France et Madagascar puissent être rassurées sur l'aspect sécuritaire, environnemental. L'essentiel, c'est qu'il n'y ait pas de perte de souveraineté de part et d'autre. C'est le point le plus important.
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Emmanuel Macron a eu ce mot : « Je viens à cette Commission de l'océan Indien pour y défendre la place de la France dans l'océan Indien ». Alors, vu de Madagascar, quel est le meilleur partenaire ? La France, la Russie ou la Chine ?
Sur ce point, Madagascar a choisi de ne pas choisir entre privilégier tel ou tel partenariat. Madagascar depuis des années, depuis le président Ratsiraka, a choisi une position d'ouverture.
Et quand Emmanuel Macron rappelle qu'il y a dans la zone indo-pacifique quelque 8000 militaires français, ça vous convient ou ça vous gêne ?
Non, cela ne porte pas, à mon avis, de menace particulière. D'ailleurs, le grand chambardement maintenant, sur le plan géostratégique, fait en sorte qu'il faut bien faire attention sur les éventuels risques de déstabilisation. Donc non, moi, je ne m'en offusque pas.