CIO: «Kirsty Coventry a gagné au premier tour, c’est quand même un exploit»
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Retour sur l’élection hier jeudi de Kirsty Coventry à la tête du Comité international olympique. La double championne olympique de natation zimbabwéenne l'a emporté dès le premier tour (avec un total de 49 voix sur 97 votes exprimés) et s'est imposée face à six autres candidats. Comment a-t-elle été élue, pourquoi, et qu’est-ce que cela signifie pour l’Afrique ? Jean-Loup Chappelet est professeur émérite à l'Université de Lausanne. Grand spécialiste du mouvement olympique, il répond aux questions de Christophe Jousset.
RFI : Vous observez la vie du mouvement olympique depuis plus de 50 ans. Quelle a été votre réaction en apprenant la victoire de Kirsty Coventry ?
Jean-Loup Chappelet : Ça a été un peu une surprise, effectivement, parce qu'avec sept candidats, tout le monde attendait plusieurs tours de scrutin et elle a gagné au premier tour au-delà de la majorité absolue, c'est quand même un exploit. Et c'est une très bonne nouvelle, je trouve, pour le CIO, pour toutes sortes de raisons.
On citait deux favoris supposés Juan Antonio Samaranch Junior, qui obtient 28 voix, Sebastian Coe se contente de huit voix… La surprise est effectivement considérable ?
Oui, Sebastian Coe était vu comme un favori surtout par les médias et les médias britanniques, en particulier, parce qu'il a fait une campagne orientée sur les médias et sur les réseaux sociaux. Mais ceux qui votent, ce ne sont pas les journalistes, ce ne sont pas les gens qui regardent les réseaux sociaux, ce sont les membres du CIO. Et il y a la moitié des membres qui sont des femmes aussi. Et il y a une incontestable poussée des athlètes parmi les membres et des personnes assez jeunes aussi. Je pense que l'âge a joué un rôle. Autrefois, pour être président du CIO, il fallait avoir environ 60 ans. Aujourd'hui, Kirsty Coventry a 41 ans.
On continue de voir le CIO comme un mouvement plutôt conservateur. On se trompe ?
Oui, je pense que depuis longtemps, le CIO a évolué. On n'est plus au temps de Coubertin, on est au XXIᵉ siècle et au XXIᵉ siècle, le pouvoir des athlètes est de plus en plus important. Kirsty Coventry a quand même gagné sept médailles, dont deux d'or, ce qui fait d’elle la première présidente du CIO qui est autant médaillée.
Quel a été le poids du soutien du président sortant Thomas Bach dans la victoire de Kirsty Coventry, selon vous ?
Je pense qu'il a été essentiel. Je pense qu'il a déjà incité Kirsty Coventry à être candidate, en tant qu'athlète, en tant que présidente de la Commission des athlètes à un moment donné, en tant qu'africaine aussi. Je pense qu'il a favorisé cette candidature parce qu'il y a vu un plus pour le CIO, un coup de jeune, si j'ose dire, pour le CIO.
On dit que Kirsty Coventry avait le programme le moins concret des sept candidats, elle a été habile ?
Je ne crois pas que ce soit vrai. Il y a des choses très intéressantes dans ces manifestes. C'est sûr que présider le CIO doit tenir compte des évolutions de la société et des changements. Et on ne peut pas prendre de position absolue sans tenir compte de ce qui se passe dans le monde. Par exemple, l'élection de Donald Trump aux États-Unis, parce que le premier défi de la présidente du CIO, ça sera d'avoir des Jeux olympiques en 2028 à Los Angeles et de gérer la question des athlètes féminines. Le président des États-Unis tient à ce que, à juste titre d'ailleurs, des femmes puissent participer à la catégorie féminine.
À propos de l'accès des athlètes transgenres aux Jeux olympiques de Los Angeles, Kirsty Coventry a dit « Nous ne dérogerons pas à nos valeurs de solidarité ». C'est un bras de fer qui s'annonce avec Donald Trump ?
Je ne pense pas. La solidarité, elle doit être avec les athlètes qui sont femmes, c'est-à-dire qui sont biologiquement avec le chromosome X X. Et ça, c'est quand même la première solidarité pour que ces athlètes puissent concourir de façon sûre et avoir une chance de gagner une médaille.
C'est la première fois que l'Afrique se retrouve à la tête du Comité international olympique. Est-ce que pour 2036, qui sont les prochains Jeux d'été à attribuer, ça peut être décisif ? Ça peut être une première pour l'Afrique ?
Ça peut l'être, mais c'est loin d'être certain parce qu’il n'y a pas pour l'instant de candidature africaine aux Jeux de 2036. Alors peut être la décision d'aujourd'hui créera des candidatures, par exemple en Afrique du Sud, par exemple au Maroc ou ailleurs en Afrique. Mais il y a aussi des candidatures en Asie et il y a une rotation des continents. Après donc l'Europe avec Paris 2024, les Etats-Unis avec Los Angeles 2028, l'Australie avec Brisbane 2032, ça peut être aussi le tour de l'Asie ou de l'Afrique.
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