¶ Intro / Opening
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¶ Témoin Protégé Contre le Terrorisme
Bonjour, c'est Dominique Rizet. Dans cet épisode, vous allez entendre... Un document exceptionnel. On ne peut pas vous dire où ni comment cet entretien a été réalisé. Vous allez entendre un témoin protégé. Elle s'appelle Sonia. C'est la femme qui a permis d'arrêter Abdelhamid Abaoud. L'un des terroristes du 13 novembre. Peut-être le commanditaire des attentats. Bonne écoute. Sonia, c'est un témoin exceptionnel. Ça n'a pas été facile de la convaincre de parler.
ni de convaincre son avocate de laisser Sonia nous parler. C'est l'un des personnages clés des attentats et de l'enquête qui va suivre les attentats. Et j'ai été très surpris. quand je l'ai vue. Parce que j'ai vu arriver une femme, pleine d'humour, avec le poids qui pèse sur ses épaules, arriver à se détacher de la menace. aller fumer sa club dehors, revenir en se marrant. Et je trouvais que, en fait, c'est quelqu'un qui a un courage qui a été tellement déterminant. C'est un exemple.
J'ai attendu les derniers mots d'Asna à la télé comme tout le monde. Je pense qu'elle avait décidé de mourir. Trois explosions entendues à proximité de l'enceinte du Stade de France et d'autres fusillades seraient en cours en ce moment même à Paris. On va essayer évidemment de découper. François, on est en train d'essayer de comprendre ce qu'il se passe. En tout cas, il y a plusieurs sites, c'est certain.
¶ La Générosité et l'Accueil de Sonia
Cette femme que la presse a appelée Sonia a permis l'élimination d'Abdelhamid Abaoud. Pour cette raison, sa vie est aujourd'hui menacée. Sonia aide les gens. Elle aide les gens, elle a le souci de ceux qui l'entourent, le souci de prendre de leurs nouvelles, de savoir comment ils vivent, comment ils vont, à tel point que le soir, elle fait des maraudes. Elle va donner à manger.
à des gens qui sont dans la rue, leur donner des vêtements. C'est une femme généreuse qui donne des coups de main, qui donne des coups de main à des gens qu'elle ne connaît pas. Forcément, elle a le sens du contact et en plus, elle héberge des gens.
¶ Asna, une Vie Difficile et Perdue
Des personnes qui sont dans le besoin. Et parmi ces personnes, il y a Asna. C'est une fille qui vit chez elle depuis déjà sept ans. C'est une petite sorte de cœur. Voir une fille de cœur. plus qu'une copine quand même. Elle l'héberge, mais elle est aussi sa confidente. C'est elle qui lui parle. C'est elle qui veille sur elle.
J'ai une sœur qui m'appelle pour me dire qu'elle connaît une jeune fille qui est à la rue. Est-ce que je peux l'héberger quelque temps ? Comme tout le monde sait que j'héberge tout le monde et j'accepte. Je l'ai connue dans un moment où elle était dans une détresse. Elle n'avait pas de lieu où habiter, elle était perdue, elle était drôle, elle était folle, ça c'est sûr, à 100%, elle était imprévisible.
Elle n'a pas eu une vie facile, elle a beaucoup souffert et puis la ville ne lui a pas fait de cadeaux non plus. Comme j'aime bien aider les gens, je les recueillis sous mon toit. Elle a un petit sac avec elle, elle est dans la vingtaine. Pas plus, elle se voit que c'est une jeune, elle est paumée, elle est détruite par la vie. Au début, quand on tend la main à quelqu'un, on n'est pas forcément obligé de le brusquer, de lui poser tout un tas de questions.
On le laisse déjà s'installer, prendre des repères. Et puis après, on commence un peu à discuter pour voir d'où elle vient, qu'est-ce qui l'a amené à se retrouver dans cette situation-là. En fait, j'ai pris mon temps avec elle, on va dire. Elle me raconte qu'elle a connu les foyers, que sa mère l'a mis dehors, que son père c'est pareil, qu'elle est herre, qu'elle vit d'un squat à un autre, qu'elle en manque d'amour. Elle a de la famille, mais pas d'amour familial, pas de lien familial établi.
Elle habitait chez moi, elle est retournée dans ses petites amourettes. Elle repart, elle revient. Moi, j'avais des règles qu'elle devait respecter et que forcément, elle ne respectait pas souvent. C'était quelqu'un qui aimait la vie. Et à chaque fois, Sonia accepte de la recueillir à nouveau, de l'aider. Elle met le risque aussi. Les soirées alcoolisées, la drogue. Elle joue à la roulette russe. Elle joue avec sa vie.
¶ Le Changement Radical d'Asna
Ça fait 7 ans qu'elles sont ensemble, elles se connaissent tellement bien. Et un jour, Asna change. En un mois, elle bascule. Ça faisait un mois de l'utiliser, elle n'arrivera pas à 27 ans. Je me rappelle, j'avais acheté une casquette du PSG à mon fils. Et mon fils, il m'a dit, je ne vais pas la porter. Maintenant, elle lui a dit, je te la rachète. Donc, elle lui avait payé la casquette. Je lui ai dit à mon fils, on va prendre l'argent quand même, déjà, elle n'en a pas.
Il m'a dit, non, non, c'est pas grave, de toute façon, il va la récupérer parce que je passerai pas mes 27 ans et c'est l'héritage que je vais te donner. Et on avait rigolé de ça, il m'a dit, un héritage, une casquette. T'es jeune, t'as toute la vie devant toi. Quand je la récupère pour la dernière fois, elle est restée peut-être un an et demi avec nous avant les attentats.
Elle a eu à vivre vraiment avec nous. Elle avait changé puisqu'elle s'était niqabée. Elle avait mis tout le costume là. Des talibans là. Oh ben c'était plus que le voile. On voyait que les yeux. Moi je lui ai demandé de retirer son costume. Non, moi j'ai rigolé, je lui ai dit, tu passes d'un extrême à un extrême. Faut arrêter là. Non mais j'ai rigolé, je lui ai dit, on dirait Dark Vador, arrête, enlève ça. C'est quoi ça ?
Elle arrive à la maison en niqab, après elle me dit je peux retirer juste devant les garçons parce que c'est comme mes frères. Mais moi j'avais des visites, j'avais des amis qui venaient, elles le remettaient parce qu'il fallait pas qu'ils la... Non mais je lui ai dit non mais tu t'arrêtes là.
J'ai essayé de comprendre, mais j'ai compris en fait, elle m'a expliqué. C'est par rapport à son petit ami qui lui a dit de retourner chez ses parents parce qu'il voulait une femme pieuse, donc moi je lui ai dit, je comprends pas parce que... Quand même, t'as vécu deux ans avec lui, vous avez fait ce que vous avez à faire et bizarrement là maintenant il veut... Moi quand j'ai vu ça, je lui dis c'est pas possible. C'est pas possible. Elle avait le chic pour se ramener des problèmes.
¶ La Nuit des Attentats de Paris
Et un jour, elle me ramène un gros problème. Nous regardons le match de foot. Quand il y a eu les premiers attaques, j'ai dit à mon fils, on dirait qu'il y a un truc qui se passe. 22h16, voilà ce qu'on peut dire à l'instant où l'on parle. Lors de ce match France-Allemagne, des explosions... Et quand le match s'est terminé, là on découvre l'ampleur des dégâts.
Le 10e, le 11e et aux abords du Stade de France. 21h50, je me pose en plateau et j'y reste la moitié de la nuit. Le mot, je l'avais entendu, mais je ne savais pas que ça pouvait exister. Dans le même temps, dans le 10e et 11e arrondissement de Paris, là ce sont des coups de feu. Des attaques multisites. C'est deux événements dans deux lieux différents, dans le contexte que nous connaissons. On peut pour l'instant tout craindre.
dans une action organisée par des gens qui ont réfléchi, dont on saura plus tard comment ils se sont organisés et qui vont faire 131 victimes. Et alors qu'on est en plateau, que les invités arrivent, qu'on déroule. Les événements, au fur et à mesure qu'on les apprend, nos reporters sont sur place, les infos commencent à arriver, le président va sur place. Nous, on est là à commenter tout ça en direct.
¶ La Réaction d'Asna Suscite l'Inquiétude
De l'autre côté de la télé, il y a Sonia et Asna qui nous regardent. On peut pas parler encore pour l'instant d'actes terroristes. Des attentes assises, des attentes à l'heure. Elles n'étaient pas comme d'habitude de toute façon. Elle était toute excitée, à la fois elle avait de l'excitation, du souci, elle n'était pas très bien. Je commence à m'inquiéter, ma soeur était sur Paris, ma fille était sur Paris.
Elle était joyeuse. Et comme je suis quelqu'un de très émotif et que je n'arrive pas à cacher mon émotion, j'ai versé une larme et elle m'a dit, mais ils n'ont qu'à tous mourir, c'est tous des mécréants. Là on a commencé à se disputer, je l'ai grondé, je lui disais des choses qui ne se disent pas, qu'il n'y a pas de mécréant, que c'est pas comme ça, faut pas parler comme ça, et je lui dis mais tu sais que ma fille est à Paris, et qu'elle est peut-être parmi ces gens que tu dis mécréant.
J'ai cherché ma fille partout, elle a répondu au bout de je sais pas combien de temps, elle pleurait au téléphone. Elle me dit qu'elle va sortir, je lui dis faut pas sortir, tu vois pas ce qu'il se passe dehors. C'est dangereux, faut pas sortir. Il y a des fous qui sont dans Paris, qui tuent sur tout le monde, qui tuent des gens. Il ne faut pas sortir. Et là, elle sort quand même.
Le samedi matin, quand je me réveille, je me dis, ça va, ma fille est rentrée, ma soeur est rentrée, je regarde la télé. C'était l'horreur. Je décide d'aller faire des courses pour nous changer les idées, et je cherche Asna, et Asna n'est pas là, elle n'est pas rentrée. Je l'appelle. Et elle me dit qu'elle va arriver. Elle finit par arriver vers les coups de 16 heures. Je lui dis on va aller faire les courses. Et on va au centre commercial et il y avait des agents de sécurité partout.
Il demande à fouiller les sacs. Elle ne veut pas qu'il fous son sac. Elle refuse d'ouvrir son sac. Mais pourquoi ? Moi, je lui dis, mais pourquoi ? Il y a des gens qui viennent de tuer des gens innocents. Le monsieur fait son travail. Je lui dis, il faut ouvrir son sac. À moins que t'aies des choses à cacher. Je commence à avoir des doutes. Tout en faisant les courses où je lui dis à Sina...
Rassure-moi, j'espère que tu n'es pas mêlé à ce genre de choses. Peut-être que tu sais quelque chose. Elle me dit « Non, pas du tout. Je ne sais pas. »
¶ Lien Entre Asna et Abaoud Révélé
Et je me souviens qu'elle nous avait parlé à l'époque, au tout début où je l'avais accueilli quelques mois plus tard, une histoire d'un cousin d'elle en Syrie, elle nous a fait voir une vidéo qui traînait des cadavres. La vidéo dans laquelle on voit quelqu'un traîner des cadavres, c'est Abdelhamid Abaoud, qui est en Syrie, qui est dans un pick-up. On s'en rappelle, il est filmé et il est en Seine-Saint-Denis ou en France.
Je traînais des jet-ski, là je traîne des cadavres. Et il éclate de rire. Et c'était vraiment son cousin. J'ai su le dimanche, en fait, que ce mec-là existait vraiment. On rentre, elle me dit, je vais sortir ce soir, je vais aller voir un copain à moi. Je lui dis, Asna, t'exagères, il ne faut pas sortir tout le temps comme ça. Je lui dis, mais en fait, t'as pas peur de dehors ? Moi, je suis terrorisé et je veux que personne ne sorte. Je ne veux pas que ça se reproduise.
¶ Le Piège du Rendez-vous Familial
Elle sort, elle rentre le petit matin, dimanche matin, et je vois qu'elle n'est pas bien. On décide d'aller à Saint-Denis se promener, et elle vient, mais avec beaucoup de difficultés. Je lui dis, mais il y a quelque chose qui te tracasse à ce n'a, il va falloir que tu me dises c'est quoi. Elle m'a dit, non, rien, je suis pas bien, c'est tout. On rentre à la maison, et puis son téléphone sonne. C'était un numéro bizarre.
Je la vois sauter de joie et je me dis regarde, regarde, c'est quoi cet indif créatif ? Je dis mais ça c'est un pays de l'étranger, c'est de la pub, ça raccroche, ils vont te bouffer ton crédit, tu vas te faire escroquer. Et non, elle me dit, non mais il faut que je te le passe, écoute bien et tout, en français et en arabe. Parce qu'à un moment donné, lui parler en arabe, elle ne comprenait pas trop. Moi, je comprends très bien l'arabe. Donc, je traduis. Et le mec me dit que...
C'est son cousin qui a donné le numéro, qu'il faut qu'elle aille le récupérer. J'ai dit, mais qu'est-ce que c'est que ce draquenard et tout ? J'ai dit, c'est quoi ça ? Elle me dit, en fait, c'est un petit cousin de 17 ans qui est tout seul.
qui n'a nulle part où aller, il faut l'héberger, il faut aller chercher. Elle reprend le téléphone et puis moi je lui dis mais tu vas aller chercher où ton cousin ? T'as pas d'adresse. Et comment sait-il que c'est quelqu'un de l'étranger qui t'appelle pour te dire que ton cousin il est dans des problèmes qu'il a à la rue en France ?
Et je dis, en plus, qu'est-ce qui se passe dehors quand même ? Bon, après, je lui dis, c'est un mineur, quoi. Il a l'âge d'un de mes fils, donc on ne va pas le laisser dehors. Par contre, je lui dis, s'il a fait une bêtise ? Parce que j'avais un doute. Je la voyais, elle n'était pas bien. Je dis, par contre, s'il a fait une bêtise ?
On l'amène directement au commissariat. Et là, elle m'a dit oui. Et quand elle m'a dit oui, ça m'a rassuré. J'ai dit, c'est vraiment un gamin de 17 ans qu'on va chercher. Donc on part. Parce que quand même, au bout d'une heure et demie, il nous a donné l'adresse. Il doit être 20h, quelque chose comme ça, 19h30, 20h. Je trouvais que c'était vraiment long. Vu la conjoncture des choses, je comprends mieux pourquoi maintenant. Il ne voulait pas donner l'adresse. Mais il l'a quand même donnée.
¶ Rencontre avec Abdelhamid Abaoud
Nous voilà partis. Alors moi, comme d'habitude, l'européenne bien civilisée avec ma petite dodo, mon petit jean, ma petite cigarette. Et elle, ça, ça m'a apostrophié. Elle a mis son niqab. Et je lui ai demandé pourquoi tu t'habilles comme ça ? Non, parce que dans la famille, on est pratiquant. Et puis, je ne voudrais pas qu'ils me voient en jean. Et puis, les cheveux lâchés comme ça, ça se fait.
On est très religieux. Chez moi aussi, on est des gens croyants, mais on vit en Europe, en européanité. J'ai une adresse précis. Une adresse précis qui me ramène dans un rond-point. Et là, on rend point. J'ai dit, c'est une blague. Mais Asna, je lui dis, tu vois pas qu'on se fout de ta gueule. Et là, le mec reste au téléphone continuellement avec elle. Il veut pas raccrocher.
Et je lui dis, mais le garçon, là, il ne raccroche pas, il n'y a rien, c'est un rond-point. Nous, quand on est arrivés au premier rond-point qu'ils avaient donné, l'adresse, il a dit de garer le véhicule et de marcher. On regarde la voiture et le mec nous dit d'avancer tout droit, toujours tout droit. Il lui parle au téléphone, donc il y a quelqu'un qui nous voit, c'est obligé. Il dit crier 10-10. Pourquoi 10-10 ? Je ne sais pas. Crier 10-10.
Et elle crie 10-10, toujours tout droit, avance toujours tout droit, on marche comme déconne. On est dans un repas à Aubervillé, la Courneuve là-bas, au point. Y'a rien, une baraque à frites. Avec deux, trois mecs en train de boire leur bière. Dix, dix, dix. À un moment donné, on arrive au deuxième repos et j'ai dit écoute à cela là. J'allume une cigarette en plus. Et je lui dis quoi ? Eh, c'est vidéo gag.
T'as vu ? C'est quelqu'un qui t'a fait une blague. C'est une vidéogag, c'est bon, dis-lui, il sort avec les caméras. Ça y est, fin. C'est quelqu'un qui s'est foutu de ta gueule. C'est pas vrai, il n'y a pas de cousin, il n'y a rien. Tu peux enlever ta tenue de Dark Vador, là.
Si tu veux, je te donne une clope. Elle me dit non, non, surtout pas. Moi, je m'arrête parce que je me dis que je suis dans un film. C'est une blague. C'est bon, j'en ai marre de marcher comme une conne. C'est quoi, ça ? Enfin, je vois un mec. Un truc qui m'a choqué, c'est ses baskets oranges.
Je vois, j'y vois là. Vidéo gag. Un gag du basket orange. Un bob sur la tête. Oh, la trentaine. Basket orange, petite taille, avec un bon beurse bien gros. Au niveau du haut du corps, c'était bien gros quand même. Je ne savais pas c'était qui. Je ne savais pas c'était qui. Mais des baskets orange. Et elle qui court. Et qui crie Abdelhamid, t'es vivant. j'ai eu peur mais je dis mais c'est une double bague elle connaît ce mec elle m'a jamais dit qu'elle connaissait un mec comme ça
qui portent des baskets orange. Parce que moi, je suis resté figé sur les baskets orange. En fait, je regardais physiquement, pour moi, tout était dépareillé. Des baskets orange, un bombers vert de militaire, là, des anciens bombers à l'ancienne. Un bob.
Il me tend la main, je dis bonjour, il me serre la main. Je lui dis vous êtes qui ? Je suis Abdelhamid. Moi ça me dit pas. Mais Abdelhamid, il y en a partout dans la rue. Donc je lui dis un petit peu plus de renseignements s'il vous plaît quand même. Et moi je la regarde, j'ai dit, mais... Oh, sa tête a me dit quelque chose. Parce qu'en fait, je me suis remémoré... Il y a 5 ou 6 ans en arrière, la vidéo qu'elle m'a fait montrer. Je crois qu'elle dit... Vous avez participé à...
Les terrasses, c'est bon. J'ai pris ma main, je l'ai cachée dans mon dos. J'ai dit, oh mon Dieu, quand je rentre, il faut que je me lave à la javel.
¶ Échange Menacant avec le Terroriste
Il m'a pas dit il était rassé moi avant que je lui serre la main. Parce que moi j'aurais su au loin c'était qui. Bah je me serais sauvé, je me serais pris une balle dans le dos mais je me serais sauvé quand même. Il était armé ouais. Là c'est le début de la catastrophe. Il m'a envoyé quelques petites menaces.
Quand même, encore si jamais je parle. Genre, quand je me lève le matin, je vois comme des petits morceaux de pain blanc, j'ai envie de tous vous faire sauter. On était dans un pays de mécréons. Il m'a fait peur. Il m'a fait très peur. T'as quelqu'un qui est capable de tuer des gens comme ça de sang-froid, et vous l'avez en face de vous, il a déjà les mains pleines de sang, il m'a fait peur.
Moi, je veux juste partir, rentrer chez moi, appeler la police, leur dire, voilà, le tard, il est là-bas. Il se cache dans un buisson avec ses collègues, aller chercher, bosser, tout ce que je veux faire. J'ai joué avec ma vie sans m'en rendre compte, parce que j'ai essayé de comprendre.
J'ai essayé de savoir. J'ai posé des questions que je n'aurais peut-être pas dû poser. J'ai peut-être trop parlé avec lui. Je lui ai demandé pourquoi ils avaient fait ça. Je lui ai dit que c'était haram, qu'il ne fallait pas faire ça, que l'islam ne dit pas de tuer, qu'on n'a pas le droit de tuer. Ils me répondent que c'est le sham ou le djihad qu'ils font. Je lui dis non, la France n'est pas un pays qui est en guerre, nous ne sommes pas en guerre.
Alors il me dit, il faut venir voir ce que vous avez fait en Syrie. Je lui dis, nous on n'a rien fait. La Syrie, c'est un pays qui est en guerre. Donc si vous voulez aller faire la guerre, vous rentrez en Syrie. Tellement qu'il était sûr de ce qu'il disait, à un moment donné, je lui dis, mais... En tout cas, Stade de France, vous avez raté. Et là, qu'est-ce que j'avais pas dit là ? Il aurait pu me tirer dessus, je crois qu'il aurait fait.
Il commençait à sauter. C'est là qu'il a commencé à menacer aussi. De toute façon, ils vont continuer, qu'ils n'ont pas terminé, que justement, il était là pour faire en sorte qu'il n'y ait plus de ratés et que ce n'était pas terminé. Quand il a dit ça, je lui dis mais...
Depuis tout à l'heure, vous me dites que vous êtes là pour tuer des mécréons, qu'on est dans un pays de mécréons. Mais parmi les victimes, vous avez tué des musulmans. Et là, il s'énerve encore plus et il me dit que c'est des dommages collatéraux.
On ne fait pas d'emblête sans casser des oeufs. Et moi, je l'ai regardé, je lui ai dit, mais non, ce n'est pas ça. Et puis d'abord, pourquoi tu as appelé Asuna ? Parce que si vous êtes si organisé, pourquoi tu appelles une femme ? Tu veux lui ramener des problèmes ?
Non, non, elle aura pas de problème, vous aussi vous aurez pas de problème, vous inquiétez pas. Mais je lui dis, mais moi je m'inquiète pas pour moi, je m'inquiète pour vous. Vous allez aller en enfer. Et là, elle me dit que non. C'est le paradis qui l'attend. avec des femmes vierges. Je suis resté très longtemps en discute avec lui. Peut-être une quarantaine de minutes. C'est ce jour-là que j'ai compris c'était quoi l'adrénaline. On essaye de comprendre, on essaye de savoir.
On sait qu'on joue avec le feu. On sait que là, en une minute, tu peux arrêter de respirer. Mais tu dis, je ne veux pas mourir conne, je ne veux pas mourir bête et je veux savoir et je veux comprendre. Quand tu te dis, je suis là pour éviter qu'il y ait d'autres ratés et... On n'a pas terminé, tu veux savoir, dans ta tête à toi, tu te dis, c'est pas possible, on ne peut pas le laisser continuer, on ne peut pas laisser ces gens-là continuer à faire du mal comme ça. C'est parti !
¶ Tentative d'Alerte et Retour Difficile
la voiture donc là on voit la ceinture explosif il sort son arme à feu je panique encore plus et je dis mais je le dépose ou parce que là il a bien compris qu'il en était hors de question qui reste dans la voiture avec moi. Et il me dit, vous me redéposez là où c'est qu'on a discuté, au deuxième rond-point. Donc on le redépose là où il y a sa plante, son espèce de buisson.
Et quand je le dépose là, il me dit de me mettre sous le réverbère, juste en face du fameux buisson. Donc je me garde là et je dis, merde, je peux pas appeler la police, je peux rien faire, il nous tient au jour.
Et du buisson, quand il a s'approché trop, j'ai vu une main sortir du buisson, il a poussé. Donc je me suis dit, mais ce n'est pas possible, même les arbres maintenant, ils ont des bras. Toi, tu ne sais pas, toi, quand tu vois une main sortir du buisson comme ça, tu te dis, c'est quoi ça ?
Dans ce fameux buisson, c'est un grand fourré qui est en contrebas de l'A86 à Aubervilliers. Des espèces de buissons qui sont au pied des colonnes qui soutiennent l'autoroute. Eh bien, Abdelhamid Abaoud se cache avec Chakibakrou. l'un des tireurs des terrasses. Donc Asna revient, elle monte dans la voiture, elle me dit « on rentre ». Au moment où on part, son téléphone sonne et c'est là qu'on se fait menacer. Encore.
Je commençais à râler, je dis mais tu te rends pas compte, c'est un assassin, il a tué des innocents, mets-toi à la place des victimes, mets-toi à la place des familles des victimes. Pour la prendre par des sentiments, j'imagine que ça aurait été ma fille. C'est pas la religion, c'est pas ça. Bon, elle veut rien savoir, elle est dans sa bulle. Arrivée à la maison, elle cherche une planque.
mais elle appelle tous au répertoire et moi je pleure et je lui fais montrer des vidéos et je dis regarde mais regarde ce qu'il a fait c'est un assassin c'est des criminels ils méritent pas de vivre c'est pas vrai ils vont pas aller au paradis
Elle me dit, tu peux pas comprendre. Et je lui dis, mais si, je peux comprendre. Je peux comprendre que c'est un fou. C'est pas... Ça a rien à voir avec des musulmans. C'est pas vrai. Elle appelle tout le monde. Alors au début, elle a appelé une amie à elle. Capita Saint-Ouen. C'était des tarés comme eux, là.
La fille, elle lui a dit que si elle pouvait le cacher avec son mari, ce sera que dans la cave, qu'ils ne peuvent pas le rentrer dans la maison. Et à chaque fois qu'elle raccroche, je lui dis, mais tu vois pas que t'es en train de ramener des histoires à ces gens-là ? Ton cousin, il va tuer tout le monde. Même nous, il va nous tuer. Donc eux, ils vont les tuer aussi.
Il en cavale, elle dit sang. Il y en a certains qui ont dit la vérité. En force de discuter avec Asna, je me suis rendu compte qu'en fait, elle était rentrée dans cette mouvance djihadiste. cette mouvance sectaire. Et je n'ai pas vu qu'il y avait beaucoup de filières en Seine-Saint-Denis avec ça. Ils avaient des contacts à Saint-Ouen, il y avait des contacts dans le 92, il y avait des contacts dans le 91, il y avait des contacts dans le 75.
Ce qui fait qu'à certaines personnes qui faisaient partie de cette filière-là, elle leur disait qu'il était là, que c'était lui, qu'il fallait trouver une solution. Elle ne trouvait personne. Elle continue sa recherche.
¶ Appel à la Police et Difficultés
Après, moi, je vais dormir sans dormir parce que tu dors plus, là. On est le dimanche soir, deux jours après les attentats. Tout le monde sait ce qui est arrivé. Et Sonia, elle est chez elle. Elle est chez elle. Elle n'arrive pas à dormir. et elle a peur de sortir. Le matin, quand t'as dormi une heure et que t'as l'impression d'avoir dormi cinq minutes, j'allume la télé.
BFM en boucle et je vois la tête d'Abbaoud en Syrie et je me dis mais c'est une blague, j'ai vu un chair et un os devant moi. Et j'attends qu'Asnal part, je dis mais c'est pas possible, elle va jamais partir. Alors j'attends qu'elle parte, mais pour qu'elle puisse partir, il faut qu'elle ait ce coup de fil de la Belgique qui lui donne le feu vert pour partir rejoindre son cousin. Et au final, elle y retourne toute seule. Moi j'attends que ça, qu'elle parte pour appeler la police.
Mais tellement que je suis traumatisé. Je ne sais plus c'est quoi le numéro. Alors je cherche sur Internet. 197. Trois chiffres qui avaient disparu de ma tête. Tellement que je t'ai perturbé. Le 197, c'est ce fameux numéro qui a été mis en place pour dénoncer les terroristes ou les actes terroristes ou la menace terroriste.
Quelqu'un décroche. C'était un homme, je crois. Je ne me souviens plus, mais je pense que c'était un homme. Je n'arrivais pas à dire à Baoud à l'époque. Et je lui dis, je sais où il est le terroriste, la Boudaoud. Il me dit, mais de qui vous parlez ? J'ai dit, le monsieur là, bout d'août là, il est en photo partout dans la télévision, des attentats et il me croyait pas. Il ne me croyait pas. Alors je vous dis, écoutez, c'est pas compliqué.
Je vais dans mon commissariat de quartier. Parce que il coûte faire encore des autres attentats. Et là ils me disent non non non, rentrez chez vous, il y a quelqu'un qui va vous appeler, ne vous inquiétez pas. Donc peut-être trois heures après, je pense qu'ils ont dû se renseigner parce qu'il y a du temps qui a passé. J'ai un coup de téléphone de 36.
Il m'appelle, il me dit « Voilà, vous avez appelé ? » Je dis « Oui, oui, oui. » Il me dit « Vous avez vu Salah Abdeslam ? » Il me dit « Non, Bouddhaoud. » Il me dit « Ça n'existe pas, Bouddhaoud. » Je dis « Si, il est à la télé ce matin. Vous avez dit des présumés en Syrie ou en Grèce. »
Et là, il me dit « about », je dis « ça doit être ça, c'est Bouddhaoud » ou je ne sais pas quoi. Moi, à cette époque-là, je m'aurais dit « about ». Je n'arrivais pas à retenir, en fait. Il me dit « c'est trop gros pour nous, il y a quelqu'un d'autre qui va vous rappeler ». Je lui ai dit, c'est trop gros pour vous, vous me faites poireauter. Elle, elle va rentrer, elle est partie le voir, elle va rentrer. Si elle voit que j'ai appelé, je suis morte. Ma famille est morte.
Mon immeuble est mort parce qu'il a dit qu'il ferait sauter mon immeuble. Mes voisins, ils ont rien de mort d'à personne, les pauvres. Non, non, vous inquiétez pas. Et après, on me rappelle, peut-être une heure plus tard, 45 minutes à une heure plus tard, et c'était là.
¶ Prise en Charge par la SDAT
La SDAT, c'est la sous-direction antiterroriste, c'est la police judiciaire qui travaille sur les actes terroristes et sur les victimes d'actes terroristes. Je ne savais même pas que ça existait ça aussi. Ils me disent, est-ce que vous pouvez vous déplacer et tout ? Ah, je dis, ma voiture, elle n'a pas d'assurance. Moi, si je me fais arrêter par la police, vous inquiétez pas. Ils nous ont donné toutes les garanties du monde, donc j'arrive là-bas. Sonia arrive dans les locaux de l'ASDAT.
sous direction antiterroriste. C'est à Levallois. L'ASDAT est dans les locaux de la DGSI. Donc un grand bâtiment protégé, évidemment, avec des caméras partout. Des bureaux de police modernes, puisque c'est un bâtiment moderne. Mais il y a des salles. où on interroge des gens qui sont au sous-sol, isolés, insonorisés, c'est aseptisé. C'est rare comme dans les films américains. Une table, deux chaises, une vitre sans teint derrière laquelle des personnes peuvent écouter.
Trois jours après les attentats, la SDAT, la DGSI, ça rentre, ça sort, les voitures, tous les journalistes sont devant, les caméras de télévision. C'est ici que ça se passe. On échange des infos, les ministres se déplacent, les commissaires de police. vont et viennent. C'est vraiment le cœur du réacteur nucléaire. Je m'en rappellerai toute ma vie. C'est des images qui ne me quitteront jamais. Ils m'ont fait asseoir dans une espèce de hall. Il y avait une table basse.
avec plein de sachets, comme des sachets de pain, où on met le pain, sachet marron, et des scellés dessus. J'ai vu un jeune homme arriver, grand, blond, bien habillé. Il cherchait sa besace. Il était sur les terrasses. Quand ils se sont fait tirer dessus, il a égaré sa besace avec ses clés dedans à l'intérieur et tout. Ça m'a choqué. C'est une image que je garderai à vie. C'est comme si en fait...
Moi-même, j'avais perdu mon fils ou ma fille ou j'avais perdu un être cher. C'est comme si on m'avait arraché un morceau de moi aussi dans les attentats. C'est comme si l'hétérocriste m'avait atteinte aussi. Comment on peut vivre après avoir subi un tel traumatisme ? J'avais envie de lui dire, mais je compatis avec vous. En une fraction de seconde, des fous ont détruit la vie de tant de personnes.
¶ Le Détail Clé: Les Baskets Orange
Après y a une dame elle est venue me chercher, elle m'a dit on va dans les toilettes, j'ai dit pourquoi faire, elle m'a dit faut que je vous fous et j'ai dit mais... Attends, là je voulais faire de métaux, j'ai dit mais c'est du foutage de gueule, y a des gens qui sont morts.
Le garçon il a dit va tuer des autres gens et ils sont en train de perdre leur temps avec moi à me fouiller, je sais pas je comprends pas. Je me suis raisonné intérieurement et j'ai dit non mais ne rien dire c'est contribuer et je peux pas. Je ne veux pas être associé à ça. Je me remettais dans la tête le visage de ce jeune homme-là en me disant, mais regarde lui ce qu'il a vécu, au moins pour lui, fais-le, va jusqu'au bout de ta démarche.
Moi, je trouvais que c'était très lent. Ça ne réagissait pas assez vite. On avait perdu trop de temps. Parce que j'ai appelé en début d'après-midi quand même. Là, on arrive en début de soirée. On m'amène dans un bureau pour m'interroger. La classique, nom, prénom, date de naissance, adresse, vous avez vu quoi ? J'ai vu Bouddhaout, je lui disais. Mais le policier me dit, mais c'est pas Bouddhaout, c'est Abaout. Je me prends fou. J'ai vu le terroriste.
Je ne crois pas. Et la petite dame, elle me dit à un moment donné, mais il n'y a pas quelque chose qui vous a choqué ? Je la regarde, je dis, mais si, je dis, il avait des baskets orange. Je dis, mais vous vous rendez compte, la terroriste avec des baskets orange. Mais comment on n'a pas pu le voir ? Et là... J'ai senti cette effervescence autour de moi et je me suis dit mais qu'est-ce que j'ai bien pu sortir encore comme connerie. Il portait des baskets oranges.
Tilt. Tous les policiers s'arrêtent de parler. Ils savent qu'ils ont en face d'eux une personne qui leur dit la vérité. Elle sait où est Abaoud. La personne qu'elle a rencontrée, c'est bien Abaoud. Pourquoi ? Parce que eux... sur des vidéos, des images qui ont été captées par des caméras. On voit un type avec des baskets oranges et l'information n'est pas sortie dans la presse. Donc la seule qui le sait, c'est Sonia.
¶ Gérer Asna et Obtenir des Infos
Et je suis rentré dans une crise de panique parce que j'ai vu que mon téléphone n'avait plus de batterie. Et je leur ai dit, il faut impérativement que je parte. Ils m'ont dit, qu'est-ce qui se passe ? J'ai vu mon téléphone, il n'a plus de batterie. Asna, c'est sûr, à 300%, elle va m'appeler. Et si elle voit que je ne réponds pas, c'est bon. Mon immeuble, il saute. Ma famille avec. Mes voisins et tout. Ils ont trouvé un chargeur.
Et comme si j'avais réellement pressenti les choses, c'est Asna qui m'appelle. T'es où ? Je vais pas tarder à rentrer. Je lui dis mais toi t'es où ? J'arrive à la maison. C'est bon, on a bien discuté. Je veux la faire parler, mais le policier me dit d'éteindre le téléphone. Je dis Asna, attends, je te rappelle. Alors j'avais donné le numéro d'Asna au 36. Ils l'ont noté à l'envers. Ils avaient mis quelqu'un d'autre sur Écoute à sa place.
Donc là, devant le commandant, je lui ai dit, regardez bien ce qu'il notait. Je lui ai dit, vous notez bien là. Là, vous êtes en train de me dire que depuis 15 heures, elle aurait pu être sur écoute. Vous me dites, vous avez mis quelqu'un d'autre sur écoute à sa place. J'avais l'impression de rêver.
Vous vous rendez pas compte, elle va rentrer, elle me trouve pas. Elle va savoir, je suis parti à la police. Il me dit, non, on vous a préparé un texte, vous dites que vous êtes parti au cinéma. Il y a agent 007 qui passe au cinéma, là, je sais pas quoi, là, il y avait... Et le film d'espion, Sonia, elle fait plus.
qui allait le voir, elle fait plus que le raconter, elle va le vivre, elle construit le scénario. Ah, il m'avait dit, vous allez y aller acheter une bouteille d'alcool, vous la faites boire. Et vous la faites parler. Alors, je les ai regardés, je leur ai dû écouter. Je vous ai dit tout ce que je savais. Maintenant, moi, je rentre chez moi. Voilà l'adresse où ils sont, là. Si vous voulez, je vous accompagne. Mais il faut les arrêter maintenant.
J'avais dit, on ne s'est jamais vu, on ne se connait pas. Il m'a dit, il n'y a pas de problème. Ok, pas de souci. J'ai vendu, j'ai même des positions. Vous déchirez ça. Vous ne me mettez pas dans des histoires comme ça. Ne vous inquiétez pas. Et il me donne son numéro. Et il me dit, je sais que vous allez m'appeler. Mais je ne vais pas vous appeler. Je vous ai donné une adresse, un numéro de téléphone.
Le buisson, là, le rond-point. Moi, je pensais qu'ils allaient les cueillir là-bas. Et je repars chez moi. À partir de là, les enquêteurs commencent à vérifier, à recouper les informations que leur a donné Sonia.
¶ Confessions d'Asna Nouveaux Projets
Et le temps presse, ça urge vraiment. Je vais, j'achète une bouteille d'alcool, je rentre. Je lui dis à cela, viens, on va prendre un petit apéro et tout. Ah, purée, cette soirée-là, c'était la plus pire, je crois. Puis elle se met à pleurer, puis je lui dis, mais qu'est-ce qui se passe ? Puis elle me dit, éteins ton téléphone.
Ah, parce que les terroristes, ils sont forts. Il lui avait dit d'éteindre son téléphone dès qu'elle arrive à la maison, d'éteindre les téléphones de tout le monde, que si elle devait parler, il ne fallait pas qu'il n'y ait personne à côté d'elle, qu'elle sorte de l'appartement. Ah ouais, ouais, ouais, ils sont très très forts. Je lui dis mais tu vois pas qu'ils te racontent des conneries, ils ont l'impression qu'ils sont aux Etats-Unis là les films de 007 que je viens d'aller voir au cinéma là.
Elle me dit, t'aimes pas le cinéma ? Je dis, ouais, mais là, j't'ai obligé d'aller voir... Ah, c'était James Bond. Elle commence à pleurer, à me raconter. Il va mourir. Mais qui meurt ? C'est la première fois que je me suis senti pas humaine. Parce que même notre pire ennemi, normalement, ne lui souhaite pas la mort. Mais là, j'ai dit, mais il n'a qu'à mourir. De toute façon, quoi qu'il a d'une, il va aller en enfer. Il a tué des gens. Et là, elle me dit, non...
On va y aller faire un attentat. C'est bon, c'est prévu. La défense, la crèche, le centre commercial, le commissariat de police. Ah purée, là j'ai dit ça et c'est la fin des haricots. Je cherchais partout le numéro du voletier qui m'a donné. Mais là, c'est moi, j'ai fait les chiffres à l'envers. Quand je me suis calmé un petit peu, c'est que j'ai vomi.
J'ai retrouvé le numéro à tous les sens du terme, mais en fait, je m'étais trompé dans les deux numéros de la fin. Et quand j'ai appelé le commandant, je lui ai dit voilà, voilà, il va y avoir ça. Et là, ils ont prévu de faire un nouvel attentat. Il m'a dit, la date, j'ai dit, non, non, non, ça y est, c'est bon. Je vous ai dit, allez les arrêter. Il m'a dit, on ne peut pas parce que c'est le tour où il y a des gens et il va y avoir des victimes. J'ai dit, mais qu'est-ce que tu me racontes ?
Ils sont dans un buisson. Tu prends un char, c'est bon, il n'y a plus de buisson. Terroriste avec eux. Et je lui dis, mais elle va leur trouver une planque là. Parce qu'elle a un rendez-vous avec un mec pour trouver la planque. Je leur ai donné la chronologie du jour de tout ce qu'ils faisaient. Chaque fois j'appelais le commandant, voilà là, cette heure-ci, elle doit aller chercher un mandat pour eux. Ils ont suivi une autre femme à la poste.
Comment tu peux confondre une jeune fille de 26 ans avec une dame de 40 ans qui va chercher ses enfants à l'école ? C'est un peu gros. J'ai dit mais c'est pas possible. La police c'est mort.
¶ La Recherche de l'Adresse Cruciale
Tu peux rien faire avec eux. Faut que j'aie cette adresse, cette fameuse adresse. Elle m'a dit je dois aller dormir là-bas parce que ce soir il va égorger l'hébergeur, le fameux Jawad. Oui, parce qu'en fait, Jawad avait compris qu'il hébergeait des terroristes, il voulait les foutre dehors. Mais c'était trop tard. Donc, Jawad devait se faire égorger soi-même. Donc, pour qu'il empêche d'égorger Jawad...
Après, elle m'a peut-être pris par les sentiments parce que c'est très bien que je ne supporte pas ça. Il faut que j'aille là-bas pour le raisonner. Je lui ai dit d'accord, ok. Mais je lui ai dit, je viens de chercher. Donne-moi l'adresse. Aslan nous a dit qu'elle avait jeté à la poubelle comme dès qu'on est parti, on a vidé des containers.
J'ai fait rentrer un de mes enfants avec son misérable corps pour qu'on rentre dans les conteneurs. Il est sorti avec eux. Il puait la poubelle. Le gardien nous est tombé dessus. Qu'est-ce que vous foutez dans les poubelles ? J'ai perdu mes clés. Je les ai jetés à la poubelle. Et j'ai finalement trouvé l'adresse. Elle était chez moi dans un vase.
J'ai appelé. J'aurais donné l'adresse. 8 rue du Courbillon. J'ai même donné le code. Pour qu'ils rentrent doucement. Ben non, il n'y a rien à faire. Ils ont tout vêté. Quand j'ai un problème, je n'appelle pas la police. Je me dis, je vais leur donner l'adresse là-bas. Il faut aller de l'autre côté. Mais vraiment, ce n'est pas pour dire, mais c'était quand même folklorique.
Moi je mets ça sur le fait qu'il y avait beaucoup d'infos et aussi la fatigue. Le traumatisme aussi parce qu'ils sont rendus sur les terrains, ils sont rendus au Bataclan, ils sont tombés sur des scènes d'horreur.
¶ Avertir les SDF et l'Assaut du Raid
Comme je vous le disais au début, Sonia est bénévole, elle pense aux autres, elle aide les gens, elle fait des maraudes. Et ce soir-là, le 17, on est mardi, cinq jours après les attentats, Sonia continue sa vie. Presque normalement, elle part faire une maraude. Et je dis, ah mais SDF, surtout vous ne restez pas traînés là. Surtout vous trouvez un abri là, vous ne restez pas là. Alors on avait une tournée qui devait sortir à Saint-Denis, j'ai dit, il faut l'annuler.
Il faut prévenir les SDF qui s'éloignent de Saint-Denis, parce que c'était la fois qu'ils étaient terroristes. Le commandant de policiers m'a dit qu'ils allaient attaquer dans la nuit. Donc je ne dors pas. Je rentre de ma marode à minuit et demi, et je ne dors pas. Dans cet immeuble, il y a Abaoud, mais il n'y a pas seulement Abaoud. Il y a un autre homme et puis il y a une femme. Et cette femme qui crie à la fenêtre.
Ne tirez pas, ne tirez pas. Dis à ton copain qui se rende, c'est pas mon copain, ne tirez pas. Eh bien, cette femme, c'est Asna. Je l'ai appelée, j'ai envoyé des messages, son téléphone était coupé. Elle avec son coussin. C'est l'assaut qui est mené par le RAID, avec énormément de coups de feu, des explosions. Dans cet appartement de Saint-Denis, il y a trois personnes. Abdelhamid Abaoud, l'instigateur...
des attentats du 13 novembre. Chakibakrou, l'un des tueurs des terrasses parisiennes. Et Asna Haïdboulassen, la fameuse cousine d'Abaoud Asna Lamid Sonia. L'assaut mené par le Raid. va durer sept heures. Ça tire, ça tire, en rafale, des coups de feu sélectifs, des rafales encore, des explosions, il y a des cris. Et c'est Shaki Bakrou qui déclenche sa cinteur explosive et qui va tuer ceux qui sont avec lui dans l'appartement, Abaoud et Asna.
¶ Après l'Assaut: Statut Protégé et Procès
Elle manque de toute façon. On garde à vue quand on m'a demandé est-ce que si elle aurait été vivante, comment j'aurais réagi ? J'ai dit que de toute façon elle aurait été vivante, je serais quand même parti la voir en prison. On souhaite la mort à personne. Et j'aurais préféré pas qu'elle soit morte. Qu'elle assume ses actes.
Depuis, Sonia a changé de vie. Elle ne peut plus vivre comme elle a vécu jusqu'ici. C'est la première personne en France à avoir bénéficié du statut de témoin protégé qui a été créé en 2016. Ça veut dire que c'est une personne qu'on va... logée quelque part, qu'on va protéger, qui peut éventuellement changer de nom. On ne va pas dire si elle l'a fait ou pas. Qui peut contacter tout de suite des services de police qui vont arriver immédiatement. Ça a été créé en France.
Mais ce n'est pas encore opérationnel comme aux États-Unis ou comme en Italie, parce qu'en Italie, il y avait les lois main-propres et il fallait protéger les gens qui dénonçaient la mafia. En France, ce n'est pas encore aussi élaboré. Mais c'est vrai que Sonia est une femme protégée, la première en France à être protégée comme ça. C'est sûr que c'est des gens avec qui on ne va pas jouer. Il y a le frère Asna aussi qui est dehors. Il n'a pas de raison de vous en vouloir.
Quand même, si. Et puis, il y a ses partisans. Pas de regret d'avoir fait ça ? Aucun. Je referai. Il ne faut jamais regretter ce qu'on fait. Et pour moi, je pense que... Celui qui voit et qui se tait, il est tout aussi lâche que celui qui commet. Je ne peux pas cautionner ça. Moi, au moment où j'ai appelé la police, c'est que je suis rentré dans le Valois Père et là-bas.
J'attendais rien en retour. Eux-mêmes, l'Islam, je leur ai dit clairement, on ne s'est jamais vus, on ne se connaît pas. Voilà, faites votre travail. Moi, j'ai rempli mon devoir de citoyen. C'est ça qui est fou. Quand elle était entendue, bien sûr, elle était entendue sur procès-verbal, on lui avait promis que son nom ne serait pas donné. Mais ce n'était pas possible. Ce n'était pas possible d'entendre quelqu'un et de lui dire « vous n'êtes pas Dominique Rizet, vous êtes X ».
Et le policier qui l'a fait parler, il dit, ne vous inquiétez pas, personne n'aura votre identité. Il ne peut pas lui dire autre chose. S'il lui dit, mais tout le monde va avoir votre identité, elle ne parle jamais. Donc, il la rassure, mais cette promesse, il ne peut pas la tenir. Et d'ailleurs, est-ce que... La France peut tenir sa promesse de protéger Sonia.
On vous pose la question, vous n'allez pas répondre parce que vous ne pouvez pas répondre, mais il faut qu'on vous la pose. Comment vous vivez aujourd'hui ? Est-ce que vous êtes protégé ? Est-ce que vous avez changé de nom ? Est-ce que vous êtes toujours en France ? Est-ce que... Je ne peux rien dire sur tout ça. Ça reste secret.
C'est pour ma sécurité aussi. Je ne suis pas toute seule. J'ai une famille derrière moi et c'est un moindri triste qu'il arrive encore quelque chose. Sonia est venue témoigner au procès. des attentats du 13 novembre, le procès qu'on a appelé V13, vendredi 13. Elle a témoigné en visioconférence. Donc on a entendu sa voix dans la salle d'audience, déformée. On n'a pas vu son visage, on a vu une silhouette.
Et on a entendu ce qu'elle avait à dire et on a entendu comment elle a permis à la police et à la justice d'aller chercher les auteurs des attentats qui s'apprêtaient à continuer. C'est-à-dire que Abaoud... Et accro, c'était acheter des costumes pour aller à la Défense, dans le quartier d'affaires de la Défense, soit se faire exploser avec les ceintures qu'ils avaient sur eux au moment de l'assaut du raid, soit tuer des gens avec leur pistolet.
Ça ne s'arrêtait pas là. Il y aurait eu le Stade de France, les terrasses, le Bataclan et puis le quartier de la Défense. Elle est terrible cette question. Est-ce que c'est la dernière fois que Sonia aura à voir avec cette histoire ? Souhaitons-le, parce que si elle avait encore à voir avec cette histoire, ce serait pour un rendez-vous dramatique. Et il ne faut pas que ça arrive. Sonia, il faut la protéger.
Donc il ne faut plus qu'elle n'ait jamais rien à voir avec cette histoire. Parfois ça va, parfois ça ne va pas. C'est comme tout le monde, il y a l'effet Bomberang. Parfois ça revient, parfois ça ne revient pas. Quand on arrive près des fêtes de fin d'année, quand on arrive au mois de novembre, ça ne va pas du tout. Parce que je repense à toutes ces victimes. Je repense aux familles des victimes.
Il y a plein de choses qui me reviennent en tête. Je mets ma vie personnelle de côté parce que je me dis que je n'ai pas le droit de souffrir parce qu'ils souffrent plus que moi. Ce serait injuste de ma part de me plaindre. Or qu'eux, ils ont perdu beaucoup. C'est pas que j'ai sauvé des vies. Moi, pour moi, j'ai fait mon devoir de citoyenne, c'est normal. Pour moi, c'est logique. J'aimerais pas être héroïsé. C'est eux les héros dans cette histoire. C'est ceux qui sont restés.
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