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PFAS : l’impossible décontamination des polluants éternels

Jan 22, 202523 min
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Après le premier volet d’une enquête qui dévoilait l’ampleur de la contamination aux PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées, issues de la chimie de synthèse), auxquels nous avions consacré un épisode de « L’Heure du Monde », cette deuxième partie se concentre sur le coût vertigineux de la dépollution et la campagne de lobbying menée par les industriels pour éviter une interdiction des PFAS.

Encore inconnus du grand public il y a quelques années, les PFAS sont désormais considérés comme étant à l’origine de la plus grave crise de pollution jamais connue. Ces « polluants éternels » contaminent non seulement la planète entière mais aussi le sang de tous les êtres humains. Et l’exposition à ces composés est déjà reliée à une liste de maladies dont le nombre ne cesse de s’allonger : cancers, infertilité, toxicité pour le rein, le foie ou encore le système immunitaire…

Comment fonctionne la décontamination ? A quel prix ? Qui doit payer ? Et comment s’organise le lobbying des industriels pour entraver les projets d’interdiction des PFAS ? Dans cet épisode du podcast « L’Heure du Monde », Stéphane Horel et Raphaëlle Aubert, du service des Décodeurs du Monde, racontent leur enquête, le Forever Lobbying Project. Elles ont travaillé pendant un an avec 44 journalistes du monde entier.

Un épisode de Garance Muñoz. Musiques et réalisation : Amandine Robillard et Florentin Baume. Présentation et rédaction en chef : Jean-Guillaume Santi.

Cet épisode a été publié le 22 janvier 2025.

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Le bilan du Monde vient de paraître. La rédaction du Monde revient sur une année 2024 marquée par les guerres mondialisées, les crises politiques et les catastrophes écologiques. À travers l'analyse des 198 pays, il dévoile les événements majeurs de l'année écoulée et les défis de 2025. Bonjour à toutes et à tous, je m'appelle Jean-Guillaume Santi et il est l'heure du monde. aujourd'hui.

Comment se débarrasser des polluants éternels ? Nous vous dévoilons le deuxième volet d'une enquête au long cours sur les fameux PIFAS, ces produits chimiques indestructibles qui sont partout dans notre environnement et représentent un gros risque pour notre santé. Après avoir établi l'étendue de la contamination de l'environnement en Europe, le monde s'est penché sur un autre aspect du problème. Comment...

décontaminer et dépolluer et surtout, combien ça coûterait et qui doit payer ? Sachant que les industriels qui polluent en utilisant ces fameux pifaces exercent un lobbying intense auprès des pouvoirs publics pour pouvoir... continuer à polluer. Cette enquête, le Forever Lobbying Project, a été coordonnée par Stéphane Aurel et Raphaël Aubert du service Décodeurs du Monde. Je les reçois aujourd'hui. Elles ont travaillé pendant un an avec 44 journalistes européens sur le sujet.

PIFAS, l'impossible décontamination des polluants éternelles, un épisode de Garance Munoz, réalisation Amandine Robillard et Florentin Beaune. Je suis allée en Belgique, à l'ouest du Nord-Vert, dans une commune qui s'appelle Zwendrecht, qui est en fait le siège d'une usine de 3M, une multinationale américaine qu'on connaît tous, puisque c'est elle qui a fait les post-it, par exemple.

et qui font certains équipements de protection pour le bruit. C'est surtout une grosse entreprise chimique. Dans cette usine, ils ont fabriqué du PIFOS, qui est un des PIFAS les plus anciens, qui a été interdit depuis, de 1976 à 2002. Et depuis, ils continuent à produire des pifaces, et ils en ont mis partout dans l'environnement, au point que cet endroit est devenu un des endroits les plus contaminés de toute l'Europe, et de ce fait, le laboratoire de décontamination pour toute l'Europe.

Le scandale de cette contamination a été révélé en 2021. Juste après, des analyses de sang ont été faites sur la population qui ont montré que 9 personnes sur 10 avaient des concentrations de pifos qui étaient très élevées, dangereuses pour leur santé. J'ai rencontré Edwige Roman, une jeune femme de 39 ans, qui avait une fille de 7 ans, qui n'était pas du tout au courant de la pollution quand elle était enceinte, et évidemment l'exposition.

pendant la grossesse, c'est un gros problème pour les enfants, et qui s'inquiète aujourd'hui des effets sur sa santé, sur la santé de sa fille, comme si on avait une bombe à retardement à l'intérieur de notre corps. En 2022, le gouvernement flamand a négocié avec 3M pour le principe du pollueur-payeur. Et 3M a accepté de verser 571 millions d'euros, ce qui ne va pas du tout suffire.

Certaines estimations aujourd'hui vont jusqu'à 3 milliards d'euros pour décontaminer les sols aux alentours de l'usine, qui sont aujourd'hui plus entretenus, parce que les feuilles et les produits délagages sont devenus des déchets dangereux. Le problème de cet endroit, c'est que c'est un des lieux les plus densément peuplés d'Europe. Donc on ne peut pas évacuer 2 millions de personnes en disant que c'est une décharge, il ne faut plus toucher à rien. Donc on est obligé de décontaminer.

Et donc c'est un gigantesque chantier qui a transformé la vie des autorités en quelque chose de complètement nouveau. Il y a un responsable coordination PIFAS au gouvernement flamand, par exemple. Mais surtout, ça a eu un impact énorme sur le quotidien.

de la population qui a un certain nombre de... Ce n'est pas des interdits parce que c'est des consignes, mais on ne peut plus laisser jouer les enfants dans le jardin quand il n'y a pas de végétation par temps sec. On ne peut pas utiliser l'eau de son puits pour tirer la chaise.

chasse d'eau, cuisiner, faire des glaçons, faire du café. Donc c'est une situation qui est complètement dystopique. On se croirait dans un roman de science-fiction, mais c'est un petit voisinage de banlieue paisible d'une grande ville européenne.

Bonjour Stéphane, bonjour Raphaël. Bonjour Jean-Guillaume. Bonjour Jean-Guillaume. Alors Stéphane, on avait déjà fait un épisode ensemble en 2023 de l'heure du monde à l'occasion de la publication du premier volet de cette enquête et j'invite nos auditrices et auditeurs à aller l'écouter. mais est-ce que vous pourriez nous rappeler les grandes conclusions que cette enquête-là avait tirées à l'époque ? Peut-être pour commencer, qu'est-ce que c'est exactement que l'épiface ?

L'épiphase, il y a quelques années encore, personne n'en avait entendu parler. Ça ne veut pas dire qu'ils n'existaient pas, parce qu'ils sont fabriqués depuis la fin des années 40. Ils sont aujourd'hui à l'origine de la plus grande crise de pollution que l'humanité ait jamais eu à affronter, parce qu'il y en a absolument partout. Il y en a dans votre sang, mais il y en a aussi dans la pluie au Tibet. C'est un problème qui est mondial, généralisé. C'est des substances qui ont...

plusieurs spécificités. C'est toute une famille, par exemple. Ce n'est pas une ou deux ou trois, c'est plus de 10 000 composés. Donc, c'est impossible de les réglementer un par un. Il faut agir sur le groupe tout entier. Et c'est impossible d'évaluer les risques. pour la santé, les risques pour l'environnement, pour chacune d'entre elles. Et dans notre quotidien, on les trouve où ? Elles servent à une multitude de choses, parce que les propriétés de ces substances sont presque magiques.

tellement pratique pour les industriels. C'est les anti-déperlants sur vos vêtements d'extérieur, vos imperméables. sur les chaussures, les traitements anti-tâches des canapés, des moquettes, etc. Mais aussi le fameux téflon qu'on trouve dans les revêtements.

de poils ou d'ustensiles de cuisine, où très longtemps, en fait, le PFA, qui est aujourd'hui interdit, a servi à fabriquer ce tévlon, mais il a été remplacé par d'autres pifaces, parce que c'est un peu ça le problème. Aujourd'hui, c'est que les industriels ont remplacé ceux qui ont été dans le... le viseur des autorités au début des années 2000.

par d'autres pifas, c'est ce qu'on appelle la substitution regrettable, c'est-à-dire qu'on remplace par des choses qui sont tout aussi problématiques. Et alors, à quel point est-ce que c'est dangereux pour l'humain, mais aussi pour l'environnement ? Le problème principal des pifas, c'est qu'ils sont persistants. Et comme ils sont dangereux...

Plus on en émet, plus il y en a, et plus l'imprégnation de la population est maintenue et augmente. Et aujourd'hui, on relie l'exposition PIFAS à une douzaine de maladies. qui vont des troubles thyroïdiens à une réponse diminuée au vaccin, ce qui est un très gros problème chez les enfants notamment, parce que les doses d'exposition sont très faibles, celles auxquelles on observe ces effets, mais aussi certains cancers.

Et souvent on dit oui, ça provoque des cancers, comme si c'était le truc le plus grave en termes de mortalité, les effets cardiovasculaires, parce que l'épiphase peut augmenter le taux de cholestérol. En termes de mortalité, c'est bien plus élevé que les cancers que ça peut provoquer sur les testicules, le foie ou le rein. Et sur l'environnement ? Dans l'environnement, ils sont extrêmement persistants. Ça veut dire qu'ils ne sont pas dégradés.

Par les éléments naturels, les bactéries, la pluie, etc. C'est la plus forte liaison chimique qui n'a jamais été créée par la chimie organique humaine. Et on se retrouve confronté à ce problème-là aujourd'hui, c'est comment casser... un lien qui est incassable. C'est quoi, c'est fluor et ? Fluor et carbone. Et ça, c'est indestructible ? C'est la chaîne de fluor carbone, la façon dont ça a été fait par la chimie de l'homme, c'est comme ça qu'on dit en anglais, est indestructible.

Face à l'ampleur de cette pollution, est-ce qu'il y a des réglementations qui existent pour y faire face, Raphaël ? Alors oui, il y en a quelques-unes, mais elles sont toutes jugées trop laxistes par les scientifiques au vu des connaissances actuelles. Il y a des restrictions dans l'alimentation et dans l'eau. Par exemple, si je prends la directive cadre sur l'eau.

et la directive sur l'eau potable, on cible à peu près 20 pifaces qui sont jugés préoccupants et on les limite à 0,1 microgramme par litre d'eau. C'est minuscule, c'est je dirais un petit grain de sel dans une piscine. olympique. Mais pourtant, même ce taux-là est trop élevé selon les scientifiques.

Le problème aussi, c'est qu'on ne parle que de 20 PFAS, et comme on vient de le dire, il y en a plus de 10 000. La réglementation vise surtout des PFAS à chaînes longues, les anciens PFAS, ceux dont a parlé Stéphane. Le problème, c'est qu'il y en a d'autres, les PFAS à chaînes courtes. qui sont beaucoup moins prises en compte, qui ont été moins étudiées, et dont on se rend compte petit à petit qu'ils posent également problèmes. Donc là, je vais te parler du TFA.

L'acide tripluroacétique. On l'appelle aussi le pifas ultime. Il est tout petit, c'est le plus petit des pifas. Il n'a que deux atomes de carbone. Et ça fait de lui un pifas extrêmement mobile, très difficile à décontaminer. Et lui, pour l'instant, il n'est... pas vraiment réglementé, sauf qu'on se rend compte qu'il est présent dans la nature à des taux, à des concentrations très très très élevées, bien plus que ses autres, que ses congénères.

Et les premières études scientifiques pointent des effets sur le foie, par exemple, chez les mammifères. Donc, il est devenu de loin le pifas le plus répandu dans l'environnement. Les concentrations ne font qu'augmenter. Et on a même des chercheurs qui l'ont qualifié de menace pour les limites planétaires.

Mais alors, je demandais, est-ce qu'il y a des réglementations qui existent ? La question suivante, c'est est-ce que de nouvelles réglementations ont été mises en place à la suite des enquêtes ? Puisque du coup, cette enquête qu'on avait publiée en 2020... Elle a alerté à la fois les pouvoirs publics, mais aussi les opinions sur les dangers du PIFAS. Alors, est-ce que les choses ont un peu évolué quand même ?

Au moment où on a publié cette enquête, en février 2023, l'Agence chimique européenne, l'ECA, a proposé ce qu'on appelle une restriction universelle d'épiphase. Ça veut dire l'univers chimique entier d'épiphase qui devrait être interdit. qui est un projet de restriction qui a été développé par cinq pays européens. Et c'est la première fois qu'une interdiction de produits chimiques de cette ampleur est développée.

Sur le plan mondial. Donc l'enjeu, il est historique et il est mondial. Ok, donc après avoir compris l'ampleur du problème d'EPIFAS, vous avez décidé d'aller encore plus loin et de vous lancer dans la deuxième phase de cette enquête. Quel était l'objectif ? Nous, ce qu'on a voulu faire, c'est suivre de très près le lobbying des industriels qui fabriquent les PIFAS ou qui les utilisent pour pouvoir continuer à faire comme si de rien n'était.

Et l'enjeu qu'on a voulu matérialiser dans un autre pilier de l'enquête, c'est combien ça va coûter si leur entreprise de lobbying est couronnée de succès. C'est-à-dire que les émissions vont continuer à augmenter. le coût de la décontamination lui aussi va continuer à augmenter. Ok, alors venons-y justement à cet aspect, la décontamination, la dépollution. Raphaël, comment est-ce qu'on fait ? Parce que si j'ai bien suivi ce que vous nous racontez, les pifaces sont absolument partout.

Alors, comment déjà ? Est-ce qu'on choisit par où commencer ? Oui, les pifaces sont partout et ils sont indestructibles si l'humain n'essaye pas lui-même de les détruire, de les prendre en charge. Donc l'idée, c'est de les chercher dans les endroits où ils sont le plus concentrés, déjà. Malheureusement, il faut faire des choix.

Donc en priorité, les sols à proximité de ces usines et aussi les sites de traitement des déchets où se concentrent l'épiface, c'est là où il faut intervenir. Les hotspots quoi. On les appelle les hotspots, tout à fait. On a des techniques qui sont déjà utilisées parfois dans les usines de production d'eau potable, comme les filtres à charbon actifs. Ça, ça permet de retenir seulement une partie des pifaces, les fameux pifaces à chaîne longue.

C'est déjà pas mal, sauf que la façon dont sont utilisés ces charbons actifs actuellement n'est même pas capable de retirer ces pifaces. Il faudrait les purger beaucoup plus souvent, ces charbons. Il faut les opérer d'une manière très différente. Donc voilà, on a déjà une première technique qui est intéressante, mais pas suffisante pour tous les PIFAS. Est-ce qu'on en a une plus sophistiquée ? Il y en a une autre. Ça s'appelle l'osmose inverse basse pression.

D'accord, explique-nous. C'est une technique très énergivore et très onéreuse qui permet de dépolluer tous les pifaces jusqu'au TFA, le fameux piface ultime. Donc pense à une espèce de gros filtre à café. Une grosse membrane avec de tout petits ports à travers lesquels tu vas faire passer l'eau. Là, ça demande une énergie folle.

C'est très énergivore. Il faut faire passer l'eau à travers ces toutes petites mailles. Il faut pousser l'eau et ensuite tu te retrouves avec deux liquides. Un liquide propre. C'est un liquide, une eau qui est complètement déminéralisée. Ça pose des problèmes d'ailleurs. Il faut la reminéraliser pour la consommation. Exactement, c'est ça.

Et de l'autre côté, tu as ce qu'on appelle un concentrat. C'est un liquide concentré de pifas. Et le problème actuellement, c'est que les usines ne savent pas quoi en faire. Et donc, elles le rejettent dans l'eau. dans l'eau de surface, donc ça va être les rivières, les océans. Et on n'a pas vraiment de solution.

pour détruire l'épiface. Et ajoutons à ça, donc, tu disais qu'elle était très énergivore, c'est pas tellement compatible avec la lutte contre le changement climatique, tout ça. C'est un petit peu le problème, les critiques qui sont faites par les élus, notamment écologistes, ils se retrouvent

retrouve par exemple à Lyon avec ce problème de contamination au TFA. Et la seule solution, c'est une usine à plus de 200 millions d'euros qui, en plus, va à l'encontre, disent-ils, de toute transition écologique. Raphaël, tu viens de nous dire que pour l'instant, la plupart des traitements de décontamination aboutissaient à rejeter dans la nature les concentrats toxiques pleins de pifas. On imagine bien que ce n'est pas une solution viable.

il existe un moyen pour détruire définitivement l'épiface. C'est tout le problème et c'est ce que nous disent les experts avec lesquels on a travaillé, notamment sur l'estimation de ces coûts et de ces techniques de décontamination. On ne peut pas uniquement les enlever de ce que nous, on va consommer, il faut aussi les détruire. Sinon, on crée un cycle de contamination sans fin.

Donc pour les détruire, la solution la plus classique aujourd'hui, c'est de les incinérer à très haute température, plus de 1050-1100 degrés. Et attention, si on n'atteint pas ces températures, on risque de créer de nouveaux pifaces. de transformer les pifaces à chaîne longue en plus petits pifaces.

et donc de déplacer le problème à nouveau. Ça, c'est pour l'eau potable et pour les sols en eux-mêmes ? Pour les sols, c'est assez dystopique, comme le racontait Stéphane. On excave la terre, on peut l'excaver, puis la mettre dans des charges spécialisées. Ou alors, on peut laver le sol, puis le... replacer. Mais donc, il y a des usines spécifiques pour ça. Et là, également, il n'y a pas de solution miracle.

Oui, il n'y a pas la technique parfaite qui existe pour le moment. Et donc, en plus du coût écologique qu'on a un peu évoqué, il y a aussi un coût financier énorme que vous avez réussi à estimer. Alors, combien ça coûte ? On a réussi avec des chercheurs, des universitaires qui s'étaient déjà penchés sur le problème. Et donc, on a décidé d'estimer deux scénarios. La fourchette basse, 95 milliards d'euros sur 20 ans.

Et la fourchette haute, plus de 2000 milliards d'euros sur 20 ans. Et donc, tout dépend du scénario et des pifas qu'on veut traiter. Le scénario bas, en gros, on imagine que les émissions de PFAS cessent dès demain et qu'il faudrait seulement traiter les PFAS à chaîne longue, donc les plus faciles à décontaminer.

Et si on se restreint uniquement aux sites les plus prioritaires, comme les décharges, les sols très contaminés et quelques unités de production d'eau potable, ça nous fait donc déjà 4,8 milliards d'euros par an. Donc ça, ça implique que les industriels arrêtent tout de suite d'en produire.

Et c'est très irréaliste, en fait c'est même déjà trop tard pour ce scénario, c'est impossible. Donc tout porte à penser que la fourchette haute va être celle qu'on va devoir payer. Et donc cette estimation haute, c'est 100 milliards d'euros par an.

Et dans ce scénario, on imagine qu'il faut traiter tout type de PFAS, TFA inclus, et on regarde ce qu'il se passerait si les émissions de PFAS dans l'environnement se poursuivent. Dans ce cas-là, en fait, il faut équiper encore plus de sites, en traiter un peu partout. avec des technologies plus onéreuses comme l'osmose inverse dont on a parlé. Et pour la France spécifiquement, quel coût ?

Pour la France, on a estimé que notre pays devrait consacrer 12 milliards d'euros par an pour traiter tout type de pifas. Et si on prend le scénario bas, qui est donc assez irréaliste, on en est plutôt à 700 millions d'euros déjà, grand minimum. Donc c'est colossal. Colossal.

Sachant qu'au-delà de la question financière, ça semble aussi très difficile à mettre en œuvre. C'est ça, c'est un défi financier et logistique absolument colossal qui pose des problèmes de justice sociale puisque les plus petites collectivités n'auront jamais les moyens de mettre ça en place.

Et c'est pour ça que la première urgence et la conclusion de cette enquête, c'est que les chercheurs nous disent qu'il faut arrêter tout de suite d'émettre. Il faut restreindre les émissions de PFAS au maximum. Ali Ling, la chercheuse avec laquelle on a travaillé, elle nous dit... Il n'y a pas assez d'argent sur Terre pour retirer les pifaces de l'environnement aussi vite que nous les y émettons actuellement. Donc en fait, il n'y a aucun espoir de vider cette baignoire.

tant qu'on n'aura pas fermé le robinet. Tout le problème de cette interdiction, c'est qu'elle est empêchée, elle est ralentie par les opérations de lobbying. Alors, venons-en à ces fameux lobbies. D'ailleurs, le terme, il est souvent un peu brumeux.

Qui sont-ils Stéphane et comment est-ce que vous avez enquêté ? Oui, les lobbies, ce n'est pas des petits lutins qui vivent au pays du libre-marché, c'est des entreprises avec des adresses. Les acteurs principaux du lobbying sur cette restriction universelle, c'est les organisations sectorielles.

Donc le CEFIC, qui est la Confédération Européenne de l'Industrie Chimie, qui est le plus gros lobby européen, en fait, qui a le plus gros budget, qui est diminuant d'euros en budget de lobbying et une centaine de lobbyistes. Et aussi Plastique Europe. Comment on fait du lobbying ?

Ce n'est pas un truc mystérieux, comme on voit dans les documentaires, avec des gens en costume, avec des têtes coupées, qui jouent à la roulette ou au poker. Le lobbying, c'est un truc beaucoup plus terre-à-terre que ça. C'est prendre des rendez-vous avec des décideurs, envoyer des e-mails, relancer.

un petit peu persistants comme l'épiface, et faire entendre ses idées pour créer un environnement intellectuel qui fait qu'on va toujours dans une direction qui est celle des intérêts commerciaux qu'on défend.

Face à l'ampleur de la pollution que vous nous avez décrite, qui est assez parlante, quels arguments est-ce qu'il déploie ? Ce qui est assez incroyable dans cette histoire, c'est qu'on est passé de... du constat effrayé presque de l'étendue de la contamination début 2023, à une discussion qui se réduit exclusivement quasiment à l'aspect économique ou technique de comment les remplacer.

Et ça, c'est parce que les organisations sectorielles ont développé une batterie d'arguments qu'ils ont distribués à leurs entreprises et associations membres, et qu'il y a eu une dissémination de ces arguments à travers toute l'Europe, auprès des gouvernements, des agences et évidemment des autorités européennes.

Et alors, ces arguments, vous les avez collectés, qu'est-ce que vous en avez fait ? En fait, on a fait un stress test. C'est quoi un stress test ? On met tous les arguments dans un tableur. On constate qu'il y en a qui ressemblent beaucoup. C'est à partir de première étape, on s'est rendu compte que c'était une campagne qui était orchestrée. C'est-à-dire qu'ils venaient forcément plus ou moins du même endroit. Et ensuite, on les a classés.

par thème, et on les a fait passer à travers l'épreuve de, est-ce que les données qui sont présentées sont vérifiables ? Est-ce qu'elles correspondent à l'état de la science ? Est-ce qu'elles s'appuient sur des modèles économiques auxquels on peut accéder, etc. Et donc, sur les trois... types d'arguments scientifiques, techniques et économiques. Notre conclusion, c'est qu'il n'y a pas grand-chose qui tient la route. Et pourtant, la plupart de ces arguments sont repris.

par des personnels politiques et des décideurs et ces arguments qui ne sont pas étayés par les faits sont en train de prendre la place dans la prise de décision et d'affaiblir la restriction universelle. Est-ce qu'on a quelques exemples de ces arguments qui ne tiennent pas la route ? La clé de voûte, par exemple, des arguments scientifiques du secteur des fluoropolymères, donc les plastiques haute performance,

c'est de dire que les fluoropolymères ne sont pas comme les autres pifaces. Ils ne sont pas du tout dangereux parce que leurs molécules sont trop grosses pour passer à travers les membranes des cellules et faire quoi que ce soit de mal à l'organisme. Et donc, ils appellent ça des polymères. peu préoccupant selon les critères de l'OCDE, l'Organisation pour la coopération et le développement économique. Sauf que ces critères n'existent pas.

Donc, l'OCDE n'a jamais développé de critères pour les polymères peu préoccupants. Et donc, pourtant, on voit cet argument utilisé parce que ça a l'air sérieux, en fait, et les décideurs le reprennent tel quel. Et alors, dernière question, si jamais on veut dépolluer et faire cet effort de dépollution, de décontamination, qui doit payer ? C'est le gros problème. Actuellement, les industriels n'ont quasiment rien payé.

Or, il existe un principe, le principe du pollueur-payeur, et certaines collectivités, certaines victimes, essayent de faire appliquer ce principe. C'est le cas de la métropole de Lyon, par exemple, qui poursuit Arkema et Daikin. Mais ce sont des procès qui vont, eux aussi, mettre des années. à aboutir. Donc pour l'instant, ces frais-là, ils sont pris en charge par nous.

Alors qu'aujourd'hui, on sait que le poids des maladies liées à une exposition opiface est énorme sur les systèmes de santé. Il y a une évaluation qui a été faite en 2019, qui est estimée que c'était entre 52 et 84 milliards d'euros par an. pour les systèmes de santé européens. Et on parle juste de la gestion de maladies. On ne parle pas de toutes les conséquences liées à ça.

la perte de productivité parce que les gens ne vont plus travailler ou bien ils doivent s'occuper de proches qui sont malades du coup les enfants font de moins bonnes études en fait ça a un coût pour la société qui est inimaginable

L'EPIFA, c'est un peu la faillite de notre système dans tous les sens du terme. C'est-à-dire que ça coûte énormément d'agents, mais c'est une faille dans le système. Le principe pollueur-payeur n'existe pas et les entreprises qui polluent peuvent polluer quasiment sans aucune conséquence. Merci Raphaël, merci Stéphane. Merci Jean-Guillaume. Merci à toi.

Pour en savoir plus, vous pouvez aller lire tous les articles de l'enquête sur l'épiphase sur notre site lemonde.fr. Et quant à moi, je vous retrouve dès demain pour un nouvel épisode de l'heure du monde. Bonne journée !

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