¶ Introduction et Accès à Ensisheim
Jusqu'à 15h, Jacques Pradel sur RTL, l'heure du crime. Et bonjour à toutes et à tous, très heureux de vous retrouver pour cette nouvelle édition de l'heure du crime, une émission préparée par Perrine Suquet et Charlotte Mériton.
Et c'est Marc Bisset qui est à la réalisation technique de notre émission aujourd'hui. Et à la une, et c'est assez rare, mon invité, Patricia Touranchot, journaliste indépendante, qui a publié au début de l'été... dans l'Obs un reportage qui est rare dans la mesure où les permissions accordées par l'administration pénitentiaire à des journalistes pour aller faire des reportages en prison se comptent quand même sur les...
¶ La Maison Centrale d'Ensisheim
doigts d'une main. Elle en a bénéficié et elle a pu pénétrer dans une des maisons centrales. On va faire un peu le tri ensemble dans un instant sur les différents centres de détention en France. Mais enfin, elle est allée à N.C. en Alsace et c'est là que sont incarcérés les prisonniers qui ont en France les plus lourdes peines. Ils sont 188 et parmi eux un certain nombre de tueurs en série particulièrement.
évidemment célèbres en France, comme Guy Georges, comme Francis Aulme, ou comme Michel Fourniret. Bonjour Patricia Touranchot. Bonjour. Alors, je disais à l'instant, c'est une autorisation exceptionnelle. Qu'est-ce que vous aviez... En tête, vous saviez ce que vous vouliez faire en allant à l'intérieur de cette maison centrale ? Ça fait des années que je voulais aller dans cette centrale d'Anne-Seaïm parce que je savais que sont regroupés là-bas les plus lourds condamnés à perpètre.
C'était des très lourdes peines, surtout pour des crimes sexuels. En fait, ils se sont regroupés là-bas. Ça fait des années que je voulais y aller. Je connaissais les détenus qui y étaient. Je les avais suivis. Et là, ça a été une négociation avec l'administration pénitente.
financière de plusieurs semaines, et qui a fini par me délivrer une autorisation où j'ai quand même une page et demie d'interdiction et de conditions. Donc je me suis pliée à ces conditions, l'une étant que les détenus apparaissent anonymes. et donc de ne pas associer aussi les faits les crimes pour lesquels il se trouvait ici à leur nom ou prénom donc j'ai un peu biaisé par instant mais
Pour certains, je raconte ce qu'ils ont fait. En donnant un pseudo, un prénom de leur choix. C'était génial pour moi de pouvoir aller là-bas deux jours. Évidemment, je n'ai pas dormi dedans. Je vais vous poser la question. Mais alors, on va revenir en détail. C'est quand même une expérience hors normes pour vous, même journalistes habitués à faire quand même des reportages sur des sujets extrêmement chauds. Il faut dire qu'il y a...
90 prisons en France. Il y a trois sortes de prisons. Il y a ce qu'on appelle les maisons d'arrêt où se trouvent les personnes qui sont en attente de jugement, ce qu'on appelle la détention provisoire. Sous-titrage ST' 501 sont dans ces centres parce que leur dossier permet à l'administration pénitentiaire de considérer qu'ils ont des perspectives de réinsertion. Parce qu'on parle un peu du sens de la prison aussi, évidemment.
dans cette émission. Et puis, il y a les maisons centrales. Il y en a une douzaine en France. C'est là où, comme vous le disiez, on trouve les peines les plus lourdes. Et la première question que j'avais envie de vous poser, parce que j'étais frappé par le début de...
¶ Calme Surprenant à Ensisheim
votre papier dans l'Obs, de votre reportage qui est publié à mi-juillet, 16 juillet, je crois, dans l'Obs, où vous dites que vous êtes frappé par le calme. La paix, la sérénité. On n'attend pas ça, en pénétrant dans un endroit comme ça. Quand on pousse la porte en bois de la centrale d'Ensisheim, d'abord, on tombe dans une... Bon, le sas, évidemment, de sécurité. une cour traversée par un canal
qui a été recouvert sous les bâtiments de la prison. Mais là, il y a le canal, il y a des arbres et un calme, une espèce de paix hallucinante. Et moi, j'ai été vraiment... On est frappé par ça. Bon, d'accord... Dans les maisons d'arrêt, où se trouvent les détenus, les jeunes, beaucoup de jeunes pour des petits délits, on sait qu'il y a beaucoup de cris, beaucoup de bruits. On sait que dans les centrales pénitentiaires, où les gens...
condamnés à perpétuité ou des longues peines s'installent dans la durée, c'est plus calme en général. Mais là... se calme, c'est quasiment bucolique. C'est frappant, évidemment. Il faut dire aussi que souvent, et quand les détenus sont interrogés, il y a des sondages qui sont faits auxquels ils... Un grand nombre d'entre eux ont répondu sur leurs conditions de détention, sur leur vie quotidienne. Ce qui vient en premier dans ce qui leur pèse, c'est la promiscuité, la saleté, les sanitaires.
¶ Conditions Matérielles et Post-Mutinerie
Là, à NC Seym, si je vous ai bien lu, on n'est pas dans la surpopulation carcérale. Non, pas du tout. Par contre, c'est une très vieille centrale. Elle a été ouverte en 1811 sous Napoléon. Les bâtiments sont très très vieux.
vieux, en plein centre-ville. C'est un ancien couvent, d'un côté, un ancien collège de jésuites. Elle est quand même assez vétuste. Les murs, les peintures sont dégradées, les cellules sont... par contre les 188 détenus condamnés ont chacun leurs cellules et ça c'était une volonté de l'administration pénitentiaire après des mutineries très graves qui ont eu lieu en
88, où certains détenus avaient fait mille feux à la prison, pris en otage des surveillants, et ça avait très mal tourné. Donc à ce moment-là, l'administration pénitentiaire s'est dit, il faut faire autrement. Donc ils ont reconçu les bâtiments, ils ont recouvert le canal qui traversait la prison aussi, qui était un moyen d'évasion, et surtout développé des activités, des cours, un maximum d'activités. pour que, disait le directeur, la Densie Chaim,
pour que cet établissement ne se transforme pas en cocotte. Voilà, exactement, ça m'avait frappé, j'ai utilisé l'expression tout à l'heure. C'est-à-dire qu'il n'y a pas que des tueurs en série, il n'y a pas que des agresseurs sexuels.
¶ Philosophie de Détention et Espoir
Mais comment est-ce qu'on a composé cette micro-société d'une certaine manière, j'imagine ? Alors, le directeur d'NC Shine, qui est assez extraordinaire, il s'appelle Michel Schwindenhammer, lui dit qu'il y a plusieurs ingrédients... pour créer cette alchimie de paix finalement lui dit il faut un peu d'espace donc chacun sa cellule il faut des cours des activités du travail
Donc beaucoup travaillent dans les ateliers. Et voilà, des activités de toutes sortes, parce que le temps est long. Le temps est infiniment long. Il y a une chose qui m'a frappé aussi dans votre reportage, dans votre conversation avec le directeur. directeur. On sait qu'il y a beaucoup de condamnés à perpétuité. On sait que la perpétuité réelle n'est que l'exception. En France, je crois que dans cette prison, il y a Michel Fourniret qui a été condamné à la perpétuité dite...
réelle. D'autres sont là, en tout cas, pour des dizaines d'années. Et il vous dit, le directeur, à un moment, il dit, il faut toujours garder quelque part une lueur, un... un horizon, une espérance, même pour une libération très lointaine, mais il faut quelque chose de cet ordre-là. Comment on met ça en pratique ?
Il faut une lueur d'espoir. Par exemple, les conseillers d'insertion et de probation, les éducateurs, parlent même à un jeune de 22 ans qui est condamné à perpétuité, il lui parle déjà de la sortie.
disent-ils, ça paraît l'éternité mais il faut que quelque part ça se matérialise si vous voulez, de temps en temps des activités, des choses qui permettront d'apprendre un métier, une formation dans l'espoir de sortir 20 ans, 25 ans, on ne sait pas et puis sur la fin quand on approche l'éventuelle date de libération
4-5 ans avant, là, les conseillers, l'administration pénitentiaire, essayent de leur faire miroiter des petites choses. C'est-à-dire qu'avec le prof de sport, par exemple, ils vont peut-être pouvoir aller faire une journée de cheval. Et ça, ça va les tenir pendant deux ans à l'extérieur, dans les Vosges. Ou d'autres, aller faire une journée de marche. Et ça permet d'avoir un petit horizon quand même. Et de façon à ce que les gens ne soient pas relâchés, si j'ose dire.
comme ça, sans sas de préparation. Alors on va se retrouver dans un instant, parce que vous y avez passé deux jours, vous avez dit, c'est absolument passionnant de vous poser les questions que tout le monde se pose. Je voudrais simplement dire que... Vers 14h45, nous aurons un témoignage dans cette émission, le témoignage d'une enseignante qui est professeure de français, qui enseigne également dans les prisons. Elle s'appelle Aude Siméon. Elle a raconté son expérience dans...
dans un livre dont on parlera tout à l'heure. Et puis, bien sûr, si vous avez des questions, des réactions, des témoignages, si vous êtes ancien détenu ou proche de personnes qui sont actuellement incarcérées, vous pouvez nous appeler au 3210.
le standard téléphonique d'RTL ou par courriel bien sûr sur rtl.fr Jusqu'à 15h, Jacques Pradel sur RTL, l'heure du crime L'invité de l'heure du crime, la journaliste indépendante Patricia Touranchot qui a publié, je le disais tout à l'heure au début de l'été dans l'Obs, son reportage à la centrale, à la maison centrale.
d'NC Seim. Alors je dis NC Seim et pas NC Scheim parce que beaucoup de nos auditeurs d'Alsace nous ont appelés pour dire que c'est pas comme ça qu'on disait. Alors voilà, mille excuses et nous parlerons désormais de la centrale. Alors, on va retrouver Patricia Touranchot avec cette expérience vécue pendant deux jours où, évidemment, elle voulait avoir suffisamment d'informations, de rencontres.
d'interview pour donner un tableau réel évidemment de la vie quotidienne dans une prison comme celle-là. Mais d'abord, je voudrais qu'on entende un premier document RTL.
¶ Comparaison avec d'Autres Prisons
Parce qu'avec Charlotte Méritant, évidemment, on est allé fouiller dans les archives de la rédaction d'RTL pour retrouver les quelques reportages des journalistes. Parce que, comme on le disait tout à l'heure, c'est quand même assez rare.
Et on entendra ces reportages tout à l'heure. Mais le premier document que je vais vous faire entendre date du 18 janvier 2000. C'est une interview. C'est Véronique Vasseur qui a été longtemps... médecin-chef de la prison de la santé, qui avait publié un livre qui, le moins qu'on puisse dire, avait mis en émoi le monde pénitentiaire, parce qu'elle avait parlé de la réalité des prisons, mais en particulier de la prison de la santé.
Et dans l'extrait que vous allez entendre, elle est l'invité de Thierry Demézière sur RTL. Écoutez. Quand je suis dans cet univers que je ne connais absolument pas, la détresse, la misère, la crasse, parce qu'au début c'était d'une crasse effrayante, les rats ont dératisé beaucoup, il y a encore des rats qui sortent la nuit.
C'est évident, ils ne sortent pas quand les journalistes sont là, ils sortent la nuit quand il n'y a plus personne, quand les médecins de garde les voient. Il y a toujours les repas froids, il y a toujours la violence, il y a toujours le quartier disciplinaire, il y a toujours des tentatives de suicide.
des gens qui se mutilent, il y a une grande détresse quand même. Qu'est-ce que vous faites, vous, médecins, femmes en plus, lorsque vous vous retrouvez dans une cellule avec des caïds, avec une tentative de suicide, avec un viol, avec des gens qui s'égorgent, avec des flaques de sang ? On est blindé, mais on est aussi à l'écoute. Si on fait ce métier-là, dans cet endroit-là, c'est qu'on l'a choisi. On n'est pas forcé de le faire. Il faut une grosse...
dose de tolérance et d'humanité pour faire avancer les choses. Pourquoi vous avez choisi ça ? Parce que j'étais fascinée par cet endroit et puis que j'avais envie que les choses bougent. Tous les médecins des autres prisons me soutiennent, il se passe des choses. affreuse partout.
Vous avez levé un des plus grands tabous dans la prison française, qui est la sexualité. Et vous parlez franchement de viols, de travestis qui, chaque soir, se font violer, d'un commerce du sexe même. Il y a une sexualité en prison, forcément. L'homme, il rentre... rentre avec sa sexualité. Il ne laisse pas la porte de la prison. Donc, il ne faut pas se voiler la face. On a une circulaire qui nous demande de donner des préservatifs. Bon, ce n'est pas pour faire joli.
Voilà, donc un extrait de cette interview du 18 janvier 2000. Véronique Vasseur venait de publier « Médecin-chef à la prison de la santé ». C'est le titre de son livre paru aux éditions du Cherche-Midi. Alors je voulais que vous entendiez ce qu'elle disait. Parce qu'elle évoque, Patricia Touranchot, détresse, misère, crasse. Là, on n'est pas dans l'univers d'Anne Sissheim, apparemment. Il y a quand même de la crasse. C'est assez insalubre à Anne Sissheim.
¶ Relations Détenus-Surveillantes
même une prison je trouve un peu préservée ils ont réussi à en faire quelque chose de relativement calme et justement le fait que sur 125 surveillants pour 188 détenus il y ait 25 femmes aide beaucoup à pacifier les relations. C'est ce que m'explique dans le reportage Elodie Cabat, qui est officier de détention, elle a 31 ans, elle est toute petite, elle a une queue de cheval, l'uniforme évidemment à l'administration pénitentiaire, et elle, elle dit...
femmes en prison, des surveillantes, à pacifier les relations. Parce qu'avec nous... Alors qu'on pensait, pardonnez-moi, il ne faut pas faire de langue de bois, on pensait que ça pouvait aussi donner des idées à des gens qui sont privés de leur sécurité. ça leur apprend en tout cas ces criminels sexuels là qui sont dans cette prison ça leur apprend à obéir à une femme ce qui est pas rien
à être sous l'autorité d'une femme. Alors, certains en jouent, certains essayent de jouer dans la séduction, etc. Il y en a un qui n'arrête pas. Ou dans la provocation. Oui, il y a une espèce de détenu, la grillard, qui n'arrête pas de leur dire, par exemple, développeur de pénis est toujours à la fouille madame enfin voilà il y en a mais tant que ça va pas plus loin ça se passe bien et et certains les plus irréductibles qui refuse vraiment l'autorité
d'une femme, au rez-de-chaussée gauche de la centrale d'Ensisheim. Ceux-là, c'est le seul endroit, c'est le seul couloir où elles ne peuvent pas aller. Dans ce couloir-là, on a notamment Francis Holm et certains...
¶ Détenus Célèbres et Quotidien
vraiment violeurs de femmes ou tueurs de leurs propres femmes, etc., qui ne supportent pas une surveillante. Donc bon, là, elles n'y vont pas. Par contre, dans le couloir pour VIP façon NCSIME, où se trouvent à la fois Michel Fourniret, Francis Dorfer, qui était preneur d'otages, un jeune preneur d'otages à la santé, Guy Georges. Une surveillante seule peut garder cet étage. Parce qu'en prison, par exemple, Guy Georges, il est assez...
conciliant. Le chef de la détention dit qu'il est très sociable. Il est toujours souriant. Il fait ses activités. Il travaille à l'atelier. Il met des hameçons dans des petits sachets. Il est payé pour ça. Il est payé peu, mais ça permet quand même d'indemniser un minimum les parties civiles, les parents de ces victimes. Il en a fait quand même sept. Jeunes femmes assassinées, violées, égorgées à Paris.
années 90, mais là-bas, il est cadré. Et il est aussi le batteur du groupe de la centrale, du groupe de musique de la centrale. Donc, il y a une salle de musique, il est le batteur. Il travaille, il est cadré. Moi, je ne l'ai pas reconnu. Je l'ai cherché pendant deux jours. Il était tout près de vous, vous ne l'ayez pas reconnu. Il faut rappeler à ceux qui nous écoutent que vous avez publié l'attre.
qui était l'histoire, évidemment, de l'enquête qui a mené à son arrestation. Et vous faisiez des portraits de lui, vous parliez de son enfance, etc. Donc là, il n'y a pas eu de... Et mon livre, La traque de Guy Georges, a été adapté au cinéma, c'est l'affaire SK1.
Et donc, Guy Georges me connaît, c'est qui je suis. J'avais été en contact avec lui à une époque et j'ai suivi son affaire depuis le début. Et donc, voilà, moi, je le cherchais dans la prison. Je ne l'ai pas trouvé le premier jour. Le deuxième jour, dans la cour...
principale, il y avait un groupe extérieur, un groupe de musique extérieure qui venait. Donc, comme je sais que Guy Georges est passionné de musique, j'étais sûre de le trouver là. Et au début, dans la cour, il n'était pas là. Et à un moment, il y a un détenu qui m'a dit... Vous cherchiez Guy Georges, il s'est mis à côté de vous. Il ne voulait pas vous parler. Je me suis retournée. Effectivement, Guy Georges avait doublé de volume. Je pense qu'il prend des médicaments beaucoup pour s'apaiser.
je ne l'ai pas reconnu, il n'a pas voulu qu'on discute, mais c'était intéressant quand même de le voir. Alors, on va faire une pause dans cette émission. On se retrouve dans un instant avec vous, bien sûr, la suite de ce reportage. 3210 pour les questions, les réactions, les témoignages. Ou RTL.fr pour les courriels. L'heure du crime sur RTL.
Patricia Touranchot, journaliste indépendante, qui a réalisé ce reportage à la maison centrale d'NC Seym et l'invité de l'ordre du crime. On la retrouve dans quelques secondes, mais je voudrais, Patricia, que vous entendiez aussi lundi.
¶ Témoignages d'Autres Détenus
de ces reportages dont je parlais tout à l'heure, qu'on a trouvé dans les archives de la rédaction. Là, on est en février 2004, 25 février 2004, au cours d'un reportage à la prison d'Uzerche, en Corrèze. Fanny Stenler rencontre quelqu'un qu'on appelle René, condamné à 7 ans de prison pour violences sexuelles sur mineurs, et ce détenu lui raconte sa vie quotidienne en prison.
Le délit de la personne humaine. Ça m'a marqué énormément, ça. Vous n'êtes rien, là. C'est des choses qui marquent à vie, ça. Qui marquent à vie. On vous ignore totalement. Tout le temps. On ne tend pas la main à un surveillant. C'est interdit. Et ça m'est arrivé une fois ici, non seulement de tendre la main, mais que le surveillant m'ait prise la main, m'ait serré la main. Je suis devenu tout blâme. J'étais gêné, c'était absurde, mais j'étais gêné.
Dans le parloir, il est assis, les cheveux gris, le front dégarni et ridé. René a 56 ans. Demain, il sort. Demain, il essaiera d'oublier ses cinq années passées en prison. Confronté à la violence. Une violence entre détenus. Contre les délinquants sexuels, ceux que l'on appelle les pointeurs, il en fait partie. Ça a été une peur pendant quatre ans, la peur de l'agression. Jusqu'au jour où un voisin de cellule le cherche.
Il est rentré dans ma cellule comme un fou. J'ai pas eu le temps de me lever de temps, moi. J'en ai pas plein la gueule, quoi. Mais alors, ce qui s'appelle plein la gueule, il y avait du centre sur deux mètres de haut dans la cellule. On peut pas sortir d'une prison, je crois, sans prendre deux coups. Autre obsession au quotidien, le racket pour les plus faibles et pour tous.
La perte de la notion de temps. Je me rappelle un soir où j'ai trouvé de venir fou. Je n'arrivais pas à dormir. Combien de temps tu as fait ? Alors je comptais les années que j'avais fait. Je comptais mes calendriers, je disais, mais bon Dieu, genre, t'as fait un an de plus, c'est pas normal. J'y arrivais pas. Et quand je panique, je sors mes calendriers, j'en garde le nombre d'années. C'est trop long, ça, car.
C'est trop long. Donc on a réussi, tu es complètement perdu. L'un des surveillants présent le jour de son arrivée au centre. Il y a des moments difficiles, mais on voit quand même que ça fatigue, la présence est claire. C'est sûr aussi que...
Psychologiquement, ça lui a fait quelque chose. Moi, je le vois en tout cas. Pour mieux supporter l'enfermement, les détenus peuvent demander des consultations avec un psychologue. Un pour 561 personnes. France Bessono, infirmière. Il y a quand même beaucoup à faire. Surtout dans... centre de détention comme ici, plus d'un tiers de détenus qui ont besoin d'un suivi psychiatrique ou psychologique et qui n'en ont pas encore.
¶ Dynamiques Sociales et Surprises
Alors, Patricia Touronchot, ANC Saïm, c'est 188 détenus. Les conditions que vous avez expliquées tout à l'heure. Quelles sont les relations entre les différents détenus ? Justement, à ANC Saïm, sont regroupés en majorité les groupes.
gros criminel sexuel. Ce qui fait que, comme le disait un détenu qui n'est pas, lui, un criminel sexuel, c'est un preneur d'otages, lui, Francis, m'expliquait dans les autres centres de détention, les autres centrales, Les criminels sexuels, les violeurs, les pointeurs, comme ce détenu René disait dans le reportage, se sont maltraités. et risque d'être frappé par l'autre catégorie de détenus que sont les braqueurs et les voleurs. On n'aime pas les pointeurs en prison.
les regrouper, implique qu'ils ne sont pas à l'isolement. Ils sont tous ensemble. Et à la limite, ça se passe mieux. Et Francis me disait, moi j'approuve ce regroupement des criminels sexuels, ils peuvent aller en promenade alors que dans les autres...
prison, ils ne peuvent pas le faire. Et lui me disait, ayant des enfants, j'aime pas trop les pédophiles, mais je fais abstraction. Le seul truc, c'est que je leur serre pas la main, c'est tout. Donc, c'est ce qui fait que ça se passe bien. Mais moi...
A la limite, ce sont les braqueurs à NC Saïm qui sont minorités. Ils sont une vingtaine, 20-25. Et là-bas, il m'est arrivé un truc. On était avec le photographe de l'Obs, Bruno Coutier, qui a été super pendant ce reportage, qui avait des superbes images. Et évidemment, surveillé. le numéro 2 de la direction etc et des détenus dans un atelier m'appellent.
Et en fait, ils regardent les émissions genre « Faites entrer l'accusé », « Enquête criminelle », etc. où ils écoutent peut-être l'ordre du crime. Ils écoutent la radio en prison, bien sûr. En tout cas, ils me connaissaient, ils connaissaient mon nom, ils me reconnaissaient. Donc, ces détenus m'appellent. On va avec le photographe dans cet atelier.
Et puis, un gars que j'appelle Mohamed dans le reportage, très avenant, me parle, je vous ai vu à la télé, etc. Il me raconte sa vie en détention, comment il continue, comment il travaille, comment il fait des études, etc. Et moi, je repars persuadée que Mohamed est un braqueur, un mec super avenant. Et le soir, à l'hôtel, j'ai regardé ce qu'avait fait Mohamed.
Et j'étais sidérée, donc c'était un pointeur, un violeur en série, qui a été condamné à 20 ans pour 7 viols plus 14 agressions sexuelles. Et là, franchement, les bras m'en tombaient. On va se retrouver dans un tout petit instant avec d'autres reportages d'RTL. Et puis, on va parler aussi de cette vie quotidienne un peu plus complètement. Parce qu'il y a le travail, bien sûr. Mais il y a aussi les loisirs. Il y a la musique.
que vous en avez parlé et d'autres activités évidemment qui permettent finalement je reviens à cette image de la cocotte minute de faire en sorte que et pour les détenus et pour les surveillants dont on n'a pas beaucoup parlé on va parler un peu plus d'eux dans un instant la vie soit possible, la cohabitation soit possible. A tout de suite.
¶ Débat sur les Conditions et Éducation
Alors nous retrouvons mon invité Patricia Touranchon. On va parler deux secondes de ce qui se dit au standard 3210 depuis le début de l'émission. Et c'est vrai aussi que ça va permettre à la fois de ne pas faire d'angélisme et en même temps de mettre les choses au point. Point, parce qu'il y a un système pénitentiaire, un système de justice qui existe en France. Les condamnations à perpétuité réelle sont infimes. Et souvent, même des meurtriers sont condamnés parfois de très lourdes peines.
un jour où effectivement on considère qu'ils peuvent être insérés dans la société. Beaucoup d'auditeurs, évidemment, s'insurgent en disant, mais comment quand vous dites, mais voilà, des meurtriers qui n'ont pas d'espoir de sortir, bon, où est l'espoir de ceux qu'ils ont tués ? Bien sûr, mais il ne faut pas trop raccourcir le débat non plus. J'ajoute encore deux, trois choses, et puis
Après, vous répondez, Patricia. En écoutant l'émission, on a l'impression que cette prison, c'est le club med, salle de sport, loisirs, musique, c'est n'importe quoi. Souvent, les gens, il faut comprendre les victimes, ce sont des réactions tout à fait normales. D'un autre côté, l'administration pénitentiaire dit, est-ce que si l'atmosphère est trop oppressante,
dans une telle prison, dans une telle centrale, ça pète, ça ne tient pas. Et il faut susciter une adhésion des condamnés à l'exécution de leur peine.
leur peine mais que volontairement ils sont contraints évidemment d'être ici pendant des années et des années c'est normal mais autant que ça se passe bien et pour que ça se passe bien que ça n'explose pas régulièrement effectivement Oui, il y a besoin de cours, d'activités qui puissent travailler aussi pour gagner un petit pécule et indemniser les parties civiles, justement les familles, parce que sinon ils ne pourront pas régler, même si ça ne réparera jamais complètement.
il faut tout ça il faut des études faire des études par exemple à nc sein il ya 60 détenus qui et qui suivent des études alors ça va du il ya un monsieur il a voulu faire comme sa fille Il a passé le certificat de formation générale. Lui, il partait de loin. Il y a eu un master en stratégie financière, un qui a eu une licence de maths, un qui a eu une licence d'art plastique.
Mais tout ça, ça aide à construire pour éventuellement un jour sortir peut-être. Et ce qu'il faut savoir, ce que je n'ai pas mis dans ce reportage pour l'Obs, parce que j'avais beaucoup de choses à raconter,
la récidive chez ces grands criminels sexuels, elle est de 2%. Alors évidemment, 2%, quand ça arrive à quelqu'un de son entourage, et en général ce sont des crimes... redoutable, très médiatisé, etc. Mais 2%, ça veut dire qu'il y a quand même 98% des gens qui sortent et qui se réinsèrent et qui travaillent derrière et dont on n'entendra plus jamais parler.
¶ Soins Psychologiques et Libération
Alors, d'autres éditeurs, justement, ont parlé de ce que vous évoquez là, en disant, mais est-ce qu'il y a des soins ? Parce qu'on parle souvent de la camisole chimique, la pilule rose pour obtenir la paix dans les prisons. Quelle est la situation à NC Sam ? À NC Sam, il y a quatre psychiatres, quatre psychologues, quatre infirmières psy qui désamorcent régulièrement les crises. Et pour qu'un condamné...
soient soignés, il faut qu'ils soient volontaires. Mais là, disons, il y en a... On n'impose pas un traitement... Non. Le traitement médicamenteux, en tout cas, doit être volontaire. Il faut être volontaire. Et là, sur les 188, il y en a 150 qui prennent un traitement. Les traitements, c'est quoi ? Ce sont des anxiolytiques, des choses comme ça ? Oui, des benzodiazépines, des neuroleptiques. C'est assez détenu là. Et pas mal, qui de toute façon sont obligés aussi.
d'aller voir le psychiatre. Je veux dire, si 4-5 ans avant la sortie, le gars, il n'accepte pas de faire un travail sur lui-même et régulier, etc. Sincère, oui. Il ne sortira jamais. Et ensuite, il y a quand même une commission qui va évaluer l'honnêteté, disons, de ce détenu et analyser plusieurs paramètres pour dire si un jour il peut, et puis une juge aussi, s'il peut...
peut ou non sortir. Et puis, ce sera petit à petit. Là, par exemple, il y a un condamné à perpétuité. Il est depuis 26 ans à NC Saïm. Et il avait demandé sa libération. Il allait voir un psychiatre. Il a fait tout comme il fallait pour essayer de sortir. Il est passé devant la commission des libérations conditionnelles. Et quatre fois, il a été refusé. Et lui, il m'a dit... dangereux qu'ils disent. Je pense que lui, comment il s'appelait Michel, il ne sortira jamais.
Parce que la commission a estimé qu'il était encore dangereux 26 ans après. Je ne sais pas exactement ce qu'il a fait. Il a un petit travail assez préservé. Il s'occupe de l'entretien de la prison. C'est un peu tabou à l'intérieur de dire qu'il ne sortira jamais. Personne le dit, tout le monde le sait.
Mais c'était bien d'apporter ces précisions justement parce que je comprends très bien que des éditeurs puissent être choqués en entendant un certain nombre de propos. Mais voilà, tout s'explique. Il suffit de demander 3210 ou rtl.fr. L'émission n'est pas terminée. Une pause, la dernière, et puis ensuite on va parler de l'éducation en prison avec une prof de lettres qui enseigne notamment à la centrale de Poissy. Jusqu'à 15h, Jacques Pradel sur RTL. L'heure du crime.
¶ La Prison, l'Histoire et l'Enseignement
Dans un instant, nous allons entendre le témoignage d'Aude Siméon, ce professeur de français qui enseigne également dans les prisons. Mais d'abord, Patricia Touranchot, je voudrais qu'on entende tous un autre, le dernier reporter. qui était dans les archives de la rédaction d' rtl c'est intéressant de l'écouter parce que en ayant en tête d'ailleurs ce que disait tout à l'heure les les auditeurs c'est un sur sur le fait que peut-être on vive mieux parfois pour certains en prison que
à l'extérieur. Ça a été le cas également historiquement pour la prison de la santé. La prison de la santé a ouvert ses portes pour la première fois lors des journées du patrimoine en 2014. Écoutez la visite guidée que nous proposait ce jour-là Cindy Hubert. sur RTL. On entre par une grosse porte bleue et déjà l'histoire du lieu saisi. Ici, dans la cour pavée, il y a eu une guillotine jusqu'en 1972. Les exécutions avaient lieu à peu près à ce niveau-là, donc dans la cour d'honneur.
La prison suit l'historienne Caroline Sopelsa. Quand la santé ouvre à la fin du 19e siècle, la prison fait scandale. Elle est ultra moderne. Chauffage central, électricité. Même limite, les journalistes s'insurgent un peu contre ce confort exceptionnel.
Les détenus ont un point d'eau alors que les Parisiens, eux, ils doivent aller à la fontaine. Un siècle et demi plus tard, les rats détiennent dans les coursives. La peinture s'effrite sur les murs. Les trous sont couverts de posters de pin-up. Mais ce qui frappe Jean-Marie Ackara, le chef...
de détention, c'est ce silence. Avant, c'était carrément une petite ville et ça fait bizarre. Il a fallu que ça ferme parce que ça commençait à devenir vraiment un peu inquiétant. Dans le même couloir, le mitard est le quartier d'isolement. La promenade se fait seule dans une cour. Cours minuscules en triangle, on appelle ça des camemberts. On imagine Jacques Messrine, Guy Georges, le terroriste Carlos, avec pour seul horizon des barbelés et un grillage juste au-dessus de leur tête.
Ce reportage que vous découvrez avec nous, Patricia Touranchot, si vous pensez à quoi ? Je trouve très bien que l'administration pénitentiaire maintienne quelques vieilles prisons dans les centres-villes, comme la Santé, justement, qui sont en train de rénover pour qu'elle puisse rouvrir ses portes d'ici.
cinq ans, parce que dans des tas de communes, les vieilles prisons ont été cassées dans les centres-villes et des nouveaux établissements ultra-modernes, très aseptisés, ont été créés, comme à Condé-sur-Sarthe. Et c'est assez une catastrophe. Les détenus, par exemple d'N.C. Saïm, disent qu'ils préfèrent de loin être ici, dans une vieille prison, même vétuse, mais qui a une âme, que dans des lieux complètement insuffisants.
où ça ne se passera pas forcément mieux. Alors on va prendre en ligne tout de suite Aude Siméon. Bonjour Madame. Oui, bonjour. Merci d'avoir accepté de nous parler quelques instants de cette expérience que vous vivez depuis de nombreuses années. Vous êtes professeur de français, vous enseignez dans les prisons et vous avez raconté votre expérience dans un livre prof chez Tolar.
qui était paru il y a deux ans ou trois ans aux éditions Glyphes. Vous n'avez jamais enseigné, vous, à NC Saïm, par exemple ? Non, non, non. J'ai enseigné essentiellement à la maison centrale de Poissy, également... à Versailles pour les femmes, mais essentiellement à la centrale de Poissy qui ressemble un petit peu à Elfisheim, en ce sens que c'est une...
Ils ont de longues peines, exactement. Alors justement, qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur l'ambiance de ces cours et vos rapports avec ces détenus ? Et le rôle peut-être de cet enseignement dans, j'allais dire, la vie quotidienne de la prison ? C'est l'humanisation de ces lieux. Et comme vient de le montrer le dernier reportage que vous avez passé...
Les prisons modernes seront peut-être confortables, seront peut-être aseptisées, hygiéniques. Elles seront terribles d'un point de vue du moral et du point de vue profond de la personne humaine. Ce dont souffrent essentiellement les détenus, c'est l'énorme solitude, l'isolement qui est le leur. Et je pense que les cours, c'est l'occasion tout à coup...
qu'ils soient considérés en tant que personnes humaines. Certes, ils ont fait des choses odieuses, mais on ne réduit pas une personne uniquement à ce qu'elle a fait. Elle est beaucoup plus que simplement ce qu'elle a fait. Ils ont une dette énorme vis-à-vis de la société. C'est tout à fait normal qu'ils soient derrière les murs. Mais il faut que ce temps derrière les murs soit un temps intelligent pour que la société qui les a placés là en profite.
C'est-à-dire pour que celui qui a coûté très cher à la société pendant des années sorte avec véritablement l'intention de participer de façon positive cette fois à la société. Et ça, ce retournement... de mentalité, de tournure d'esprit ne se fera que si ces détenus sont accompagnés non seulement par des médecins, par des psychiatres.
mais également par des enseignants. Et c'est évident que, puisque vous avez parlé de tous ces détenus sexuels, ce sont avant tout des malades. Ce sont avant tout des malades. Donc il faut soigner. Et il faut leur apprendre justement à mieux se connaître eux-mêmes pour mieux se gérer et moins nuire aux autres. Mais s'il n'y a pas tout un travail d'accompagnement de ces personnes, et pas simplement d'exclusion, de rejet...
la prison n'aura servi à rien. Je vous remercie beaucoup de ce témoignage, je ne peux pas aller plus loin là maintenant, parce qu'on arrive à la fin de l'émission, mais je renvoie tout le monde à votre livre, donc Prof chez les Tollards, aux éditions Glyphes. Merci beaucoup, Aude Siméon, et merci Patricia.
à Touranchot. Bravo pour ce reportage qui est quand même un sac compte dans la vie d'un journaliste. Vous n'allez pas en faire une dizaine dans les mois qui suivent. Je vous remercie beaucoup. L'émission est terminée. On va retrouver Flévi Flamand dans quelques instants.