Nigeria: la hausse des loyers, cauchemar des locataires de Lagos
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Les propriétaires répercutent les coûts de l'inflation galopante sur les loyers avec des augmentations allant jusqu'à 200%. La capitale économique du pays ne cesse de croître et peine depuis des années à répondre à la forte demande de logements. Les réformes économiques menées par le gouvernement de Bola Ahmed Tinubu, notamment le flottement du naira et la suppression des subventions aux carburants, ont provoqué un choc dans l'économie, et mettent dans l’impasse des millions de locataires.
De notre correspondant à Lagos,
Ce sont près de 3 000 personnes supplémentaires par jour qui cherchent un logement dans la capitale économique. Au Nigeria, un locataire doit en général débourser un an (parfois deux) de loyer d’avance pour confirmer la transaction. En visite dans un énième logement dans Lagos, Emmanuel Osaswa scrute les murs en secouant la tête. Un an de recherche stérile pour cet employé dans l'industrie.
Avec un salaire d'à peine 78 euros, soit le double du revenu minimum, Emmanuel n'a pas assez pour payer un an de loyer d'un coup. Et ceci, pour des logements souvent peu conformes aux normes. « Certaines maisons ne valent pas leur prix, vous savez. Tout cela à cause de l'inflation ou de ce qui se passe. Vous voyez les prix, vous voyez des logements à un million de nairas. Je pense que le moins cher que j'ai vu jusqu'à présent, c'est l'équivalent de 400 euros pour un mini-appartement. Et la cour était dans un état déplorable. Je pense que pour obtenir un appartement convenable à Lagos, il faut commencer entre 675 et 730 euros pour une année, c'est le minimum que l'on puisse trouver pour un bon complexe et une bonne maison », explique Emmanuel Osaswa.
Des propriétaires sans scrupulesEmmanuel et son épouse sont donc pris à la gorge. Car les dépenses de transport, de santé et de scolarité pèsent également sur le budget familial. Selon un rapport de la Banque mondiale de 2024, près de 47% des 225 millions de Nigérians vivraient sous le seuil de pauvreté.
Un contexte social pas du tout pris en compte par le propriétaire de logements. « Certains propriétaires s'appuient sur des conseils d'agents pour moduler leurs loyers. Tandis que d'autres font sans, sans doute qu'ils ont déjà un niveau de tarif en tête. Peut-être qu'un de leurs amis a augmenté ses prix et que cette personne a pu trouver un locataire pour sa propriété malgré tout. Et il y a ceux que nous appelons "les locataires spéciaux", qui ont de l'argent. Quel que soit le montant du loyer demandé, ils ne marchandent pas ; ils paient, et puis c'est tout », reconnaît Gabriel Osukoya, agent immobilier.
Les coûts de construction explosentÀ Lagos, la hausse des loyers touche aussi ces héritiers des fortunes liées au pétrole, évoqués par Gabriel. Le flottement du naira depuis deux ans et l'inflation impactent le prix des constructions. Kenneth Osagie gère des propriétés pour des personnes à hauts revenus. Là aussi, les prix s'envolent.
« Auparavant, un appartement de luxe avec trois chambres salon était commercialisé pour une valeur de 50 000 euros. Désormais, il faut s'acquitter de 110 000 et 170 000 euros, détaille-t-il. Et cela est lié aux matériaux que nous utilisons dans la construction. Il y a trois ans, les armatures à béton en acier coûtaient environ 250 ou 200 euros. Désormais, il faut compter près de 850 euros. » Depuis 2021, l'État de Lagos a promulgué une loi pour la mensualisation des loyers. Mais ce texte local n'est pas contraignant, les propriétaires continuent d'exiger un an, voire deux ans de loyer d’avance.
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