Au Ghana, créer de l'emploi face à l'expansion de l'industrie minière
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Le Ghana est le premier exportateur d'or du continent. Une activité très rentable, mais pas sans conséquences sociales. Ces dernières années, de nombreux agriculteurs se retrouvent en effet sans emploi faute de terres à cultiver. En cause : l’expansion de l’industrie minière et la propagation croissante de l’orpaillage illégal. S’il est pour l’instant compliqué de lutter contre ce phénomène, des alternatives se mettent en place localement pour fournir du travail aux communautés affectées. Par exemple dans la région orientale, auprès d’une communauté de fermiers qui s’est reconvertie dans la fabrication de savon noir, un produit qui s’exporte jusqu’aux États-Unis.
Avec notre envoyé spécial à Juaso,
Aux abords de la commune aurifère de Juaso, en plein milieu de terres déboisées, cernée par des camions bennes et des pelleteuses, la fabrique de savon noir paraît bien vulnérable. Pour seul patrimoine, une bâtisse en béton pour stocker du matériel, et un auvent qui sert d’atelier de plein air. Dessous, une trentaine de femmes équipées de masques sanitaires, charlottes et tabliers colorés, s’activent autour d’un chaudron fumant. Parmi elle, se trouve Mary Nanquah, la trentaine. Voilà plus d’un an qu’elle a rejoint la communauté : « Ici, nous sommes tous originellement des fermiers. Quand les mineurs sont arrivés dans notre communauté, ils ont détruit toutes nos terres. Nous n’avions plus de travail », témoigne-t-elle.
Développer une vision et des projetsAssis en retrait, un homme acquiesce, l’air grave. Employé de l’ONG Advocates for community alternative, Francis Manu se souvient parfaitement de sa première visite à Juaso, en 2020, et du chômage généralisé qui sévissait dans cette communauté. Sa mission depuis lors : aider ces fermiers expropriés à sortir de la misère. « Ce que nous faisons ici, c’est essayer de redonner à la communauté le contrôle de son développement, explique-t-il. Quand on commence à travailler avec elle, on l’invite à trouver une vision, à se concentrer sur un projet unique, puis nous les aidons à hauteur de 9 000 dollars. »
Aujourd’hui, les marmites tournent à plein régime. À l’intérieur macère une pâte brunâtre, une préparation à base de poudre de cacao brûlée, mélangée à de l’huile et de l’eau, qui, une fois sur le feu, dégage une odeur toute particulière. Mais avant de pouvoir sentir ces effluves s’échappant de l’atelier, il a bien fallu apprendre la recette du savon noir.
De Juaso au marché américainC’est là qu’est intervenu Kaeme, une entreprise ghanéenne de cosmétique à la clientèle internationale. Freda Obeng-Ampofo, la fondatrice, se rend plusieurs fois par an à l’atelier. « Quand j’ai rencontré le chef d’Advocates for community alternatives, il m’a demandé de venir en tant que formatrice technique. Aujourd’hui, nous avons un accord particulier avec la communauté de Juaso. Nous avons pris le temps que l’on souhaitait pour les former, et maintenant, nous nous sommes engagés à acheter l’intégralité du savon noir qu’elles produisent », détaille la cheffe d’entreprise.
Grâce aux commandes de Kaeme, chaque fabricante de savon parvient à gagner 1 000 cedis par mois, une soixantaine d’euros environ. De quoi, selon elles, largement subvenir aux besoins de leurs familles. Mais ce revenu risque d’être menacé à l’avenir. Entouré d’exploitations minières, l’atelier de production n’est pas à l'abri d’être, un jour, détruit à son tour.